« Gants blancs » s’écrie hilare maître Poulain, en terminant la fameuse vente de la collection de Pierre Guélon à Rétromobile. « Gants blancs », c’est l’expression consacrée des commissaires priseurs pour signifier que tous les lots ont été vendus, ce qui est assez rare a fortiori avec les sommes relevées ici.
Adjugée à 154 000 € (plus 20% de frais !) la Janoir 1920, le seul exemplaire connu de ce fabuleux flat twin à cadre tôle et suspension intégrale de 1920, restera heureusement dans sa France d’origine en rejoignant l’Auvergne. Les deux tricylindres Buchet de 1905 et Anzani de 1906 partent par contre pour l’Allemagne de concert avec la Blériot à des prix respectifs de 47 000, 70 000 et 65 000 €. Dame, ce sont des prix qui commencent à compter. Jamais sans doute autant de motos françaises n’avaient été vendues ensemble à un tel niveau : 16 des 76 lots ont été adjugés à 40 000 € ou plus. La meilleure affaire fut sans doute la Dax 350, une version double échappement dans un excellent état qui partit à 12 000 € bénéficiant sans aucun doute de l’effet de souffle causé par l’extraordinaire combat d’enchères de la Janoir qui venait juste avant. La seconde plus grosse enchère concerne le tricycle Renaux un remarquable 500 cm3 à cylindre horizontal connu pour sa performance à la course Paris-Saint Malo en 1899 soit 372 km parcourus à 52 km/h de moyenne. Il fut adjugé sur un ordre par internet à 115 000 €. Les ancêtres de 1899 à 1910 aussi rares que parfois incomplets, mais toutes dans un jus d’origine, se sont négociés aux alentours de 20 000 €, un peu moins pour les Givaudan de 1902 et Hurtu de 1904, à 10 000 € ou la Lurquin-Coudert de 1903 à 7000 €, mais les Moto-Cardan montèrent à 34 000 pour la monocylindre et à 48 000 pour la bicylindre en V face à la route, remarquable première exploitation de cette disposition du moteur. Notons encore la Rochet bicylindre en long de 1907 à 65 000 € et la Werner bicylindre parallèle face à la route (une autre première mondiale) à 25 000. Les rarissimes Werner à moteur sur la roue avant se vendirent respectivement à 34 000 € pour la première de 1897 caractérisée par son nom de Motocyclette dont les frères russes sont les inventeurs et son petit réservoir-garde-boue pour la lampe à essence chargée d’alimenter l’allumage par incandescence. La version 1898 à deux volants extérieurs ajourés type machine à coudre partit à moins de la moitié, 16 000 €, et l’ultime modèle de 1899 à volant interne ne fit que 14 000 €… Je n’arrèterai pas ce longue liste sans cite la Pernoo de 1899 à moteur Labitte en porte-à-faux derrière la roue arrière ( 40 000 €) ou la célèbre moto signée par Henri Désiré Landru en 1903 avant qu’il ne se consacre aux dépeçage et brûlage de riches veuves, s’échangea à 10 000 € offerts par un fameux restaurateur mayennais. Au chapitre des adjudications hors normes citons encore la Majestic 350 à moteur Chaise de 931 pour laquelle le marteau s’abattit à 68 000 au profit de gros acheteurs hollandais qui récoltèrent quand même plus de 17 lots ! Les prix des très rares étrangères proposées, enfin, restèrent dans la norme : 47 000 € pour la très belle Saroléa 500 Monotube ex- Chevallier une version course dans tous ses accessoires et habillages, mais néanmoins équipée d’un moteur route (qui ne diffère guère que par son numéro, ses cames et son carburateur). 96 000€ seulement ( !) pour la Brough Superior SS 680 qui pêchait par sa totale absence de numéro et 41 000 pour la Norton 500 Inter 30 de 1932.
Notes : la datation des motos est parfois approximative – Les liens en bleu renvoient aux fiches descriptives des motos
Photos F-M. Dumas/moto-collection.org sauf mention contraire