Norton Cosworth 1976-1988: Un si beau cauchemar

Norton n’a pas le sou, Cosworth,n’a pas de temps et le fameux moteur prévu pour 1973, n’apparaît qu’en 1975 avec des résultats désastreux. Il n’obtiendra qu’une unique victoire à Daytona en 1988 avec la Norton Quantel.

Dave Croxford sur la Norton Challenge à moteur Cosworth aux 200 miles d’Imola en 1976.

D’après Peter William, le pilote-ingénieur de l’écurie Norton qui travailla d’ailleurs ensuite pour Cosworth, « le principal défaut était que trop de personnes avaient participé au projet ». Pour lui, l’un des principaux responsables des erreurs commises était le Docteur Stephan Bauer, conseiller technique de Norton, qui insistait sur la nécessité d’avoir un moteur massif et symétrique pour donner une image de robustesse et réduire les coûts. Échaudé par l’expérience de Royal Enfield dont les bicylindres dotés d’un palier central se révélaient néanmoins fort fragiles, l’équipe de Norton insista pour conserver un calage identique à celui de la Commando avec des manetons à 360 ° (les pistons montent et descendent en même temps) exigés en prévision de futurs modèles qui devaient pouvoir fonctionner avec un seul carburateur ! Le Cosworth de la Norton P86 ne tourne donc que sur deux paliers (lisses) et reçoit un très lourd volant central. Pour contrer les vibrations, on lui greffa deux arbres d’équilibrage contrarotatifs entraînés par engrenages sur le vilebrequin. Bielles et pistons sont ceux du moteur de Formule 1. Le refroidissement est liquide et l’entraînement des arbres à cames s’effectue par courroie crantée principalement pour satisfaire aux normes limitant le bruit à 86 dbA en prévision d’une hypothétique P87 de route qui devrait développer 75 ch. Le résultat est désastreux. Ce moteur, dit de course, est un monstre de 88,5 kg dont 34 pour les équipages rotatifs y inclus 9 pour les balanciers. Comment lutter avec un tel handicap face à des deux temps de 125 chevaux avec des moteurs de moins de 65 kg et 18 seulement pour le vilebrequin et ses pistons. Cerise sur le gâteau, comme Norton est à court d’argent et que Cosworth manque de temps, ce moteur, qui est conçu pour une alimentation par injection comme en Formule 1, ne reçoit chez Norton que deux carburateurs Amal Concentric Mk2 de Ø 40 mm dont l’inadéquation avec le profil des pipes d’admission fait revoir la puissance à la baisse. De 100 chevaux au banc, avec un système d’injection expérimental, à 95 ch.

Dans le paddock d’Imola en 1976 : Le réservoir est en alu tout comme le caisson arrière surmonté du boîtier de l’allumage électronique Lucas Rota.

La partie cycle de la Norton Challenge est a priori plus convaincante. Elle aussi s’inspire de la Formule 1 avec des structures ultralégères boulonnées sur le moteur porteur, Un treillis à l’avant pour soutenir la colonne de direction et une boucle arrière. Le bras de suspension en fonderie d’aluminium s’articule directement sur le carter de la boîte de vitesses. Pour une maintenance ultra rapide et pour faciliter au maximum les démontages de roue, les roulements sont dans le bras avec sur le côté droit un disque de frein extérieur et une couronne de transmission à l’intérieur.

Disque de frein à l’extérieur, couronne de transmission à l’extérieur et roulements de roues dans le bras de suspension. On peut ainsi ôter la roue en quelques secondes.
La Norton Challenge est désormais exposée au National Motorcycle Museum à Birmingham comme toutes les autres versions.

Comment Cosworth si brillant en Formule 1 avec son 3 litres DFV a-t-il pu commettre autant d’erreurs ? 

Après des essais au banc prometteurs, le Norton Cosworth s’avère plutôt décevant. La mise au point prend plus de temps que prévu. La Norton Challenge P86 doit faire ses débuts en 1973, puis en août 1974 aux journées John Player à Silverstone, mais le prototype à suspension arrière monoamortisseur que teste Peter Williams est finalement équipé du vieux moteur Commando. Ni Peter Williams, ni Dave Croxford ne finissent d’ailleurs la course.

La rentrée du Cosworth est reportée à Dayona en mars 1975, il n’est hélas toujours pas prêt et pas plus pour le TT en juin. Il n’apparaît qu’à Brands Hatch en octobre 1975 aux mains de Dave Croxford qui est éliminé par une chute de huit pilotes du peloton groupe dans le premier tour.

Les problèmes majeurs viennent du surpoids du moteur, de surpressions internes mal maîtrisées, et de la boîte tandis que la tenue de route souffre d’un trop grand frein moteur en entrée de virage. Le projet qu’on s’attend à voir abandonné, survit cependant à la faillite de NVT, sous la houlette de Norton Villiers Performance Shop, une branche indépendante de NVT établie sur le circuit de Thruxton. Victor Palomo (largement appuyé par la fédération espagnole) et Phil Read envisagent de piloter la moto en 1976, mais les négociations, on comprend sans peine pourquoi, n’aboutissent pas. Grâce à une collecte de fonds auprès de ses fans, la Norton Challenge peut finalement s’engager à Imola 200 en avril 1976 avec une version qui adopte, enfin, l’injection et une partie cycle redessinée avec colonne de direction raccourcie pour abaisser la moto, moteur 5 cm plus bas et plus incliné vers l’avant.. C’est, hélas, encore une catastrophe et la Challenge est considérablement moins rapide que les Kawasaki d’usine.  Elle ne fera plus qu’une ultime sortie officielle à la première rencontre du Match anglo-américain à Brands Hatch où Dave  Croxford se retire dans les deux manches sur ennuis de boîte.

