Motobécane 350 L4C 1953-60: Le twin en tandem

À peine sa brillante 350 V4C est-elle refusée, début 1948, par la direction tatillonne de la firme de Pantin, qu’Éric Jaulmes, directeur technique de Motobécane depuis 1946, lance un nouveau projet de bicylindre en tandem vraiment original, la 250 L3C d’où découlera la 350 L4C commercialisée de 1954 à 1960.

par François-Marie Dumas, photos et archives : Patrick Barrabès, famille Jaulmes, François-Marie Dumas • Un clic sur les photos pour les agrandir

• Plus rustique et moins massive, le prototype de la 250 L3C réalisé dès 1948 paraît tout frêle comparé à la 350 avec sa grande roue de 19″ dotée d’un petit tambour latéral, pas de carter de chaîne étanche et une batterie à l’air libre du côté gauche. Par rapport à la L4C qui suivit, cette 250 L3C était beaucoup plus légère et vive à piloter raconte Claude Jeunesse qui a longuement roulé avec le prototype.

• Le plan de la 250 L3C daté de novembre 1948 montre déjà, à échelle réduite, tous les choix techniques de la 350 LC4… à échelle réduite (Collection famille Jaulmes – Archives Patrick Barrabès)

1 879 exemplaires en sept ans

Étonnamment, tout commence dès 1948, un an à peine après la présentation de la 350 L4C en V à 45°. Les plans du projet L3C sont en effet datés du 15 novembre 1948. Il s’agit d’une 250 cm3 très légèrement plus grosse que la 175 Z2C monocylindre dont elle emprunte nombre de pièces. Trop chère sans doute en regard de sa cylindrée, cette 250 L3C reste au stade du prototype. L’idée n’est pourtant pas abandonnée pour autant et Éric Jaulmes, têtu, revient à la charge en 1951 avec une évolution en 350 cm3, la L4C. Plus économique que la V4C de 1947, cette nouvelle 350 est aussi moins sportive et moins apte à évoluer, ce qui la pénalisera après sa commercialisation. La L4C est présentée une première fois au salon de Paris 1952, sans qu’on en parle plus ensuite. Les fanatiques de la marque s’inquiètent. Ne sera-t-elle qu’un prototype de salon comme la V4C de 1947 ? Ouf, elle réapparaît au salon 1953, mais toujours sans prix annoncé. Elle est pourtant bien commercialisée en 1954 et restera au catalogue jusqu’en 1960 avec des ventes malheureusement en baisse constante dues à son manque d’évolution. 559 exemplaires en 1954, 799 en 1955, mais seulement 147 en 1956, 135 l’année suivante et respectivement 92, 99 et 48 en 1958, 1959 et 1960 où s’arrête définitivement la production. Il n’en a finalement été vendu que 1 879 exemplaires en sept ans. C’est peu, mais n’oublions pas que la totalité du marché français de la moto est alors en pleine décrépitude : 26 000 motos de plus de 125 cm3en 1951, 10 000 en 1956, 6 376 en 1958 en à peine 1 400 en 1960. Merci à la guerre d’Algérie qui garde les jeunes deux ans sous les drapeaux et aux assurances dont les tarifs explosent.

Prototype de la L4C Motobécane au salon d'octobre 1952. La même reviendra au salon 1954, mais sans la plaque d'immatriculation avant dès lors interdite. Le coffre latéral s'ouvre totalement, contrairement à celui de série commercialisée en 1954.
Au même salon, la N4C Motoconfort expose l'option biplace avec une selle échancrée inspirée avec bonheur de celles des Vincent et d'élégants caoutchoucs de réservoir blancs. Le superbe collecteur d'échappement ailetté n'équipera jamais la production.
Première version commercialisée couleur havane et marron en 1954 et 55. Le phare n'est plus monté sur pivot, mais sur des oreilles des fourreaux de fourche, le collecteur d'échappement n'est plus ailetté. Comme la défunte V4C, les deux faces de la L4C sont asymétriques. Le gros boîtier central arborant le klaxon en son centre se termine en pointe du côté gauche au-dessus du carter de chaîne étanche, tandis qu'il se poursuit, du côté droit par un volumineux coffre quadrangulaire contenant l'équipement électrique qui s'ouvre désormais au tiers de sa hauteur. (Sur la V4C ce boîtier était en fait le silencieux d'échappement.)

Mauvais calcul

Contrairement à la V4C, jugée trop sportive (au grand dam d’Éric Jaulmes), la L4C avait été plébiscitée par la direction commerciale : Erreur de marketing totale, car la calme vocation de grand tourisme de cette L4C sera l’une des raisons de son échec tout comme la même image trop sage pénalisera 18 ans plus tard la 350 trois cylindres deux temps de 1973 apparue en pleine crise du pétrole . Motobécane qui avait si bien compris que la Mobylette était en son temps le moyen de transport personnel à la portée de tous, aurait aussi pu penser que seule une moto sportive et excitante aurait pu séduire les jeunes pour qui les 2 ou 4 CV d’occasion devenaient abordables. La 350 L4C s’affiche à 230 000 F en 1954 alors qu’une 2 CV neuve vaut 350 175 F. L’année suivante la Motobécane passée à 265 000 F s’oppose à la 350 Jawa bicylindre deux temps, alors très à la mode, vendue 249 500 F, mais bien que moins chère, elle ne fait pas le poids face à une Anglaise comme la 500 A7 BSA à 340 000 F. La L4C (N4C chez Motoconfort) évolue bien peu au cours de sa carrière. Elle apparaît en marron et beige avec le dessus du réservoir chromé comme la Z2C au salon de 1952 avec un fort joli collecteur d’échappement ailetté qu’on ne verra jamais en série. La version du salon 1954 se distingue par un échappement deux dans un, les deux tubes se rejoignant à la hauteur de la fixation du bloc moteur, mais il ne s’agit que d’un essai, car les versions commercialisées auront, comme sur le catalogue, un collecteur très court en alu puis bronze d’alu rassemblant des deux sorties d’échappement. 1955 voit l’adoption d’une suspension arrière oscillante sur les 125/175 série Z, mais la L4C n’y a malheureusement pas droit ce qui la rend définitivement vieillotte. Elle adopte par contre une robe mastic et chrome plutôt seyante.

La Motoconfort N4C couleur Mastic de 1956-57. Qui devinerait sous cet angle qu'il s'agit d'un monocylindre ? (Collection Jean-François Lafleur)
Dès la première série, la L4C est disponible en noir sur commande et quelques unités seront proposées de série dans cette couleur de 1956 à 1960. L'écrou papillon qui ferme le coffre est apparu dès 1955.
Qui eut cru qu'une L4C puisse courir en motocross ! C'est pourtant ici le cas en 1954 avec un prototype à suspension arrière oscillante et l'échappement à deux sorties séparée, montré au salon cette même année et qui n'apparut jamais en production.

