Quelle révolution à ce salon de Paris 1930 au Grand Palais où les vedettes sont quatre motos à quatre cylindres à 100 % Françaises. Impensable et inattendu, la France si longtemps absente au niveau international s’apprête-t-elle à repartir à l’attaque d’une place depuis longtemps perdue ?
Photos et archives François-Marie Dumas sauf mention contraire – Ciquez sur les liens pour accéder aux fiches techniques
Chez Motobécane, qui a déjà présenté sa 500 B7 quatre cylindres à soupapes latérales au salon 1929, trône cette fois une formidable 750 à arbre à cames en tête ; chez Train c’est une 500 culbutée très compacte assortie d’une promesse de livraison de son moteur à toute marque désireuse de l’acheter. Majestic annonce d’ailleurs qu’il pourrait être disponible dans sa gamme, ce qui semble bien improbable. Sur des deux stands des marques de l’Omnium Métallurgique et Industriel, Dollar et Majestic qui vient d’être racheté par l’OMI cette même année 1930, apparaît le quatre cylindres Chaise, une mécanique elle aussi étonnamment compacte.
Moteur 500 Chaise quatre cylindres en V de 1930
Au contraire des moteurs Motobécane, les quatre cylindres Train et Chaise n’ont pas été étudiés uniquement pour la moto, mais aussi pour des utilisations en statique ou sur d’autres types de véhicules, voitures légères, trois roues commerciaux ou cyclecars, voire même des avionnettes alors très en vogue. Ce moteur est d’ailleurs une réduction à l’échelle 4/10 du quatre cylindres inversés du Chaise AV2 de 100 chevaux destiné à l’aviation.
Étudiées par l’ingénieur Berthé, comme le 750 qui va suivre, le 500 cm3 Chaise présenté au salon 1930 est affublé d’une turbine de refroidissement par air forcé devant la mécanique. Sur la Majestic où ce refroidissement forcé est obligatoire, car le moteur caché dans son cadre coque en tôle ne reçoit que bien peu d’air extérieur, le carénage du ventilateur se prolonge d’une écope devant les cylindres qui restent bien visibles, tandis que sur la version statique un capotage complet recouvre ce moteur.
Belle astuce mécanique, pour rendre le moteur le plus compact possible. Les cylindres fonte, coulés d’un bloc avec le carter moteur supérieur, sont en V très fermé de 14° et disposés en quinconce ce qui a permis de raccourcir au maximum le vilebrequin. Toute la culbuterie reste à l’air libre, dommage, car, même en 1930 cet exhibitionnisme mécanique est un peu dépassé. Ce Chaise à quatre pattes est légèrement longue course avec des côtes de 50 x 63 mm. La pipe d’admission et l’unique carburateur sont centrés à l’arrière du bloc-cylindres et cette pipe d’admission est entourée par le prolongement ailetté de l’unique sortie d’échappement qui vient de droite et repart ici vers la gauche avec un seul petit silencieux en tôle et à queue de carpe. La boîte de vitesses comporte trois rapports commandés par un court levier direct sur la boîte et il est, nous dit-on, prévu une marche arrière pour l’usage en cyclecar. Le kick à droite s’actionne de haut en bas.
Dollar 500 Chaise V4 type Z – 1930
Beaucoup plus exhibitionniste que la Majestic, la Dollar dévoile ses dessous sans complexe avec, comme sur les monocylindres de la marque, un cadre simple berceau interrompu constitué d’une poutre en L en acier matricé. Une technique chère à Dollar. Cette poutre intègre la colonne de direction, le tirant avant rejoint le moteur et la partie supérieure est reliée sous la selle à une triangulation en tubes supportant la roue. (Bizarrement il apparaît au même salon un monocylindre où ce triangle arrière est en acier matricé !)
Majestic 500 Chaise V4 – 1930
Un peu de généalogie pour mieux comprendre. En 1930 Georges Roy, créateur des motos Majestic en a confié la fabrication à l’Omnium Métallurgique et Industriel que vient de créer Claude Bajard. Dollar rachète Majestic en 1930. Deux ans plus tard, l’Omnium, qui a repris l’usine de Maurice Chaise, rachète la marque Dollar qui n’arrive plus à payer ces moteurs. La production des Majestic s’arrêtera en 1933 après une centaine de motos commercialisées.
La Majestic équipée du 500 Chaise quatre cylindres inaugure le nouveau cadre coque sans châssis et il faut soulever son capot pour voir la différence avec les versions mues par un monocylindre. Nul n’a revu cette fabuleuse Majestic à moteur Chaise quatre cylindres présentée au salon 1930, elle exista pourtant et fut même présentée au service des Mines et homologuée le 14 mars 1931.
Dollar type T à moteur Chaise 4 cylindres en V – 1932-1934
Des origines aéronautiques
Il n’y a pas de salon de la moto en 1931, mais, surprise, la Dollar V4 revient au Grand Palais totalement revue le 6 octobre 1932.