La version de juin 1978

On le sait, les motos anglaises ne meurent jamais.Passée aux mains d’écuries privées la Challenge réapparaît brièvement en 1978 avec une version 823 cm3 à carburateurs dont la partie supérieure du cadre est remplacée par une structure unique tubulaire et plus classique

Au milieu des années 80 le projet de la Norton Cosworth est relancé par l’Écossais Ian Suntherland, qui a mis la main sur deux prototypes et des pièces lors de la faillite de NVT. Il fait réaliser par Harris une nouvelle partie cycle tubulaire toujours avec une partie avant et une partie arrière boulonnées sur le moteur porteur. La fourche avant est équipée d’un volumineux montage anti-plongée. Le bras de suspension arrière en alliage léger avec ses roulements intégrés et couronne et disque du même côté est remplacé par bras oscillant en treillis tubulaire qui fait travailler un amortisseur unique monté sous le moteur. Les roulements de roues sont classiquement dans le moyeu et l’axe de roue est monté sur excentriques pour le réglage de la chaîne . Les roues sont de 16 pouces à l’avant et de 18 pouces à l’arrière. Le moteur 823 cm3, testé avec carburateurs et avec l’injection, est annoncé pour 115 chevaux à 10 750 tr/min.

Sur la Suntherland, le moteur est toujours porteur et si la partie avant constituée d’un treillis tubulaire fixant la colonne de direction au haut moteur, n’a guère changé, le sous-ensembles arrière du cadre Harris, en tube et non plus en aluminium, abandonne les deux amortisseurs latéraux pour un amortisseur unique sous le moteur.
Pour abaisser la moto au maximum, la partie avant de la coque formant réservoir descend sur les côtés.
Ian Suntherland, un écossais passionné relance le projet au milieu des années 80 (notez la belle lignée de Manx derrière !)
Le dispositif d'anti-plongée
Les carbus ou l’injection (les deux ont été testés) sont alimentés par une pompe électrique.
Un agencement bien curieux de la transmission avec un pignon intermédiaire.
Paul Lewis et Bob Graves posent derrière la Quantel-Cosworth en 1986. « Comparé à une moto de Grand Prix, c’est un vrai tracteur » commentait Paul Lewis, « mais la Quantel est très stable et j’apprécie beaucoup qu’elle ait la même géométrie que ma moto de GP ».

C’est ensuite au tour de Bob Graves, spécialiste de l’informatique et plus tard directeur de Cosworth engineering, de reprendre le projet avec un coquet investissement de 100 000 £. Pour ce prix, Bob Graves, qui est convaincu par les choix de départ du Docteur Stefan Bauer, réussit enfin à fiabiliser ce moteur dix ans après sa première apparition. La moto, rebaptisée Quantel, adopte encore une toute nouvelle partie cycle développée par Exactweld. Le moteur de 823 cm3 et 125 chevaux est toujours porteur. Il reçoit à l’avant une coque en aluminium qui supporte la colonne de direction et une fourche… de Suzuki. À l’arrière, une très massive triangulation en aluminium s’appuie sur un amortisseur presque horizontal au-dessus de la boîte.  L’ensemble des deux pièces du cadre ne pèse que 6,5 kg et les deux roues sont revenues à 18 pouces. Cette unique Quantel Cosworth pilotée par Paul Lewis participe en 1986 à la « Battle of the twins » à Daytona.  Elle se bat, derrière la Cagiva-Ducati de Marcio luchinelli , pour la seconde place avec le champion de la catégorie Jimmy Adamo avant que ce dernier ne chute sur l’anneau de Daytona a près de 260 km/h, laissant à Paul Lewis le seconde marche du podium. « Comparé à une moto de Grand Prix, c’est un vrai tracteur commentait alors Paul Lewis mais la Quantel est très stable et j’apprécie beaucoup qu’elle ait la même géométrie que ma moto de GP « . Il faut attendre l’édition 1988 de cette mémorable “Battle of the Twins” à Daytona pour voir la Quantel donner au moteur Cosworth l’unique victoire de sa carrière en remportant cette fois la Battle of the twins avec Brit Roger Marshall (mais en l’absence des Ducati engagées en superbike).

Tout a changé une nouvelle fois avec une toute nouvelle partie cycle en aluminium.
Le refroidissement a été particulièrement soigné avec trois radiateurs.
L'entraînement des ACT

Contrairement aux apparences les changements majeurs ne sont pas dans la partie cycle mais dans le moteur enfin fiabilisé grâce aux investissements colossaux de Bob Graves dans le projet.

Norton n’a pas le sou, Cosworth,n’a pas de temps et le fameux moteur prévu pour 1973, n’apparaît qu’en 1975 avec des résultats désastreux. Il n’obtiendra qu’une unique victoire à Daytona en 1988 avec la Norton Quantel. Dave Croxford sur la Norton Challenge à moteur Cosworth aux 200 miles d’Imola en 1976. D'après Peter William, le [...]

