Je vous l’annonçais voici deux semaines, et bien voilà, c’est ouvert. Amateurs de stylisme et de belles mécaniques, précipitez-vous au château de Compiègne pour admirer l’exposition Concept Car : Beauté pure, une réunion exceptionnelle d’une trentaine des joyaux de l’histoire du style automobile et motocycliste. Vous avez jusqu’au 20 mars 2020.
Ce site étant exclusivement réservé aux deux roues et à leur histoire, j’enrage de ne pouvoir m’attarder sur les chefs-d’œuvre du stylisme automobile à découvrir au fil des salles et des grandes galeries du château de Compiègne. De Louis Bionier à Franco Scaglione en passant par Bertone à Giorgetto Giugiaro, Pininfarina, etc. autant de chefs d’œuvre uniques et exposés dans des conditions exceptionnelles dans les grandes salles du château. Les motos ne sont pas oubliées, loin de là. À commencer par l’étonnante Major 350 cm3 de 1947 déjà longuement décrite ici et qui, star oblige, avait toute une pièce pour elle seule, mais aussi toute une série de motos et scooters de records dont les recherches aérodynamiques justifient leur présence dans cette exposition dédiée à l’esthétique.
Dernière raison impérative, et non des moindres, pour se rendre au château de Compiègne : le cadre somptueux d’un décor royal puis impérial avec toutes ses peintures, sculptures, œuvres d’art, boiseries et tapisseries. Cet assemblage incongru avec les exercices de style beaucoup plus récents de nos véhicules a quelque chose de magique d’autant plus que la trentaine des quatre et deux roues exposés sont au centre de grands espaces permettant de tourner autour pour les admirer sous tous les angles. « Il n’y a qu’en France qu’on peut faire des choses pareilles ! » me commentait, admiratif, le propriétaire d’une des motos ici en vedette.
Texte et photos : François-Marie Dumas sauf mention contraire – Les liens en bleu renvoient aux descriptions des motos concernées.
Une salle monumentale pour la seule Major 350 et pas n’importe laquelle. Il s’agit de l’anti-chapelle, qui n’est pas comme on pourrait le supposer réservée aux agnostiques, mais qui précède la chapelle. Elle est décorée par de somptueuses tapisseries des Gobelins de la fin du XVIIe qui reprennent les peintures de Raphaël sur la bataille de Constantin. À droite de la moto pose Léopold 1er roi des belges peint par Henri Decaisne.
L’unique prototype de la MGC 600 N34 quatre cylindres de 1938 a quitté le musée de Marseille où il est habituellement exposé. Passionné par l’aéronautique, le constructeur Marcel Guiguet a réalisé pour cette moto une réplique à échelle réduite du moteur quatre cylindres du Renault Bengali qui équipa des avions de tourisme au début des années 30. Il est disposé culasse en bas et vilebrequin en haut, une rare particularité qu’on ne retrouve que sur la Sévitame, une moto belge La Mondiale et quelques cyclomoteurs.
La galerie des motos et scooters de record avec, à droite, une version de record de 1957 d’un microcar bien connu, l’Isetta Velam. Animée par son petit bicylindre deux temps de 236 cm3, cette version très spéciale à carrosserie en tôle d’aluminium battit sept records en catégorie moins de 250 cm3 le 30juillet 1957 à Montlhéry.
Les motos et scooters de records sont accueillies dans la salle des gardes que l’on voit en vignette dans son état originel.
Créé par le célèbre ingénieur Lino Tonti pour Aermacchi, ce cigare de record bat le 4 avril 1956 sur l’autoroute des Lacs, le record en 75 cm3 détenu par NSU en atteignant 167,21 km/h sur le kilomètre lancé. Le cigare fut successivement équipé par des monocylindres de 50 et 75 cm3 à double ACT créés par Lino Tonti. On voit en vignette le 75 cm3 ici monté dans un cadre de moto.