Il s’agit cette fois d’un V4 de 750 cm3 inspirée non pas du moteur d’avion AV2 comme le 500, mais de son successeur le 4B ; les côtes sont légèrement super carrées avec un alésage de 62,5 mm et une course de 60,8 mm. Le vilebrequin est démontable et les têtes de bielles tournent sur galets. La turbine de refroidissement a disparu et il n’y a toujours qu’un seul carburateur sur la face arrière du bloc-cylindres, mais décalé vers la droite. Totalement différent du 500 le moteur conserve une fonderie d’un bloc du carter supérieur et des cylindres, mais cette pièce remarquable est cette fois en alliage léger avec un chemisage fonte. Il y a deux culasses également en alliage léger, mais queues de soupapes, culbuteurs (montés sur aiguilles) et ressorts sont désormais enfermés. Seules les tiges de culbuteurs restent à l’air libre. Fini aussi, le simple échappement trop discret. Ici les tubes jaillissent des deux cylindres avant et s’allongent vers leurs silencieux sous l’axe de roue arrière, tandis que, de l’arrière sortent deux tubes qui passent dans le triangle tubulaire sous la selle ressortent le long de la roue. Les trois vitesses sont commandées à gauche sur la boîte et actionnée, au prix de compliqués renvois, par un levier à droite du réservoir.
La grande nouveauté du moteur a fait souvent oublier de parler de la partie cycle qui est pourtant tout aussi novatrice. Le L supérieur en acier matricé cher à Dollar et déjà vu sur la 500 en 1930, est conservé et il s’y ajoute deux doubles berceaux interrompus en tubes qui soutiennent le moteur sur l’avant et l’arrière. Ils sont réunis en partie basse par deux tubes horizontaux boulonnés qui vont jusqu’à l’axe de roue arrière. Une structure complexe qui ne devait certes pas manquer de rigidité.
La Dollar 750 T s’affiche à son apparition au salon 1932 à 7995 F alors que la 350 R4 monocylindre vaut 5 000 F et la 500 S4, 5 600 F. Cette fois il n’y a plus d’autre quatre cylindres française sur le marché que la 500 Train, deux stars dont les productions resteront confidentielles. La Train apparaît pour la dernière fois au salon 1933 après qu’il n’ait été produit que 3 exemplaires tandis que la Dollar 750 T encore exposée en 1933 avec une version très légèrementr revue avec un décor plus sobre et des échappement bas, quatre-en-deux. Pour comparaison la Dollar 750 T est affichée à ce salon 1933 à 9800 F alors qu’une Terrot 750 bicylindre en V à soupapes latérales ne vaut que 7500 F. Par contre il faut dépenser 11 800 F pour une BMW 750 R11 latérale et 12 800 pour la BMW R16 culbutée plus chère encore que la voiture Rosengart 5CV à 13 500 F. On ne la verra pas au salon 34 bien qu’elle figure encore au catalogue. Il semble qu’il n’y en ait eu que 7 produites et on compte aujourd’hui (presque) 4 survivantes dont celle magnifiquement restaurée celle du collectionneur alsacien Gérard Gruschwitz. Il s’y ajoute une autre version 32 non restaurée dans sa grange, un modèle 1933 à échappements bas attelé d’un side-car et dans le fin fond des Vosges un moteur qui sert toujours à actionner une scierie, mais ne me demandez pas les adresses, je ne les connais pas ! Cela constitue quand même un beau pourcentage.
Bonjour,
Merci pour cet article. Une moto, sur le plan esthétique, absolument superbe et techniquement évoluée pour son époque. Heureusement, grâce à un collectionneur passionné, ce magnifique exemple du monde motocycliste français d’avant guerre est encore là « en chair et en os ».
Sincères salutations.
Bonjour,
Je relisais cet article et je faisais la constatation que cette moto v4 de 500 n’avait jamais pu prendre la route !
Le pauvre pilote avait le choix de passer sa jambe entre le cadre et le pot où à l’extérieur du pot mais de toutes les façons, cuisson assurée.
Bien cordialement
Bravo très intéressant Serge Bordeaux
Ah ! ces collectionneurs ne laissent rien passer… mais il a raison, merci de la correction !
Encore un bel article !
La même que sur le salon ? Panier attelé de l’autre côté, pots chromés, couronne de compteur plus grande….?? Le mystère de la commercialisation de cette magnifique moto reste entier.
Magnifique machine !
Quelle belle technique !
C’est probablement en concurrence de ces marques qu’Helyett a monté également à la même période le V Jap 750, même si ce moteur était étranger et moins « exclusif »! Pour au final demeurer aussi rare…j’avais tenté de rentrer en contact avec les héritiers d’Alcide Blain qui fut agent et eut cette machine, hélas la famille fit barage total, arguant que tout celà était de l’histoire ancienne et ne voulait pas perturber la retraite paisible des personnes concernées.
merci pour les belles découvertes que tu nous fait partager
Merci de tes commentaires. J’étais à Villaroche où j’ai pu admirer longuement ta BSA, mais je l’avais déjà bien détaillée chez JCC. Amitiés
et encore un bien bel article sur de bien belles productions de notre bien beau pays !
Merci FMD.
V
nb: j’ai exposé ma BSA L31 350 OHV au meeting de Villaroche à la demande de la FVVE. Beau succès populaire , notamment » il est bien beau votre deux temps ! « .
Un seul mot, bravo pour cet article ! Cette mécanique est fort intéressante, et peu commune, dommage qu’elle fut prête à être mise sur le marché en 1930, juste après le krach boursier de 1929, ce qui a écourté la carrière de nombreux super engins. Les cylindres en quinconce en V très fermé, excellent pour la compacité, sans doute moins pour le refroidissement àpar air. En tout cas cette disposition retenue par Matchless fut pendant des années la caractéristique ses petits 4 cylindres double arbre Lancian justement renommés