Carnets de voyage d’Albert 1er de Monaco

On voit rarement des têtes couronnées ou princières s’illustrer par leurs exploits motocyclistes (bien que nous ayons eu un président qui fit beaucoup parler de lui sur son trois roues MP3) et c’est avec une grande fierté que la Principauté de Monaco publie (sous forme informatique et sur papier) un livret consacré aux nombreux voyages à moto du Prince Albert 1er, un véritable pionnier en la matière, qui s’illustra en particulier par trois Paris-Monaco en 1903, 1904 et 1905.

L’article « Carnets de voyage d’Albert 1er de Monaco » sous-titré : Le « tour de France » d’un prince motocycliste à la Belle Époque est paru dans le N° 46 des annales monégasques. L’auteur, Michaël Bloche, conservateur du patrimoine et directeur de la Mission de préfiguration des Archives nationales de Monaco », a effectué un colossal travail d’historien (normal, c’est son métier !) en rassemblant les archives et photos de la principauté et, surtout, tous les journaux tenus par Albert 1er, qui sont un exceptionnel et unique témoignage en langue française des multiples difficultés rencontrées dans les premières années du siècle dernier par les voyageurs au long cours à moto. Albert 1er raconte dans ses notes ses équipées de 1901 à 1919 avec divers types de vélocipèdes (avec quand même un parcours de 150 km en tandem Clément en octobre 1894), et surtout des motos et side-cars.

Avec une dignité toute princière, Albert 1er dans les jardins du Palais sur une Autocyclette Clément monocylindre vers 1901. N’allez pas croire pour autant que S.A.S. ne tournait qu’autour des massifs, c’était seulement le seul endroit où l’attendait le photographe car il effectuait ses voyages en solitaire. (archives Palais de Monaco)

On se rappellera surtout des 3 Monaco-Paris réalisés par le Prince sur sa Humber Beeston 350 cm3 en 1903, 1904 et 1905, avec parfois de grands détours par le Sud-Ouest, la Suisse, l’est de la France, etc. Le prince eut au moins 7 motocyclettes, dont plusieurs Humber, une Motobiciclette Peugeot achetée en 1902 (872,30 F !), un side-car Rover 500 cm3 et des Autocyclettes Clément mono et bicylindre.

Ses fameux Monaco-Paris duraient une à deux semaines, toujours au mois de mai et souvent en solitaire et incognito, avec un mécanicien qui le suivait en général quelques heures derrière. Albert 1er est surtout connu pour ses explorations marines, mais il pratiqua la motocyclette jusqu’à la toute fin de sa vie, par goût de l’effort physique, de l’aventure, du pilotage et de la vitesse, de la mécanique, pour le sentiment de liberté et évasion que cela lui procurait.

Toujours autour du Palais avec cette fois sa Humber Beeston de 1903 photographiée par Charles Chusseau-Flaviens au début de 1905. (archives Palais de Monaco)

Le livret de 175 pages concocté par Michaël Bloche est très abondamment illustré d’une soixantaine de photos d’époque et de nombreuses reproductions de notes, cartes et documents. Il est en vente sous forme papier et en ligne, intégralement ou article par article (3 euros pour l’article de Michaël Bloche), sur le site des Annales monégasques : version papier 30 €, version PDF 10 €.

Les journaux scrupuleusement tenus par Albert 1er sont un témoignage unique des difficultés rencontrées alors par les motocyclistes. (extrait des Annales monégasques)

On voit rarement des têtes couronnées ou princières s'illustrer par leurs exploits motocyclistes (bien que nous ayons eu un président qui fit beaucoup parler de lui sur son trois roues MP3) et c'est avec une grande fierté que la Principauté de Monaco publie (sous forme informatique et sur papier) un livret consacré aux nombreux voyages [...]

Retour sur Rétromobile 2023

Il y avait beaucoup de dollars à Rétromobile, mais pas que et voici un bref retour en images et absolument pas exhaustif de ce qui m’a marqué au fil des stands.

Je suis séduit à chaque Rétromobile par le stand Etampe moderne et sportive tenu par Emmanuel Lopez. Des affiches à ne plus savoir qu’en faire et toute la collec des lithos de Géo Ham (à un millier d’euros pièces quand même). En vedette autour du stand l’affiche de Max Monty pour Automoto en 1930, celle de Marcello Nizzoli pour Léon Houard concessionnaire des motos FN à Gand et une fort belle ACE dont je ne connais pas l’auteur.

