1967 : L’Italie en pleine crise observe avec inquiétude la montée en puissance du Japon et tous ses constructeurs font des efforts colossaux pour assurer leur survie.
Dans ce pays qui vient de donner naissance aux plus beaux quatre cylindres de course, la majorité des constructeurs choisissent le bicylindre parallèle pour renouveler leurs gammes.
Mauvaise pioche. L’apparition de la quatre-cylindres Honda leur sera fatale à deux exceptions près : Moto Guzzi, bien sûr, grâce à son choix original d’un V twin face à la route, qui n’a alors pour concurrent que les BMW, et Laverda dont la 650 de 1966 bien vite transformée en 750 pour le salon de 1967, a puisé au Japon et chez les Honda CB77 en particulier, toutes les recettes de son succès.
Le déferlement de nouveaux gros bicylindres italiens, qui atteint sont paroxysme au salon de Milan d’octobre 1967, n’est pas uniquement motivé par la volonté de faire barrage aux Japonais, mais aussi parce que l’état vient de lancer un appel d’offres pour remplacer les sympathiques, mais vieillissantes Moto Guzzi Falcone 500 cm3 à monocylindre horizontal.
Italjet avec sa Grifo 500 et Ducati avec un 500 bicylindre culbuté sont les premiers en 1965. Ce n’est qu’une salve d’essais qui se poursuit en 1967 par un tir nourri. En vedette et en favori, Moto Guzzi additionne les atouts avec sa 700 V7. L’usine est connue pour la robustesse de ses produits qui équipent déjà les carabinieri, et le V7, une des plus grosses cylindrées offertes à cette époque, est le seul à offrir une transmission acatène.
Cette foison de belles italiennes bicylindres n’ont pas eu les mêmes carrières en leur temps, mais aujourd’hui elle sont toutes aussi désirables en collection… et en plus elles roulent !
Photos et archives © François-Marie Dumas/moto-collection.org
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Italjet
Comme toujours le grand Leopoldo Tartarini est en avance sur la mode et tire le premier au salon de Milan de 1965 avec la Grifo 500 présentée par sa marque Italjet. Premier jet d’une longue série de twins et de monos anglo-italiens, cette Italjet Grifo est animée par le Triumph 500 cm3 logé dans cadre double berceau maison et habillé d’une robe à couper le souffle, hyper moderne pour son époque.
Le marché s’orientant vers de plus grosses cylindrées (déjà), Italjet passe de la 500 à la 650 et présente en 1967, la Grifon 650 (Grifon avec un seul f, car le nom de Grifo est déjà pris par une autre marque) sur la base moteur de la Bonneville avec un cadre double berceau, une fourche Marzocchi et de superbes freins Grimeca. Il en sera construit environ 600 exemplaires, vendus entre 1967 et 1972 dans le monde entier excepté en Grande-Bretagne où aucune ne sera importée. Même l’usine Triumph n’en acheta pas un exemplaire pour le comparer à ses propres productions.
Ducati
On attendait beaucoup de Ducati qui s’était déjà fait remarquer en course avec une 250 bicylindre double arbre desmo en 1958-60 puis une 125 quatre cylindres en 1964 et la mythique 1260 V4 Apollo la même année. Que nenni, le V twin 750 n’apparaitra qu’en 1971. Ducati présente en 1965 une 500 cm3 à deux cylindres parallèles face à la route et soupapes culbutées qui est malheureusement obsolète dès sa sortie avec ses pauvres 36 chevaux face à la 450 Honda tout juste commercialisée. La marque de Bologne s’obstine pourtant à faire évoluer ce lourd bicylindre qui revient en 1968, sans plus convaincre, même l’armée. Victime de sa mise sous contrôle direct de l’état, Ducati doit suivre le cahier des charges établi par les bureaucrates qui le supervisent pour réaliser une grosse cylindrée susceptible d’équiper les carabinieri, ce sera une nouvelle fois, un 700 cm3 vertical twin conçu par Fabio Taglioni sur le même dessin que la 500 et présenté en deux versions fin 1967, avec des soupapes culbutées ou avec un double arbre à cames en tête entraîné par chaîne. Le moteur, qui comporte des balanciers d’équilibrage, a été essayé en calage à 180 ou à 360°. Les deux modèles sont fort laids — un comble en Italie — et bien que décriés par tous et même par leur concepteur, elles annoncent de très honorables puissances : 70 ch à 6 500 tr/min pour la culbutée et 80 ch à 7 500 tr/min pour la double arbre. Restylées, ces 700 auraient sans doute pu connaître le succès, mais Rome en décide finalement autrement en affirmant qu’il n’y a pas de marché en Italie pour une telle moto civile. Le projet est donc abandonné et laissant à Laverda le soin de prouver de belle manière que le marché était pourtant bel et bien prêt !
