Une perle d’aluminium
par François-Marie Dumas
Deux pays, deux mesures. Dans la France déjà bien préparée avec les BMA (bicyclettes à moteur auxiliaire de l’avant-guerre) France les constructeurs majeurs se tournent naturellement vers le cyclomoteur léger le plus économique possible et touchant la clientèle la plus large et non spécialisée qui soit, donc automatique.
Il en est tout autrement en Allemagne où la culture motocycliste est bien plus élevée, tant chez les constructeurs que chez les utilisateurs. Les 50 cm3 qui y apparaissent dès le début des années 50 auront donc deux puis trois vitesses et se donneront, pour la plupart, une image plus moto que vélo avec un beau gros réservoir rajouté sur un cadre souvent en tôle emboutie. À ces motivations pour des évolutions divergentes s’ajoute le contexte économique avec des salaires bas et peu de taxes en Allemagne contre des salaires plus élevés, mais plus de taxes chez nous. Résultat, l’Allemagne exporte 40 % de sa production, tandis que nous « consommons » toute la notre.
Ah, les plans d’avenir basés sur des statistiques !
L’Allemagne y avait pourtant cru au tout début des années 50 espérant que les vingt millions de cyclistes de l’époque tout comme la grande masse des utilisateurs des transports en commun allaient se ruer sur ce cyclomoteur, grande nouveauté sur le marché d’outre-Rhin, L’excellent chef de publicité de la maison N.S.U. présentait déjà sur son stand en 1953 le monument du « dernier piéton », dénommé Hans Latsch. Quoiqu’il en soit, la production évolue en bon accord avec celle de la France jusqu’en 1955 avec 778 500 unités produites outre-Rhin contre 830 375 en France, mais les ventes en Allemagne vont progressivement baisser.
La perle des utilitaires
L’avionneur Ernst Heinkel, dont cette Perle sera le seul cyclomoteur, était doué pour les produits haut de gamme. Peu importe qu’il s’agisse d’avions, de scooters ou d’un 50 cm3 et celui-ci se distingue du lot des petites Allemandes de l’après-guerre… les grosses petites allemandes plutôt, car la production est généralement massive avec des cadres en tôle emboutie chevauchés par des réservoirs ventrus. On trouve moins de cadres-réservoir monoblocs en emboutis dans cette Allemagne de ces années 50 et les Heinkel Perle et Victoria Nicky sembles-nt être les seules réalisations en aluminium. Pour la Nicky il s’agit toutefois de simples coques supportées par un cadre à double berceau supérieur en tubes d’acier.
Les suspensions de la Perle, à amortissement hydraulique, télescopique à l’avant et à deux combinés arrière assuraient un bon confort de conduite, mais semblaient bien frêles et fluettes, face aux semi-Earles à balanciers et roue poussée nettement préférées par la grande majorité des constructeurs d’outre-Rhin. Face à ces gros réservoirs et ces suspensions enveloppées, notre Perle devra attendre sa « mise en collection » pour que la sophistication technique du cadre alu la valorise comme elle le mérite. Quelle belle réalisation pourtant, que ce cadre en fonderie d’alliage léger aux lignes épurées constitué d’un seul moulage à paroi mince breveté par la docteur Klaue.
Ce cadre avec son réservoir de carburant intégré sous la selle, permettait de respecter la limite de poids de 36 kg (cela dit une Mobylette AV79 tout acier de 55 à suspensions ar. coulissantes ne fait que 40 kg). La finition martelée (comme nombre de machines-outils) contribuait à lui donner une image très qualitative. Le carter de chaîne vraiment étanche à bain d’huile étant garant d’un faible entretien.
Pas si chère, finalement
En 1955 le prix équivalent à environ 62 000 F se situait dans la fourchette la plus élevée, un prix compréhensible au vu de la qualité de fabrication de la Perle, mais beaucoup moins en rapport avec son image utilitaire. Les NSU Kickly valaient de 46 500 à 51 500 F (déjà près de 1,5 fois le salaire moyen en Allemagne) et le très stylé DKW Hummel s’affichait à 65 800 F .
Environ 27 000 Perle ont été produites de 1955 à 1958, ce qui est relativement élevé étant donné l’image utilitaire un poil obsolète qu’avait cette Perle en son pays au milieu des années 50 face à une kyrielle de gros cyclos très moto souvent à 3 vitesses et à peu près au même prix. On ne la vit évidemment pas en France, mais elle fut importée en Grande-Bretagne par Excelsior.
Moteur monocylindre 2 temps refroidi par air – 49 cm3 (39 x 41,8 mm) – 1,5 ch à 5 000 tr/min (limitation par étrangleur à l’admission) – Carburateur Fischer 10DA23 – Alumage par volant Magnétique Bosch 6V 3W – Boîte à 2 vitesses commandés par poignée tournante – Pédalier-kick et chaîne de transmission unique sous carter étanche en alliage léger – Cadre coque en U en fonderie d’alliage léger (silumin) – Suspension avant télescopique, arrière oscillante à 2 amortisseurs – L/l/h : 1780/700/930 mm – Empattement 1145 mm – Hauteur de selle 785 mm – Pneus 23″ x 200 – Freins à tambour ø 82 mm – 36 kg – 45 km/h (40 km/h à partir du 1er janvier 1957).
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