Quel beau projet que cette exposition « Vitesse » qui se tient du 21 décembre 2021 au 28 mars 2022 dans le magnifique cadre du Château de Compiègne qui abrite le musée national de la voiture en pleine rénovation.
Chargé de proposer un choix de motos et de contacter leurs propriétaires, je me rapapinais de voir les dix motocyclettes que j’avais sélectionnées sur leurs podiums aux côtés d’automobiles tout aussi rarissimes, de calèches, de traîneaux et de tous les objets d’arts répartis dans le musée. Bon, personnellement je ne suis pas trop partisan de ce grand mélange des genres, mais cela n’engage que moi et puis cet assemblage parfois surprenant constitue quand même l’ADN du musée de Compiègne.
Cliquez sur les liens en bleu pour ouvrir les fiches correspondantes avec une description détaillée des motos concernées.
Texte et photos © François-Marie Dumas
Quel plaisir surtout d’avoir pu réunir pour la toute première fois les deux premières motos de notre histoire de France qu’on avait vues ensemble pour la dernière fois au 3e salon du cycle en décembre 1895 !
La Louis Guillaume Perraux à vapeur de 1871, première moto conçue en tant que telle (la Daimler de 1885 souvent présentée à tort comme LA première, n’était en fait qu’un gros châssis en bois avec des roues avant et arrière de charrette et deux grosses roulettes latérales, le tout n’étant destiné qu’à tester le fameux moteur 4 temps conçu suivant le principe défini par Beau de Rochas en 1864).
Cette étonnante Félix Millet à moteur rotatif à 5 cylindres en étoile dans la roue arrière est ici dans son ultime version de 1897. Elle n’est sortie que deux fois en 126 ans du lycée technique Hippolyte Fontaine de Dijon où elle est conservée. Ce fut de très loin la moto la plus révolutionnaire de son époque.
Commençons par ce qui fâche !
Il était juste d’espérer que ces ceux monuments historiques soient réunis sur un même podium avec un minimum d’explication pour le public. Eh bien non ! Un grand plateau est consacré aux ancêtres à deux roues avec, à un bout, la Louis Guillaume Perreaux de 1871, sobrement désignée comme « moto à vapeur », et à l’autre bout, la Félix Millet de 1895 sous laquelle il est indiqué, vous l’avez deviné, « moto à essence ». Entre les deux quelques très beaux et très anciens vélos empêchent la confrontation de nos deux prestigieux ancêtres. J’entends déjà les visiteurs « Qu’est-ce que c’est que cette charrette à deux roues » ou « regarde ce drôle de moteur dans la roue arrière ! »
Non, un musée n’est pas seulement une galerie d’art, il se doit aussi et surtout d’être didactique et puis, soyons chauvains, la Perreaux construite dans l’Oise, est la première moto au monde créée en tant que telle et la parisienne Félix Millet, prévue pour être commercialisée (c’est vrai un an après l’Hildebrand & Wolfmüller allemande de 1894), apporte de multiples innovations qui ne se reverront que des années plus tard.
Les six autres motos d’exception annoncées sont bien là et c’est une occasion unique d’aller les détailler, mais le moins qu’on puisse dire est qu’elles n’ont pas la vedette.
Une longue file de voitures de course prestigieuses occupe le centre du hall et, sur le côté sous les fenêtres, les six motos de course sont toutes visibles sur leur “mauvaise face”, la distribution étant du côté du mur. Vraiment dommage. « Mettre les motos dans l’autre sens », me dit Rodolphe Rapetti, directeur du musée, « aurait mis leurs échappements face au visiteur « … c’est vrai, mais lors de la dernière expo Concept auto, beauté pure au même château de Compiègne, toutes les motos étaient, comme les voitures, sur le podium central et d’autres, éparpillées dans des grandes salles du premier étage. Bref, il y aurait pu avoir d’autres solutions. Le château est grand.
Je peux en tous cas vous promettre que jamais plus je ne m’occuperai de choisir des motos pour une exposition sans être sûr d’être partie prenante dans la scénographie.
En tête de gondole, la réplique remarquablement réalisée par les amis du musée Safran de la Gnome & Rhône 175 cm3 vainqueur du Bol d’Or 1956, est de loin la mieux mise en valeur pour la bonne raison qu’elle est entièrement carénée d’aluminium.
Sous la fenêtre suivante, trône le DS Malterre de 1953 animée par le 175 cm3 AMC transformé en double ACT par son pilote Jean Mathieu. Il n’y eut que quinze 175 AMC double arbre construites par Jean Mathieu et Marcel Camus et cette sublime transformation tourne au régime fort imposant à l’époque de 9000 tr/min.
Deux colonnes plus loin, la 1000 Koehler-Escoffier de Georges Monneret profite de son exposition côté gauche pour nous montrer son carter éclaté (tiens, pourquoi le musée Malartre ne le change-t-il pas, la pièce existe en refabrication et cela nous permettrait de voir à nouveau rouler cette merveille). Notons au passage que cette 1000 est ici dans sa version 1952 avec le gros réservoir Mottaz et non dans sa robe de 1935, comme annoncé.
On découvre ensuite la remarquable Alcyon 350 ACT de Grand Prix championne de France (pilote et constructeur) dans sa catégorie en 1935 aux mains de Louis Jeannin. Quand Jean-Marc Brionnet, l’heureux propriétaire, remplacera-t-il sa belle et trop moderne béquille arrière rouge par un support plus discret ?
