Même type d’équilibre, même plaisir à se balancer d’un virage dans l’autre, la moto et le ski ont bien des points communs, mais de là à marier les deux, il y a un grand pas que certains constructeurs ont pourtant franchi ; à fortiori les militaires qui, comme on le sait, ne reculent devant rien.
Un clic sur les noms en bleu renvoie sur la fiche de la moto ou de la marque concernée. Archives et Photos FMD/moto-collection.org
Première solution : empêcher la moto de glisser.
Pour cela dès les premières années du siècle, les accessoiristes inventent le bandage clouté (l’ancêtre de nos chaînes actuelles) qui se fixe par une lanière autour du pneu.
Évidemment ce dispositif ne supporte pas la puissance et ne tient pas dans le temps, mais il faut attendre 1933 pour que Michelin invente le pneu à clous pour automobiles. Une technique qui ne sera jamais populaire en moto bien que fort efficace. J’ai moi-même effectué des milliers de kilomètres au début des années 70 avec des pneus trails cloutés (en particulier avec un essai de Motobécane 350 trois cylindres à sa sortie en 1973) et je peux vous assurer que c’est parfaitement efficace sur verglas. En contrepartie, il faut y aller mollo sur route sèche pour les prises d’angle et le freinage. (Les pneus cloutés sont maintenant interdits sur route, mais les amateurs de virées hivernales en chaussettes à clous peuvent toujours se fournir sur www.koldkutter.ch et divers accessoiristes automobiles).
Les pneus cloutés servent aussi sur circuit. Nous entrons ici dans un autre monde, les motos monocylindres quatre temps alimentées au méthanol et équipées de 500 clous de 75 mm aiguisés comme des rasoirs sur chaque roue s’accrochent à la glace et permettent des angles ahurissants où le pilote s’appuie sur la jambe protégée par un morceau de pneu. Les ice-race ou courses sur glace apparurent vers 1925 en Allemagne. Devenues fort populaires en Russie et dans les pays scandinaves, elles font partie des championnats du monde depuis 1966 et sont principalement dominées par les Russes. En 1977 eut aussi lieu la première course sur glace à Oklahoma aux Etats-Unis et il y a dorénavant un championnat US dans ce sport.
Une vraie moto d’Ice-race, la Jawa 500 type 889 de 1962, et un exercice de salon sur base de Ducati 500 Pantah en 1982.
Deuxième solution : maîtriser la glisse
Vaut-il mieux s’accrocher ou glisser ? Quitte à glisser autant maîtriser et comme poser le pied par terre n’assure pas une assise suffisante si la neige est molle
Essai « en station » de la première Honda 500 CX arrivée en France en 1977… et sans pneus cloutés !
L’eûtes-vous cru ? Il semble bien que l’idée d’une moto mariant ski et chenille ou roue cloutée soit aussi vieille que la moto elle-même. On découvre en effet à la page 15 de l’indispensable et désormais introuvable « La Motocyclette en France de 1894 à 1914 » de Jean Bourdache, un dessin d’époque de la moto de Daimler de 1885, premier deux roues à moteur à pétrole, équipée d’un ski avant, d’une roue cloutée à l’arrière et de deux patins latéraux en place des traditionnelles roulettes (le tout breveté en septembre 1885 !). Le véhicule aurait même été vu en action sur un lac gelé voisin des ateliers de Herr Docktor Daimler.
Les skis latéraux deviennent très populaires dès la fin des années 20 en Russie et dans les pays scandinaves. Il s’agit alors de skis articulés sur le cadre sur lesquels le pilote peut prendre appui pour mieux contrôler sa glisse. Le dispositif fort efficace, a été longtemps utilisé par les armées finlandaise et suédoises.
Dérivée de la 500 Moto Guzzi Alce, cette rare version baptisée Cigogna fut réalisée pour l’armée finlandaise à la fin des années 30.
Des skis, oui, mais pas que ! Ceux proposés par l’accessoiriste allemand Framo en 1930 se replient vers l’avant pour servir de pare-jambes.
À gauche une paire de skis à fixer sur la moto, à droite un support proposé en 1932 en Autriche pour transporter ses skis en moto (ici une Zündapp).
Deux autres exemples de motos de l’armée suédoise équipées de skis. À gauche sur le prototype Hägglunds de 1972 et à droite sur une 250 Husqvarna de 1976.
Les compléments des lecteurs
Jacky Pichaud, fidèle lecteur du blog, m’adresse en complément cette notice de montage en cyrillique pour Jawa en version des neiges dotée non seulement de skis latéraux articulés, mais aussi d’un ski-sabot pour la roue avant et de chaînes enroulées autour du pneu arrière. (doc emprunté à ManxNorton.com).
Les skis latéraux repliables faisaient partie du cahier des charges exigé par l’armée finlandaise Voir par exemple la Guzzi « Cigogne » dans l’article.
Brrrr!
Il me semble que Jawa avait équipé des motos d’un système de skis quand ils fournissaient l’ armée Finlandaise. Le side-car et le pétarou sont les seules machines qui m’aient procuré un peu de plaisir sur la neige….
Très ingénieux ce système ! À essayer… Dans un article de Moto-Revue, Robert Sexé explique avoir testé ces skis pour moto en Scandinavie. Il mentionne deux fabricants : le suédois « D.S. Skiddan et l’allemand Stockdorf (Munich). Il ajoute : « j’ai même vu dans le nord de la Norvege et de la Finlande des motocyclistes qui les gardaient même l’été ! sur leurs machines. Bien mieux, ils s’en servaient par habitude, au passage des bourbiers et dans les endroits particulièrement gras »
Moto-Revue nº314, 16 mars 1929, p. 318-319.
Moi, rouler sur la neige à moto, ça me laisse de glace !
PS l’Aermacchi À la Verde, c’est tout de même plus stable sur sa béquille !