Technique d’exception

Toute l’originalité de la L4C réside dans son moteur dont la conception est aussi peu commune que, théoriquement, économique à réaliser comme, par exemple, le bloc en alliage léger avec ses deux cylindres chemisés rigoureusement parallèles et disposés en long dans le cadre. Le vilebrequin, largement dimensionné est aussi tout à fait classique tout comme sa disposition transversale. C’est dans l’embiellage que réside toute l’astuce. Il reprend le principe de certains deux temps à double piston. La bielle maîtresse, pour le cylindre avant, comporte une oreille sur laquelle s’articule une bielle secondaire pour le cylindre arrière. Seules les bielles travaillent sous un angle légèrement différent, et les points morts hauts des deux cylindres ont ainsi un décalage de 18°. Cette disposition a conduit à une autre originalité pour la commande des soupapes. Un couple de pignons à taille hélicoïdale sur l’extrémité droite du vilebrequin (pignon acier sur le vilebrequin et bronze sur l’arbre à cames) renvoie le mouvement sur un arbre à cames qui est donc parallèle aux deux cylindres et les cames actionnent tout à fait normalement les beaux culbuteurs en alliage léger par le biais de quatre tiges sur le côté droit des cylindres. Le carburateur unique et sa pipe d’admission dédoublée prennent place du côté gauche.

Ce bel artifice n’avait pourtant pas que des avantages. Le renvoi d’angle de l’entraînement d’arbre à cames était fragile et la L4C avait tendance à chauffer (curieusement plus du cylindre avant que de l’arrière où le piston était monté avec 2/100e de jeu supplémentaire de façon à éviter les serrages). Dans un louable souci de standardisation, de nombreuses pièces sont interchangeables avec les plus petits modèles de mêmes cotes internes. On sent encore bien les technologies d’avant-guerre et les économies d’après-guerre ! Seule la tête de la bielle maîtresse tourne sur galets ; la bielle secondaire est sur bague bronze tout comme les pieds de bielle. Seuls la boîte, l’embiellage et l’arbre à cames bénéficient d’un graissage sous pression. La culbuterie, comme sur les 125/175 de la marque, se contente d’un brouillard d’huile.

Très appréciée par son silence et sa grande souplesse, la L4C pêche par des performances trop modestes ; 110 km/h assis, et 122 avec une position en limande bien peu en rapport avec cette machine ! Le confort de sa suspension arrière obsolète est aussi critiqué et, c’est le plus grave, de gros problèmes de fiabilité des premières séries contraignent la Motobécane à limiter le rythme de production initialement de 10 exemplaires/jour. L’usine revient à in montage quasi-artisanal en 1957 et la L4C est enfin fiabilisée, sans pour autant se refaire une réputation, mais en perdant les économies de fabrication promises par son concept technique. Autant d’arguments négatifs qui font que Motobécane abandonne ses projets de modernisation du modèle avec un moteur modifié promettant 140 km/h et, enfin, une suspension arrière oscillante.

Belle vue des culbuteurs en alliage léger sur le moteur découpé côté arbre à cames. Échappement à droite, carbu à gauche, une bougie devant et une autre derrière… tout est inversé par rapport à un monocylindre classique.
La coupe transversale montre bien la disposition de l'arbre à cames dans l'axe de la moto.
La vue du moteur découpé montre bien le décalage du point mort haut des deux pistons (La chaîne qui entoure le volant et sort sous le moteur n'est là que pour faire tourner le modèle de présentation !)

Fiche technique Motobécane L4C 1954

Moteur 4 temps à 2 cylindres verticaux en tandem refroidis par air– 349 cm3 (56 x 70,8 mm) – Soupapes culbutées – 18 ch /5 850 tr/min – Compression 6,8 à 1 – Carburateur unique Gurtner puis Amal Ø 22 mm – Allumage par volant magnétique 6V 60 W – Transmissions primaire par pignons à denture oblique, secondaire par chaîne sous carter étanche – Embrayage multidisque humide – Boîte 4 rapports – Cadre simple berceau dédoublé – Suspension avant télescopique hydraulique  – Suspension arrière coulissante – Freins à tambour simple came Ø 170 mm – Pneus 3,50 x 18″ – 145 kg – 122 km/h

Intéressante confrontation au musée de la moto de Marseille des deux bicylindres en ligne des années 50, la Sunbeam 500 S8 et la Motoconfort 350 N4C.

Je vous renvoie aux commentaires pour lire ceux de Jean-Pierre Besson qui s’est penché sur le calage très particulier de ce moteur, jusqu’à en faire la simulation sur YouTube qui apparaît ci-dessus.

À peine sa brillante 350 V4C est-elle refusée, début 1948, par la direction tatillonne de la firme de Pantin, qu'Éric Jaulmes, directeur technique de Motobécane depuis 1946, lance un nouveau projet de bicylindre en tandem vraiment original, la 250 L3C d’où découlera la 350 L4C commercialisée de 1954 à 1960. par François-Marie Dumas, photos et archives [...]

Motobécane 350 V4C 1947 : L’espoir déçu

Grand espoir au  salon de  Paris en 1947 : la moto française renaît avec deux nouveautés extraordinaires : la 500 Sublime vertical twin et la 350 Motobécane V4C bicylindre en V. Motobécane va-t-il retrouver sa place et la France va-t-elle redevenir un producteur de belles motos sportives ?

Texte et photos François-Marie Dumas et archives moto-collection.org

Imaginez donc une Motobécane avec un son de min Harley !

Pas facile de reprendre une production à partir de rien ! Les Allemands qui ont occupé l’usine pendant la guerre ont emporté les machines-outils et le manque de matières premières se fait cruellement sentir. Les gros monocylindres d’avant-guerre remis en production font illusion dans les premières courses et quelques-uns équipent l’administration, mais il faut du neuf, car le premier et fort maigre salon de 1946 s’est contenté de promesses. 1947 est en fait le premier vrai Salon de l’après-guerre. L’ingénieur Éric Jaulmes, qui va devenir responsable technique de Motobécane en 1946, a débuté l’étude de la V4C dés 1945 et les premiers moteurs tournent au banc l’année suivante. La première machine, finie en dernière minute comme il se doit, sera la vedette de ce salon de Paris 1947. Encensée par la majorité, mais plutôt critiquée par une certaine presse, d’ailleurs survivante, qui écrit que Motobécane ferait mieux de rénover ses gros monocylindres d’avant-guerre (ce qui sera d’ailleurs fait un peu plus tard) et de travailler à la commercialisation de la 125 culbutée Z46 MobyClub qui, annoncée en 1946 n’arrivera au compte-gouttes qu’à la fin de 1947.

Une exclusivité, grâce aux archives de Patrick Barrabès, auteur de nombreux livres sur les Motobécane, la seule photo connue d'une V4C sur la route qui pose ici au col du Galibier en 1948 avec son essayeur Félix Bachmann.
Ce prototype de la Motobécane 350 Super Club à deux carburateurs n'a pas le décor de réservoir finalement choisi, mais celui, chromé et plus luxueux, des machines d'avant-guerre.
Cet exemplaire des essai sera conservé par la famille Jaulmes. Ce même décor équipe d'ailleurs encore la première 125 Z46C présentée au salon de 1947.

