Triumph 550 : La H de guerre

En ces temps de commémoration de l’armistice, comment ne pas parler de la moto qui a gagné la Grande Guerre, la Triumph 550 type H dont plus de 30 000 exemplaires furent utilisés par les armées alliées.

Ironie du sort. La marque, seule survivante des quelque 500 fabricants notables de motos en Grande-Bretagne durant le XXe siècle, est une société fondée par un Allemand, Siegfied Bettmann assisté par son bras doit de même origine Mauritz Schülte, le cerveau qui créa les premières Triumph.

La grande marque britannique et sa 550 type H connurent un peu plus tard un colossal succès en équipant largement les armées françaises et anglaises dans la guerre 14-18, contre justement, les Allemands.

Cette même marque enfin, qui allait quelques décennies plus tard être acculée à la faillite par l’invasion japonaise, eut une période de gloire Japon en y brillant dans les premières courses avec, encore, la fameuse 550. (J’y reviendrai dans un prochain article).

Bel étalage de 500 et 550 Triumph. Au premier plan, une 500 modèle 1914 à transmission par courroie et moyeu arrière Sturmey 3 vitesses dont le levier de commande est, bizarrement ici, placé à gauche ! Il en fut livré une grande quantité au début de la guerre. Notez le réservoir d'huile additionnel (une option) devant le cylindre.
La première Triumph à moteur belge Minerva en 1902 et le premier modèle à moteur maison en 1905.

La première Triumph animée par un moteur belge Minerva apparaît au salon de Londres en 1902.  Cinq ans plus tard, Triumph finit 2eet 3eau TT 1907 avec une 500 cm3, cette fois avec un moteur maison à soupapes latérales. La même machine termine en tête au TT 1908 (à 65,2 km/h de moyenne !) et apparaît au catalogue Triumph de 1910 en trois versions de 500 cm3qui, sans cesse améliorées, vont connaître une extraordinaire carrière jusqu’en 1929. Les évolutions testées en course sont rapidement reportées sur la série. La 500 se dote ainsi d’un embrayage à disques métalliques associé à un moyeu arrière à 3 vitesses Sturmey Archer. En 1914, est annoncée une version suralésée à 550 cm3(la course reste 85 mm et l’alésage passe de 88 à 97 mm) avec un graissage semi-automatique (un coup de poing sur la pompe tous les 16 km) mais toujours à vitesses dans le moyeu arrière. La première série des 550, très critiquée, ne démarre pas à froid. La marque se ruinera en publicités pour atténuer la mauvaise réputation naissante de son nouveau modèle 4 HP et résoudra vite et de main de maître ces premiers problèmes : le 550 Triumph va devenir l’une des motos les plus fiables de son temps.

Publicité pour la version 1915 à boite conventionnelle Sturmey Archer à 3 vitesses. "La préférée des motocyclistes militaires"
Le catalogue en français de 1912.
Nous ne sommes ici qu’en 1912, mais cette Triumph type H va bientôt gagner la guerre.
Engagée en 500 cm3, cette Triumph pilotée par Rex Mundy finit 2e de sa catégorie derrière une Motosacoche au Grand Prix de France 1913 organisé par le MCF à Fontainebleau.
Paré pour profiter du beau temps outre-Manche, sur une 500 de 1914 à transmission directe par courroie

Plus de 30 000 type H en guerre

L’une des premières actions des autorités françaises, lorsqu’éclate la guerre en 1914, est d’envoyer un télégramme à l’usine de Coventry pour commander ferme 100 Triumph 550 cm3dont la réputation de fiabilité a déjà passé les frontières. En janvier 1915, ces mêmes machines qui équipent l’armée anglaise sont également été envoyées aux armées russe, belge, canadienne, indienne et… japonaises. On notera avec intérêt que les comités techniques qui ont élu les Triumph 550 et les Douglas flat twin 350 cm3ont rejeté tous les vé twins en lice. Triumph délivrera plus de 30 000 type H 550 cm3durant la grande Guerre dont 17 998 à l’armée anglaise (contre 18 315 Douglas).

Les vendeurs des surplus et fabricants de pièces détachées firent une vraie fortune après guerre. Ici un catalogue des pièces Delaunay en 1918 "fabriquées et garanties en France".
Le 7e régiment de Cavalerie sur ses Triumph type H, vers 1919.
Première commande de l’armée française pour 100 motocyclettes "TRIOMPHE", passée en 1914, juste après la déclaration de guerre.
Publicité parue dans "The Motor Cycle" en janvier 1917. Imagineriez-vous la même aujourd’hui !!

Le Modèle 550 H

Début 1915, Triumph lance une 550 entièrement remaniée : le changement de vitesse dans le moyeu et son brutal embrayage tout métal est enfin abandonné au profit d’une boîte de vitesses conventionnelle Sturmey Archer à trois rapports entrainée par une chaine primaire sous carter. La transmission à la roue arrière reste par courroie. Le moteur est aussi largement revu (roulements de vilebrequin, soupapes plus grosses), et c’est la première Triumph à offrir un l’embrayage commandé à main et un démarrage au kick.

