Le Wankel, c’est l’avenir, pense BSA en 1969 et le groupe britannique lance à grands frais l’étude d’une moto à moteur rotatif que va reprendre NVT, Norton Villiers Triumph, après faillite de l’empire BSA en 1973. Un cadeau vraiment empoisonné.
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L’idée du moteur rotatif naît dans les années 30 où le docteur Félix Wankel développe à Lindau ce curieux concept d’un piston rotatif plutôt qu’alternatif. Après guerre, Félix rejoint NSU et y perfectionne son projet qui passionne tous les motoristes mondiaux. Ce moteur léger, compact et pratiquement exempt de vibrations, offre des qualités bien séduisantes en particulier pour la moto. Son problème majeur est le refroidissement du rotor interne et sa gourmandise n’inquiète alors pas trop les techniciens. La crise du pétrole n’est pas encore là.
Après Curtiss-Wright pour l’aéronautique en 1958, NSU et Mazda pour l’automobile, deux marques reprennent successivement les brevets en 1960. MZ, qui développe la première moto à moteur rotatif dès 1965, puis Fichtel & Sachs qui produira la première moto rotative de série, l’Hercules 2000, en 1974. Les brevets ont entre-temps été rachetés par Yamaha, Honda, Kawasaki et Suzuki qui sera le seul à commercialiser son projet, le mono rotor RE 5 présentée au salon de Tokyo 1973. Sans oublier la très belle Van Veen 1000 OCR dont il ne sera produit qu’une dizaine d’exemplaires. Séduit, comme toute l’industrie, BSA/Triumph prend une option sur l’utilisation de ces brevets en 1969 et engage David Garside, un jeune et brillant ingénieur pour étudier la faisabilité d’une moto ainsi motorisée. L’expérimentation commence avec le monorotor Sachs de 294 cm3 que l’équipe de Garside fait passer de 18 à 32 ch et l’avenir s’annonce radieux pour ce projet sur lequel près de 240 personnes du service R&D de BSA-Triumph travaillent en 1970. Hélas, le groupe sombre et il ne reste plus que neuf personnes en charge de ce développement en 1972. Les actions BSA dévissent brutalement en mars 1973, le groupe BSA dépose son bilan et le gouvernement charge alors Dennis Poore, responsable du Manganese Bronze Holding déjà propriétaire de Villiers et AMC (AJS-Matchless-Norton), de redistribuer toutes les branches de l’énorme empire BSA qui comprend les Lancashire cars, les taxis londoniens, la construction de machines outils, et nombres d’autres activités. Denis Poore scinde le groupe en deux : toutes les productions en bonne santé passent sous l’égide du Manganese Holding et Daimler est vendu à Jaguar tandis que la moto, éternel parent pauvre, est regroupée par NVT – Norton-Villiers-Triumph (un acronyme où le nom même de BSA a disparu bien qu’il soit propriétaire de Triumph depuis 1951 !).
Transféré au R&D de Norton, David Garside, assisté par le célèbre Doug Hele, ancien boss technique de BSA, convainc Denis Poore, d’abandonner tous les autres projets pour concentrer ses maigres moyens sur le rotatif dont les premiers gros investissements ont déjà été réalisés par BSA. Pour tous les constructeurs planchant sur le Wankel, le gros problème est le refroidissement. Pour un même nombre de tours, il y a avec le rotatif, deux fois plus de phases de combustion que sur un moteur quatre temps à piston, le moteur est beaucoup plus compact et son rotor est bien difficile à refroidir. Sachs tenta de résoudre le problème en faisant passer l’air admis par l’intérieur du rotor, mais le mélange envoyé ensuite dans le moteur était trop chaud et faisait tomber la puissance. Garside améliore l’idée en renvoyant l’air réchauffé par son passage dans le rotor vers une chambre de tranquilisation d’environ 5 litres d’où il repart vers le carburateur avec un mélange qui est passé de 100 à 50° C.