Toujours est-il que la V4C attire tous les visiteurs de ce deuxième salon de l’après-guerre en octobre 1947 qui se tient exceptionnellement dans les sous-sols du Grand Palais. Enfin, l’une des plus grandes marques françaises repart de zéro en présentant une machine performante et moderne dont les lignes générales et l’ensemble mécanique en particulier se distinguent par une remarquable sobriété des lignes sans aucune excroissance.  Contrairement aux usages de la firme, la bicylindre est présentée sous le même nom de code, V4C, pour les deux marques jumelles Motobécane et Motoconfort, mais, comme si la décision de la montrer avait été prise en dernière minute, les V4C n’apparaissent même pas au « Prospectus du Salon « . Elles y sont pourtant bel et bien, en beige et marron façon 125 Z46C et sous l’appellation SuperClub chez Mototobécane et en vert baptisée SportClub chez Motoconfort. Curieusement, la presse spécialisée de l’époque fera une totale impasse sur la Motoconfort, pourtant plus gaie, et ne parlera que de la Motobécane. Ces modèles du salon ne sont équipés que d’un seul carburateur inversé, mais les deux pages ronéotées distribuées sur le stand annoncent cependant que deux carburateurs seront disponibles en option. Aux dires d’Éric Jaulmes, qui avait coutume d’essayer lui-même ses projets lors de longues randonnées vers les Alpes, cette version bicarbu était notablement plus amusante, mais ses performances effrayaient la direction et d’autre part la monocarbu répondait bien mieux au cahier des charges des administrations. « Lors des essais la V4C, annoncée pour 120 km/h en production, atteignit 155 km/h de moyenne au tour à Montlhéry alors que la N4C étudiée quatre ans plus tard, en 1951, ne tournera qu’à 110 de moyenne » nous confiait Éric Jaulmes lors d’une interview au début des années 70. Quatre V4C complètes sont construites, plus quelques moteurs et de nombreux essais sont effectués dont un Paris-Nice plein gaz aller et retour effectué par le coureur Patuelli devenu essayeur maison.

Boudée par les publications de l'époque, cette version SportClub de Motoconfort était encore plus sportive et élégante avec ses deux tons de vert quand même plus flashy que les bruns marron de la Motobécane.
Curieusement tous les journaux de l'époque ont montré la V4C Motobécane SuperClub en faisant l'impasse sur la SportClub Motoconfort pourtant présentée au même salon et qui pose à son tour dans la cour de l'usine pour le catalogue qui ne sera jamais réalisé.
La LC4 Motobécane de Patrick Barrabès fait admirer sur ce côté l'énorme silencieux latéral entre boîte à outils et suspension arrière. Le design génial de Géo Ham a encore frappé.

« La V4C bénéficie de l’expérience acquise par Motobécane avec ses modèles Armée » annonce le descriptif de l’époque rédigé par Éric Jaulmes qui justifie ainsi l’allumage par volant magnétique et le carter de chaîne étanche et oublie de dire que seule une poignée de 500 Superculasse ont été réalisées pour essai par les armées française et espagnole et qu’aucune ne passera commande !

La puissance modeste est volontairement limitée à 17 chevaux (comme la 350 mono) obtenus à 6 500 tr/min, mais son faible poids à sec (130 à 135 kg) lui confère une excellente vivacité. Sans citer en détail ce texte dithyrambique où Motobécane explique en 1947 les raisons de ses choix, reconnaissons que la V4C est d’un grand modernisme. Comparé à un deux cylindres parallèles, un bicylindre en V permet, dit l’ingénieur maison, des alésages plus grands et donc des conduits et des soupapes de plus grands diamètres. Il n’y a qu’un seul arbre surélevé à quatre cames pour les deux cylindres et les soupapes, commandées par tiges et culbuteurs en alliage léger au centre du V sont rappelées par des ressorts en épingle. L’ensemble est totalement enclos et ainsi correctement lubrifié avec un reniflard efficace pour éviter les surpressions et les fuites d’huile (mais sans qu’on sache s’il s’agit d’un simple barbotage comme sur les autres productions de la marque ou d’un vrai graissage sous pression).

La 350 V4C restaurée par Maurice Chapleur est revenue à Saint Quentin où elle est l'une des vedettes du musée Motobécane. Pour semer la confusion, son carter gauche est signé "Sport Club" alors quelle porte le logo de Motobécane.

Sportive, mais trop chère

La volonté de monter les deux cylindres dans le même axe a nécessité l’emploi d’un embiellage plus complexe et cher qu’avec deux bielles côte-à-côte montées sur aiguilles encagées. Pour pouvoir s’articuler sur un maneton unique, l’une des bielles est en fourche ce qui permet d’utiliser un vilebrequin très court, rigide et léger. D’autre part l’usage d’un voire de deux carburateurs inversés était cité comme solution miracle pour une grande souplesse alliée à des performances remarquables. Quoiqu’on en dise sur son descriptif, la V4C n’est visiblement pas construite à l’économie et c’est bien ce qui lui vaudra sa perte. La transmission primaire s’effectue par pignons à taille hélicoïdale et l’embrayage totalement séparé à l’intérieur des carters est multidisque à sec.

Malgré de nombreux emprunts de pièces aux modèles existants ou en cours d’élaboration, en particulier la 175 culbutée qui prête entre autres ses pistons, la V4C reste trop chère ce qui n’est nullement du goût de la direction qui la trouve aussi trop sportive et entend se concentrer sur ses modèles économiques en construction. Toutes les capacités de production de l’usine sont absorbées par la D45 puis les 125 et 175 culbutées, puis enfin, la Mobylette dont le colossal succès va mettre un point final à l’étude. « Motobécane poursuit la mise au point de sa 350 bicylindre » lit-on encore dans le numéro d’avril 1948 de « Motocycles« , et une version 500 cm3 est même déjà prévue sur plans, mais la partie est jouée. On lui préférera une mise à jour de la Superculasse 350 qui apparaît en 1948 avec d’ailleurs la fourche et la suspension arrière coulissante étudiées pour la V4C. Très curieusement Motobécane après avoir abandonné ce très moderne projet réalisera dés 1948 une 250 cm3 bicylindre en ligne, la L3C dont la conception préfigure la 350 L4C étudiée à partir de 1951 et commercialisée en 1954. Mais ceci est une autre histoire sur laquelle je reviendrai.

Les seules V4C survivantes sont le prototype de SuperClub bicarbu qui servit aux essais, conservé par la famille de son concepteur Éric Jaulmes, et une version reconstituée par Maurice Chapleur et actuellement exposée au musée de la marque à Saint-Quentin. Une fort belle machine dont le moteur est dit-on totalement vide et qui résume un peu l’histoire de ce beau prototype en arborant le logo et les couleurs de Motobécane, mais l’appellation « Sport Club » de Motoconfort sur son carter moteur gauche !

