L’histoire des débuts de Jawa est avant tout celle d’un homme, George William Patchett, un ingénieur anglais qui a marqué son temps par l’audace de ses réalisations et une invraisemblable puissance de travail.
Texte François-Marie Dumas – Photos et archives F-M.D/Moto-collection.org sauf mention contraire
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George William Patchett débute sa carrière chez Brough Superior et remporte au guidon de ces machines le Welsh TT 1925 en solo et 1927 en side-car. L’ingénieur-concepteur-pilote passe ensuite chez le concurrent Mc Evoy où il met en œuvre et pilote avec succès les fameux JAP à compresseur conçus par Michael Mc Evoy et Laurence Pomeroy. Patchett quitte Mc Evoy en difficultés financières et s’exile en Belgique chez FN où sa seule trace connue en tant qu’ingénieur est un brevet sur un fusil. Il fait par ailleurs des merveilles en tant que pilote. Promu chef du service course en remplacement de Marcel Debay en 1928, il se met aussi au guidon et, en avril 1929, bat le record des 50 km en side-car à 144,826 km/h de moyenne et celui des 50 miles à 143,791 km/h. Il n’obtient pas, par contre, les succès escomptés avec les 500 culbutées modifiées par ses soins aux GP de Belgique à Spa et d’Allemagne à Hockenheim. Il est donc congédié et remplacé en 1929 par Doug Marchant, transfuge de Motosacoche, qui dessine une nouvelle 350/500 cm3 avec bien sûr le simple ACT entraîné par arbre et couples coniques qui est sa spécialité. Les soupapes sont rappelées par des ressorts en épingle et le cylindre est planté sur un énorme bloc moteur intégrant un sélecteur au pied (exceptionnel à l’époque) sur la boîte quatre vitesses. Pilotée par Handley, cette machine hors du commun bat 28 records du monde en 500 cm3 sur l’anneau de Montlhéry en 1930 avant de disparaître en 1931 lorsque Marchant est à son tour licencié.
František Karel Janeček junior héritier d’une grande famille de Bohême, est plutôt un fabricant d’armes, mais faute de guerre à proximité, il décide en 1929 d’étendre ses activités à la moto. Il pense d’abord utiliser les brevets Puch de moteur à double piston puis ceux de Schlihla à moteur deux temps dotés d’un piston à deux alésages et d’une soupape ( !) avant de finalement racheter la licence de fabrication de la 500 quatre temps culbutée à transmission par arbre et cadre en tôle emboutie. Baptisée Jawa (JAneček –WAnderer) cette première production est fort moderne pour l’époque, mais lourde, chère et fragile. Améliorée au fil des ans elle sera quand même produite à près de 1500 exemplaires entre 1929 et 1933. Un chiffre tout à fait honorable pour cette époque, à fortiori pour une marque débutante.
Homme d’affaires avisé, František Janeček sait que la seule recette pour faire grandir sa marque est de se créer une image en course et d’offrir une gamme économique et populaire.
Cela tombe bien, il rencontre au salon de la moto à Londres, George Patchett, qui a tous les talents requis, ingénieur, concepteur pilote de renom sur piste comme en courses type ISDT et spécialiste des armes de surcroît. Cerise sur le gâteau Patchett fait bénéficier Jawa de ses excellentes relations avec l’usine Villiers qui va fournir à la marque tchèque ses premiers moteurs deux-temps avant que celle-ci ne les construise sous licence.
L’un des premiers boulots de Patchett sera de concevoir au plus vite une 500 de compétition. Il garde le cadre en tôle emboutie de la 500 de production en remplaçant sa suspension avant à lames de ressort par une classique Webb et dessine un tout nouveau moteur à transmission par chaîne. Les carters massifs de l’énorme bloc rappellent ceux de la FN des records conçue par Doug Marchant en 1930, ce qui fera écrire dans une revue de moto française qu’il ne s’agit que d’une vulgaire copie étrangère. L’inspiration est pourtant bien lointaine. Patchett a quitté FN avant que Marchant n’arrive et sa 500 course de 1931 sort à peine un an après la sortie de la FN.