Norton 1972-1975: En attendant le Cosworth

1972 : Norton revient à la compétition avec des versions très spéciales de ses 750  Commando vieillissantes et commande à Cosworth, le sorcier de la Formule 1, de lui construire un nouveau moteur, mais en l’attendant l’écurie John Player Norton va faire des miracles avec ses Commando.

Peter Williams (#6) aux 200 Miles de Daytona 1972 où il abandonne sur bris de boîte tandis que Phil Read (# 22)sur la même 750 Commando termine 4e… loin derrière la petite 350 Yamaha de Don Emde.
Une époque révolue où les photographes pouvaient se placer sans protection à quelques centimètres de la piste !
Belle démonstration de Phil Read, mais la Commando ne peut suivre le rythme.

Dennis Poore, qui vient d’acheter Norton un an plus tôt après la faillite de l’Associated Motorcycle Group, a créé une nouvelle usine plus moderne à Andover et essaye de promouvoir la marque en revenant à la compétition, en 1972, avec deux ingénieurs en charge du développement, Norman White et Peter Williams et le financement de John Player (toutes les écuries auto et moto portent alors les couleurs des grands cigarettiers !). Face aux nouvelles deux-temps japonaises, le vieux bicylindre de la Commando n’est plus concurrentiel et moins encore sur circuit que sur la route. Denis Poore tente de résoudre ces deux problèmes en 1972 en chargeant Keith Duckworth, l’un des deux fondateurs de Cosworth engineering dont le V8 Ford DFV de 3 litres domine les courses en Formule 1, de créer un bloc moteur qui à la fois courir en Formule 750 et servir de base à de futurs modèles de production.

Peter Williams, un pilote et ingénieur qui révolutionna son époque.
Double malchance pour Peter Williams au Bol d’Or 1973. Sa moto d’usine à course courte et cadre coque brûle aux essais et il prend le départ (sous une pluie battante) sur la Production Racer à cadre surbaissé initialement prévue pour ses coéquipiers. Six heures plus tard, le réservoir qui descend contre les échappements chauffe et se dessoude. C’est l’abandon.
La Commando racer utilisée par Mick Grant à Rungis en 1972

En attendant son nouveau moteur l’écurie JPN a fait des miracles avec ses Commando, mais les augmentations de puissance ont une limite et l’archaïque bicylindre Norton à soupapes culbutées peine à suivre le train en Formule 750 en dépit de tous les efforts de Peter Williams qui compense la faiblesse de la mécanique en adoptant un moteur à course courte : 77 x 80,4 mm contre 73 x 89 mm pour la Commando standard en utilisant les pistons de la nouvelle version 850 de la Commando. Ce moteur revu est accouplé à une boîte Quaife à cinq rapports. Norton va aussi tester différentes parties cycle. Un cadre tubulaire surbaissé en 1972 et 73 avec l’essence dans les flancs du réservoir qui descendent au niveau du bas moteur et une pompe à essence actionnée par le bras oscillant puis électrique. En 1973 apparaît un cadre coque en tôle d’inox conçu par Peter Williams et Norman White qui donne une machine lourde, mais très aérodynamique et dont la remarquable tenue de route compense souvent les faiblesses du moteur. La gloire revient pour Norton avec cette machine aux mains de Peter Williams qui remporte brillamment la Formule 750 au TT de l’Île de Man en 1973. Pour fêter ça Norton présente fin 1974 une Commando 850 John Player Replica dont les 2 à 300 exemplaires vendus sont aujourd’hui fort recherchés par les collectionneurs.

En 1974 enfin, John Mac Laren et Robin Clist prennent leur revanche sur les idées de Peter Williams en imposant leur cadre treillis tubulaire. Il est beaucoup plus léger, mais il sera handicapé par une mauvaise répartition des masses due au réservoir reporté trop en arrière et ne rapportera aucune victoire majeure.

Malheureusement le nouveau moteur Cosworth prévu avec optimisme pour 1973, se fait attendre et le sponsoring de John Player cesse fin 1974, après le dramatique accident d’Oulton Park où Peter Williams perd son ensemble selle-réservoir et chute. Il s’en tire avec un bras invalide et doit abandonner la compétition.

(Cliquer sur les liens en bleu pour accéder aux historiques des modèles cités)

La Norton à manoque acier conçue par Peter Williams ne courut qu'en 1973.
La chute dramatique de Peter Williams à Oulton Park.
Peter Williams à Daytona en mars 1973 sur la Norton Commando usine à cadre coque en acier. Elle n’atteignait pas les 280 km/h prévus , mais son excellent aérodynamisme et sa tenue de route permirent à Peter Williams de remporter 12 victoires sur la saison 1973, dont la Formule 750 au TT de l4ile de Man..
Aux 200 miles de Daytona en 1974 avec un moteur à course réduite logé dans un tout nouveau cadre treillis.
Peter Williams aux 200 miles d'Imola en 1974.
La JPN à cadre treillis exposée au salon de Paris en 1975.
Une Norton ex-usine de 1975
La victoire de Peter Williams en Formule 750 au TT 1973 sera exploitée dés la fin de l’année suivante avec la Commando 850 JPN replica qui reprend le même robe (mais juste la robe) de la version course.

Le Cosworth, enfin ! Un nouveau programme de course est pourtant mis sur pied pour 1975 avec les nouvelles machines à moteur Cosworth engagées en Formule 750. Le moteur Cosworth prévu en deux versions , JAB pour la P86 de course de 120 ch et JAA pour la P87 de production de 75 ch, est dévoilé au public à Londres en juillet 1975.