Fiche technique Motobécane 350 V4C 1947

Moteur quatre temps bicylindre en V à 45° à cylindres et culasses en alliage léger- 348 cm3 (60 x 61,8 mm) – Soupapes encloses et culbutées avec ressorts en épingle – 17 ch/6 500 tr/min– Mono ou bicarburateur  – Allumage par volant magnétique – Boîte intégrée 4 rapports par sélecteur à droite – Embrayage multidisque à sec – Transmissions primaire par engrenages à taille oblique, secondaire par chaîne sous carter intégral – Cadre simple berceau tubulaire dédoublé sous le moteur – Fourche télescopique à bain d’huile, débattement 160 mm – Suspension arrière coulissante, débattement  65 mm – Roues à broche interchangeables – Freins à tambour Ø 170x 30 mm – Pneus 19″ – 135 kg – 135 km/h

L'embrayage totalement séparé du carter central fonctionne à sec. Les bossages sur l'avant renferment les canalisations d'huile.
Cette vue trois quart avant laisse admirer les culbuteurs en alliage et les volumineux ressorts en épingle de rappel des soupapes. Notez aussi les deux pipes d'admission pointant vers le haut.
La revue "Motocycles" fait un retour technique sur la V4C et avril 1948, mais ce n'est malheureusement qu'un hommage posthume!
Bien que quelques publications de l'époque et des livres plus récents annoncent ce moteur pour un V à 60°, il s'agit bien d'un V façon Harley Davidson à 45°. Avec, comme lui, des bielles qui s'articulent sur un unique maneton. Une vraie mini Harley, mais en plus moderne à son époque !
Le moteur de la V4C Super Club des essais monté avec deux carburateurs.
Grand espoir au  salon de  Paris en 1947 : la moto française renaît avec deux nouveautés extraordinaires : la 500 Sublime vertical twin et la 350 Motobécane V4C bicylindre en V. Motobécane va-t-il retrouver sa place et la France va-t-elle redevenir un producteur de belles motos sportives ? Texte et photos François-Marie Dumas et archives moto-collection.org [...]

Grand Prix de France 1953 à Rouen

Histoire d’archives : le grand tri de Rouen

Une photo m’interpelle en classant mes archives, Ray Amm sur sa Norton 350 Manx en train de chuter au virage du Nouveau Monde sur le circuit de Rouen les Essarts au Grand Prix de France 1953. Les photos de chutes ne sont pas si courantes à l’époque. Point de super téléobjectif, de mise au point automatique et de moteurs prenant 10 ou 15 images seconde, en ce temps-là, monsieur, les Rolleiflex 6 x 6, les Foca Sport voire les Leica pour les plus riches ne se prêtaient guère à ce jeu, il fallait régler, faire la mise au point, réarmer, bref… une telle photo réclamait un énorme réflexe et beaucoup de chance. Intrigué je vais donc relire le reportage de la course et replonge le nez dans mes archives. Surprise, j’y retrouve un petite vingtaine de photos du même Grand Prix qui, étonnamment, proviennent de quatre sources différentes achetées ou données au fil du temps. Évidemment elles ne sont pas légendées au départ, c’eut été trop facile. Je me bats donc pour retrouver où et quand elles ont été prises avec qui et dans quelle course. Le circuit des Essarts, je ne le connais guère, moi, que pour y avoir fait un triste reportage une fois sous une pluie froide et pénétrante alors que j’étais déjà trempé pour y être venu en moto ! Bref, je détaille les photos et mon entourage s’étonnera de m’entendre éclater de rire à plusieurs reprises pour avoir reconnu telle ou telle par un détail, comme celle-ci avec les spectateurs qui sont les mêmes que dans une autre photo publiée dans Moto Revue ou telle autre qui se trahit par la pub Veedol là où il faut. En route donc pour un photo-reportage avec 67 ans de retard. Et un grand merci, une fois de plus, aux résultats des courses nationales et internationales si magnifiquement répertoriés dans racingmemo.fr par le regretté Vincent Glon.

Nous sommes donc sur les 5,1 km du circuit de Rouen-les-Essarts que les pilotes ont découvert, en 500 cm3 seulement, en 1951, et où se court pour la première fois le 2 août 1953 le GP de France. Il n’y reviendra qu’en 1965 avec un circuit d’ailleurs porté à 6 542 km.

Le virage où Ray Amm perdit toutes ses chances au championnat en chutant deux tours avant le drapeau à damiers au guidon de sa Norton 350 Manx.

350

La catégorie 350 outrageusement dominée par les Norton Manx en 1952 avec Geoff Duke qui remporte 4 épreuves sur 7, connaît un regain d’intérêt cette année 1953 avec l’apparition de la Guzzi double ACT quasi intouchable de Fergus Anderson qui va à son tour remporter 4 courses sur 7, mais an ayant fort à faire pour contrer les Norton de Ray Amm et Ken Kavannah et, à Rouen, l’AJS d’usine confiée à Pierre Monneret qui termine deuxième derrière Anderson. Pas de chance pour Ray Amm, vous l’avez deviné avec la photo d’ouverture. Alors qu’il mène la course après un chassé-croisé continu avec la Guzzi d’Anderson , Ray Amm perd l’avant et chute dans le virage du Nouveau Monde à deux tours de l’arrivée. Il se casse la clavicule et perd ainsi toutes ses chances au classement du championnat alors qu’il a fini en tête à l’Ile de Man, second à Assen et 3e à Spa.

Ray Amm en tête des 350 juste avant sa chute.
Une 350 Manx toute classique. Ray Amm n’avait pas amené sur ce circuit sa 350 carénée et surbaissée dévoilée sur le très rapide circuit de Spa et avec laquelle il allait battre plus tard nombre de records à Montlhéry.
La toute puissante 350 Guzzi de Fergus Anderson se distingue par un carénage à bec de dauphin.
Là, je triche, Pierre Monneret qui a terminé deuxième à Rouen est ici photographié pendant son tour d’honneur sur la 350 AJS au GP d’Aix-les-Bains le 24 mai 1953.

500

Et, comme la course des 500 a lieu après celle des 350, pas d’Amm non plus au départ, alors qu’il a aussi remporté le TT de L’île de Man dans cette catégorie et fini 2e à Spa. Comme l’année précédente cette catégorie voit s’affronter la Gilera quatre cylindres contre les AJS 500 bicylindres Porcupine et les Norton Manx monocylindres. Un rêve ! MV Agusta s’est retiré du championnat pour 1953 après la mort de Leslie Graham au TT de l’île de Man. Duke qui a lâché Norton pour la Gilera 4 remporte à Rouen son second GP devant les deux autres Gilera 4 d’Armstrong et de Milani. Il remportera d’ailleurs le titre cette année-là. Pas de chance par contre pour les Français, en l’occurrence Georges Monneret et son fils Pierre. Le premier s’est vu confiée la Gilera 4 de Masetti avec laquelle il n’a effectué qu’un tour d’essai et il abandonnera sur chute au Nouveau Monde. Son fils Pierre sur une AJS Porcupine officielle termine modestement 12e.