Garside et Doug Hele optent finalement pour un birotor de 588 cm3 conservant les côtes internes du monorotor de 294 cm3 précédent. Il est largement aileté et incliné de 15° vers l’arrière par rapport à son axe principal de manière à ce que la face du trochoïde située entre la bougie et l’échappement soit face au flux d’air. L’esthétique est tout à fait réussie et, c’est important, parfaitement acceptable par les motocyclistes d’alors choqués par le refroidissement liquide sans ailettes. Ce beau moteur qui pèse 45 kg est suspendu sous le cadre par deux tunnels plats en fonderie d’alu qui servent à transférer l’air de refroidissement interne des rotors vers la chambre de tranquilisation. Il est testé sur une base d’une Triumph Bandit « P39 » en 1973 qui atteint déjà les 70 chevaux puis d’une Norton en 1974 qui reprend l’habillage et l’accastillage de la Commando avec un cadre poutre supérieur et la chambre de tranquilisation au-dessus du birotor.
Norton rachète en 1977 les machines outils spécifiques au moteur Wankel à Sachs–Hercules et la future Rotary, devenue P42 en 1976, reçoit un nouveau cadre avec une grosse poutre supérieure rectangulaire en tôle d’acier de 1,5 mm qui fait office de réservoir d’huile de quatre litres dans sa partie arrière et de chambre de tranquilisation sur l’avant. Le birotor est accouplé à une boîte de Triumph T140. Dennis Poore est persuadé que sa « Rotary » développée à l’usine de Shenstone va remplacer la dernière Norton Commando sortie des chaînes en 1977 et ramener sa marque au premier plan en équipant des motos, des bateaux, des pompes et des générateurs, y compris, c’est prémonitoire, pour recharger les batteries de voitures hybrides à moteurs électriques.
Hélas, NVT va de plus en plus mal. En 1975, l’équipe du R&D à Kittsbridge ne compte plus que trois personnes, dont David Garside. Devenu le seul constructeur de moto à persévérer dans le rotatif avec son birotor refroidi par air, Norton continue sa mise au point de 1979 à 1982 et, en 1983, les machines de test couvrent près de 50 000 kilomètres en dix semaines avec l’assistance semi-bénévole de la police et de quelques passionnés.
Cette même année, Garside développe une version à refroidissement liquide du birotor prévue initialement pour l’aéronautique et en vend la licence à une société américaine, mais la crise met fin au projet excepté pour un monorotor NR-731 refroidi par air qui pèse à peine plus de 10 kg et développe 38 ch dont Norton vend 75 exemplaires pour des drones militaires (eh oui, déjà !).
En 1984 le birotor est enfin en production, pour la Police, et la version à refroidissement liquide est en plein développement. Ce sont pourtant des versions à air dont la RAF et la RAC commandent cent exemplaires en 1986. « Nous avons passé plus de temps à résoudre les problèmes du birotor à air qu’il ne nous en aurait fallu pour mettre la version liquide en production » se lamente Garside.
Sans moyens et avec une équipe réduite, les temps de développement sont si longs que les versions prévues sont perpétuellement en retard sur la mode et sur les puissances comparées aux modèles concurrents ; les premiers moteurs atteignent 72 chevaux, puis passent à 82 ch. Atteint par un cancer de la moelle osseuse, Denis Poore se décide à vendre la société et meurt en février 1987. C’est un jeune financier sud-africain de 35 ans, Philippe Le Roux, qui reprend les rênes de Norton Motors et décide de produire sans délai 100 unités de la version à air qui sera instantanément vendue sur catalogue en décembre 1987 pour 6000 £. Il charge ensuite Brian Crighton, ancien pilote et concessionnaire, de développer une version course avec d’indéniables succès sur circuits, mais aucune suite commerciale. En 1992, l’écurie Norton perd son principal sponsor Imperial Tobaccos. Les ultimes Norton rotatives sous les couleurs de Duckhams apparaissent en course pour la dernière fois en 1996.
