Grand Prix de France 1953 à Rouen

Histoire d’archives : le grand tri de Rouen

Une photo m’interpelle en classant mes archives, Ray Amm sur sa Norton 350 Manx en train de chuter au virage du Nouveau Monde sur le circuit de Rouen les Essarts au Grand Prix de France 1953. Les photos de chutes ne sont pas si courantes à l’époque. Point de super téléobjectif, de mise au point automatique et de moteurs prenant 10 ou 15 images seconde, en ce temps-là, monsieur, les Rolleiflex 6 x 6, les Foca Sport voire les Leica pour les plus riches ne se prêtaient guère à ce jeu, il fallait régler, faire la mise au point, réarmer, bref… une telle photo réclamait un énorme réflexe et beaucoup de chance. Intrigué je vais donc relire le reportage de la course et replonge le nez dans mes archives. Surprise, j’y retrouve un petite vingtaine de photos du même Grand Prix qui, étonnamment, proviennent de quatre sources différentes achetées ou données au fil du temps. Évidemment elles ne sont pas légendées au départ, c’eut été trop facile. Je me bats donc pour retrouver où et quand elles ont été prises avec qui et dans quelle course. Le circuit des Essarts, je ne le connais guère, moi, que pour y avoir fait un triste reportage une fois sous une pluie froide et pénétrante alors que j’étais déjà trempé pour y être venu en moto ! Bref, je détaille les photos et mon entourage s’étonnera de m’entendre éclater de rire à plusieurs reprises pour avoir reconnu telle ou telle par un détail, comme celle-ci avec les spectateurs qui sont les mêmes que dans une autre photo publiée dans Moto Revue ou telle autre qui se trahit par la pub Veedol là où il faut. En route donc pour un photo-reportage avec 67 ans de retard. Et un grand merci, une fois de plus, aux résultats des courses nationales et internationales si magnifiquement répertoriés dans racingmemo.fr par le regretté Vincent Glon.

Nous sommes donc sur les 5,1 km du circuit de Rouen-les-Essarts que les pilotes ont découvert, en 500 cm3 seulement, en 1951, et où se court pour la première fois le 2 août 1953 le GP de France. Il n’y reviendra qu’en 1965 avec un circuit d’ailleurs porté à 6 542 km.

Le virage où Ray Amm perdit toutes ses chances au championnat en chutant deux tours avant le drapeau à damiers au guidon de sa Norton 350 Manx.

350

La catégorie 350 outrageusement dominée par les Norton Manx en 1952 avec Geoff Duke qui remporte 4 épreuves sur 7, connaît un regain d’intérêt cette année 1953 avec l’apparition de la Guzzi double ACT quasi intouchable de Fergus Anderson qui va à son tour remporter 4 courses sur 7, mais an ayant fort à faire pour contrer les Norton de Ray Amm et Ken Kavannah et, à Rouen, l’AJS d’usine confiée à Pierre Monneret qui termine deuxième derrière Anderson. Pas de chance pour Ray Amm, vous l’avez deviné avec la photo d’ouverture. Alors qu’il mène la course après un chassé-croisé continu avec la Guzzi d’Anderson , Ray Amm perd l’avant et chute dans le virage du Nouveau Monde à deux tours de l’arrivée. Il se casse la clavicule et perd ainsi toutes ses chances au classement du championnat alors qu’il a fini en tête à l’Ile de Man, second à Assen et 3e à Spa.

Ray Amm en tête des 350 juste avant sa chute.
Une 350 Manx toute classique. Ray Amm n’avait pas amené sur ce circuit sa 350 carénée et surbaissée dévoilée sur le très rapide circuit de Spa et avec laquelle il allait battre plus tard nombre de records à Montlhéry.
La toute puissante 350 Guzzi de Fergus Anderson se distingue par un carénage à bec de dauphin.
Là, je triche, Pierre Monneret qui a terminé deuxième à Rouen est ici photographié pendant son tour d’honneur sur la 350 AJS au GP d’Aix-les-Bains le 24 mai 1953.

500

Et, comme la course des 500 a lieu après celle des 350, pas d’Amm non plus au départ, alors qu’il a aussi remporté le TT de L’île de Man dans cette catégorie et fini 2e à Spa. Comme l’année précédente cette catégorie voit s’affronter la Gilera quatre cylindres contre les AJS 500 bicylindres Porcupine et les Norton Manx monocylindres. Un rêve ! MV Agusta s’est retiré du championnat pour 1953 après la mort de Leslie Graham au TT de l’île de Man. Duke qui a lâché Norton pour la Gilera 4 remporte à Rouen son second GP devant les deux autres Gilera 4 d’Armstrong et de Milani. Il remportera d’ailleurs le titre cette année-là. Pas de chance par contre pour les Français, en l’occurrence Georges Monneret et son fils Pierre. Le premier s’est vu confiée la Gilera 4 de Masetti avec laquelle il n’a effectué qu’un tour d’essai et il abandonnera sur chute au Nouveau Monde. Son fils Pierre sur une AJS Porcupine officielle termine modestement 12e.