Impérial Geoff Duke champion du monde en 350 et en 500 sur Norton en 1951, puis en 350 en 1952 enchaîne pour trois autres titres sur la 500 Gilera en 1953, 54 et 55.
Toujours Duke et pas question de genou et de coude par terre à l’époque, le style, c’est bien en ligne !
Et voilà, c’est gagné, et Armstrong sur la seconde Gilera est loin derrière.
Encore Geoffrey Duke, on ne s’en lasse pas.
La superbe distorsion propre aux obturateurs à rideau des appareils photo de l’époque accentue l’effet de vitesse de Reginald Armstrong sur la Gilera quatre qui finit 2e . Même sans accentuer l’effet, la Gilera est quand même chronométrée à 220!
Les 500 peu après le départ. Gilera d’Armstrong #9 mène la meute.
Encore une Gilera 4, celle de Milani, cette fois (il y en avait dit-on, dix dans le camion Alfa Romeo de l’usine et monsieur Gilera en personne assistait à l’épreuve).
Cette photo d'une Velocette 500 KTT à Rouen est légendée Kent Anderson ! Hum, l'officiel Guzzi qui vient de remporter la catégorie 350 serait-il revenu à la marque de ses premières amours pour courir en 500, sans succès, mais avec un beau paquet de sparadrap blanc sur l'écusson Moto-Guzzi devant le casque.

Side-cars

Pour la dernière année, Norton domine totalement le Championnat du monde avant de passer le flambeau l’année suivante à BMW. La Norton de Eric Oliver et Stanley Dibben finit en tête de quatre Grands Prix sur cinq y compris à Rouen.

Départ de la course des side -cars, une sorte de formule Norton Manx !
BMW ne fait qu’avancer ses premiers pions en 1953, mais les Norton doivent se méfier ; cet attelage de l’Allemand Hillebrand (non, son passager ne s’appelle pas Wolfmüller) a été chronométré à 173 km/h et peut atteindre 11 000 tr/min. il est ici en tête devant les Norton des Belges Deronne (# 66) et Masuy (# 64).
Eric Oliver, champion du monde de la catégorie side en 1949, 50, 51 et 53, fait équipe cette année-là avec Stanley Dibben
Cyrill Smith, le champion du monde 1952, finit deuxième à Rouen et au championnat de cette année-là.
L’attelage d’Haldemann et Albisser fait lui aussi le même résultat à Rouen et au championnat du monde 1953 : 3e.
Histoire d’archives : le grand tri de Rouen Une photo m’interpelle en classant mes archives, Ray Amm sur sa Norton 350 Manx en train de chuter au virage du Nouveau Monde sur le circuit de Rouen les Essarts au Grand Prix de France 1953. Les photos de chutes ne sont pas si courantes à l’époque. Point de [...]

Scooters Rumi et Parilla twins 1960 : des rêves inachevés

À l’aube des années 60, les fabricants de scooters voient leurs ventes s’écrouler en Europe et tentent d’assurer leur survie avec des études aussi délirantes que passionnantes…  Rumi et Parilla présentent ainsi à la Foire de Milan en avril 1960 deux bicylindres : 80, 125 ou 175 cm3 quatre temps en V pour le premier et 160 cm3 deux-temps parallèle à plat pour le second. On en rêve encore !!!

À gauche, le 160 cm3 Parilla, chef d'oeuvre de compacité, et, à droite, le Rumi en V dans sa version 98 cm3 pour moto, l'un des styles les plus innovant jamais vus sur un moteur.

Rumi : les motos V1

C’est la révolution sur le stand Rumi à la Fiera di Milano en avril 1960. La marque si célèbre pour ses bicylindres horizontaux deux temps retourne sa veste et présente des prototypes en moto et en scooter animés par un superbe et très compact bicylindre en V 4 temps annoncé en trois cylindrées, 98, 125 et 175 cm3. D’une étonnante compacité, ce petit moteur a soupapes en tête classiquement commandées par tiges et culbuteurs se distingue aussi esthétiquement par les ailettes parfaitement horizontales qui semblent relier ces cylindres avant et arrière et il faut regarder de près pour voir qu’ils sont bien séparés. Une autre caractéristique moins visible a été prévue par l’ingénieur Umberto Ottolenghi, un décalage de 8 mm du cylindre arrière qui a également des ailettes un peu plus grandes pour uniformiser le refroidissement et recevoir un peu plus d’air frais du côté des échappements. Ce moteur est de côtes carrées 43 x 43 mm avec graissage sous pression, une alimentation par un seul carburateur de 16 mm, un allumage/éclairage par volant magnétique et une boîte à 4 rapports. Présentée à Milan en 125 cm3 avec une puissance de 6,8 ch à 7000 tr/min, cette belle petite mécanique est annoncée comme l’âme de toute une nouvelle gamme avec des versions de 98 cm3 (5,8 ch/7500 tr/min) à 175 cm3 (8,2 ch/6800 tr/min). Dans sa version 125 cm3, elle annonce 85 kg et 105 km/h.

Une superbe petite moto, mais la crise des années 60, mettra un terme à l'aventure. (photo Didier Ganneau)
Les nouveaux Rumi apparus à la foire de Milan en avril 1960, ne réapparaîtrons une dernière fois qu'au salon d'Amsterdam en mars 1961.
Juchée sur des grandes roues de 18 pouces, la version moto présentée à Amsterdam est en 98 cm3 tandis que le scooter est en 125. (Photos Henri Lallemand)

Rumi : le scooter V 1

La grande originalité esthétique du moteur étant dissimulée, ce Rumi nouvelle génération paraît bien fade avec une ligne très fluide manquant un tantinet d’originalité. Il peut sembler dommage de cacher une si jolie mécanique et curieux aussi d’envisager un moteur aussi sophistiqué donc cher pour un petit scooter. Rumi a pourtant sauté le pas avec un prototype présenté à cette même foire de Milan de 1960 (il n’y a pas de salon EICMA : à partir de 1957 et jusqu’en 1997, ce salon de fin d’année n’a lieu que tous les deux ans). Notez en passant que ces nouveaux Rumi 4 temps bicylindres en V présentés à la foire de Milan en avril 1960, n’étaient ni à l’IFMA en Allemagne en septembre, ni à Paris en octobre où ils étaient pourtant annoncés, ni à Londres où il fut dit qu’ils étaient bloqués en France par la douane. On ne les revit, une dernière fois, qu’au salon d’Amsterdam en mars 1961 alors que la production était en cours d’arrêt chez Rumi qui fermera définitivement ses portes en 1962.

Le moteur est identique à celui de la moto à ceci près qu’une grosse turbine en bout de vilebrequin du côté droit envoie de l’air frais sur cylindres et culasses par l’intermédiaire de carters en alu et tôle qui cachent tout le haut moteur. L’autre modification concerne le changement de vitesse, car le sélecteur au pied droit de la moto est remplacé par une commande par câbles et poignée tournante à gauche du guidon. La transmission s’effectue par chaîne sous carter. Avec un moteur aussi onéreux, il fallait bien économiser sur la partie cycle et Rumi a abandonné la structure en aluminium coulé des Formicchino pour une poutre centrale en tôle d’acier emboutie sur laquelle viennent se fixer deux larges flancs latéraux facilement amovibles. Les roues en tôle sont chaussées en 3,50 x 10”. La suspension avant à biellettes et roues poussées est celle du Formicchino tandis que l’arrière est à bras oscillant et anneaux style Neiman. La version 85 cm3 est donnée pour 85 km/h, 2,2 l/100 km et 118 000 lires, et le 120 pour 95 km/h, 2,5 l/100 km et 150 000 lires. La moto, elle est annnoncée à 150 000 lires. C’était cher, mais raisonnable, car en cette même année 1960 un Lambretta 125 LI série2 valait 132 000 lires en 125 et 150 000 en 150 cm3.