Massif et imposant le Cosworth arrive enfin en juillet 1975.
Une rare vue du moteur Cosworth entièrement poli pour sa présentation officielle à Londres.
Présenté en juillet 1975 dans un hôtel londonien le très massif moteur Cosworth promet des merveilles.

Le rêve, va-t-il devenir réalité ? Keith Duckworth jure que son bébé va mener la vie dure aux toutes puissantes Japonaises. Le Cosworth se présente en effet comme un bicylindre très moderne à refroidissement liquide, quatre soupapes par cylindre, double arbre à cames en tête entraîné par courroie crantée et cinq vitesses. Il promet 115 à 120 ch à 10 500 tr/min… 45 de plus que la Commando. Force est pourtant de constater que cette massive mécanique dessinée à la fois pour une moto de course et une routière sportive, souffre de ce compromis et ce moteur développé par Cosworth engineering qui devait sauver Norton, ne fit que l’enfoncer.

Rendez-vous dans le prochain article pour le détail de son histoire.

Toutes les Norton sont exposées au National Motoir Museum de Birmingham et ici de gauche à droite : #10 Commando Racers 1971-73, #12: 750 JPN Monocoque de 1973, #2 71-73 Commando racer, #22: Commando Phil Read Daytona 1972
1972 : Norton revient à la compétition avec des versions très spéciales de ses 750  Commando vieillissantes et commande à Cosworth, le sorcier de la Formule 1, de lui construire un nouveau moteur, mais en l'attendant l'écurie John Player Norton va faire des miracles avec ses Commando. Peter Williams (#6) aux 200 Miles de Daytona 1972 où il [...]

Mobs et Solex pliables

Bientôt les vacances, alors quoi de mieux qu’un cyclo pliable, et de collection, à ranger dans son coffre de voiture… il y en eut des dizaines, mais contentons-nous aujourd’hui des tentatives faites par nos plus grands constructeurs Motobécane, Vélosolosex et Cazenave… des pièces rares qu’on vît surtout dans les salons.

1966 : Motobécane présente au salon de Paris son Cady démontable. Un système plutôt rudimentaire qui permet de désaccoupler la colonne de direction et sa roue avant et de replier le guidon. Enfournez les deux parties dans les housses prévues à cet effet et envoyez vos bagages par la poste, car le coffre est plein!

1972 : Motobécane remet le couvert avec un concept bien plus intéressant qui n’aura malheusement pas le succès du Monkey Honda, c’est la moto-valise X1 Moby’x. Un mini cyclo à carrosserie plastique, selle télescopique et guidon repliable. Une fiche y a été consacrée avec tout son historique et les détails techniques.

1973 :  Vélosolex invente le Solex 5000 repliable et démontable. Est-ce une mauvaise pub ou faut-il vraiment s’y mettre à deux pour opérer la transformation ?

1972 :  Cazenave ne s’est pas trop compliqué la vie en se contentant d’ajouter un guidon et des pédales repliables à son mini.

1968 : De l’autre côté des Alpes, l’Italie a toujours été gros producteur de minis et, en particulier, le spécialiste incontesté du petit pliable, Di Blasi, qui fait ici très fort  avec un trois roues capoté et portable.

Vous aimez les scooters pliables ? Allez donc lire ou relire l’ article sur les étonnantes créations de Victor Bouffort avec tout un roman-photos sur le célèbre Valmobile, boudé en France, mais qui connut un certain succès aux États-Unis et au Japon où il fut fabriqué sous licence.

Bientôt les vacances, alors quoi de mieux qu’un cyclo pliable, et de collection, à ranger dans son coffre de voiture… il y en eut des dizaines, mais contentons-nous aujourd’hui des tentatives faites par nos plus grands constructeurs Motobécane, Vélosolosex et Cazenave… des pièces rares qu’on vît surtout dans les salons. 1966 : Motobécane présente au [...]

Motobécane 350 L4C 1953-60: Le twin en tandem

À peine sa brillante 350 V4C est-elle refusée, début 1948, par la direction tatillonne de la firme de Pantin, qu’Éric Jaulmes, directeur technique de Motobécane depuis 1946, lance un nouveau projet de bicylindre en tandem vraiment original, la 250 L3C d’où découlera la 350 L4C commercialisée de 1954 à 1960.

par François-Marie Dumas, photos et archives : Patrick Barrabès, famille Jaulmes, François-Marie Dumas • Un clic sur les photos pour les agrandir

• Plus rustique et moins massive, le prototype de la 250 L3C réalisé dès 1948 paraît tout frêle comparé à la 350 avec sa grande roue de 19″ dotée d’un petit tambour latéral, pas de carter de chaîne étanche et une batterie à l’air libre du côté gauche. Par rapport à la L4C qui suivit, cette 250 L3C était beaucoup plus légère et vive à piloter raconte Claude Jeunesse qui a longuement roulé avec le prototype.

