A l’exception des plus grandes marques, on connaît assez peu les motos allemandes en France, et c’est parfois bien dommage comme en témoignent ces belles Standard à simples ACT des années 30 fort inspirées par les moteurs MAG. Ironie de l’histoire, ce sont les mêmes moteurs MAG A35 et A50 qui firent la gloire de Standard et de Monet Goyon. L’un va en profiter, pas l’autre.
Wilhelm Gutbrod crée la Standard-Fahrzugfabrik GmbH à Ludwigsburg près de Stuttgart en 1925 et débute sa production de motos avec des 350 et 500 monocylindres et 750 bicylindre en V à moteurs JAP couplés à des boîtes Burman dans des cadres maison inspirés des HRD britanniques et dotés de freins avant et arrière couplés.
Il délaisse rapidement le motoriste anglais pour se tourner vers les moteurs suisses MAG fabriqués par Motosacoche à Genève associés à des boîtes de vitesses Hurth. Standard a même le privilège d’utiliser les moteurs MAG d’usine à simple ACT dessinés par Doug Marchant et avec lesquels Hermann Lang, futur champion automobile, est deux fois champion d’Europe en course de côte en 1929 et 30.
L’Allemagne se referme au début des années 30 et il devient impossible, faute de devises, d’obtenir les moteurs helvêtes ; Standard développe donc ses propres mécaniques qu’il présente au salon de Berlin de 1933.
Standard a dessiné son moteur en s’inspirant du MAG simple ACT et en inclinant le cylindre vers l’avant. Les cotes restent identiques et l’entraînement de l’arbre à cames similaire, avec deux couples coniques, un arbre vertical renfermé dans un gros tube chromé du côté droit et des soupapes totalement enfermées et graissées sous pression comme BMW le fait depuis huit ans déjà et comme, au même salon 1933, les moteurs Bark qui équipent les Ardie. Contrairement à Motosacoche qui réservait ses ACT au circuit, Standard choisit la course en vente libre et ses superbes Rex 350 et 500 cm3 seront des modèles sport de 1933 à 1939, en versions routières ou tout terrain type ISDT (On dirait aujourd’hui scramblers). La fourche avant, caractéristique des Standard est à roue poussée type Castle (comme Harley-Davidson et Brough Superior). Elle fut utilisée sur le haut de gamme jusqu’aux derniers modèles1939. Le cadre à partie arrière rigide se dote (en option), au salon de Berlin 1938, d’une suspension arrière oscillante qui est la réalisation allemande la plus moderne d’alors.
Dans le même temps, Standard avait diversifié sa production, avec des versions à soupapes latérales, elles-aussi d’un dessin fort original, et une voiturette 400 cm3 bicylindre deux-temps conçue par l’ingénieur Joseph Ganz et présentée à ce même salon 1933. Juste après la guerre, les dernières Standard seront distribuées en Suisse par Zehnder après que cette marque aît cessé, vers 1930, de produire sa célèbre petite Zehnderli deux temps.
Motoculture franco-allemande
Standard-Gutbrod qui fabriquait déjà des motofaucheuses à la veille de la seconde guerre mondiale s’installe à Bubingen, près de Saarbrucken dans la Sarre après 1945 et devient la Motostandard GmbH. La Sarre étant occupée par les français, la distribution se fait naturellement vers notre pays, et la firme au Puma développe de nombreux motoculteurs et de porte-outils,réputés, commercialisée en Allemagne sous le nom Farmax, ,Farmax standard, Gudbrod. … ou MotoStandard.
En 1958 MotoStandard s’associe à Monet Goyon pour la fabrication de motoculteurs et de moteurs légers de bateaux qui jusqu’en 1959, seront encore siglés par la marque de Mâcon. C’est hélas la fin pour Monet Goyon qui est totalement absorbé par MotoStandard. La marque se consacre dés lors exclusivement à la motoculture avec des moteurs MAG-Gutbrod, puis Faryman, Renault, Kubota et Isuzu. Tué par la concurrence japonaise Motostandard licencie tout son personnel (1900 personnes en 1970) et se fait racheter par l’américain MTD.
Protectionnisme des années 30 : À qui perd gagne
Protectionnisme dans toute l’Europe au début des années trente et, ce sont paradoxalement ces mesures restrictives qui vont pousser à la diffusion des techniques les plus prisées.
L’un des meilleurs exemples est ce moteur 350 cm3 à simple ACT entraîné par arbre et couples coniques créé par Doug Marchant en 1926 pour Chater Lea sur la base de moteur Blackburne culbuté transformé par le maître. Doug Marchant franchit pour la première fois le cap des 100 mph (160,9 km/h) en septembre 1926 avec ce moteur dont le dessin deviendra sa marque de fabrique chez Motosacoche. Il y crée en 1928 les célébrissimes moteurs MAG A 350 et 500 qui, outre Motosacoche, vont faire le succès de Condor, OD, TWN, Standard et, en France, de New Map et Monet Goyon.
Précédant le protectionnisme allemand du début des années 30 (tout autant dicté par une volonté d’autarcie que par un manque de devises), notre pays crée en 1929 un championnat de France franco-français où ne concourent que des motos à moteurs, boîte, carburateurs, magnétos, cadre, fourche et roues de fabrication française montées par un pilote de même nationalité ! Enfin, nos motos et pilotes ont toutes leurs chances !!
Monet Goyon dont les 350 et 500 à moteurs suisses MAG à ACT ont raflé les podiums de notre Grand Prix National en 1928 avec Gaussorgues en 500, en 1929 avec Gaussorgues et Richard en 350 et 500 et en 1930 avec Debaisieux. (3e en 350 au Grand Prix de UMF le 21 septembre à Pau, puis 1er au GP de France à Montlhéry le 5 octobre 1930) continue en 1930 d’utiliser des MAG A 350 et 500 dans les courses internationales, et trouve par ailleurs la solution politiquement correcte en rachetant Kœhler Escoffier à Raymond Guiguet qui a développé (lui-aussi inspiré par Doug Marchant ?) des mono et bicylindres à simple ACT. Ces fort belles machines jusqu’alors fort fragiles en raison du manque de finances chronique de Raymond Guiguet peuvent enfin être fiabilisées grâce aux largesses de Monet Goyon et Marcel Château est promu champion de France 1930 en 500 cm3 avec sa Kœhler Escoffier en couvrant 150 km à 97,238 km/h de moyenne. Faut dire qu’il n’y avait que deux partants et que Durand sur une autre Kœhler abandonna ! Bonne idée que de promouvoir notre production nationale, mais l’élimination pure et simple de toute concurrence fait que ce Championnat de France disputé en une seule épreuve à Montlhéry le 31 aout 1930 sur le petit circuit de 5 km est une totale esbrouffe réservé aux motos 100% françaises alors que Norton, AJS, et moteurs MAG dominent les 350 et les 500 dans toutes les courses internationales. Dans le même temps les constructeurs allemands et Standard en particulier, ont mis à profit le même protectionnisme pour développer et améliorer leurs produits tandis que nos constructeurs n’en ont profité que pour courir entre eux avec des motos non concurrentielles au niveau international.