Dollar, une marque américaine ? Et bien non c’est une marque de moto bien française qui débuta en fabriquant des boîtes aux lettres pour la Poste et des serrures et cadenas pour Vuitton.
En 1923, Vuitton est déjà bien implanté aux Etats-Unis où on paie alors avec la fameuse pièce du Dollar-or à tête d’indien. De là viendrait, dit-on, l’origine du nom choisi pour la marque nouvellement créée par les Ets Delachanal et la SAVAVA de Georges Vuitton.
L’Amicale Dollar rassemble de façon à peu près stable environ 70 membres et 220 motos depuis sa création en 1997 par Jean-Michel Madranges. Il est toujours l’actuel président, assisté entre autres par Bernard Knapp, trésorier de l’association et organisateur avec Thierry Farges de cette exposition pour fêter le centenaire de la marque, à laquelle j’ai aussi très modestement participé. Les 20 motos exposées à ce Rétromobile 2023 représentaient toute la production de Dollar à l’exception des Majestic passées dans le giron de la marque en 1930 et de la mythique 750 quatre cylindres, vedette des salons des années trente dont on ne connaît que deux survivantes, l’une malheureusement indisponible et l’autre en cours de restauration.
L’histoire d’une marque, mais aussi celle d’un club avec une moto « sortie de grange » telle qu’on les trouve souvent et une autre qui vit son premier salon après une longue restauration. (à gauche une 500 S2 de 1930 et à droite une 350 R4 de 1931 et en vignette en haut à gauche, Jean-Michel Madrange, le président, en train de compulser ses dossiers pour répondre à une question).
Dollar, Foucher-Delachanal, Omnium métallurgique, SAVAVA, Vuitton, Majestic, Chaise, Moser, MAG… ces quelques noms résument toute l’histoire de la marque, et je laisse Bernard Knapp vous expliquer les liens entre eux.
Vers 1890 Eugène Foucher et Jean-Louis Delachanal, serruriers, fabricants de machines à coudre et de cycles s’associent en créant la marque Omnium. Leur première et éphémère réalisation mécanique est, en 1896, une voiturette bicylindre à pétrole avec laquelle ils tentent de participer à la course Paris-Marseille-Paris.
Grand chambardement au changement de siècle. Eugêne Foucher passe la main à son gendre Jean-Louis Delachanal et l’entreprise, trop à l’étroit à Paris, part s’installer à Charenton-le-Pont, car elle vient de remporter le très juteux marché de ces belles boîtes aux lettres en fonderie lancé par le préfet Mougeot (d’où leur surnom de mougeottes). L’Omnium continue parallèlement ses activités de serrurerie et la construction de bicyclettes et d’accessoires sous les marques Omnium et Spencer. Jean-Louis Delachanal décède en 1920, ses filles prennent la suite et, en février 1921, les Ets Delachanal fusionnent et lient leur nom avec la SAVAVA (société anonyme pour l’Achat et la Vente d’Articles de Voyages et Accessoires), une société créée par Georges et Gaston Vuitton (fils et petit fils de Louis, le créateur) à qui Delachanal vend serrures et cadenas.
De la serrurerie et du vélo à la moto, le pas est facile à franchir, car l’outil industriel est le même. Et, comme, le rêve est américain en ces années de l’immédiat après-guerre, les motos construites par Delachanal s’appelleront Dollar et se pareront même d’une tête d’indien pour faire plus vrai.
Comme la très grande majorité des marques françaises et étrangères de l’époque qui se comptent par centaines, Dollar est un constructeur-assembleur qui ne fabrique que ses cadres, garde-boue et divers accessoires et s’approvisionne pour le moteur, les roues, les freins et les accessoires auprès de fournisseurs spécialisés.
La première moto Dollar, présentée au salon de Paris de 1923, est une 125 cm3 à moteur Moser, une mécanique économique, mais à la pointe du progrès en étant le seul quatre temps à soupapes culbutées sur le marché dans cette cylindrée et qui plus est en bloc moteur-boîte deux vitesses. Deux ans plus tard, Dollar ne présente pas moins de sept motos au salon avec des cylindrées et des finitions différentes, et même un tandem et un triporteur. Fin 1927, l’usine déménage dans de plus vastes locaux quai de la marne, à Joinville-le-Pont. Le moment est, hélas, mal choisi , la population en âge d’acheter une moto a baissé suite à la guerre, les matières premières augmentent avec la crise financière de 1929, et les Ets Delachanal ne peuvent assumer les coûts de la nouvelle usine et la fabrication d’une très large gamme avec des modèles de 175, 250, 350 et 500 cm3.