Quel dommage de cacher une si belle mécanique ! (Photos Henri Lallemand)
Je vous l'accorde, la ligne a moins de caractère que les Formicchino ou la moto V1 dotée du même moteur.
Pour favoriser la circulation d'air les flancs latéraux sont dotés d'évents d'entrée et de sortie d'air. Notez la selle en skai lisse et brillant.

Parilla : L’Oscar

C’est une surprise bien gardée qui est dévoilée sur le stand Parilla à la 28eédition de la foire de Milan d’avril 1960 : un tout nouveau scooter animé par un bicylindre deux temps horizontal “à la Rumi” pourrait-on dire, sauf que la firme de Bergamo présente au même salon les bicylindres en V dont je vous parle plus haut. Justement à l’ouverture de la Foire ce sont les Rumi qui ont la vedette car le podium central prévu chez Parilla reste vide. Le bel Oscar qui n’avait pas fini de se pomponner manque donc le jour de l’inauguration et cela explique les rarissimes images qui en sont parues dans la presse internationale. Dommage car la Fiera de 1960 sera sa seule apparition publique.

Les photos du scooter Parilla bicylindre sont empruntées à l’excellent site sur la marque et son histoire www.parilla.it

Coup de chapeau à Parilla pour avoir réussi à intégrer autant de matériel en réussissant à garder un plancher plat. Il y a même un (petit) coffre sous la selle.
Le bloc moteur-boîte-bras oscillant est vraiment très compact.

Aussi beau qu’innovant l’Oscar est un 160 cm3 bicylindre deux temps doté d’un bloc moteur transmission oscillant. Cela paraît normal aujourd’hui où tous les scooters à l’exception de quelques grosses cylindrées, utilisent ce concept, mais il est alors fort peu courant. Le bloc moteur transmission est articulé juste derrière les cylindres sur le cadre en tubes et tôle d’acier et s’appuie sur un élément “Eligo” constitué d’un ressort enrobé de caoutchouc. La suspension avant à roue poussée a un débattement de 120 mm. Le moteur à cylindres horizontaux est un deux-temps de 160 cm3 (48 x 44 mm) à distribution conventionnelle et pistons plats alimenté par un carburateur unique Dell’Orto de ø 16mm. Il annonce 7,5 ch/6000 tr/min. Le moteur est totalement enfermé, mais le refroidissement est particulièrement soigné avec deux ventilateurs sur les sorties d’arbre gauche et droite du moteur qui aspirent l’air autour des cylindres au lieu de souffler comme d’habitude. Le carénage en tôle qui guide l’air autour des cylindres est collé pour éviter les vibrations. Autre grosse nouveauté, l’Oscar est doté d’un démarreur électrique, un équipement encore rarissime de ce côté des Alpes alors qu’il se popularise sur les scooters allemands et japonais. Parilla annonce néanmoins qu’il sera aussi produit une version dotée d’un kick (totalement absent sur ce proto à démarreur). Ce démarreur entraîne le moteur via une courroie et une poulie qui flanque le ventilateur gauche. Pour alimenter tout ça, deux batteries sont logées sous la selle avec le régulateur. Ladite selle est articulée sur l’avant comme sur le Slughi. La transmission primaire s’effectue par chaîne duplex en bain d’huile tandis que la roue est directement fixée sur la sortie de boîte. Les quatre rapports sont commandés par poignée tournante.

La carrosserie de lignes très fluides est constituée de deux grands panneaux latéraux faciles à ôter pour l’accès à la mécanique ou à la roue. Les roues interchangeables sont montées en 3,50 x 10’. Vitesse annoncée 100 km/h.

La carrosserie de lignes très fluides est constituée de deux grands panneaux latéraux faciles à ôter pour l’accès à la mécanique ou à la roue.
Tout comme le Rumi V1, le Parilla 160 n'est pas très original et sa ligne reste dans l'air du temps. Tout juste se distingue-t-il par une grand prise d'air devant le moteur.
À l’aube des années 60, les fabricants de scooters voient leurs ventes s’écrouler en Europe et tentent d’assurer leur survie avec des études aussi délirantes que passionnantes…  Rumi et Parilla présentent ainsi à la Foire de Milan en avril 1960 deux bicylindres : 80, 125 ou 175 cm3 quatre temps en V pour le premier [...]

Les premiers flat twins deux temps

Le flat twin tente nombre de constructeurs au tout début des années 20, ABC, BMW, Douglas, etc ; mais, qu’ils soient en long ou en travers, tous ceux cités sont des quatre temps. En deux temps, les bicylindres, toutes dispositions confondues, arrivent bien tardivement à l’exception notable de Scott, le pionnier en 1908. Il n’y en a que deux au salon de Londres en 1920 et quatre en 1921 dont l’Economic qui dont je vais longuement parler dans cet article, car il fut, sauf erreur de ma part, le premier bicylindre à plat deux temps aux États-Unis, puis en Europe.

Les atouts d’un bicylindre à plat quatre temps sont évidents et justifient son succès depuis les premiers âges de la moto. Le vilebrequin étant calé à 180°, les deux pistons se meuvent en opposition et cela donne un temps moteur par tour avec un joli bruit caractéristique. Dans les premiers âges du deux-temps, la construction de moteurs refroidis par air au-dessus d’une certaine cylindrée posant de réels problèmes techniques, le multicylindre semble pourtant être la seule solution ! Le flat twin deux-temps s’impose pourtant moins qu’en quatre temps. Avec le même obligatoire calage à 180°, l’aspiration et la précompression dans le carter s’effectuent en même temps pour les deux cylindres, et on a une combustion par tour dans chaque cylindre, soit un gros double-temps moteur par tour. C’est bien pour l’équilibrage et le couple, pas trop pour le bruit qui est celui d’un monocylindre. En comparaison, un deux temps à deux cylindres parallèles, séparation du carter et calage à 180°, a, lui, deux temps moteur par tour, un pour chaque cylindre.