Un sublime Ducati Cucciolo 48 cm3 dans une version très spéciale conçue par l’ingénieur Bibertti en 1956 et construite à 5 exemplaires seulement. Le cadre double berceau en profilés très fins de tôle emboutie. Une spécificité qui a son prix 6000 € annoncés par le vendeur italien l’Officine Cantelli de Bologne.

Petite présentation sympa d’une Norton Manx surmontée d’une affiche pour le Grand Prix de Pau avec la 500 Gilera-4.

La Corona présentée sur le stand du Vintage Revival, une 3 HP à soupape d’admission automatique, est le seul monocylindre connu. Corona Fahrradwerke était l’une des usines les plus renommées du Brandebourg. Le mécanicien Adolf Schmidt y fonda en 1891 une petite usine de bicyclettes et pièces auto et motos. L’usine Corona se lance dans la production de motos vers 1902 avec des moteurs Fafnir ou Antoine.Leur production s’arrète avec le début de la première guerre mondiale, mais la marque renaît au début des années 20 avec la construction d’une moto bicylindre de 350 cm3 produite jusqu’en 1925.

 

Une Scott bien spéciale aussi sur le même stand toujours riche en grandes raretés du Vintage Revival : cette Scott Sociable à trois roues de 1924, sorte de side-car entièrement carrossé posé sur un étonnant châssis multitubulaire. Cet engin étonnant fut, à l’origine conçu pendant la Première Guerre mondiale par Alfred Angus Scott pour l’armée qui n’en voulut point, Il tenta donc (sans grand succès, malheureusement) de rentabiliser son étude en commercialisant, en 1916, une version civilisée et sans sa belle mitrailleuse, Le Sociable ainsi né devint cette élégante et atypique voiturette bitrace. Le Sociable n’arriva malheureusement sur le marché qu’en 1921 et ne put soutenir la concurrence face à l’Austin Seven. Affiché à 273 £ lors de sa sortie, il ne valait plus que 135 £ en 1924 et il ne s’en vendit que 200 exemplaires. La roue avant directrice est actionnée par volant, pignon et crémaillère. La boîte de vitesses est à trois rapports sans marche arrière avec transmission à la roue arrière par un arbre.

L'exemplaire un poil spécial présenté avait un double allumage donc deux magnétos et deux bougies par cylindres auxquelles un bricoleur britannique facécieux avait rajouté une troisième bougie soit six en tout !

Officina Meccanica Guazzoni a été fondée à Milan en 1935 par Aldo Guazzoni, un mécanicien et concessionnaire de 27 ans. Il lance en 1950 la production d’un monocylindre de 150 cm3 à deux temps construit sur commande par la firme FBM de Bologne. Le modèle 150 SV de 1951 présenté ici était proposé à  5900 €… négociables

Une moto chez Peugeot, c’est mieux que rien du tout, mais la marque au lion n’a pas été bien loin dans ses réserves pour présenter la 515 des records de 1934, certes spectaculaire mais si souvent vue…

Il aurait été inconvenant que Rétromobile laisse une si large à la commémoration du centenaire des motos Dollar, sans au moins citer celui de Motobécane. Le stand de la FFVE a heureusement remédié à cela en attendant la formidable expo des cent ans de Motos bécane à venir au salon du 2 roues à Lyon et à Saint Quentin les 10 et 11 juin.

Il y avait beaucoup de dollars à Rétromobile, mais pas que et voici un bref retour en images et absolument pas exhaustif de ce qui m'a marqué au fil des stands. Je suis séduit à chaque Rétromobile par le stand Etampe moderne et sportive tenu par Emmanuel Lopez. Des affiches à ne plus savoir qu'en [...]

100 ans de Dollar à Rétromobile

Dollar, une marque américaine ? Et bien non c’est une marque de moto bien française qui débuta en fabriquant des boîtes aux lettres pour la Poste et des serrures et cadenas pour Vuitton.

En 1923, Vuitton est déjà bien implanté aux Etats-Unis où on paie alors avec la fameuse pièce du Dollar-or à tête d’indien. De là viendrait, dit-on, l’origine du nom choisi pour la marque nouvellement créée par les Ets Delachanal et la SAVAVA de Georges Vuitton.