En décembre 1930, la marque est absorbée par l’Omnium Métallurgique et Industriel auprès de laquelle elle est fortement endettée, car c’est elle qui produit les moteurs Chaise équipant la quasi-totalité de la gamme Dollar. Dollar devient du coup l’un des rares constructeurs à part entière puisque les moteurs sortent de la même maison. On espère alors un grand renouveau, d’autant plus que ce rapprochement des deux entreprises s’est déjà traduit au salon de Paris 1930 par la présentation d’un fabuleux prototype 500 cm3 quatre cylindres suivi par une 750 en 1933 qui ne sera hélas produite qu’à une petite dizaine d’exemplaires. L’O.M.I. a également racheté Majestic à leur créateur Georges Roy et les premiers prospectus ont d’ailleurs rebaptisé ces motos Royal-Dollar, mais les formidables Majestic produites de 1930 à 1933 garderont pourtant leur appellation originelle. En 1936, les mouvements sociaux fragilisent une fois de plus l’entreprise qui est contrainte de cesser la production des motos Dollar, mais l’O.M.I. poursuivra néanmoins la fourniture de pièces détachées jusqu’en 1955 dans ses locaux de la rue Auguste Lançon à Paris.
L’aventure continue aujourd’hui avec l’Amicale Dollar et avec l’aide de professionnels passionnés de la moto ancienne comme Paulik Motor (Gresse-en-Vercors 38650) et Chambrier père et fils qui refabriquent de très nombreuses pièces.
Comme toutes les belles histoires, celle de Dollar commence par des succès sportifs, ici avec Druz sur la 175 cm3 à transmission directe vers 1924 à la course de côte d’Argenteuil.
La version 125 BT de 1926 à boîte deux vitesses, transmission par courroie à la roue arrière et suspension avant par fourche oscillante appuyée sur ressorts à lames.
Toujours le petit moteur Moser à soupapes parallèles commandées par tiges et culbuteurs, mais sur cette 175 C de 1925, la boîte 2 vitesses Albion est séparée, la transmission primaire est à chaîne et la secondaire par courroie.
La 175 Dollar à moteur Moser continue d’évoluer en 1926 avec cette version DSC à transmissions primaire et secondaire par chaînes, une boîte française Staub à 3 rapports et une fourche avant à parallélogramme type Webb à ressort central.
1927 : Dollar choisit (presque) définitivement son motoriste, Chaise, avec ce 170 cm3 type I doté d’une boîte Staub 2 rapports. Trois ans plus tard sera présenté une BMA (bicyclette à moteur auxiliaire) également animée par un Chaise deux temps de 100 cm3 et monovitesse. Ce seront les seul deux temps réalisés par Chaise.
Les choses vraiment sérieuses commencent avec cette 500 L de 1928 à moteur Chaise, bien sur, et arbre à cames en tête entraîné par arbre et couples coniques. Merci au passage à Moto Magazine (reportage Dollar à suivre dans le prochain numéro) qui m’a gentiment laissé l’usage de son fond blanc et de ses éclairages. C’est quand même bien les photos façon pro !
Encore une ACT avec cette 500 LSS de 1929. Pour les nuls en Chaise, on reconnait facilement les version à ACT car l’angle inférieur avant droit du carter contient une pompe à huile qui est absente sur les modèles suivants à soupapes culbutées.
Une rare 250 P de 1929, fignolée dans ses moindres détails comme toutes les Dollar, comme on peut en juger par son feu arrière en vignette.
Toujours en 1929, une superbe 350 KSS à moteur Chaise ACT.
1930 : l’O.M.I. édite ce prospectus présentant sous l’appellation « Royal Dollar », la Majestic dont il vient d’acquérir les droits. Le nom sera utilisé très brièvement sur une 350 standard, mais les Majestic conserveront leur nom d’origine jusqu’en 1933.