Les deux blocs n’ont en commun que leurs lignes inhabituellement massives. Le pignon de sortie de boîte est à droite sur la Jawa et à gauche sur la FN. Commande des soupapes par tiges (à gauche) et culbuteurs pour la Jawa et simple ACT entraîné par arbre et couples coniques (à droite) pour la FN. Double échappement sur la Jawa, simple sur la FN et doubles ressorts en épingle sur les deux avec axes de culbuteurs enfermés
Cette première Jawa de course aura une carrière aussi météorique que la FN des 28 records du monde, mais beaucoup moins de succès. Une brève apparition au Grand Prix de Belgique le 19 juillet 1931 sous une pluie torrentielle et quelques victoires locales en courses de côte avec Patchett lui-même ou Brand au guidon, assurent quand même une bonne publicité à la nouvelle marque tchèque.
Infatigable, Patchett a entre temps développé une 350 futuriste à soupapes latérales, démarrage par dynastart, transmission par arbre, boîte trois vitesses dans le moyeu arrière et cadre en tôle emboutie … une utopie qui sera balayée par la vraie vedette de 1932 : la première Jawa deux temps à moteur Villiers 175 cm3.
La course redémarre cette même année 1932 avec une toute nouvelle 500 culbutée. Le cadre double berceau allégé est alors en tubes rectangulaires et, surtout, un tout nouveau moteur reprend cylindre et distribution semblables à la machine de 1931, mais avec un simple échappement. Enfin, le semi-bloc moteur, plus conventionnel, est très compact. Aux mains de Patchett himself ou du pilote d’usine František Brand, cette 500 connaît de beaux succès dont les « 2000 km d’endurance » en Tchéquie couverts à 123 km/h sur route ouverte. Consécration suprême, trois de ces machines participent au TT de l’île de Man de 1932 pilotées par Brand, Patchett et Uvira. Les deux derniers abandonnent et Brand finit en 3 h 47 à 28′ de Woods vainqueur sur Norton.
Ginger Wood et Tommy Spann défendent les couleurs de Jawa au TT 1933 et finissent 8e et 14e prouvant ainsi la valeur des machines tchèques au niveau international. Une 350 course à cylindre incliné, soupapes culbutées et boîte séparée apparaît en 1935, vite doublée en 36 par des versions Sport en 250 et 350 cm3 puis par des 500 et 600 cm3 avec pour ces dernières, des soupapes totalement encloses. Ces modèles seront produits avec grand succès jusqu’à la guerre soutenus par les très populaires 100 Robot, 175 et 250 deux temps également dus à Georges Patchett.
Tout irait donc pour le mieux pour Patchett, mais après l’invasion des Sudètes par les armées hitlériennes en 1938, il comprend vite qu’il vaut mieux s’enfuir, ce qu’il fait en jetant au passage par-dessus le mur de l’ambassade britannique les deux seuls prototypes d’une arme antichar développée par son boss Janicek František. Il passe ensuite la frontière avec tous les plans des armes. On retrouve sa trace la même année à Cannes où il s’achète une villa sans y rester bien longtemps semble-il, car il signe en 1942 en Angleterre les brevets de la plus internationalement célèbres de ses œuvres pour le pistolet mitrailleur Sterling,
Frantisek Karel Janeček réussit lui aussi à quitter Prague et développe ses armes antichars pour les Britanniques. Il ne récupérera jamais son usine, nationalisée par le régime communiste, et ira s’installer au Canada. Georges Patchett, quant à lui, finit sa carrière dans une autre marque qui a aussi été connue pour ses armes : Royal Enfield.
Jawa a toujours été ma marque fétiche, je savais que Patchett y avait bossé, mais je n’avais jamais vu de photos
de lui à cette époque. Chapeau!
Le musée technique de Prague est une obligation pour un amateur de motos…et de plein d’autres choses autour de la mécanique.. Du temps des communistes il y avait 60% du musée qu’on ne pouvait pas visiter car
en soit disant rénovation. Il faut dire que tout Prague était envahie par des échafaudages rouillant sur place, sur lesquels il n’y avait jamais un seul ouvrier. J’appris plus tard qu’ils étaient loués à une boite autrichienne qui versait de gros pots de vins aux responsables des pseudos rénovations.