À la poursuite de la moto idéale, George Brough abandonne à quatre reprises ses chers V twins pour tenter le quatre-cylindres. Mieux encore, il présente en 1931 une quatre pattes à trois roues !
Photos FMD/moto-collection.org – Le lien en bleu renvoie vers la présentation complète de la moto
Après ses V4 de 1927 et quatre cylindres en ligne de 1928 qui restèrent au stade de prototypes, George Brough s’obstine et lance en 1931 une moto quatre cylindres basée cette fois sur le moteur automobile de l’Austin A7 qui, très largement produit, a largement fait ses preuves. Il évite aussi à Brough Superior qui reste une petite usine, de se lancer à nouveau dans la très coûteuse étude d’un moteur. Problème, le 750 cm3 à refroidissement liquide de l’Austin, qui ne développe que 13 chevaux anémiques, est un quatre-cylindres triste et vieillot, à soupapes latérales et vilebrequin, sans contrepoids, ne tournant que sur deux paliers. William Brough, le père de George est chargé du développement du prototype et de muscler un peu la mule. Il fait ce qu’il peut, réalise un nouveau vilebrequin renforcé, augmente l’alésage de 1,9 mm pour faire passer la cylindrée à 800 cm3 et coiffe le tout d’une culasse haute compression en aluminium siglée Brough Superior. Le moteur gavé par un unique carburateur maigrichon fait ainsi un bond à 24 ch, ce qui reste quand même bien inférieur à la puissance des V twin de la marque, même si les améliorations successives de l’Austin-Brough permettent finalement à la monture spéciale de que George Brough utilise dans les rallyes de l’époque d’atteindre 33 ch, toujours vers 4 600 tr/min, 120 km/h en solo contre 100 avec site.
Toute tentative d’adapter le moteur Austin dans un cadre de moto traditionnel s’étant révélée impossible à cause d’un empattement prohibitif, causé par le renvoi d’angle et une transmission par chaîne, le génie délirant de George Brough, très inspiré dit-on par le whisky local, invente la moto à trois roues (comme l’avait d’ailleurs déjà fait Rex, en 1906). Les centres des roues ne sont en effet espacés que de 19,5 cm alors que la loi britannique (à l’instar de la norme européenne d’aujourd’hui qui considère les Piaggio 125 MP3 à voie étroite comme des motos légères) dit que deux roues sur un même axe et sans différentiel espacées de moins de 45,7 cm sont considérées comme une seule. La Brough utilise deux roues arrière jumelées avec une transmission par arbre et couple conique entre les deux, bien en ligne avec l’arbre de sortie de la boîte d’origine Austin. Tout comme aujourd’hui nos scooters inclinables à voie étroite, ce trois-roues est légalement considéré en Grande-Bretagne comme une motocyclette. La conduite en solo avec un tel à-plat à l’arrière s’avère, on s’en doute, délicate, mais pas impossible comme il le fut prouvé à plusieurs reprises. C’est bien évidemment attelée d’un side-car que cette Brough Austin donne le meilleur d’elle-même avec une excellente adhérence de l’arrière et une souplesse appréciable. Elle est normalement accouplée d’un side-car Brough avec deux seules attaches inférieures, mais après qu’une rupture de l’attache avant a causé une fâcheuse sortie de route à George Brough himself durant l’Edimburgh Trial en mai 1932, la firme adopte une troisième fixation. Sur les machines survivantes, dont celle présentée ici, on trouve même une seconde attache supérieure (soit quatre en tout).
Cette pauvre mécanique jointe à un concept aussi déroutant ne séduisirent guère les inconditionnels de la marque habitués à des prestations plus brillantes et la Straight Four ne se vendit qu’à dix exemplaires entre 1931 et 1934 ! Il est vrai qu’à 160 £ en version solo en 1932 (188 £ avec side-car), cette Brough-Austin valait seulement 10 £ de plus que la mythique SS 100 garantie pour 175 km/h et détentrice record du monde de vitesse à 207,73 km/h !
Les motos voulant se déguiser en bagnoles (ne satisfaisant ni le motocycliste ni l’automobiliste) ont toujours
été des fiascos. Le choix du poumon bon marché de chez Austin était le pire qui soit pour une moto de prestige!
Très belle machine en avance pour son temps, chapeau pour la documentation, Louis