L’Amicale Dollar rassemble de façon à peu près stable environ 70 membres et 220 motos depuis sa création en 1997 par Jean-Michel Madranges. Il est toujours l’actuel président, assisté entre autres par Bernard Knapp, trésorier de l’association et organisateur avec Thierry Farges de cette exposition pour fêter le centenaire de la marque, à laquelle j’ai aussi très modestement participé. Les 20 motos exposées à ce Rétromobile 2023 représentaient toute la production de Dollar à l’exception des Majestic passées dans le giron de la marque en 1930 et de la mythique 750 quatre cylindres, vedette des salons des années trente dont on ne connaît que deux survivantes, l’une malheureusement indisponible et l’autre en cours de restauration.

L’histoire d’une marque, mais aussi celle d’un club avec une moto « sortie de grange » telle qu’on les trouve souvent et une autre qui vit son premier salon après une longue restauration. (à gauche une 500 S2 de 1930 et à droite une 350 R4 de 1931 et en vignette en haut à gauche, Jean-Michel Madrange, le président, en train de compulser ses dossiers pour répondre à une question).

Dollar, Foucher-Delachanal, Omnium métallurgique, SAVAVA, Vuitton, Majestic, Chaise, Moser, MAG… ces quelques noms résument toute l’histoire de la marque, et je laisse Bernard Knapp vous expliquer les liens entre eux.

Vers 1890 Eugène Foucher et Jean-Louis Delachanal, serruriers, fabricants de machines à coudre et de cycles s’associent en créant la marque Omnium. Leur première et éphémère réalisation mécanique est, en 1896, une voiturette bicylindre à pétrole avec laquelle ils tentent de participer à la course Paris-Marseille-Paris.

Grand chambardement au changement de siècle. Eugêne Foucher passe la main à son gendre Jean-Louis Delachanal et l’entreprise, trop à l’étroit à Paris, part s’installer à Charenton-le-Pont, car elle vient de remporter le très juteux marché de ces belles boîtes aux lettres en fonderie lancé par le préfet Mougeot (d’où leur surnom de mougeottes). L’Omnium continue parallèlement ses activités de serrurerie et la construction de bicyclettes et d’accessoires sous les marques Omnium et Spencer. Jean-Louis Delachanal décède en 1920, ses filles prennent la suite et, en février 1921, les Ets Delachanal fusionnent et lient leur nom avec la SAVAVA (société anonyme pour l’Achat et la Vente d’Articles de Voyages et Accessoires), une société créée par Georges et Gaston Vuitton (fils et petit fils de Louis, le créateur) à qui Delachanal vend serrures et cadenas.

De la serrurerie et du vélo à la moto, le pas est facile à franchir, car l’outil industriel est le même. Et, comme, le rêve est américain en ces années de l’immédiat après-guerre, les motos construites par Delachanal s’appelleront Dollar et se pareront même d’une tête d’indien pour faire plus vrai.

Comme la très grande majorité des marques françaises et étrangères de l’époque qui se comptent par centaines, Dollar est un constructeur-assembleur qui ne fabrique que ses cadres, garde-boue et divers accessoires et s’approvisionne pour le moteur, les roues, les freins et les accessoires auprès de fournisseurs spécialisés.

La première moto Dollar, présentée  au salon de Paris de 1923, est une 125 cm3 à moteur Moser, une mécanique économique, mais à la pointe du progrès en étant le seul quatre temps à soupapes culbutées sur le marché dans cette cylindrée et qui plus est en bloc moteur-boîte deux vitesses. Deux ans plus tard, Dollar ne présente pas moins de sept motos au salon avec des cylindrées et des finitions différentes, et même un tandem et un triporteur. Fin 1927, l’usine déménage dans de plus vastes locaux quai de la marne, à Joinville-le-Pont. Le moment est, hélas, mal choisi , la population en âge d’acheter une moto a baissé suite à la guerre, les matières premières augmentent avec la crise financière de 1929, et les Ets Delachanal ne peuvent assumer les coûts de la nouvelle usine et la fabrication d’une très large gamme avec des modèles de 175, 250, 350 et 500 cm3.

