Pas facile de débuter en course en 125 au début des années cinquante. Seule une élite fortunée ou très douée peut accéder aux toutes puissantes MV Agusta ou aux Morini. Pour les autres, l’unique solution est de faire au mieux en transformant plus ou moins une moto plus utilitaire au départ que vraie sportive. Le moderne petit bloc Terrot, et plus tard l’AMC, sont les bases favorites des apprentis sorciers, tandis que d’autres se lancent sans complexe dans la réalisation artisanale d’une machine complète, moteur et partie cycle, en se payant même le luxe d’y intégrer quelques solutions techniques inédites. C’est le cas de François Grosso, un ingénieur Lyonnais que j’eus le plaisir de rencontrer en 1977 où Il faisait revivre sa réalisation aux mains de René Casset ancien pilote qui s’illustra sur sa Norton 500 Manx au Championnat de France 1958.
François Grosso a déjà 40 ans en 1950 lorsqu’il termine enfin SA moto. Le bloc moteur entièrement fait maison est impressionnant avec son gros cache aileté en forme de champignon sur le côté droit du cylindre qui dissimule l’entraînement par chaîne du double arbre à cames en tête. Tous les carters sont réalisés en mécano-soudure et la distribution est particulièrement sophistiquée avec un rappel des soupapes par ressorts en épingle et un réglage du jeu par linguet interposé sous la came. Un système, dûment breveté, d’un pontet dans lequel passe la queue de soupape est fixé par des crochets aux ressorts en épingle au-dessus et encage le longuet en assurant son maintien contre la came. Le 125 de cotes longue course (51 x 60 mm comme la D45 Motobécane et les Peugeot deux temps) annonce 11 ch, un régime maxi impressionnant pour l’époque de 10500 tr/min et atteint 114 km/h à 7500 tr/min, Le graissage s’effectue par carter sec avec une pompe à huile en bout de vilebrequin et un réservoir séparé sous la selle. La boîte trois vitesses à chaînes façon Zündapp est intégrée au bloc. Le cadre double berceau est aussi une de réalisation maison et il n’y a qu’une suspension avant à parallélogramme, mais François Grosso réalisera aussi une suspension arrière brevetée avec tension de chaîne constante exposée au salon de Paris 1952. Le tout est assemblé avec les accessoires et habillages d’époque, réservoir Mottaz, freins Sachs, selle Aurora.