Gilera
La situation est catastrophique chez la marque d’Arcore au milieu des années 60. Les ventes qui tournaient autour de 20 000 motos par an en 1956-57 sont tombées à 12 000 en 1964-65. Elles remonteront étonnamment à 30 000 en 1967 avec de très belles exportations en particulier aux États-Unis. Conforté par ces succès, Gilera rappelle son ingénieur vedette, Giuseppe Salmaggi qui, après s’être déjà rendu célèbre en Belgique chez Saroléa, a créé la fameuse lignée des Gilera Saturno apparue en 1938, puis la Marte, la 250 V twin de GP réalisée en 1951 par Innocenti Lambretta avec Luigi Torre, et la Parilla 250 double arbre de 1948. Ouf ! Son retour chez Gilera se concrétise avec un tout nouveau 500 bicylindre face à la route qui n’est d’ailleurs présenté que dans sa version armée en ce salon de Milan de 1967. Ce renouveau à Arcore est malheureusement de courte durée et Gilera n’écoule que 11 000 machines en 1968. Une situation catastrophique qui conduit au rachat de la firme par Piaggio en 1969. Pas de chance pour la version civile de la 500 bicylindre, plus coquette et un peu plus puissante (40 ch à 7 500 tr/min), que Gilera vient de terminer et qui est sitôt abandonnée lorsque la vieille firme d’Arcore tombe dans le giron de Piaggio.
Laverda
La 650 Laverda dévoilée à Londres en novembre 1966 est au départ le plus critiqué des bicylindres italiens à cause de sa très forte ressemblance avec les Honda CB 77 à qui elle a emprunté les lignes taillées au carré de ses cylindres, le calage à 180° (encore que la Honda ait été produite calée à 360 ET à 180°) et le cadre poutre supérieur ici tubulaire et non pas en tôle emboutie comme sur la Honda. Ce choix s’avérera le meilleur et ce sera le parallel twin italien qui aura la plus belle carrière. À l’inverse des technocrates présidant aux choix de Ducati, Laverda est convaincu que l’avenir est aux grosses cylindrées et au salon de Milan 1967 leur bicylindre est devenu une 747 cm3 avec un alésage passé de 75 à 80 mm (pour une même course de 74 mm), une esthétique considérablement remaniée et un double frein avant de plus grand diamètre.
… à suivre avec les bicylindres Moto Guzzi et Benelli à la fin des années 60, une autre longue histoire
A ma connaissance le V twin Lambretta a été conçu par l’ingénieur Pier Luigi Torre, celui-là même qui est à l’origine des fameux scooters de la marque et Giuseppe Salmaggi à qui on doit entre autres les Gilera Saturno, la Gilera 500 twin de 1967 et la Parilla bialbero, mais je ne sais pas ce qu’il a fait chez Moto Guzzi.
you might look to an earlier design of the moto guzzi v twin the lambretta v twin of 1951 250 gp ,the same designer worked at lambretta then moved to moto guzzi his name was salmaggi
Et bien justement, la 650 Benelli Tornado sera l’objet du second chapitre de ce retour sur l’histoire des twins italiens de la fin des années 60.
En grande partie quand même parce que l’importation des japonaises dans cette tranche de cylindrée était interdite en Italie…
Les moteurs la 700 de 1967 et des 500 sorties dix ans plus tard ont bien une ressemblance vue de l’extérieur mais ils sont totalement différents, entre autres avec une distribution culbutée pour le premier et un simple ACT pour les 500.
Le moteur du prototype de Ducati 700 1967 n’a t’il pas un (gros) air de parenté avec la 500 GTV/GTL apparue une decade plus tard ?
Excellent ! Il m’aura fallu arriver en 2021 pour découvrir ces modèles/prototypes et pourtant j’en ai des bouquins sur la moto ! Et, encore une fois, quelle démonstration de ce qui arrive dans une entreprise quand les décisions sont prises par des gens qui ne connaissent pas le domaine d’activité de la structure dont ils ont les commandes …
Moto Morini sera à la traine sur ce sujet et lancera la 350 bicylindre en V seulement en 1971 au salon de Milan. Celle ci sera renommée 3 1/2. Cette moto bien trop chère pour le marché européen, fera un tabac en Italie
Merci
Ben oui, toutes ces motos étaient plutôt bonnes, mais toujours très mal importées et distribués dans l’hexagone. Une de mes favorites était la Benelli Tornado, dont tu m’avais dit avoir gardé un souvenir mitigé avec un blocage
du frein avant dans la Vienne! Les laverda était très exigeantes au niveau des muscles du pilote: tout était raide la dessus. Elles ont eu un certain succès qui n’a pas duré. L’importation des Ital Jet a été anecdotique en France avec de belles machines…pour le marché américain.
Merci pour vos articles et votre grande connaissance
Après une tentative sans lendemain calé à 180°, le gros bicylindre Laverda est commercialisé en 360°
Amicalement
Paul Marx
Génial !