• Le plan de la 250 L3C daté de novembre 1948 montre déjà, à échelle réduite, tous les choix techniques de la 350 LC4… à échelle réduite (Collection famille Jaulmes – Archives Patrick Barrabès)

1 879 exemplaires en sept ans

Étonnamment, tout commence dès 1948, un an à peine après la présentation de la 350 L4C en V à 45°. Les plans du projet L3C sont en effet datés du 15 novembre 1948. Il s’agit d’une 250 cm3 très légèrement plus grosse que la 175 Z2C monocylindre dont elle emprunte nombre de pièces. Trop chère sans doute en regard de sa cylindrée, cette 250 L3C reste au stade du prototype. L’idée n’est pourtant pas abandonnée pour autant et Éric Jaulmes, têtu, revient à la charge en 1951 avec une évolution en 350 cm3, la L4C. Plus économique que la V4C de 1947, cette nouvelle 350 est aussi moins sportive et moins apte à évoluer, ce qui la pénalisera après sa commercialisation. La L4C est présentée une première fois au salon de Paris 1952, sans qu’on en parle plus ensuite. Les fanatiques de la marque s’inquiètent. Ne sera-t-elle qu’un prototype de salon comme la V4C de 1947 ? Ouf, elle réapparaît au salon 1953, mais toujours sans prix annoncé. Elle est pourtant bien commercialisée en 1954 et restera au catalogue jusqu’en 1960 avec des ventes malheureusement en baisse constante dues à son manque d’évolution. 559 exemplaires en 1954, 799 en 1955, mais seulement 147 en 1956, 135 l’année suivante et respectivement 92, 99 et 48 en 1958, 1959 et 1960 où s’arrête définitivement la production. Il n’en a finalement été vendu que 1 879 exemplaires en sept ans. C’est peu, mais n’oublions pas que la totalité du marché français de la moto est alors en pleine décrépitude : 26 000 motos de plus de 125 cm3en 1951, 10 000 en 1956, 6 376 en 1958 en à peine 1 400 en 1960. Merci à la guerre d’Algérie qui garde les jeunes deux ans sous les drapeaux et aux assurances dont les tarifs explosent.

Prototype de la L4C Motobécane au salon d'octobre 1952. La même reviendra au salon 1954, mais sans la plaque d'immatriculation avant dès lors interdite. Le coffre latéral s'ouvre totalement, contrairement à celui de série commercialisée en 1954.
Au même salon, la N4C Motoconfort expose l'option biplace avec une selle échancrée inspirée avec bonheur de celles des Vincent et d'élégants caoutchoucs de réservoir blancs. Le superbe collecteur d'échappement ailetté n'équipera jamais la production.
Première version commercialisée couleur havane et marron en 1954 et 55. Le phare n'est plus monté sur pivot, mais sur des oreilles des fourreaux de fourche, le collecteur d'échappement n'est plus ailetté. Comme la défunte V4C, les deux faces de la L4C sont asymétriques. Le gros boîtier central arborant le klaxon en son centre se termine en pointe du côté gauche au-dessus du carter de chaîne étanche, tandis qu'il se poursuit, du côté droit par un volumineux coffre quadrangulaire contenant l'équipement électrique qui s'ouvre désormais au tiers de sa hauteur. (Sur la V4C ce boîtier était en fait le silencieux d'échappement.)

Mauvais calcul

Contrairement à la V4C, jugée trop sportive (au grand dam d’Éric Jaulmes), la L4C avait été plébiscitée par la direction commerciale : Erreur de marketing totale, car la calme vocation de grand tourisme de cette L4C sera l’une des raisons de son échec tout comme la même image trop sage pénalisera 18 ans plus tard la 350 trois cylindres deux temps de 1973 apparue en pleine crise du pétrole . Motobécane qui avait si bien compris que la Mobylette était en son temps le moyen de transport personnel à la portée de tous, aurait aussi pu penser que seule une moto sportive et excitante aurait pu séduire les jeunes pour qui les 2 ou 4 CV d’occasion devenaient abordables. La 350 L4C s’affiche à 230 000 F en 1954 alors qu’une 2 CV neuve vaut 350 175 F. L’année suivante la Motobécane passée à 265 000 F s’oppose à la 350 Jawa bicylindre deux temps, alors très à la mode, vendue 249 500 F, mais bien que moins chère, elle ne fait pas le poids face à une Anglaise comme la 500 A7 BSA à 340 000 F. La L4C (N4C chez Motoconfort) évolue bien peu au cours de sa carrière. Elle apparaît en marron et beige avec le dessus du réservoir chromé comme la Z2C au salon de 1952 avec un fort joli collecteur d’échappement ailetté qu’on ne verra jamais en série. La version du salon 1954 se distingue par un échappement deux dans un, les deux tubes se rejoignant à la hauteur de la fixation du bloc moteur, mais il ne s’agit que d’un essai, car les versions commercialisées auront, comme sur le catalogue, un collecteur très court en alu puis bronze d’alu rassemblant des deux sorties d’échappement. 1955 voit l’adoption d’une suspension arrière oscillante sur les 125/175 série Z, mais la L4C n’y a malheureusement pas droit ce qui la rend définitivement vieillotte. Elle adopte par contre une robe mastic et chrome plutôt seyante.

La Motoconfort N4C couleur Mastic de 1956-57. Qui devinerait sous cet angle qu'il s'agit d'un monocylindre ? (Collection Jean-François Lafleur)
Dès la première série, la L4C est disponible en noir sur commande et quelques unités seront proposées de série dans cette couleur de 1956 à 1960. L'écrou papillon qui ferme le coffre est apparu dès 1955.
Qui eut cru qu'une L4C puisse courir en motocross ! C'est pourtant ici le cas en 1954 avec un prototype à suspension arrière oscillante et l'échappement à deux sorties séparée, montré au salon cette même année et qui n'apparut jamais en production.