Les Lambretta d’Innocenti ont ouvert le feu en 1949 en raflant treize records du monde en Italie, puis une quarantaine d’autres à Montlhéry. Vespa se devait de réagir et ils battent une vingtaine de records à Montlhéry en mars et avril 1950. Lambretta contre-attaque et bat Vespa à nouveau en octobre sur le même anneau. La presse et les scootéristes suivent avec passion ce combat de titans. C’est est assez, Piaggio, qui est rappelons-le avant tout un constructeur aéronautique, réalise le cigare présenté ici dans lequel le pilote est allongé. Le moteur placé à droite de la roue arrière est cette fois à pistons opposés avec un vilebrequin à chaque extrémité du cylindre (ce que la firme n’avoue pas vraiment à l’époque !) et, le 9 février 1951, sur l’autoroute de Rome à Ostie, Dino Mazzoncini atteint 171,102 km/h sur le kilomètre lancé. Hélas, Lambretta inspiré par ce beau cigare va une fois encore et définitivement remporter le titre.
Lambretta et Vespa, les deux géants du scooters se livrent à un combat sans merci à l’aube des années 50 à la poursuite du record du monde. Après avoir caréné peu à peu son scooter 125 cm3 type C et signé nombre de records, Lambretta est à nouveau vaincu par le « silure » Vespa.
Lambretta assisté par Aero-Caproni reprend alors la même recette aérodynamique et construit cette sorte d’avion sans ailes en 1951 qu’il équipe son moteur d’un compresseur. Cet équipage bat le record du kilomètre lancé le 14 avril à 190, 476 km/h puis améliore son temps le 8 août à Montlhéry en atteignant 201 km/h, un record qui ne sera battu que vingt ans plus tard.
En 1935 le Comte Giovanni Lurani assisté par Ulysse Guzzi construit de très élégant quatre roues qui battra nombre de records motorisé par le 500 bicylindre en V à 120° qui équipe alors les Moto Guzzi de Grand Prix. Sur ce véhicule unique le moteur disparu a été remplacé par le monocylindre d’une moto Guzzi de route type Astore ou Falcone, respectivement apparues en 1949 et 1950.
Un grand saut dans le temps nous emmène en 1975 avec le side-car de record réalisé par Philippe Moch autour d’un moteur de Kawasaki 1100. Le Kawasaki-MOC va battre cinq records de France mais aussi et surtout, avec le mile départ lancé couvert à 207,433 km/h, record du monde détenu, depuis 1970, par le Britannique Baldwin avec une 1000 Vincent à compresseur.
À ne pas oublier dans la visite, les petites salles du rez-de-chaussée avec une extraordinaire collection de vélocipède et quelques motos dont cette unique exemplaire connu de la 1000 cm3 quatre cylindres Antoine de 1904, l’une des premières quatre cylindres avec la FN et la Laurin Klément et le prototype Terrot Cuzeau doté d’un flat twin deux temps.
Encore un magique exemple d’un mélange des genres aussi inattendu que bienvenu. Comment ne pas avoir envie de prendre le thé en compagnie de cette Fiat Stangellini 1200 Spider de 1957 ?
Pour bien souligner le renouveau du musée du chateau de Compiègne surtout connu jusqu’alors pour sa collection de carrosses royaux, la grande verrière réservée à ces reflets du passé accueille aussi une automobile, en l’occurrence la MG EX 324 prototype de 1965 dessinée par Pininfarina qui aurait pu sauver la marque de la faillite. Elle resta malheureusement unique.
Pour l’occasion, la Réunion des Musées Nationaux a publié un somptueux ouvrage de 232 pages en format 20 x 25 cm à l’italienne présentant les véhicules de l’exposition et beaucoup d’autres avec leur histoire et de très nombreuses photos d’époque et actuelles. Un œuvre magistrale réalisée avec les plus grands historiens de l’automobile et leurs fabuleuses archives sous la direction de Rodolphe Rapetti, directeur du musée de la voiture de Compiègne.
On peut se le procurer dans les librairies spécialisées, au musée national de la voiture de Compiègne et directement sur le site internet https://www.boutiquesdemusees.fr
Exact, le bicylindre des Isetta d’origine Puch a bien une chambre de combustion commune.
Isetta Velam bicylindre 2 temps ? Selon mes souvenirs, ne s’agissait-il pas plutôt d’un moteur à double piston à balayage en équicourant de type Puch ? Je n’affirme pas, je m’interroge.
Le château de Compiègne (résidence de Lamponéon III) est farcie de merveilles qui étaient , jusqu’à maintenant littéralement entassées dans un joyeux bordel rappelant mon garage.. Si tout ça pouvait être mis en valeur, c’est vraie qu’on en profiterait beaucoup mieux.
Bravo au nouveau conservateur.