Pour ses modèles les plus sportifs Dollar fit (rarement) quelques infidélités aux moteurs Chaise. Cette rarissime 350 Y de 1931 est ainsi équipée d’un moteur suisse MAG. On y remarque également l’apparition du fameux cadre Dollar dont la poutre supérieure et le tirant avant sont en acier matricé. Sur la 350 R4 de 1931 présentée un peu plus bas, la partie arrière du cadre et même la béquille sont ainsi construits.
Freins Perrot Piganeau : Henri Perrot ingénieur français pionnier de l’automobile débute en 1902 chez Brazier et dépose en 1910 ses premiers brevets sur les freins, un domaine qui le passionnera jusqu’à sa fin d’activité en 1956. Entre autres multiples réalisations, sa société Perrot & Piganeau 32-38 rue de Sanzillon à Clichy (qui deviendra Bendix en 1936) commercialise au tout début des années trente des tambours de freins pour moto utilisant le système de servo-frein Perrot Piganeau. Un Dispositif plutôt efficace avec trois cames de frein et un tout petit levier de commande caractéristique. Une autre particularité qui peut surprendre est que ces freins ne fonctionnent qu’en marche avant. Attention en descendant votre moto de la remorque !!
Le coeur de la gamme la 350 R3 à moteur Chaise culbuté était également disponible avec l’onéreuse option : transmission par arbre comme ici sur la machine de Gérard. Car oui, j’ai oublié de vous le dire, la plupart des propriétaires de ces belles Dollar avaient accompagné leur progéniture sur le stand.
La plus luxueuse de toutes, cette 350 R4 de 1931, brillant de tous ses chromes faisait sa première apparition publique à Rétromobile après quelques années d’un long travail de restauration de la part de Thibault, son jeune propriétaire trentenaire. Et on en profite pour noter avec plaisir qu’à l’Amicale Dollar comme à celle réunissant les René Gillet, chez Terrot et quelques autres tous les collectionneurs restaurateurs n’ont pas les cheveux blancs, loin de là.
Terminons cette longue visite avec la sportive Dollar 500 S4S de 1933 présentée par Francis, son heureux propriétaire et dotée de formidables sorties d’échappement filetées en aluminium et de pots relevés.
Bonjour .
Je lis l’article Dollar sur LVM. Mon père possédait une 350 Dollar et me disait toujours que une des publicités de cette marque était : » Rouler sur l’or c’est bien mais rouler sur Dollar c’est mieux » à peu près cela.
Il me le répétait toujours.
Voilà, c’était peut être une petite précision pour vous. Moi je viens d’acheter ma 115 ème moto. A cause de mon père j’imagine. Rire .
Bon sang, c’est bien vrai… sitôt demandé, sitôt fait. Il ne vous reste plus qu’à revenir sur l’article !
Oui François-Marie, demandez à votre gestionnaire de pages web.
C’est une technique très classique en utilisant Javascript (il comprendra !).
Et encore merci pour vos blogs !
Bonjour, pour mes écrits il suffit d’aller sur la page facebook « Dollar, Chaise et Compagnie » et/ou « Moto DOLLAR , Amicale Dollar ».
Concernant les sites généalogiques, ils ne ne sont pas d’accord y compris celui de Vuitton, un comble. Pour les uns, Georges et Gaston sont pères et fils, pour les autres jumeaux. J’ai donc été ressortir les actes notariés de sociétés (constitution, modification, transfert, assemblées extraordinaires et générale) que j’avais photocopiés il y a près de 20 ans dont mon ami feu André Castiglia, avait en copie et depuis peu Thiebault et Yann. TU AS RAISON, après vérification des actes et actes de naissances Georges et bien le père de Gaston. Si Georges est bien le premier commanditaire de la SAVAVA, il dirige la maison Vuitton, et il a confié à son fils Gaston la direction de la SAVAVA société des Etablissements Delachanal, tel est son nom, histoire qu’il se fasse les dents et prouve qu’il peut lui succéder ?
Je précise ce que j’ai écrits qui n’est pas compris, il y a deux choses distinctes, Georges Roy et la marque Majestic. Concernant Georges Roy, il a déposé, après la marque New Motorcycle, la marque New Motor Car pour désigner ses 2e et 3e machines que nous appelons l’une Majestic et l’autre improprement Majestic.
Concernant la marque Majestic pour laquelle Georges Roy n’y est pour rien, elle a été déposée pour désigner des cycles, motocyclettes, triporteurs et automobiles qui est le but de L’O.M.I.