En bref :

1913 – 1921 : Johnson Motor Wheel 154 cm3 – USA

1914 :  Connaught 350 cm3 – GB

1916-1919 : Terrot – Cuzeau 350 cm3 – FR

1919-1921 : Jonhson Motor Wheel / Economic – USA/GB

1921-1923 : Economic 161 cm3 – 2version – GB

 

Johnson Motor Wheel 1919 (photo H. Descelier)

1919 : Terrot Cuzeau 350 cm3 :  Hors concours

Comme un premier deux-temps étudié en Allemagne chez Victoria, le superbe Terrot étudié par l’ingénieur Henri Cuzeau de 1915 à 1919 est d’office éliminé de ce tour d’horizon de flat twins deux temps. Il s’agit en effet de deux-temps à 360°. Dans ce cas les pistons bougeant dans le même sens ne s’équilibrent pas et il n’y a pas de précompression, car ils restent à la même distance l’un de l’autre dans le carter. Terrot et Victoria ont résolu le problème en utilisant des pistons à double alésage, l’espace annulaire créé par l’alésage du bas étant utilisé pour l’admission et l’envoi du mélange dans la chambre de combustion.

L'unique survivant du Terrot-Cuzeau fait partie de la collection permanente du Musée National de la Voiture de Compiègne.
Trop complexe, sans doute, ce flat twin à doubles alésages resta au stade de prototype.

On parlera un autre jour de ces deux-temps à pistons à « doubles étages ». La question du jour, c’est qui remporte la palme d’avoir créé le premier flat twin deux temps « normal » et la lutte est serrée et confuse. Entre Johnson Motor Wheel aux États-Unis et Connaught en Grande Bretagne. Certes le Connaught est bien plus beau et bien plus technique, mais l’histoire n’en a guère gardé pour trace que sa présentation fin 1914 aussi la victoire revient-elle aux frères Jonhson, car leur flat twin sera réellement commercialisé avec un succès non négligeable aux États-Unis et sera même construit en Grande-Bretagne pour équiper une fort jolie petite moto.

1914-1915 : Connaught 350 cm3 en Grande-Bretagne

Autant le Johnson est rustique et sans finesse voire antimécanique avec ses bielles tordues, autant le Connaught, un bicylindre à plat de 350 cm3 présenté en Grande-Bretagne fin 1914, est technique, astucieux et très soigneusement réalisé, mais, dommage, on ne trouve apparemment plus sa trace après cette brillante présentation.

Le Connaught est tout à fait moderne en son temps. Le vilebrequin tourne sur roulements à billes. Les cylindres pénètrent profondément dans le carter moteur en aluminium. Ce moteur est solidement boulonné sur une longue semelle qui sert de silencieux et de partie inférieure du cadre. Pas besoin de tube d’échappement, la semelle-silencieux est directement appliquée sur la lumière d’échappement.
Une plus petite semelle sur le dessus réunit les transferts d’admission avant/arrière et sert de support à la magnéto. Dernier raffinement pour empêcher que le moteur ne passe en 4 temps à faible régime ou dans les descentes (mal chronique des premiers deux-temps,) une valve rotative entre le transfert avant où entre le mélange et le transfert arrière, coupe l’admission au cylindre arrière dans les cas mentionnés et le cylindre avant garde ainsi un rythme régulier.

1913 Johnson Motor Wheel 154 cm3 – États-Unis

C’est aux États-Unis courant 1913 qu’est développé pour la première fois un flat twin deux temps sous label Johnson Motor Wheel. C’est un petit 154 cm3 refroidi par air disposé en long sur un porte-bagages de bicyclette dont il entraîne la roue par une chaîne directe. Le manque de souplesse de ce type de transmission comparé à une courroie est compensé par un amortisseur de chocs constitué par des ressorts disposés entre la couronne dentée et la jante de la roue arrière. Les cotes de ce petit moteur sont étonnamment super carrées (51 x 38 mm), l’alimentation est confiée à un carburateur maison, B & B ou Mills et la puissance est estimée à ¾ de cheval avec une vitesse annoncée de 50 km/h.

Le dessin du brevet montre bien l’agencement des différents éléments avec toutefois quelques changements par rapport aux versions définitives. L’échappement est un deux-dans-un orienté vers l’arrière et le système « Spring drive » de suspension de la grande couronne arrière place ses trois ressorts entre l’intérieur de la couronne et le moyeu de roue et non entre la couronne et la jante de roue.

Un peu d’histoire :

Les frères Johnson Lou, Harry et Clarence Johnson créent la Johnson Brothers Motor company à Terre Haute dans l’Indiana et Louis Johnson construit en 1903 son premier moteur, un mono deux temps de 3 ch et 68 kg. Deux ans plus tard, le moteur amélioré ne pèse plus que 29,5 kg. La Johnson Brothers Motor developpe ensuite des 2 et 4 cylindres en ligne, puis un V4 pour l’aviation, mais leur usine est détruite par une tornade en 1913. Les trois frères redémarrent alors leur activité avec une nouvelle société, la Johnson Bros. Motor Wheel Company et une nouvelle invention, un petit flat twin deux temps adaptable à l’arrière d’un vélo. Ce petit flat twin a cependant un grave défaut il fait « brûler » sa magnéto plus vite que leur fabricant ne peut en fournir. Les frères Johnson se lient alors à la Quick-Action Ignition Cy, dirigée par Warren Ripple et vont s’établir ses côtés à South Bend, Indiana en mars 1918.

Revu, corrigé et breveté pour 1919, le flat twin s’est doté un moderne volant magnétique conçu par Quick-Action ignition Company. C’est le succès et le Johnson sera vendu à 17 000 exemplaires sous labels Johnson Motor Wheel, ou Economic. Et puis arriva la récession et surtout la concurrence de la Ford T à 365 $ alors que le Johnson Motor Wheel valait 97,50 $ en moteur seul et 140 $ avec sa bicyclette. Imparable ! et Johnson Motor Wheel Cy ferme boutique en 1921. Délaissant les deux roues motorisés, les frères Johnson retournent à leurs premières amours, les moteurs marins avec, devinez quoi ? Un flat twin deux temps tout alu qui développe 2 chevaux et ne pèse que 16 kg.

Publicité pour le Johnson Motor Wheel vers 1920 vendu 97,5 $ … l’apparition de la Ford T à 365 $ mettra fin à son succès.
Pour le moins rustique, le Johnson est conçu pour pouvoir être démonté avec seulement un tournevis. Des chapeaux de bielle à l’assemblage des carters et la fixation des cylindres, tout est confié à des vis à tête fendue de même dimension et « en ferraille à ferrer les ânes » précise un docte membre du Vintage Motorcycle Club britannique.
La coupe du moteur est présentée dans les journaux anglais et français en 1921.
Curiosité technique, certain diront aberration, les bielles ne sont pas droites, mais sont tordues et décentrées pour que les cylindres soient alignés. (Photos Kim Siddorn)
Le moteur Johnson ici sous label Economic au National Motorcycle Museum dans l’Iowa. Comme la grande majorité des constructeurs américains de motos Harley Davidson fabriquait aussi des vélos et ce kit moteur est monté sur une bicyclette HD, modèle 1918. Un étonnant mariage, car le distributeur du kit moteur « Economic » alias Johnson Motor Wheel, est Davis Sewing Machine Co, un célèbre fabricant de machine à coudre à Watertown (NY) puis établi à Dayton-Ohio, qui fabriquait aussi des bicyclettes depuis 1892, avec d’ailleurs tant de succès qu’il en abandonnât ses ‘sewing machines’ ; une mauvaise idée, car il fît faillite en 1924. Le seul côté high tech de cet Economic de 1920 est bien son volant magnétique.(photos Hugues Descelier)
Un Johnson Motor Wheel daté de 1919 sur vélo de dame au Barber Museum.(photo Hugues Descelier)
Le carburateur et le système d’échappement est encore différent. (photo Hugues Descelier)

1921-1923 : Economic 161 cm3 – Grande-Bretagne

Bien avant d’être grillé aux États-Unis par la Ford T, le flat twin Jonhson a découvert l’Europe de façon très anecdotique monté sur un porte-bagages de vélo et bien plus souvent dans l’armée américaine durant la Grande guerre où il entraînait des groupes électrogènes ou des pompes d’assèchement.