Prochaine étape, la Jonghi 350 des records de 1934 à 1938 et championne de France en 250 cm3 en 1935 aux mains de Georges Monneret. C’est encore ici une restauration de Jean Nougier sur la base d’un moteur et de pièces éparses, tout ce qui restait de cette moto unique.
Sixième et dernière des motos de vitesse, la Peugeot 500 M2 de 1926. Cette 500 M2 bicylindre à simple ACT est la moto française qui a remporté le plus de victoires en France comme à l’international de 1923 à 1926. Celle-ci, reconstruite par Jean Nougier, est basée sur le dernier modèle de 1926. En dépit de son potentiel, Peugeot se retira de la compétition en 1927.
En poursuivant la visite dans le grand hall du premier étage un plateau réservé aux vélos de record accueille aussi un Derny 100 cm3, la machine la plus couramment utilisée comme stayer pour entraîner les cyclistes.
Un peu plus loin et magnifiquement exposé sans se mélanger à des vélos une Peugeot 350 Paris-Nice 1914 a été prêtée par le musée de Sochaux. Bon, d’accord ce n’est pas la version course qui remporta la célèbre épreuve d’endurance… mais les 6 chevaux de son bicylindre lui permettent quand même un bon 70 km/h. Il est vrai qu’elle ne pèse que 60 kilos.
Ce tour de l’expo ne serait pas complet sans citer les gravures, tableaux et dessins exposés dont une large collection des oeuvres de Rob Roy.
A gauche une huile sur bois de René Hausson en 1956 : « Rendez-vous avec la mort »… guère engageant !
Merci pour cette annonce, dommage que je n’arrive à avoir plus d’information sur les motos représentés. Je recherche une moto de course Yamaha TZ 350cc qui m’a appartenu. La nostalgie est arrivé! Mais vendu à un collectionneur et gardé aucune référence de lui. Et pourtant doit être proche de Compiègne.
Merci pour cet article, il me donne envie d’aller prochainement à Compiègne.
Bravo pour les photos de qualité ! Les commentaires m’ont fait découvrir les deux « premières motos ».
Bravo pour cette superbe expo si j’en ai l’occasion je ne manquerai pas d’aller la voir. Pour la Gnome & Rhône N°40 c’est effectivement une belle réplique mais le moteur est un vrai moteur usine. Philippe Blard peut être fier de cette réplique, c’est lui qui a été le chef d’orchestre de cette réalisation.
Bonsoir, Je partage complétement cette analyse, rien à ajouter. Toutefois je note des erreurs importantes, non pas dues à notre journalistes et conteur, mais aux muséographe qui ont préparées cette exposition. Tout d’abord il est impose que ce « Vélocipède à grande vitesse » dixit Louis-Guillaume Perreaux lui-même soit de 1871. En effet, cette ancêtre de la « Motocyclette » – marque déposée en 1898 avant de devenir nom commun en 1903 -a explosé sous son inventeur, le 18 juillet 1874, avenue de la Charité à Paris, blessant son pilote. Une 2e machine fut construite mais Louis-Guillaume ne l’a pilota pas et elle fut transformer en tricycle. C’est donc au mieux la 3e et elle est donc bien postérieure u 18 juillet 1874. Tout a fait d’accord avec FMD, le réservoir festonné de 1935 a survécu, il est abandonné e sur une étagère dans une réserve d’un autre musée J’en ai la photo. il serait intelligent que le Musée Malartre puisse le récupérer et remettre sans grand frais cette machine dans sa véritable configuration. Enfin, le Stayer est le cycliste derrière machine, la machine, moto ou auto est le pacer. Cordialement
Bravo pour cette jolie brochette de motos de course et d’exception, toutes françaises de surcroit ! Je n’ajouterai rien aux pertinentes remarques de François Arsène. Le moteur de la DS Malterre est bien un AMC de l’usine, mais Jean Mathieu l’a pas mal modifié , allumage, bien sur, mais aussi circulation d’huile .
Autant pour les afficionado l’échappement est effectivement souvent une « signature », ou ligne qui habille une mécanique et une motocyclette… Mais ne voit-on pas poindre ici un petit côté « pseudo-écolo » qui veut faire oublier l’échappement pour ne laisser apparaître que « l’autre côté »?….. Ils auraient été bien embêté d’exposer une Honda-6 …
Bravo pour ton reportage et tes observations pertinentes. Il aurait sans doute été souhaitable que quelqu’un qui connaît la moto et les difficultés liées à une expo intervienne en amont. Réunir de belles pièces est très méritoire, bravo, mais il est effectivement préférable de les mettre en valeur par une disposition permettant au public de les voir sous tous leurs angles. Et ne pas oublier que la fiche signalétique doit être lisible, donc disposée non pas au ras du sol mais à hauteur du regard et écrite en caractères suffisamment gros.
Un petit commentaire en passant, le moteur AMC n’est pas la réalisation de Mathieu, c’est l’un de la douzaine de moteurs construits par l’usine d’après le moteur transformé en 2 ACT par Mathieu. Camus avait aussi fait un 2 ACT. En revanche, ce moteur est bien celui de Mathieu dont la disposition de magnéto est typique. Les moteurs d’usine avaient soit un allumeur à rupteur en bout d’arbre à cames d’admission, soit une magnéto Morel ou Scintilla au même endroit. C’était selon la destination : moteur d’endurance, dynamo et rupteur, course pas de dynamo mais une magnéto