En décembre 1930, la marque est absorbée par l’Omnium Métallurgique et Industriel auprès de laquelle elle est fortement endettée, car c’est elle qui produit les moteurs Chaise équipant la quasi-totalité de la gamme Dollar. Dollar devient du coup l’un des rares constructeurs à part entière puisque les moteurs sortent de la même maison. On espère alors un grand renouveau, d’autant plus que ce rapprochement des deux entreprises s’est déjà traduit au salon de Paris 1930 par la présentation d’un fabuleux prototype 500 cm3 quatre cylindres suivi par une 750 en 1933 qui ne sera hélas produite qu’à une petite dizaine d’exemplaires. L’O.M.I. a également racheté Majestic à leur créateur Georges Roy et les premiers prospectus ont d’ailleurs rebaptisé ces motos Royal-Dollar, mais les formidables Majestic produites de 1930 à 1933 garderont pourtant leur appellation originelle. En 1936, les mouvements sociaux fragilisent une fois de plus l’entreprise qui est contrainte de cesser la production des motos Dollar, mais l’O.M.I. poursuivra néanmoins la fourniture de pièces détachées jusqu’en 1955 dans ses locaux de la rue Auguste Lançon à Paris.

L’aventure continue aujourd’hui avec l’Amicale Dollar et avec l’aide de professionnels passionnés de la moto ancienne comme Paulik Motor (Gresse-en-Vercors 38650) et Chambrier père et fils qui refabriquent de très nombreuses pièces.

Comme toutes les belles histoires, celle de Dollar commence par des succès sportifs, ici avec Druz sur la 175 cm3 à transmission directe vers 1924 à la course de côte d’Argenteuil.

La version 125 BT de 1926 à boîte deux vitesses, transmission par courroie à la roue arrière et suspension avant par fourche oscillante appuyée sur ressorts à lames.

Toujours le petit moteur Moser à soupapes parallèles commandées par tiges et culbuteurs, mais sur cette 175 C de 1925, la boîte 2 vitesses Albion est séparée, la transmission primaire est à chaîne et la secondaire par courroie.

La 175 Dollar à moteur Moser continue d’évoluer en 1926 avec cette version DSC à transmissions primaire et secondaire par chaînes, une boîte française Staub à 3 rapports et une fourche avant à parallélogramme type Webb à ressort central.

1927 : Dollar choisit (presque) définitivement son motoriste, Chaise, avec ce 170 cm3 type I doté d’une boîte Staub 2 rapports. Trois ans plus tard sera présenté une BMA (bicyclette à moteur auxiliaire) également animée par un Chaise deux temps de 100 cm3 et monovitesse. Ce seront les seul deux temps réalisés par Chaise.

Les choses vraiment sérieuses commencent avec cette 500 L de 1928 à moteur Chaise, bien sur, et arbre à cames en tête entraîné par arbre et couples coniques. Merci au passage à Moto Magazine (reportage Dollar à suivre dans le prochain numéro) qui m’a gentiment laissé l’usage de son fond blanc et de ses éclairages. C’est quand même bien les photos façon pro !

Encore une ACT avec cette 500 LSS de 1929. Pour les nuls en Chaise, on reconnait facilement les version à ACT car l’angle inférieur avant droit du carter contient une pompe à huile qui est absente sur les modèles suivants à soupapes culbutées.

Une rare 250 P de 1929, fignolée dans ses moindres détails comme toutes les Dollar, comme on peut en juger par son feu arrière en vignette.

Toujours en 1929, une superbe 350 KSS à moteur Chaise ACT.

1930 : l’O.M.I. édite ce prospectus présentant sous l’appellation « Royal Dollar », la Majestic dont il vient d’acquérir les droits. Le nom sera utilisé très brièvement sur une 350 standard, mais les Majestic conserveront leur nom d’origine jusqu’en 1933.

Pour ses modèles les plus sportifs Dollar fit (rarement) quelques infidélités aux moteurs Chaise. Cette rarissime 350 Y de 1931 est ainsi équipée d’un moteur suisse MAG. On y remarque également l’apparition du fameux cadre Dollar dont la poutre supérieure et le tirant avant sont en acier matricé. Sur la 350 R4 de 1931 présentée un peu plus bas, la partie arrière du cadre et même la béquille sont ainsi construits.

Freins Perrot Piganeau : Henri Perrot ingénieur français pionnier de l’automobile débute en 1902 chez Brazier et dépose en 1910 ses premiers brevets sur les freins, un domaine qui le passionnera jusqu’à sa fin d’activité en 1956.  Entre autres multiples réalisations, sa société Perrot & Piganeau 32-38 rue de Sanzillon à Clichy (qui deviendra Bendix en 1936) commercialise au tout début des années trente des tambours de freins pour moto utilisant le système de servo-frein Perrot Piganeau. Un Dispositif plutôt efficace avec trois cames de frein et un tout petit levier de commande caractéristique. Une autre particularité qui peut surprendre est que ces freins ne fonctionnent qu’en marche avant. Attention en descendant votre moto de la remorque !!