La société Economic Motors créée à Londres rachète, dit-on, ces moteurs aux surplus avant de devenir Eyneford Engineering Co Ltd à Eynsford dans le Kent et de se lancer dans la fabrication non seulement du moteur, mais d’une vraie petite moto.

On ne trouve aucune trace de l’Economic dans la presse britannique en 1919-20 et il ne figure pas dans la liste des exposants au salon de l’Olympia à Londres fin 1920 publiée par Motorcycling. Il en va tout autrement au salon de Londres 1921 où Economic présente son moteur auxiliaire  en vantant sur son prospectus « l’énorme succès » de cet engin sans préciser que ceux-ci ont été essentiellement réalisés outre-Atlantique. Il est monté en long sur le porte-bagages d’un vélo en version ‘Standard’ à 18£ 17s 6d ou ‘De Luxe’ à 23£, avec la transmission par chaîne « Spring drive », inventée par Johnson avec six ressorts intermédiaires joignant 3 bossages sur la couronne dentée à six attaches sur la jante. Le kit complet avec vélo renforcé vaut 30£. C’est cher surtout en comparaison de la grosse surprise qui tient la vedette du stand Economic, une vraie moto proposée à un prix défiant toute concurrence et à peine plus onéreuse que le vélo avec son moteur auxiliaire : 34£ en version standard ou 37£ 10d avec boîte deux vitesses.

Les inépuisables fonds de la BNF sont là pour prouver que le Johnson Motor Wheel a bien roulé en Europe et même en France. Il est ici photographié par la célèbre agence Rol à la course de côte de Gometz-le-Chatel le 31 octobre 1920 aux mains de Pierre Labric. La version utilisée est parfaitement identique à celle montée sur un vélo de dame au Barber Museum

Le petit flat twin monté sur la moto a désormais une cylindrée de 161 cm3 avec des cotes encore plus super carrées que le 154 cm3 du moteur auxilliaire Johnson original puisque l’alésage est passé de 50,1 à 52 mm pour une course toujours de 38 mm. Le flat twin est disposé en long, à la Douglas, accroché très haut juste sous le réservoir dans un cadre triangulé en tubes droits plus qu’inspiré par celui que vient de présenter Cotton. La transmission ne s’effectue plus en direct à la roue. Une chaîne entraîne une boîte relai sous le moteur (avec deux vitesses en option) et une poulie trapézoïdale assure la transmission secondaire. Miracle du volant magnétique, l’éclairage électrique est aussi proposé en option (à une époque où l’éclairage acétylène est encore la règle). On note au passage la suspension avant pendulaire type Indian qui comprime un ressort horizontal au-dessus de la roue. « Le petit compagnon rouge » comme l’appelle sa publicité en raison de sa couleur ne vivra pourtant qu’un été.

Première mouture de l’Economic en 1921 (tiré à part à l’occasion du salon de Londres de la présentation parue dans le numéro de ‘Motorcycling’ du 16 novembre 1921): 34 £ seulement avec un versement initial de 10 £ puis six mensualités alors que le moteur auxiliaire avec son vélo est proposé à 30 £.

Le moteur disposé en long transmet sa (modeste) puissance par chaîne et courroie avec, au choix, une boîte deux vitesses ou non sur l’arbre relai. L’allumage s’effectue par un volant magnétique avec avance variable qui peut également alimenter un éclairage électrique. Les freins sont à patins sur jante et la suspension avant est pendulaire type Indian. Finition en rouge, lui vaut le surnom de « Petit compagnon rouge » sur le catalogue. (extrait de Motorcycling du 16 novembre 1921 - Archives Hockenheim museum)

L’Economic à friction

Dans ses reportages sur le salon de Londres 1921, la presse britannique parlait déjà 1921 d’un futur tricycle utilitaire animé par le flat twin de l’Economic et associé à un changement de vitesses par plateau de friction.

L’idée se concrétise aux salons de Londres et de Paris fin 1922 où apparaît une toute nouvelle Economic où tout change ou presque. Non, le moteur est le même, mais il est cette fois placé en travers et disposé plus bas dans un double berceau toujours en tubes droits triangulés, mais élargi pour protéger les cylindres de la boue comme des chutes. une vraie mini ABC !

La grosse nouveauté est ailleurs : un changement de rapport par plateau de friction (de 6 à 1 à 19,4 à 1). Un dispositif déjà utilisé par Ner-a-car, La Mondiale et quelques cyclecars. Succès d’estime, cette aguichante Economic à bicylindre en travers brillera au salon de Londres et même de Paris, mais dans le hall d’entrée seulement, car “inscrite trop tard pour avoir un stand”, elle ne fut toutefois diffusée qu’à un très petit nombre d’exemplaire et la marque disparaît en 1923.

L’Economic de 1922 conservée au National Motocycle Museum de Birmingham : une vraie « mini ABC ».
Superbe description du dispositif de changement de rapport à friction dans ‘La Revue Motocycliste’ du 10 juillet 1922. Un disque acier est accolé derrière le volant magnétique. Perpendiculaire à ce disque, un volant garni de fibres est maintenu en pression contre lui par un ressort de débrayage commandé par pédale. Un levier à main réglable sur dix positions commande le déplacement du volant sur son axe qui passe ainsi de la périphérie vers l’extérieur du plateau en sortie moteur. L’axe sur lequel coulisse le volant est pourvu d’une poulie à gorge pour la courroie de transmission vers la roue. Le carburateur unique n’est plus un B & B mais un Gapac.
L’Economic qui arrive trop tard à Paris pour être inscrite au salon de 1922. Elle sera néanmoins exposée, mais dans le hall d’entrée. On verra sa publicité dans les numéros Spécial Salon de ‘La Revue Motocycliste’…
…et de ‘Moto Revue’ en 1922. On y lit qu’elle a effectué un Londres-Edimbourg en 22 h 27min. soit 700 km à 31,18 km/h de moyenne une vraie performance certifiée par l’ACU, sur les routes non bitumées telles que vous pouvez vous les imaginer à l’époque.
Le flat twin tente nombre de constructeurs au tout début des années 20, ABC, BMW, Douglas, etc ; mais, qu’ils soient en long ou en travers, tous ceux cités sont des quatre temps. En deux temps, les bicylindres, toutes dispositions confondues, arrivent bien tardivement à l’exception notable de Scott, le pionnier en 1908. Il n’y en a [...]