Il faut être bon au bon moment. Quelques années plus tôt, l’Ariel 250 Leader eût certainement mérité son nom de meneuse, mais la moto utilitaire, même luxueuse, se meurt en ce début des années soixante où les jeunes veulent, soit une petite voiture, soit, une moto sportive juste pour le plaisir.
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Après soixante ans de quatre temps, Ariel, le constructeur de Selly Oak près de Birmingham, surprend en présentant en juillet 1958 sa 250 Leader : un concept révolutionnaire qui joue la carte du deux temps et de l’utilitaire de luxe. Elle est l’œuvre du vétéran Valentine Page revenu chez Ariel après-guerre après son passage chez Triumph et assisté, entre autres, de deux ingénieurs : Bernard Knight et un jeune débutant, Rober Victor Trigg. Ce concept fort novateur qui demanda près de 5 ans d’études voulait offrir à la fois la tenue de route et les performances d’une moto et la protection d’un scooter qui, pas de chance, est totalement passé de mode lorsque que la Leader est commercialisée.
La volonté de l’équipe de développement était de créer un maximum de pièces semi-finie en une opération pour diminuer ensuite les coûts de main-d’œuvre et d’assemblage. D’où l’usage extensif—au prix de lourds investissements en machines-outils— de tôle emboutie, de plastiques et de pièces moulées : une révolution dans l’industrie motocycliste britannique de l’après-guerre. Sur la Leader tout est nouveau et repensé avec logique et originalité, jusqu’à la boulonnerie au pas métrique alors que la standardisation n’est pas encore de mise.
L’équipement de série se complète en option par des sacoches, un top case , des clignotants, une montre, une béquille latérale, etc.… et même un indicateur de point mort ! Le cadre conventionnel est ici remplacé par deux demi-coques soudées en tôle emboutie. Le vrai réservoir, plus ou moins parallélépipédique, est enfilé dans cette coque en dessous de la selle et l’avant est recouvert d’un faux réservoir intégrant une grande boîte à gant. Le moteur bicylindre est suspendu à la coque par deux tirants, l’avant servant aussi de boîte à air. La fourche avant, elle aussi en embouti, reçoit une suspension à biellettes et roue tirée qui lui permet de conserver un empattement quasi constant et le bras oscillant de la suspension arrière s’articule à la fois sur les carters moteurs et sur le tirant arrière du cadre. Pour contrer les vibrations un jeune ingénieur qui fait ses premières armes chez Ariel, R.V. Trigg, testera même un montage souple de l’ensemble moteur bras oscillant. Le dispositif ne sera pas repris en série, mais le même Trigg sera, quelques années plus tard, l’un des concepteurs de la suspension Isolastic de la Norton 750 Commando. Les bonnes idées ne se perdent pas.
Le moteur, tout aussi novateur, est en fait conçu comme deux monocylindres séparés et accolés avec un carter central commun. Le dessin complexe du dit carter central et l’utilisation de deux vilebrequins assemblés permettent d’extraire moteur et boîte sans ôter le bloc du cadre. Les seuls gros manques de la Leader sont l’absence de toute prédisposition pour un démarrage électrique et un graissage séparé.
Ariel ayant arrêté la production de sa vieille gamme quatre temps fin 1959, la Leader est devenue son unique modèle. Comme elle est plutôt boudée par le public, la marque lui adjoint une version déshabillée, « naked » dit-on aujourd’hui. Oubliés carénage, pare-brise, panneaux latéraux, couvre guidon et sacoches, la 250 Arrow offre par contre deux carburateurs, 18 ch et quelques kilos de moins. Le succès ne se fait pas attendre. L’Arrow est sacrée « moto de l’année » par les lecteurs de Motor Cycle News en 1960.
Cette année-là, Sammy Miller engage même dans un trial une Arrow modifiée par ses soins avec des roues de 20 et 18 pouces et Mike O’Rourke finit septième au TT sur une version affûtée de la machine. Ariel en profite pour commercialiser en 1961, la Arrow Super Sport vite surnommée Golden Arrow à cause de la peinture or métallisé du faux réservoir. Outre ses améliorations cosmétiques; cette version « flèche d’or » se distingue par ses carburateurs de plus gros diamètre ainsi qu’un système d’échappement redessiné qui portent la puissance à 20 ch à 6 600 tr/min avec une vitesse maximale de 120 km/h.
