Le football se joue aussi à moto et le Championnat d’Europe des Nations de motoball se déroulera du 26 au 31 juillet 2016 à Budel (Pays-Bas). Un peu d’histoire, en attendant. Créé dans les années vingt, ce sport aussi spectaculaire qu’intense connaît ses heures de gloire dans l’après-guerre et s’il est moins populaire aujourd’hui, il reste toujours actif sous l’égide de la Fédération Française de Motoball.
Photos archives FMD/moto-collection.org sauf indication contraire
Le motoball, enfant bâtard du motocyclisme et du ballon rond, est né en 1926 et a débuté en France en 1932. Dans ces années là, comme d’ailleurs après la deuxième guerre mondiale, les grands matchs attiraient plus de spectateurs que les rencontres de foot. Le motoball retient du football la taille de son terrain et le rôle de ses joueurs, qui sont seulement au nombre de six par équipe (plus un remplaçant) et tiennent des postes d’avants (trois), d’arrières (deux) et de goal (un). Les comparaisons s’arrêtent là. La balle du motoballeur mesure 40 centimètres de diamètre et pèse 900 grammes. À l’inverse du football, les arbitres de motoball, deux pour la touche et deux pour le terrain, sont habillés en blanc et ils arpentent la pelouse à pied. Jusqu’en 1970, les gardiens jouaient encore en moto. Leur monture ne devant pas peser plus de cinquante kilos, ils utilisaient un cyclomoteur démuni de pédales et ils devaient rester en selle jusqu’au départ du coup de pied visant leur cage. En début de match, les goals faisaient un tour d’honneur pour prouver l’état de marche de leur machine, mais ils pouvaient ensuite couper le moteur pour le reste de la partie. Comme lors d’un tir au but, les joueurs ne peuvent pénétrer dans la surface de réparation, certains goals n’hésitaient pas, pour boucher leur cage au maximum, à plonger d’un côté et à pousser leur moto de l’autre. Les motos de motoball sont surbaissées et cerclées d’une barre pousse-ballon à l’avant du bas moteur qui empêche la balle de passer sous la machine. « Pour avancer, un bon motoballeur emprisonne le ballon entre son pied et le pousse-ballon, tout en lui permettant de tourner, car il est interdit de porter la balle avec le pied », explique Marc Boeri, qui fut l’un des spécialistes de ce sport. « Si le pied est trop bas, le ballon passe par-dessus. S’il est trop haut, la balle file dessous. En fait, le porteur du ballon roule toujours avec la jambe légèrement en l’air et écartée. Une posture vite extrêmement fatiguante. » Pas étonnant donc qu’un match de motoball comprenne quatre périodes: une première de vingt minutes et une seconde de quinze. Les équipes changent alors de camp et rejouent pour quinze, puis vingt minutes avec dix minutes de pause entre chaque manche. Autres manœuvres exténuantes, le changement de pied (l’envoi du ballon en avant et sa récupération avec l’autre pied) et les demi-tours, lancés ou à l’arrêt. Les tirs au but demandent aussi beaucoup d’entraînement. Comme au foot, les règles du motoball admettent les coups francs, les corners et les penalties, mais pas les hors-jeu. Dernier point à respecter: le porteur du ballon ne peut être attaqué que du côté où la balle se trouve. Lorsque, dans les années trente, ce sport commença à prendre de l’ampleur, les constructeurs conçurent des machines spécifiques pour remplacer les bricolages maison utilisés jusqu’alors. La firme mâconnaise Monet-Goyon proposera une 250 cm3 deux-temps à moteur Villiers, équipée d’un simple, puis d’un double échappement, d’une fourche avant haubanée renforcée, d’une boîte deux vitesses, d’une double pédale de frein… Vous avez dit deux vitesses? Bien sûr, car grand comme un vrai terrain de football, le bac à sable favori des motoballeurs n’exige pas plus d’une vitesse courte pour les dribbles et les petits déplacements, et une vitesse longue pour les échappées solitaires. Dès 1936, Monet-Goyon remplace le moteur Villiers par un quatre-temps maison, monté dans la même partie cycle. Terrot et Prester-Jonghi se mettent aussi au motoball, mais le quatre-temps mâconnais reste un des favoris des terrains. « Ces machines étaient très puissantes d’origine, explique Marc Boeri. Elles étaient comprimées par des pistons bombés et tournaient avec un mélange 50% essence et 50% benzol. Comme elles cassaient souvent, le motoball club de La Seyne les a remplacées par des Nougier. » Jean