Tuto : faîtes vous-mêmes votre moteur de Honda six cylindres. Niveau : Têtu.
Yves Kerlo et son orchestre de bricoleurs professionnels
Il faut d’abord que je vous présente Yves Kerlo, le chef d’orchestre de cette formidable réalisation qui a réuni, avec Stéphane Meunier, pas mal de musiciens de grand talent.
Je suis un « bricoleur professionnel » vous répond Yves Kerlo quand on s’enquiert de son activité, j’aurais pour ma part plutôt tendance à dire spécialiste pro à tout faire. Il a commencé dans la soudure avec des châssis de side-car, on l’a vu plus tard élaborer des Solex et courir à leurs guidons ; plus sérieusement, il s’est fait une réputation en fabriquant des pots de détente pour les plus grands, et puis des cadres, et puis du polyester, et puis des motos complètes, avec JBB par exemple, et puis encore, et avec moi pour mon plus grand plaisir, quelques prototypes et études pour Yamaha Europe dont une voiturette à guidage automatique (et oui en 2000, il y a 23 ans de ça!), et des prototypes de motos avec Alain Chevallier, et, et, et… Il faudrait un livre pour raconter tous ses exploits et j’espère bien qu’il le fera un jour pour suivre celui qu’il a récemment pondu sur JBB en révélant pour l’occasion un autre talent : l’écriture. En attendant, notre Kerlo national a organisé une exposition de moteurs de course célèbres pour le Sunday Ride Classic au Castellet du 5 au 7 mai 2023 et, comme il fallait une vedette à l’expo, Yves et surtout Stéphane Meunier sans qui ce projet n’aurait jamais vu le jour, accompagnés de quelques-uns de ses amis mille-pattes, ont eu la folle idée de faire une maquette à l’échelle réelle du plus mythique des moteurs de moto : celui de la 250 Honda 6 cylindres de 1966-67. Et vous allez voir, Yves Kerlo et son orchestre de bricolos pros sont un poil perfectionnistes, totalement allumés, même, et moi j’aime !
FMD
Honda 6, oui, mais lequel ?
Quand Jean-Pierre Bonato (SRC) m’a donné son feu vert pour 2023, nous avons dès septembre 2022 commencé à fouiller et retourner nos archives, mais aussi celles des autres, nous n’avons pas tout de suite vu qu’il y avait eu deux générations de moteurs ; et même probablement bien plus que deux si on va regarder à l’intérieur, mais là n’était pas du tout le sujet. La première génération de moteurs Honda 6 avait des carters moteur sans la colonne carrée de dégazage à l’arrière des carbus, ainsi que l’allumage magnéto allant de gauche à droite. (image du haut) Les autres points bien visibles étaient les points d’ancrage de cadre sur les caches culbuteurs différents, les carburateurs, les caches à 4 vis en bout d’arbre à cames. Il a paru évident que la seconde version (image du bas) était pour nous celle à retenir vu la grande quantité d’images fournies autour des répliques JPX et sur le catalogue édité par le Musée Honda de Motegi. A ce sujet un grand merci à Jacques Buchoux d’avoir autant partagé, il y a 20 ans, quand les répliques ont été présentées à la presse… (Photo ci-contre)
Une video d’enfer
Accrochez vous devant la vidéo réalisée par Stéphane Meunier, qui en avait réalisé quelques autres auparavant mais moins fouillées, on peut même mettre le son pour l’intro ! La vidéo dure 12 minutes, mais restez assis, c’est bluffant ! …une formidable animation où tous les éléments se fabriquent, s’imbriquent, se peignent et peuvent, à la fin, se comparer sans rougir au VRAI Honda 6.