Moto merveilleuse et fiable qu’est la Norton F1 de 1991 ou malheureusement peu de personnes connaissent.
Et que je possède puisque c’est la quatre vingts treize iemes des 134 qu’il y a eu de fabriquées dans le monde .
Je n’ai pas manqué de partir avec aux 50 ans du Rotary club à Birmingham,ni même aller voir courir les motos au circuit de l’île de Man .
Les anglais en furent surpris et plus encore quand je leur ai prouvé par ma carte grise qu’elle avait été importée en France.
Tout comme je suis parti avec à Hersbruck aux 50 ans du moteur Wankel par des autoroutes non limités à plus de 200 km/h .
Oui j’ai eu droit à ma panne sèche car les pompes à essence sont très rares .
J’ai dû pousser au moins 4 kms ….ce qui est peu ..,
Ne pas oublier que la cylindrée commerciale annoncée est celle d’une seule chambre par rotor.
La vraie cylindrée est triple.
Une cylindrée « équivalente » comparative et arbitraire a été négociée au 2/3 de la cylindrée réelle.
J’ai retranscris la très instructive réponse d’un spécialiste du rotatif, José Gros-Aymerich et j’ai bien sur corrigé dans mon texte le bi rotor de Suzuki qui n’était qu’un mono. F-M.D
Bonjour: merci bien par vôtre excellente travail: ‘Norton Rotary: le cadeau empoissonné de BSA’.
Je voudrais souligner une petite inexactitude: le moteur de la Suzuki RE-5 n’etait pas un birotor, mais un moteur a un seul rotor, 495 cc par chambre, ou comme ça. Je dirias qu’il a echoue par des problemes carburation au premier modele.
Le Suzuki avait un rotor refroidi par huile, stator refroidi par liquide, comme les NSU et Mazda.
A vraie dire, non seulement les dimensions sont semblables au Birotor Comotor, qui modifié, a ete installé sur les Van Veen, mais les segments d’arete, en ferrotic, les segments laterales, et le rotor meme etaient interchangeables avec les Comotor derniere generation, possiblement aussi avec les NSU Spider Wankel et Ro-80,
J’ai fais recemment une visite au village Alfortweiler, en Sarre, ou se trouvait l’usine Comotor, sans y en trouver aucune indication.
Je vous souhaite une belle saison. Merci bien. Salut +José Gros-Aymerich Membre de SAE; AEHS; Hercules Wankel IG; ESMO; NYAS
Et plan, encore une nouvelle application. Merci FAJ
il y a quelque temps j’ai épluché un moteur Sachs-Wankel dans les pages tec de LVM. Lubrifié par mélange comme celui des tondeuses Wolf, bien qu’il ne fonctionne pas selon le cycle à 2 temps. Il servait à motoriser le groupe hydraulique actionnant les affûts anti-aériens de l’Arméee française
Ah oui, même Ural a eu son prototype à moteur rotatif.
Des tondeuses Wolf en on été équipée également (Sachs).
Erreur de ma part : il s ‘agit de la revue « Motorcyclist Illustrated » de Mars 1973 et non « Motorcycle Illustrated ».
Merci d’avoir cherché. Je prépare donc une courte suite avec les autres rotatives y inclus les Honda et Kawasaki, pas très connues non plus
Je n ‘ai pas réussi a retrouver le magazine dans toute ma collection mais j ‘ai retrouvé son titre : « Motorcycle Illustrated » de Mars 1973 avec en couverture une photo de la « Roto-Gannet ».
Bonjour,
Tout d ‘abord mes excuses a « Motocine » car a la relecture de tous les commentaires hier je me suis aperçu que tu avais rajouté l ‘OCR 1000 Van Veen dans ton inventaire sans doute sur sa demande, ma remarque n ‘avait donc pas lieu d ‘être.
