Si t’as pas une transmission par arbre, t’es rien ! Tel est le dicktat imposé par la mode aux constructeurs de motos françaises dès 1929. Motobécane, Dollar, Train, PP Roussey même (bien que sa quatre pattes annoncée à moteur Chaise n’ait jamais été vue) présentent leurs quatre cylindres acatène en 1929 et 30 et nombre de monos et bicylindres haut de gamme suivent le même chemin tandis que, pour les usines qui n’ont pas les moyens techniques de développer leur propre transmission, il existe une solution miracle : Bridier-Charron.
Quelle idée de génie que cette transmission Bridier-Charron présentée au salon de Paris en 1928 qui propose de transformer n’importe quel moteur existant en bloc moteur-boîte à transmission acatène. Il suffit de monter le moteur en travers, et de connecter sur l’axe du vilebrequin, dès lors dans l’axe de la moto, un ensemble composé de cinq éléments boulonnés entre eux. Un premier carter d’accouplement spécifique à chaque modèle, qui intègre l’embrayage monodisque à sec, la boîte de vitesses, un petit carter pour le système de kick, l’arbre de transmission puis son couple conique associé à un moyeu Lardy (Ydral) également fabriqué à Suresnes à 800 mètres des usines Bridier & Charron.
Albert Bridier et F. Charron (dont on entendra guère plus parler) créent en 1924 à Suresnes leur société qui se spécialise bien vite dans la fabrication de boîtes de vitesse qui vont équiper de nombreuses marques en particulier celles du groupe Gentil, Alcyon en tête. (Étude complète dans la revue du Motocyclettiste n°107 et 108).
Le bloc boîte-transmission acatène Bridier-Charron présenté en octobre 1928 et essayé dans sa version prototype par Max End dans Moto Revue, fait sa rentrée officielle au salon de Paris d’octobre 1929 avec la Majestic 750 V twin JAP culbuté et la Favor 350 K à moteur JAP. Faux départs, car la Majestic ainsi motorisée n’est jamais commercialisée tandis que la marque stéfanoise Favor, présente, l’année suivante une 350 G beaucoup moins chère à bloc moteur Staub associé à une transmission acatène due aux établissements Lardy (Ydral). Réservé par nature aux grosses cylindrées, le kit boîte-transmission par arbre apparaît aussi accouplé à des moteurs JAP sur les Helyett 750 V twin et 500 mono de 1930 mais est loin d’avoir autant de succès que les boîtes de vitesses classiques proposés par la marque Le concept de kit boîte-transmission adaptable sur quasi toute moto était sans probablement une fausse bonne idée bien difficile à réaliser. Il apparaît en tout cas que sur les rares exemples connus qu’il n’y a pas deux ensembles identiques.
Helyett 750 V twin MH 136 : la contre-offensive
Bien joué, la petite marque de Sully-sur-Loire qui ne s’en laisse pas conter par les quatre cylindres vedettes du salon de Paris 1930 et présente en grande pompe la même année une 750 cm3 animée par le très réputé moteur JAP à soupapes latérales qu’elle dispose face à la route en l’accouplant à une boîte française Bridier-Charron associée à une transmission par arbre. Bon, d’accord, cette belle Helyett twin ne sera guère plus vendue que les quatre pattes sus-citées, mais elle reste au catalogue et aux salons jusqu’en 1933. Toute petite marque qu’elle soit Helyett présentait d’aillieurs 25 références à ce catalogue 1933, mais ne vous laissez pas abuser par les nuances. Il y a en fait, en deux temps à moteur maison, une BMA 100 cm3, une 175 et une 250 puis en quatre temps, une 250 latérale et une 350 culbutée à moteurs JAP, une 350 à moteur Chaise à chaîne ou à arbre, une 500 culbutée à moteur JAP et arbre et notre belle 750.
Fiche technique Helyett 750 MH136 – 1930-1933
Moteur JAP bicylindre en V face à la route, refroidi par air – 750 cm3 (70 x 97 mm) – Un carburateur Amac 5/001 – Magnéto (1930) puis Magdyno (1933 – Graissage par pompe mécanique – Embrayage monodisque à sec – Boîte Bridier-Charron à 3 rapports par levier au réservoir – Transmission par arbre et couple conique – Cadre double berceau – Suspension avant à parallélogramme type Druid – Pneus 3,50 x 19’ – Freins à tambour ø 200 mm – Roues à démontage rapide- 135 kg -Prix 8800 F avec éclairage (La Helyett 500 JAP- Bridier Charron est à 7500 F et pour comparaison une Gnome & Rhône 500 V2 vaut 7850 F)
Nouveau, le V Twin transversal et acatène ?
L’architecture n’est pas courante bien qu’elle fut apparue dans les premiers âges de la moto avec la Moto-Cardan de 1900 et l’Ader 478 cm3 de 1901, on pourrait même compter l’Archdéadon à moteur Buchet de 1903, à ceci près qu’il entraînait ici une hélice et non la roue arrière. On verra aussi, la Spring 750 en 1920 en Belgique et l’AJS 500 S3 de la même année en Grande-Bretagne, les Majestic 750 JAP culbutées du salon 1929, l’Indian 750 modèle 841 de 1941, sur les Lilac au Japon dans les années 60, les Victoria V35 des années 50, et bien sur la Moto Guzzi 700 V7, première d’une longue lignée en 1968, les CX 500 et 650 Honda à partir de 1977 ! J’en ai peut-être oublié, mais ce n’est pas sur et vous admettrez que cette configuration est largement minoritaire avec une dizaine de marques concernées.