1ere étape : Trouver les cotes
Nous avons commencé, avec Stéphane Meunier, par aller à la pêche aux archives pour savoir s’il existait assez d’images disponibles permettant de redessiner le Honda-6 pour la partie extérieure. L’intérieur est probablement encore plus intéressant… Bonne surprise, quelques excellents connaisseurs du sujet ont tout de suite adhéré au projet pour guider nos pas. Nous avons également trouvé beaucoup de matière dans les articles de Moto Technologie et Moto Légende parus il y a 20 ans, dans les archives de Pierre De Pauw et André Dumy, et dans les livres de Jacques Bussillet. Il existe aussi 180 photos récentes de détails dans un petit livret édité par le Musée Honda de Motegi, bref, on pouvait commencer…
2 : Dessiner en 3D, en 2D et découper
Stéphane Meunier est ingénieur de formation et professeur au Lycée Technique Durzy de Villemandeur près de Montargis (45), il collabore très activement avec l’équipe JBB depuis une vingtaine d’années pour les différentes motos, que ce soit sur l’Atomo, la Metiss, puis les motos électriques H-Ker, et par conséquent avec moi. Pour imprimer les nombreux éléments retenus, il a obtenu l’autorisation de sa hiérarchie d’utiliser les machines de son lycée. Nous étions alors début octobre 2022. Stéphane s’est mis à dessiner avec Solidworks pour reconstruire les formes extérieures, mais aussi décomposer et cloisonner les grosses pièces (carters, culasse…) afin de s’adapter à la taille des imprimantes 3D mises à disposition. De mon côté, je dessinais quelques pièces en 2D, comme les échappements, et les petits usinages métalliques. De nombreux échanges ont aussi définis la structure métallique interne au moteur pour que l’ensemble soit mécaniquement solide. En cours de route, nous avons aussi choisi de faire découper dans des plaques d’aluminium toute la partie ailettes de l’ensemble cylindre-culasse, dessinées une par une, c’est la maquette Tamiya qui nous en a donné l’idée.
3 : Fabriquer
Pendant que Stéphane maltraitait son clavier, et ses méninges il fallait, à 700 km de chez lui, que j’avance en parallèle sur les sujets annexes. Comme nous avions fait le choix d’intégrer un maximum de vraies pièces en métal, un complément d’enquête a été indispensable, en collaboration avec quelques membres très actifs du forum Pit-lane.biz, « adco » et « mykeul », pour ne citer qu’eux (leur grande timidité les faisant se cacher derrière des pseudos!). Il fallait des pièces dont les dimensions soient assez semblables aux pièces du Honda-6 et dans la mesure du possible d’origine Honda. Les sorties de sélecteur, l’arbre de boîte avec leurs joints spi, le pignon de sortie proviennent d’une 125 routière, la cloche et les disques d’embrayage d’un 125 mono du Challenge Honda… quelque peu modifiée à la fraiseuse pour passer de 7 à 9 disques. Pour les mégaphones c’est vers un des mes amis chartrains avec qui je faisais des courses de Solex que je me suis tourné, Denis Taillebois. Il a rapidement ressorti des tiroirs ses outils utilisés au siècle dernier pour les cyclos pour se remettre à l’hydroformage. Avec les premiers dessins de Stéphane plein latéral, je me suis fabriqué une maquette basique, en bois, échelle 1 pour valider le petit bout de châssis Honda-6, les coudes d’échappement, les mégaphones, les arbres de boîte en tube, entre autres détails. Les photos des moteurs exposés sur socles au Musée Honda de Motegi ont beaucoup servi pour identifier certains détails, comme la magnéto avec sa petite plaque constructeur, ou le petit bout de faisceau factice réalisé par adco, avec des condensateurs de 4L raccourcis. Une bonne partie des joints moteur ont été découpés un à un avec des ciseaux, à partir des dessins envoyés depuis Montargis. Toutes les pièces citées repartaient par la poste vers Montargis Afin d’être installées et validées au fur et à mesure que les éléments de « fonderie » étaient imprimées. Sur de nombreux sujets on s’est souvent arrangé avec l’authenticité comme les vieilles sorties d’huile intégrées dans le dessin avant l’impression du carter inférieur ou les coudes d’échappements qui ressemblent, mais qui se sont surtout adaptés aux galets de cintreuse que je possédais ! On va laisser les archivistes pinailleurs chercher nos dérapages (contrôlés). On peut quand même, sans hésiter, affirmer que les mouches ont très largement reçu !