Le coeur de la gamme la 350 R3 à moteur Chaise culbuté était également disponible avec l’onéreuse option : transmission par arbre comme ici sur la machine de Gérard. Car oui, j’ai oublié de vous le dire, la plupart des propriétaires de ces belles Dollar avaient accompagné leur progéniture sur le stand.

La même, quelques mois auparavant !

La plus luxueuse de toutes, cette 350 R4 de 1931, brillant de tous ses chromes faisait sa première apparition publique à Rétromobile après quelques années d’un long travail de restauration de la part de Thibault, son jeune propriétaire trentenaire. Et on en profite pour noter avec plaisir qu’à l’Amicale Dollar comme à celle réunissant les René Gillet, chez Terrot et quelques autres tous les collectionneurs restaurateurs n’ont pas les cheveux blancs, loin de là. 

Terminons cette longue visite avec la sportive Dollar 500 S4S de 1933 présentée par Francis, son heureux propriétaire et dotée de formidables sorties d’échappement filetées en aluminium et de pots relevés.

Dollar, une marque américaine ? Et bien non c'est une marque de moto bien française qui débuta en fabriquant des boîtes aux lettres pour la Poste et des serrures et cadenas pour Vuitton. En 1923, Vuitton est déjà bien implanté aux Etats-Unis où on paie alors avec la fameuse pièce du Dollar-or à tête d'indien. [...]

Les hommages de Jean Caillou

Attention ! Ne dites surtout pas « déguisements » , mais costumes portés en hommage. C’est un des nombreux passe-temps de mon ami Jean Caillou, souvent accompagné de son épouse Christine, et de toute une bande d’une bonne vingtaine d’admirateurs des grands noms du passé ; aviateurs pour la plupart et motocyclistes, pour les meilleurs d’entre eux, ils ont créé en 2014 l’association « pilotes de guerre » et rendent hommage aux grands évènements du passé en se costumant avec un amour du détail confondant, dans les costumes comme dans leurs véhicules volants ou terrestres. Pensez-donc, Jean Caillou a même, un jour rasé sa moustache pour les besoins de la cause ! Je lui laisse la parole pour les légendes des photos.

« Le Corsair est le F4U-5N basé à la Ferté-Alais et ici piloté par Baptiste Salis. Il porte ses couleurs d’origine de la guerre de Corée, alors que nos tenues sont d’authentiques uniformes de la guerre du Pacifique en 1944, pilote USMC pour moi et Waves de l’US Navy (lieutenant pharmacien) pour Christine, comme dans les Têtes brûlées bien sûr. »

« Ma moto est une 500 cm3 Tiger 100 de 1955 dont le lien avec l’aviation est le moteur tout alu directement dérivé des générateurs auxiliaires utilisés par les bombardiers Lancaster et Halifax. Mais je ne t’apprends rien ! » Oh que si, que j’apprends des choses, car mis à part la Triumph Tiger 100, je n’aurais pas été capable d’identifier même l’avion ! Bravo au passage, et merci au photographe inconnu même si Jean m’a confié que l’avion avait été un poil rapproché de la cible par monsieur Photoshop (ou un de ses collègues).

 » Gnome et Rhône 250 Junior de 1934 (réquisitionnée en 39 et jamais restaurée depuis) avec Christine en civil, un mécano soviétique et moi en pilote du Normandie-Niemen (tenue semblable à celle du capitaine Maurice de Seynes (grand’oncle d’Eric de Seynes, le big boss de Yamaha) devant un Yak 3 aux couleurs de ce fameux groupe de chasse. »

« Dans la tenue bleu horizon d’un capitaine pilote du service aéronautique de l’armée (l’armée de l’air n’a été créée qu’en 1934) en 1917 sur ma BSA 557 model K ex-Armée française de la même année« .

Jean Caillou sur son Ariel 500 de 1958 (modifiée dans le style ”Sammy Miller 1964”), dans Pipeline au Pre-65 Scottish 2007 (photo © Ian Kerr).

Et dans un style beaucoup plus moderne, Jean Caillou sur sa Honda 750 Daytona, fruit de très longues heures de restauration-reconstruction et réplique parfaite jusqu’aux autocollants de celle qui courut à Rouen en 1971 et Jean fait de son mieux pour user les pneus sur les flancs comme sur la vraie !