Nougier l’un des artisans-constructeurs les plus célèbres de France raconte. « Je suis venu à ce sport en 1947. Les dirigeants du motoball d’Avignon venaient de commander des 250 Monet-Goyon à culbuteurs, qui avaient été extrêmement mal montées par l’usine. Elles connaissaient d’origine des problèmes de calage d’allumage et de croisement de soupapes… Avec mon frère Henri, nous avons fait pendant plusieurs saisons, l’entretien des motocyclettes avignonnaises. » Les matchs avaient lieu sur les stades de la région, mais aussi, pour les grandes rencontres à Troyes, Houlgate, Versailles, Mulhouse ou Villefranche-sur-Saône (les grandes équipes de l’époque). De déplacements en démontages de moteurs, Jean Nougier se met rapidement à concevoir ses propres machines de motoball. Cadres et suspensions à parallélogrammes renforcés (qui à l’inverse des fourches télescopiques ne vrillent pas lors des chocs) sont usinés maison. « J’ai développé un prototype sur une base de 500 Terrot ramenée à 250 cm3 car le quart de litre devint le maximum de cylindrée autorisée, explique notre spécialiste. Dans un premier temps, nous avons fait une demi-douzaine de ces motocyclettes à moteurs quatre-temps. » Manier un ballon en même temps qu’une poignée de gaz n’est pas chose simple. « En général, un très bon joueur est un très mauvais motard, qui n’économise jamais sa moto, reconnaît Jean Nougier. Dans les cafouillages, les motoballeurs restent sur place avec l’embrayage tiré et le moteur qui tourne à fond. Alors les embrayages souffrent, sur les quatre-temps les ressorts de soupape cuisent, la distribution casse… Il nous est arrivé, pendant un même match, de démonter deux fois un même moteur pour refaire sa distribution… » Le règlement permet, en cas de problèmes techniques, d’échanger la moto invalide contre celle du remplaçant. Jean Nougier avait à l’époque son essayeur attitré, en la personne de Jean Pradès. « J’ai eu toute sorte de machines des Monet-Goyon, Kœhler-Escoffier, Terrot, Magnat-Debon, … nous raconte-t-il « Mais je dois reconnaître qu’en étant le premier à disposer des Nougier, j’ai longtemps été le plus rapide sur les terrains, car ces motos étaient bien plus maniables que les autres. »
Nougier invente le deux temps
En suivant le motoball club d’Avignon, Jean Nougier tire la conclusion de ces matchs très disputés: « le quatre-temps était fragile pour tous ces joueurs peu économes en mécanique. J’ai préconisé aux dirigeants de passer au deux-temps. Cette mécanique simple savait être un bon tracteur, la qualité première d’une machine de motoball, et d’être résistante. En plus, elle était beaucoup moins chère à fabriquer. Une culasse de deux-temps coûtait quarante francs, alors que la culbuterie d’un moteur à soupapes revenait à près de mille francs. Tout le monde avait donc avantage à passer au deux-temps, surtout que les recettes d’un moto-club n’étaient pas lourdes. Nous avons travaillé avec le moteur deux-temps 232 cm3 Villiers. Petit à petit, nos machines ont fait leur propre publicité et nous en avons vendu près de deux cent avec le Villiers 232 cm3 puis, une centaine avec le Villiers Starmaker qui développait 25 ch, près de deux fois plus que le 232. Ensuite nous avons encore fait une centaine de motos équipées du 250 Maico spécial motoball ». Les moteurs tournant toujours à plein régime en motoball et les joueurs n’y connaissant pour la plupart rien à la moto, nous utilisions un mélange à 18%. Bien sûr, les motos fumaient un peu à l’entrée sur le terrain, mais plus du tout dès que la partie était engagée. Les pédales de frein étaient montées jumelées, une à droite et une à gauche, car le joueur a le ballon tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Le passage des vitesses s’opérait de même par un levier à droite et un à gauche, en plus des leviers de débrayage à gauche et du frein avant à droite. C’est une idée qui a eu l’agrément de tous les joueurs ».
La France trois fois championne d’Europe
Bien que le motoball ait perdu sa popularité d’antan, les équipes françaises réparties dans le sud est et le nord restent au plus haut niveau international et notre pays fut champion d’Europe des nations en 1982, 93 et 99. Elle courait alors avec des motos Mallon à moteur Rotax et son plus grand adversaire était la Russie équipée de Vostok.
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