En 1916, les requêtes des estafettes de l’armée sont exaucées avec un plus petit guidon. Beaucoup ont en effet transformé la commande de boîte pour passer les vitesses au pied et garder ainsi les deux mains sur le guidon… un luxe indispensable sur les chemins boueux qu’ils empruntent. La plupart se content de raccourcir et de tordre le levier de vitesse original, mais un intendant français dans l’artillerie réalisera un dispositif plus sophistiqué dont les dessins seront même publiés dans « the Motor Cycle ».

La vente est alors réservée aux armées et le public ne peut acquérir de type H,  mais à la fin des hostilités en 1918, les civils se ruent sur ces machines dont ils étaient jusqu’alors privés pour y investir toutes leurs économies réalisées pendant la guerre.

Les demandes sont si fortes que l’usine ne parvient pas à honorer toutes les commandes et elle présente en 1919 une version simplifiée sans boîte, ni embrayage avec une transmission directe par courroie.

Conscient que le boum de l’après-guerre aura bientôt une fin, Schülte fait étudier une évolution de la type H et se lance dans le même temps dans l’automobile. La première voiture Triumph avec une quatre cylindres de 1 393 cm3dessinée par Ricardo est lancée en 1923. Motos et voitures seront dès lors construites dans la même usine à Coventry jusqu’à ce que les deux entités se séparent en 1936.

Toujours animé par le même moteur 550 cm3, le modèle qui remplace la Type H en 1920 s’appelle SD, pour Spring Drive, car la transmission primaire comporte un amortisseur à ressort. Une boîte 3 faite maison avec un embrayage multidisque remplace la Sturmey Archer et la chaine primaire est en bain d’huile (avec quelques fuites bien sûr…). Enfin, énorme avantage pour les utilisateurs de side-car, la transmission secondaire est confiée à une chaine.  Les sides sont d’ailleurs également construits par Triumph sous la marque Gloria et livrés en couleurs assorties aux machines. En violet avec des panneaux lavande et des filets bronze.

Intéressante comparaison des modèles H 1919 et SD1920 prise lors d’un rallye en Belgique en 1921.
Ce modèle 1920 (pilote casqué, lunettes sur le casque) a une boite de vitesses Triumph et une transmission secondaire par chaine alors qu’elle reste par courroie sur la version H de 1919 à boite Sturmey.
La 550 type SD de 1920 photographiée au National Motorcycle Museum de Birmingham.
La 550 type SD de 1920 coté transmission primaire avec le bossage du fameux ressort amortisseur auquel les modèles postérieurs resteront longtemps fidèles.

Indéboulonnable 550

Triumph, qui est devenu le plus gros fabricant anglais de motos, avec 3 000 employés et plus de 30 000 motos produites annuellement, tente alors de créer un haut de gamme plus puissant avec le modèle 500 R (non, pas R comme Racing, mais R comme Ricardo, l’ingénieur responsable du dessin). Il s’agit d’un 500 cm3 à 4 soupapes culbutées qui fera ses premières armes sur l’anneau de Brooklands en mai 1921. Il remporte de beaux succès sur piste dans les deux années qui suivent, mais la vente principale de Triumph reste la bonne vieille 550 à soupapes latérales. Pour 1924, Triumph en extrapole la 500 modèle P vendue à un prix canon, moins de 43 £, alors que la Ricardo en vaut 120 et que les principaux concurrents se vendent entre 60 et 80 £.

Après un début difficile dû à quelques défauts de jeunesse le modèle P deviendra, comme son aîné, un best-seller. La 550 toujours appréciée pour le side-car continuera cependant sa carrière et figurera toujours au catalogue 1929 avec deux ultimes versions qui reçoivent cette année-là un réservoir en selle tout comme les 250, 350 et 500 de la gamme.

Un quarteron de type H en 1919 devant un motociste parisien.
On pose fièrement en famille sur une type H en 1919, avec, en arrière-plan, une autre vedette de la grande Guerre, l’Indian.
En course en 1914.
La très économique 500 type P de 1925 aux mains de Miss E. Feley lors du Southern Scoot Scramble et avec pas mal d’autres mains pour pousser.

La 550 dans le monde

Jusqu’à ce que les deux marques se séparent en  1929, Triumph a eu une filiale à Nuremberg en Allemagne qui produisait des modèles très similaires voire identiques,  dont la fameuse 550. Après 1929, les modèles, dès lors différents, garderont la marque Triumph en Allemagne, mais seront exportés sous le label TWN tandis que les Triumph anglaises vendues outre-Rhin portent le label TEC (Triumph Engineering Company). Triumph collabore également avec une petite usine à Detroit aux États-Unis qui produisit une certaine quantité de 550 en 1912.

L'étonnante Victory : Il s‘agit d’une modification sur la base d’une type H à boite Sturmey et transmission secondaire par courroie de 1919 sur laquelle est adaptée une complexe suspension arrière où le bras oscillant est amorti à la fois par ressorts à lames et ressorts hélicoïdaux.

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One thought on “Triumph 550 : La H de guerre

  1. Richard dit :

    Bonjour

    J’ai encore pris plaisir à lire votre article, comme quoi sur le net il y a de bonnes choses.
    Merci