Technique d’exception

Toute l’originalité de la L4C réside dans son moteur dont la conception est aussi peu commune que, théoriquement, économique à réaliser comme, par exemple, le bloc en alliage léger avec ses deux cylindres chemisés rigoureusement parallèles et disposés en long dans le cadre. Le vilebrequin, largement dimensionné est aussi tout à fait classique tout comme sa disposition transversale. C’est dans l’embiellage que réside toute l’astuce. Il reprend le principe de certains deux temps à double piston. La bielle maîtresse, pour le cylindre avant, comporte une oreille sur laquelle s’articule une bielle secondaire pour le cylindre arrière. Seules les bielles travaillent sous un angle légèrement différent, et les points morts hauts des deux cylindres ont ainsi un décalage de 18°. Cette disposition a conduit à une autre originalité pour la commande des soupapes. Un couple de pignons à taille hélicoïdale sur l’extrémité droite du vilebrequin (pignon acier sur le vilebrequin et bronze sur l’arbre à cames) renvoie le mouvement sur un arbre à cames qui est donc parallèle aux deux cylindres et les cames actionnent tout à fait normalement les beaux culbuteurs en alliage léger par le biais de quatre tiges sur le côté droit des cylindres. Le carburateur unique et sa pipe d’admission dédoublée prennent place du côté gauche.

Ce bel artifice n’avait pourtant pas que des avantages. Le renvoi d’angle de l’entraînement d’arbre à cames était fragile et la L4C avait tendance à chauffer (curieusement plus du cylindre avant que de l’arrière où le piston était monté avec 2/100e de jeu supplémentaire de façon à éviter les serrages). Dans un louable souci de standardisation, de nombreuses pièces sont interchangeables avec les plus petits modèles de mêmes cotes internes. On sent encore bien les technologies d’avant-guerre et les économies d’après-guerre ! Seule la tête de la bielle maîtresse tourne sur galets ; la bielle secondaire est sur bague bronze tout comme les pieds de bielle. Seuls la boîte, l’embiellage et l’arbre à cames bénéficient d’un graissage sous pression. La culbuterie, comme sur les 125/175 de la marque, se contente d’un brouillard d’huile.

Très appréciée par son silence et sa grande souplesse, la L4C pêche par des performances trop modestes ; 110 km/h assis, et 122 avec une position en limande bien peu en rapport avec cette machine ! Le confort de sa suspension arrière obsolète est aussi critiqué et, c’est le plus grave, de gros problèmes de fiabilité des premières séries contraignent la Motobécane à limiter le rythme de production initialement de 10 exemplaires/jour. L’usine revient à in montage quasi-artisanal en 1957 et la L4C est enfin fiabilisée, sans pour autant se refaire une réputation, mais en perdant les économies de fabrication promises par son concept technique. Autant d’arguments négatifs qui font que Motobécane abandonne ses projets de modernisation du modèle avec un moteur modifié promettant 140 km/h et, enfin, une suspension arrière oscillante.

Belle vue des culbuteurs en alliage léger sur le moteur découpé côté arbre à cames. Échappement à droite, carbu à gauche, une bougie devant et une autre derrière… tout est inversé par rapport à un monocylindre classique.
La coupe transversale montre bien la disposition de l'arbre à cames dans l'axe de la moto.
La vue du moteur découpé montre bien le décalage du point mort haut des deux pistons (La chaîne qui entoure le volant et sort sous le moteur n'est là que pour faire tourner le modèle de présentation !)

Fiche technique Motobécane L4C 1954

Moteur 4 temps à 2 cylindres verticaux en tandem refroidis par air– 349 cm3 (56 x 70,8 mm) – Soupapes culbutées – 18 ch /5 850 tr/min – Compression 6,8 à 1 – Carburateur unique Gurtner puis Amal Ø 22 mm – Allumage par volant magnétique 6V 60 W – Transmissions primaire par pignons à denture oblique, secondaire par chaîne sous carter étanche – Embrayage multidisque humide – Boîte 4 rapports – Cadre simple berceau dédoublé – Suspension avant télescopique hydraulique  – Suspension arrière coulissante – Freins à tambour simple came Ø 170 mm – Pneus 3,50 x 18″ – 145 kg – 122 km/h

Intéressante confrontation au musée de la moto de Marseille des deux bicylindres en ligne des années 50, la Sunbeam 500 S8 et la Motoconfort 350 N4C.

Je vous renvoie aux commentaires pour lire ceux de Jean-Pierre Besson qui s’est penché sur le calage très particulier de ce moteur, jusqu’à en faire la simulation sur YouTube qui apparaît ci-dessus.

À peine sa brillante 350 V4C est-elle refusée, début 1948, par la direction tatillonne de la firme de Pantin, qu'Éric Jaulmes, directeur technique de Motobécane depuis 1946, lance un nouveau projet de bicylindre en tandem vraiment original, la 250 L3C d’où découlera la 350 L4C commercialisée de 1954 à 1960. par François-Marie Dumas, photos et archives [...]

Motobécane 350 V4C 1947 : L’espoir déçu

Grand espoir au  salon de  Paris en 1947 : la moto française renaît avec deux nouveautés extraordinaires : la 500 Sublime vertical twin et la 350 Motobécane V4C bicylindre en V. Motobécane va-t-il retrouver sa place et la France va-t-elle redevenir un producteur de belles motos sportives ?