En conséquence l’Omnium Métallurgique et Industriel a acheté en deux temps – NOUS SOMMES D’ACCORD SUR LE PRINCIPE. Primo : les droits du brevet à Georges Roy de sa New Motor Car, 2e type, mais sans sa marque New Motor Car. Secondo, la marque Majestic qu’elle appliquera commercialement à la 2e création de Georges Roy, une motocyclette perfectionnée brevetée. Avec la disparition de mon ami André je n’ai pas cherché les actes notariés pour savoir si l’O.M.I n’avait acheté que la marque Majestic ou s’était emparé de la maison qui détenait cette marque Majestic. Mais comme depuis le début de l’année dernière, 2 jeunes veulent poursuivre les travaux d’André, je les ai amené aux archives à Paris – ils le confirmeront – et ce point sera éclairci.
Quand au 3e type, après essai et accident de François Clech – j’ai ses archives – l’O.M.I ne l’acheta pas et Georges Roy poursuit son développement sous la marque New Motor Car mais ne trouva aucune société pour l’acheter et la mettre en production industrielle. Et celle-là, vous la connaissez aussi mais vous l’appelez improprement Majestic.
Pour les cadres coques on est d’accord.
C’est là notre point de divergence et pour le reste rien à redire. Parfait
J’aimerais bien offrir cette possibilité d’agrandissement, mais je ne sais pas faire. Je pense que mes pages sont limitées en largeur.Je vais voir avec mon webmaster.
Un très grand merci à François-Marie pour ce reportage, en particulier pour ceux qui n’ont pu se rendre sur place!
Juste un détail, pour les détails : serait-il possible d’avoir une image plus grande détaillée de ces magnifiques machines, par exemple en cliquant sur l’image ?
Bien entendu, pas question de tricher vis-à-vis des problèmes de copyrights de François-Marie !
Encore merci !
Brasier des voitures c’est avec un S. Très bel article sur les Dollar et leur club dynamique. Mon père roulait avec une Dollar presque aussi vieille que lui, ferraillée avant ma naissance. Pas de regrets, elle devait être usée au trognon.
Les moteurs Chaise ne m’ont jamais étonné pour la qualité de leurs aciers ou par les performances, mais par la simplicité de leur plutôt bonne conception, même si ils auraient mérité une culasse plus étoffée. Monsieur Jalibert le concessionaire de Périgueux m’avait dit que le montage d’origine n’était pas trés soigné et que certains clients avaient ramassé leur volant moteur sur la route. Un copain m’avait raconté que pour bloquer les fameux volants, les mécanos les serraient dans l’étau et bloquaient l’écrou.
Désolé, je n’avais pas lu tes écrits, mais si on dit la même chose, c’est bien. En lisant plus loin, tu aurais vu que je parle aussi de Louis Vuitton, de son fils Georges et son petit-fils Gaston seul rescapé des cinq enfants de Georges. Je n’ai pas compris la seconde partie de ton message. J’ai bien dit que les droits de Majestic ont été rachetés par l’O.M.I. en 1929 et que les Majestic à cadre coque de 1930-33 ont été construites par l’O.M.I. Pour info, j’ai interviewé Georges Roy en 1971 ou 72 et, sauf erreur, je dois avoir été le premier à avoir publié ces informations.
Bonjour, Enfin, une bonne nouvelle on reprend et valide ce que j’écris sur le pourquoi de la marque Dollar et la tête d’indien. Toutefois, la SAVAVA ce n’est pas que Gaston Vuitton, c’est aussi son frère jumeau Georges et leurs associés. La 1ère Dollar type A de 1924, n’est pas une motocyclette économique car le choix s’est portée, non pas sur un moteur comme écrit supra mais un bloc-moteur à soupapes en tête, deux vitesses et point mort qui s’adresse à la clientèle potentielle de la SAVAVA société des Etablissements Delachanal de Charenton, Louis Delachanal n’étant alors plus de ce monde. Désolé F.M.D mais cette affirmation est inexacte : « L’O.M.I. a également racheté Majestic à leur créateur Georges Roy ». Il a été racheté en 1929 à Georges Roy la licence d’exploitation de son brevet pour une motocyclette par la SA des Etablissements Delachanal – ex SAVAVA société des Etablissements Delachanal – qui a repris une « vielle » marque déjà existante « Majestic ». Merci à Yann Roux et Thiebault Jodocius.