Ariel a aussi étudié de multiples projets dont un deux temps trois cylindres et, en 1960, un 350 twin quatre temps culbuté (alésage x course : 63 x 56 mm) dont le moteur reprend la quasi-totalité des pièces de la 250 deux temps. Hélas, le management de BSA stoppe le projet qui serait venu en concurrence avec la 350 Bandit /Fury alors en pleine étude.
Pas de chance pour Valentine Page ! La carrière de cet ingénieur britannique fut marquée à son début et à sa fin par deux échecs qui allaient pourtant faire la renommée de ses successeurs. Premier fiasco en 1935, où il crée une 650 Triumph à deux cylindres verticaux face à la route et bloc moteur : un flop désastreux qui inspirera pourtant toute l’industrie britannique. Vingt-sept ans plus tard, Val Page, qui voudrait bien donner une suite à ses Square Four disparues, étudie un ultime projet pour Ariel alors sous contrôle de BSA: un 700 cm3 quatre cylindres. Les fonds manquant l’ingénieur développe un quatre cylindres en ligne très compact, utilisable à la fois pour une moto et pour des générateurs portables destinés à l’armée censée couvrir les frais d’études. Sur la base de la Leader, Sammy Miller qui est en même temps pilote d’usine au guidon de sa fameuse Ariel 500 de trial et qui a déjà participé à la réalisation de la 250, construit un cadre rallongé et renforcé. Bien avant les BMW trois et quatre cylindres de la série K, ce bloc moteur de 696 cm3 est disposé en long et à plat, une disposition originale qui offre maints avantages : centre de gravité très bas, excellente accessibilité mécanique et vilebrequin décalé, en ligne avec l’arbre de transmission à droite, l’échappement quatre-en-un se trouvant à gauche. Il est refroidi par air forcé avec un ventilateur monté sur l’embrayage et alimenté par un unique carburateur. Le chassis a été développé par Sammy Miller avec un bras oscillant monté directement sur le bloc moteur et l’ensemble sur silent-blocs (vous avez dit Isolastic !). Les pneus sont de 3,25 x 17″ à l’avant et de 4,00 x 16″ à l’arrière. Bien que l’exercice se fit avec un maximum d’économies en reprenant un maximum de pièces sur les Leader de l’Ariel Leader, l’équipement était on ne peut plus complet avec un démarreur électrique et une double optique de phare à l’avant. Un luxe encore inusité.
« Construite à un seul exemplaire l’Ariel 700 Straight Four donne des résultats encourageants au banc, mais dans les essais sur route son moteur rend l’âme après… 650 km ! Le quatre cylindres de 24 ch manquait de punch et souffrait de défauts rédhibitoires. » Raconte R.V. Trigg, chargé des essais routiers « Le ventilateur monté derrière l’embrayage ne suffisait pas à empêcher la surchauffe. La culasse trop compacte se déformait et son joint ne tenait pas. Il est vrai que les pièces faites à l’unité de ce premier prototype n’avaient peut-être pas bénéficié des traitements adéquats. Enfin, l’autre gros problème venait de l’énorme couple de renversement qui n’était compensé par aucun élément contrarotatif ».
Trop tard, de toutes façon, Ariel en difficulté est racheté par BSA qui ne sera qu’un compagnon de misère. La production des Leader et Arrow qui ne pouvaient contenir les attaques de l’invasion japonaise est transférée dans les usines BSA de Small Heath et s’arrète progressivement en 1964 et 65.
Oldjunor, ils espéraient sans doute que le moteur tienne, au même titre que leurs prédécesseurs FN, ACE, Excelsior, Pierce, Indian et autre Nimbus …
Comme d’habitude, c’étaient les petites marques qui innovaient le plus.
La Leader eut un assez bon succès en version à poils (+ fourche télescopique classique il me semble)
Probablement pas suffisamment pour amortir l’outillage d’emboutissage plus adapté aux très grandes séries.
Un 4 cylindres longitudinal refroidi par air, ils espéraient quoi ?
Une autre époque, belles images aussi d’époque, Louis