Texte et photos François-Marie Dumas et archives moto-collection.org

Imaginez donc une Motobécane avec un son de min Harley !

Pas facile de reprendre une production à partir de rien ! Les Allemands qui ont occupé l’usine pendant la guerre ont emporté les machines-outils et le manque de matières premières se fait cruellement sentir. Les gros monocylindres d’avant-guerre remis en production font illusion dans les premières courses et quelques-uns équipent l’administration, mais il faut du neuf, car le premier et fort maigre salon de 1946 s’est contenté de promesses. 1947 est en fait le premier vrai Salon de l’après-guerre. L’ingénieur Éric Jaulmes, qui va devenir responsable technique de Motobécane en 1946, a débuté l’étude de la V4C dés 1945 et les premiers moteurs tournent au banc l’année suivante. La première machine, finie en dernière minute comme il se doit, sera la vedette de ce salon de Paris 1947. Encensée par la majorité, mais plutôt critiquée par une certaine presse, d’ailleurs survivante, qui écrit que Motobécane ferait mieux de rénover ses gros monocylindres d’avant-guerre (ce qui sera d’ailleurs fait un peu plus tard) et de travailler à la commercialisation de la 125 culbutée Z46 MobyClub qui, annoncée en 1946 n’arrivera au compte-gouttes qu’à la fin de 1947.

Une exclusivité, grâce aux archives de Patrick Barrabès, auteur de nombreux livres sur les Motobécane, la seule photo connue d'une V4C sur la route qui pose ici au col du Galibier en 1948 avec son essayeur Félix Bachmann.
Ce prototype de la Motobécane 350 Super Club à deux carburateurs n'a pas le décor de réservoir finalement choisi, mais celui, chromé et plus luxueux, des machines d'avant-guerre.
Cet exemplaire des essai sera conservé par la famille Jaulmes. Ce même décor équipe d'ailleurs encore la première 125 Z46C présentée au salon de 1947.

Toujours est-il que la V4C attire tous les visiteurs de ce deuxième salon de l’après-guerre en octobre 1947 qui se tient exceptionnellement dans les sous-sols du Grand Palais. Enfin, l’une des plus grandes marques françaises repart de zéro en présentant une machine performante et moderne dont les lignes générales et l’ensemble mécanique en particulier se distinguent par une remarquable sobriété des lignes sans aucune excroissance.  Contrairement aux usages de la firme, la bicylindre est présentée sous le même nom de code, V4C, pour les deux marques jumelles Motobécane et Motoconfort, mais, comme si la décision de la montrer avait été prise en dernière minute, les V4C n’apparaissent même pas au « Prospectus du Salon « . Elles y sont pourtant bel et bien, en beige et marron façon 125 Z46C et sous l’appellation SuperClub chez Mototobécane et en vert baptisée SportClub chez Motoconfort. Curieusement, la presse spécialisée de l’époque fera une totale impasse sur la Motoconfort, pourtant plus gaie, et ne parlera que de la Motobécane. Ces modèles du salon ne sont équipés que d’un seul carburateur inversé, mais les deux pages ronéotées distribuées sur le stand annoncent cependant que deux carburateurs seront disponibles en option. Aux dires d’Éric Jaulmes, qui avait coutume d’essayer lui-même ses projets lors de longues randonnées vers les Alpes, cette version bicarbu était notablement plus amusante, mais ses performances effrayaient la direction et d’autre part la monocarbu répondait bien mieux au cahier des charges des administrations. « Lors des essais la V4C, annoncée pour 120 km/h en production, atteignit 155 km/h de moyenne au tour à Montlhéry alors que la N4C étudiée quatre ans plus tard, en 1951, ne tournera qu’à 110 de moyenne » nous confiait Éric Jaulmes lors d’une interview au début des années 70. Quatre V4C complètes sont construites, plus quelques moteurs et de nombreux essais sont effectués dont un Paris-Nice plein gaz aller et retour effectué par le coureur Patuelli devenu essayeur maison.

Boudée par les publications de l'époque, cette version SportClub de Motoconfort était encore plus sportive et élégante avec ses deux tons de vert quand même plus flashy que les bruns marron de la Motobécane.
Curieusement tous les journaux de l'époque ont montré la V4C Motobécane SuperClub en faisant l'impasse sur la SportClub Motoconfort pourtant présentée au même salon et qui pose à son tour dans la cour de l'usine pour le catalogue qui ne sera jamais réalisé.
La LC4 Motobécane de Patrick Barrabès fait admirer sur ce côté l'énorme silencieux latéral entre boîte à outils et suspension arrière. Le design génial de Géo Ham a encore frappé.

« La V4C bénéficie de l’expérience acquise par Motobécane avec ses modèles Armée » annonce le descriptif de l’époque rédigé par Éric Jaulmes qui justifie ainsi l’allumage par volant magnétique et le carter de chaîne étanche et oublie de dire que seule une poignée de 500 Superculasse ont été réalisées pour essai par les armées française et espagnole et qu’aucune ne passera commande !