4 : Montage à blanc et peintures
Au début du mois de mars, nous avons coupé la distance en deux en nous retrouvant avec Stéphane sur le parking d’un péage entre Montargis et Avignon, pour que je puisse récupérer l’ensemble bien avancé et terminer les travaux., ma maquette en contreplaqué ayant tout de même des limites de fiabilité, surtout pour terminer les échappements. Il fallait installer les dernières pièces fabriquées ou livrées, tout valider jusqu’au moindre détail, monter dans les carbus les morceaux de cyclo trouvés sur le net (boisseaux avec ressorts, petits gicleurs), assembler la rampe de carburateurs avec son mécanisme de commande, les arrivées d’essence faites avec des banjos de frein… Comme nous sommes de grands malades, nous tenions aussi à respecter au plus près la visserie Honda vue sur les photos avec la bonne empreinte pour ses vis cruciformes japonaises. Il a enfin été possible de mettre le moteur et ses accessoires en tout petits morceaux pour faire peindre ce qui devait l’être, à partir des essais de couleur effectués en amont et rendez-vous pris à l’avance avec les deux peintres concernés L-Aero à Chartres et The Color shop à Chateaurenard. L’expression « montage à blanc » prend toute sa valeur dans le cas présent…
5 : Assemblage final
Je pense qu’il n’y a pas grand chose de plus à raconter, les photos parlent d’elles mêmes…
Ha si, venez le voir au Castellet les 6/7 mai dans le cadre de la Sunday Ride Classic !
Salut Yves,
Je viens de tomber sur ta nouvelle réalisation.
Il y a vraiment dans la moto des gens complètement fous.
Je ne sais comment t’es venu cette idée, mais le résultats est bleuffant.
Et les animations de Stéphane Meunier sont remarquables.
Le monde de la moto est vraiment rempli de passionnés géniaux.
A te revoir un de ces jours.
Dire que je suis admiratif serait bien tiède et d’une banalité affigeante ! Déjà, fallait avoir l’idée de se lancer dans un tel projet et, en plus, il fallait trouver l’équipe de lascars suffisamment allumés pour y souscrire et surtout doués de compétences hors du commun pour mener l’entreprise à bien. Une équipe de sodomiseurs de diptères, suggère l’ami Kerlo ? Oui, incontestablement, mais j’ajouterai de diptères en vol, c’est encore plus difficile ! Le résultat est bluffant de réalisme : avec un disque du TT 1966 tournant en boucle, ça pourrait en piéger quelques uns !
Rhâââ, le truc !!!
Même si la CAO et l’impression 3D ouvrent des possibilités fantastiques, il n’en n’est pas moins vrai que le travail documentaire et de rétro conception est formidable.
J’en sais quelque chose puisque je participe à un projet de réplique d’une moto historique
Et le souci du détail (quoi, les mouches?) par exemple dans les fils freins, les joints, les bouts de carbus de cyclos…
Chapeau!
Et merci à l’ami FMD de nous faire partager le résultat
Que faut-il admirer le plus, la passion et le savoir faire des réalisateurs de cette maquette hors du commun ou cette technique d’impression en 3D qui permet de réaliser des pièces à partir d’un dessin.
De quoi faire rêver l’ancien dessinateur que j’étais dans les années 6o.
Encore merci de nous faire découvrir de telles merveilles
Un travail extraordinaire pour recréer un monument historique de la moto
Chapeau les Gars !!!!
Association de grands malades ayant réussi à terroriser les mouches !