En ce qui concerne la MZ a moteur rotatif du trouveras des photos d ‘elle sur pit lane, peut être sur le net et également dans le livre « MZ » de Mick Walker page 35. Selon lui elle serait due a Herbert Friedrich.
La moto a moteur rotatif manquante n’est pas une MZ, je puis t ‘assurer que j ‘ai été très surpris de la découvrir, j ‘ai été d’autant plus surpris qu’il ne s ‘agissait pas d ‘un « bitza »mais bien d ‘un modèle prévu a la vente en série.
Je vais essayer de retrouver cet article.
Grand merci Yannick pour ce commentaire instructif et ravi de t’avoir comme lecteur. Tu parles sans doute de le MZ rotative, mais je n’en ai pas de photo et ne sais quasi rien sur elle.
Bonsoir,
Félicitations pour cet article très bien documenté et très intéressant, avec comme souvent chez FMD de magnifiques photos.
Trêve de compliments, je note que la Van Veen OCR 1000 est bien dans l ‘inventaire des motos a moteurs rotatifs contrairement a ce qu ‘a écrit Motocine. Par contre, il manque bel et bien une moto très peu connue dans l ‘inventaire, ce qui pourrait faire un excellent quizz.
Je vais essayer de retrouver l ‘article en question que je possède sur cette machine mais de mémoire c ‘est vers 1974 (je précise que ce n ‘est pas une Norton ni une BSA..)
Concernant les activités antérieures de Brian Crighton a ma connaissance ce dernier n ‘a pas été concessionnaire, il est entré chez Norton en 1983 en charge de la maintenance des Norton rotatives utilisées a l ‘époque par la Police Anglaise, de cette activité serait née l ‘idée pour lui de développer une moto de course a moteur rotatif (CF « Waltzing Walter » la toute première Norton de course de 1987, en réalité un prototype).
Il serait intéressant d’en savoir plus sur le passé de Felix Wankel mais je crois me souvenir que son idée du moteur rotatif est née durant la Seconde Guerre Mondiale = attention aucune certitude c ‘est a confirmer.
Salutations distinguées,
Yannick Le Moigne alias « Apriliabarth »
Merci FAJ pour ce complément d’enquête.
Le moteur à piston rotatif de Felix Wankel avait commencé sa carrière en tant que compresseur, notamment pour alimenter des NSU de record. Dans cette application les problèmes de surchauffe étaient évidemment inconnus. Autre inconvénient de la version moteur, le mauvais rendement provoqué par cette surchauffe ainsi que la phase de détente très courte. Ajoutons la difficulté à obtenir l’étanchéité, la complexité de la segmentation et son manque d’endurance. La voiture RO 80 souffrit constamment de ces problèmes et c’est leur prise en compte au titre de la garantie qui précipita la fin de NSU. Il est étonnant de constater que de grands constructeurs d’autos ou motoristes d’aviation aient foncé tête baissée dans ce piège et certains, comme Citroën et Mercédès y allèrent encore plus franchement que d’autres en s’associant dans la société Comotor pour étudier et fabriquer ces moteurs. Quant à BSA et NVT, comment ont-ils pu nier les mauvaises expériences des autres ? La bonne affaire fut pour Felix Wankel qui eut le génie de saucissonner ses licences par tranches de puissance, ce qui lui permit d’en céder à de nombreux constructeurs. A ma connaissance, seul un constructeur d’automobiles japonais – Mazda- continue d’exploiter cette niche
Oups, merci… j’ai rectifié cette omission dans l’article.
Il manque dans l’inventaire la moto Van Veen OCR 1000 probablement la meilleure des années 70 .
Pauvre Wankel! Ce fut vraiment le plus bel exemple de fausse bonne idée.
Après avoir, entre autres, fait disparaître un grand constructeur comme NSU et avoir failli entraîné l’ un de nos principaux constructeurs automobiles, Citroën, dans la faillite, la pauvre entreprise moribonde NVT n’avait vraiment aucune chance…