La puissance modeste est volontairement limitée à 17 chevaux (comme la 350 mono) obtenus à 6 500 tr/min, mais son faible poids à sec (130 à 135 kg) lui confère une excellente vivacité. Sans citer en détail ce texte dithyrambique où Motobécane explique en 1947 les raisons de ses choix, reconnaissons que la V4C est d’un grand modernisme. Comparé à un deux cylindres parallèles, un bicylindre en V permet, dit l’ingénieur maison, des alésages plus grands et donc des conduits et des soupapes de plus grands diamètres. Il n’y a qu’un seul arbre surélevé à quatre cames pour les deux cylindres et les soupapes, commandées par tiges et culbuteurs en alliage léger au centre du V sont rappelées par des ressorts en épingle. L’ensemble est totalement enclos et ainsi correctement lubrifié avec un reniflard efficace pour éviter les surpressions et les fuites d’huile (mais sans qu’on sache s’il s’agit d’un simple barbotage comme sur les autres productions de la marque ou d’un vrai graissage sous pression).

La 350 V4C restaurée par Maurice Chapleur est revenue à Saint Quentin où elle est l'une des vedettes du musée Motobécane. Pour semer la confusion, son carter gauche est signé "Sport Club" alors quelle porte le logo de Motobécane.

Sportive, mais trop chère

La volonté de monter les deux cylindres dans le même axe a nécessité l’emploi d’un embiellage plus complexe et cher qu’avec deux bielles côte-à-côte montées sur aiguilles encagées. Pour pouvoir s’articuler sur un maneton unique, l’une des bielles est en fourche ce qui permet d’utiliser un vilebrequin très court, rigide et léger. D’autre part l’usage d’un voire de deux carburateurs inversés était cité comme solution miracle pour une grande souplesse alliée à des performances remarquables. Quoiqu’on en dise sur son descriptif, la V4C n’est visiblement pas construite à l’économie et c’est bien ce qui lui vaudra sa perte. La transmission primaire s’effectue par pignons à taille hélicoïdale et l’embrayage totalement séparé à l’intérieur des carters est multidisque à sec.

Malgré de nombreux emprunts de pièces aux modèles existants ou en cours d’élaboration, en particulier la 175 culbutée qui prête entre autres ses pistons, la V4C reste trop chère ce qui n’est nullement du goût de la direction qui la trouve aussi trop sportive et entend se concentrer sur ses modèles économiques en construction. Toutes les capacités de production de l’usine sont absorbées par la D45 puis les 125 et 175 culbutées, puis enfin, la Mobylette dont le colossal succès va mettre un point final à l’étude. « Motobécane poursuit la mise au point de sa 350 bicylindre » lit-on encore dans le numéro d’avril 1948 de « Motocycles« , et une version 500 cm3 est même déjà prévue sur plans, mais la partie est jouée. On lui préférera une mise à jour de la Superculasse 350 qui apparaît en 1948 avec d’ailleurs la fourche et la suspension arrière coulissante étudiées pour la V4C. Très curieusement Motobécane après avoir abandonné ce très moderne projet réalisera dés 1948 une 250 cm3 bicylindre en ligne, la L3C dont la conception préfigure la 350 L4C étudiée à partir de 1951 et commercialisée en 1954. Mais ceci est une autre histoire sur laquelle je reviendrai.

Les seules V4C survivantes sont le prototype de SuperClub bicarbu qui servit aux essais, conservé par la famille de son concepteur Éric Jaulmes, et une version reconstituée par Maurice Chapleur et actuellement exposée au musée de la marque à Saint-Quentin. Une fort belle machine dont le moteur est dit-on totalement vide et qui résume un peu l’histoire de ce beau prototype en arborant le logo et les couleurs de Motobécane, mais l’appellation « Sport Club » de Motoconfort sur son carter moteur gauche !

Fiche technique Motobécane 350 V4C 1947

Moteur quatre temps bicylindre en V à 45° à cylindres et culasses en alliage léger- 348 cm3 (60 x 61,8 mm) – Soupapes encloses et culbutées avec ressorts en épingle – 17 ch/6 500 tr/min– Mono ou bicarburateur  – Allumage par volant magnétique – Boîte intégrée 4 rapports par sélecteur à droite – Embrayage multidisque à sec – Transmissions primaire par engrenages à taille oblique, secondaire par chaîne sous carter intégral – Cadre simple berceau tubulaire dédoublé sous le moteur – Fourche télescopique à bain d’huile, débattement 160 mm – Suspension arrière coulissante, débattement  65 mm – Roues à broche interchangeables – Freins à tambour Ø 170x 30 mm – Pneus 19″ – 135 kg – 135 km/h

L'embrayage totalement séparé du carter central fonctionne à sec. Les bossages sur l'avant renferment les canalisations d'huile.
Cette vue trois quart avant laisse admirer les culbuteurs en alliage et les volumineux ressorts en épingle de rappel des soupapes. Notez aussi les deux pipes d'admission pointant vers le haut.
La revue "Motocycles" fait un retour technique sur la V4C et avril 1948, mais ce n'est malheureusement qu'un hommage posthume!
Bien que quelques publications de l'époque et des livres plus récents annoncent ce moteur pour un V à 60°, il s'agit bien d'un V façon Harley Davidson à 45°. Avec, comme lui, des bielles qui s'articulent sur un unique maneton. Une vraie mini Harley, mais en plus moderne à son époque !
Le moteur de la V4C Super Club des essais monté avec deux carburateurs.
Grand espoir au  salon de  Paris en 1947 : la moto française renaît avec deux nouveautés extraordinaires : la 500 Sublime vertical twin et la 350 Motobécane V4C bicylindre en V. Motobécane va-t-il retrouver sa place et la France va-t-elle redevenir un producteur de belles motos sportives ? Texte et photos François-Marie Dumas et archives moto-collection.org [...]