Impérial Geoff Duke champion du monde en 350 et en 500 sur Norton en 1951, puis en 350 en 1952 enchaîne pour trois autres titres sur la 500 Gilera en 1953, 54 et 55.
Toujours Duke et pas question de genou et de coude par terre à l’époque, le style, c’est bien en ligne !
Et voilà, c’est gagné, et Armstrong sur la seconde Gilera est loin derrière.
Encore Geoffrey Duke, on ne s’en lasse pas.
La superbe distorsion propre aux obturateurs à rideau des appareils photo de l’époque accentue l’effet de vitesse de Reginald Armstrong sur la Gilera quatre qui finit 2e . Même sans accentuer l’effet, la Gilera est quand même chronométrée à 220!
Les 500 peu après le départ. Gilera d’Armstrong #9 mène la meute.
Encore une Gilera 4, celle de Milani, cette fois (il y en avait dit-on, dix dans le camion Alfa Romeo de l’usine et monsieur Gilera en personne assistait à l’épreuve).
Cette photo d'une Velocette 500 KTT à Rouen est légendée Kent Anderson ! Hum, l'officiel Guzzi qui vient de remporter la catégorie 350 serait-il revenu à la marque de ses premières amours pour courir en 500, sans succès, mais avec un beau paquet de sparadrap blanc sur l'écusson Moto-Guzzi devant le casque.

Side-cars

Pour la dernière année, Norton domine totalement le Championnat du monde avant de passer le flambeau l’année suivante à BMW. La Norton de Eric Oliver et Stanley Dibben finit en tête de quatre Grands Prix sur cinq y compris à Rouen.

Départ de la course des side -cars, une sorte de formule Norton Manx !
BMW ne fait qu’avancer ses premiers pions en 1953, mais les Norton doivent se méfier ; cet attelage de l’Allemand Hillebrand (non, son passager ne s’appelle pas Wolfmüller) a été chronométré à 173 km/h et peut atteindre 11 000 tr/min. il est ici en tête devant les Norton des Belges Deronne (# 66) et Masuy (# 64).
Eric Oliver, champion du monde de la catégorie side en 1949, 50, 51 et 53, fait équipe cette année-là avec Stanley Dibben
Cyrill Smith, le champion du monde 1952, finit deuxième à Rouen et au championnat de cette année-là.
L’attelage d’Haldemann et Albisser fait lui aussi le même résultat à Rouen et au championnat du monde 1953 : 3e.

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8 commentaires sur “Grand Prix de France 1953 à Rouen

  1. seriset dit :

    Bonjour ; Que de belles photos de machines que l on pouvait admirer en détails . Dans la course des sid il n y avait pas Marcel Beauvais ? Si oui une photo ? et son Classement ? Merci Bernard

  2. jackymoto dit :

    Des motos sans auto collant publicitaire c’est beau…mais une Giléra 4 avec Duke dessus, c’est encore mieux. A noter le siège biplace sur la vieille KTT, Harold Willis l’inventeur appelait ça » le monstre du Loch Ness »

  3. Paul Marx dit :

    Superbes photos.

  4. LAMARD dit :

    Bonjour Mr Dumas,

    Que c’est beau de faire vivre cette Histoire ! Continuez et merci !

    NB: j’avais 7 ans et vivait de bons moments entre- autre aussi le Grand Prix des Frontières à Chimay

  5. Tout à fait remarquable ! Merci !

  6. duktguz dit :

    Un grand Merci !!

  7. fmd dit :

    Merci du commentaire. Et en l’occurence le cuir lui a bien servi.

  8. BRESSAT Bernard dit :

    Superbes ces photos de courses d’époque, surtout leurs superbes qualités quand, comme tu le souligne le matériel n’était pas « facile » et nécessitait beaucoup de compétences.
    Ray Ham, quel pilote !!! Sans doute un des premier a se faire faire des cuirs très près du corps pour gagner en aérodynamisme et ainsi compenser l’infériorité de puissance de la Norton face aux quatre cylindre Gilera.
    Cette quête finira malheureusement mal pour lui. Un immense pilote.
    Merci pour cette page d’histoire.
    Nabs