A droite la réplique restaurée par Jean Caillou, et à gauche la photo de la vraie 750 Daytona prise par Jean-Charles Perico à Rouen en 1971.

Attention ! Ne dites surtout pas "déguisements" , mais costumes portés en hommage. C'est un des nombreux passe-temps de mon ami Jean Caillou, souvent accompagné de son épouse Christine, et de toute une bande d'une bonne vingtaine d'admirateurs des grands noms du passé ; aviateurs pour la plupart et motocyclistes, pour les meilleurs d'entre eux, [...]

Derbi fête ses 100 ans

En Espagne, plusieurs manifestations commémorent le centenaire de la création de l’entreprise qui a donné naissance à la célèbre marque catalane, Derbi. La plus importante est l’exposition Derbi (DERBI – De Calles a los circuitos) au Museu Moto Bassella (Lleida, Catalogne). Elle est ouverte jusqu’au 31 mars 2023.
 
Texte et photos par Mike Ricketts

En 1922, Simeó Rabasa i Singla ouvre un petit atelier de réparation de bicyclettes à Mollet del Valles (Barcelone) avant de développer l’entreprise avec son beau-frère.  En 1931, Rabasa se met à son compte et construit une nouvelle usine à Martorelles, où il poursuit ses activités de réparation et de location de vélos jusqu’en 1944, date à laquelle il crée « Bicicletas Rabasa » avec son frère Josep pour se lancer dans la production de vélos.  Lorsque Moto Guzzi Hispania a commencé à produire à Barcelone, « Bicicletas Rabasa » a fourni le châssis, les fourches télescopiques et d’autres composants.

En 1949, l’entreprise a connu un tel succès que Simeó Rabasa a commencé à travailler sur le cyclomoteur de 48 cm3, commercialisé sous le nom de SRS, en utilisant ses initiales.  La marque Derbi a été introduite en 1951. Simeo Rabasa est décédé en 1988, un an après avoir conclu un accord selon lequel Derbi devenait importateur de Kawasaki pour le marché espagnol.  La société qu’il avait fondée il y a plus de six décennies est restée indépendante jusqu’en 2001, date à laquelle elle a été rachetée par le groupe italien Piaggio.  En 2013, Piaggio a fermé l’usine de Martorelles et la production a été transférée en Italie, où elle se poursuit.

SRS 48 cm3 – 1950

Ce cyclomoteur a été le point de départ de tout ce qui allait suivre.  Après leur expérience de fabrication pour Moto Guzzi Hispania, le premier cyclomoteur fabriqué par Industrias Rabasa a été lancé en 1950. Il ne porte pas encore le nom de Derbi, mais les initiales de son créateur : Simeo Rabasa Singla.

Derbi 250 cm3 side-car Derbi – 1952

Le SRS a connu un grand succès et en 1951, Industrias Rabasa a créé sa première moto complète, cette Derbi 250 cm3. Le nom Derbi qui vient de DERived from Bicycle, était initialement le nom du modèle et non de la marque, mais il a été adopté comme tel par la suite.  Ce modèle de 1952, inspiré d’une moto tchèque Jawa, que s’était acheté Simeó Rabasa, est associé à un side-car Derbi.

Derbi 250 cm3 Super – 1953

Plus connue sous le nom de « platillo » (soucoupe pour manger la paella) en raison de la forme particulière de sa culasse, cette deuxième version de la Derbi 250cm3 était commercialisée sous le nom de « Super ».  Ce monocylindre à deux temps, refroidi par air, était doté de bonnes performances et d’une grande fiabilité. Il a été produit pendant plus de 10 ans et il s’en est vendu des milliers.

Derbi 393 cm3 quatre cylindres – 1954

Ce modèle spectaculaire et unique, est le fruit du travail de l’ingénieur Jaume Pahissa. Il a été créé, et prétendument « caché » initialement à la direction de Derbi, par le département de compétition.  Son objectif premier était de participer à la course de 24 heures de Montjuic. Elle a en fait participé et gagné plusieurs courses de côte en Espagne et tout autour de la Catalogne et la course de régularité Vuelta a Mallorca (Tour de Majorque). Le moteur composé de quatre cylindres de 98 cm3 alimentés par quatre carburateurs Dell’Orto de 22 mm fut constamment aux prises avec des problèmes de synchronisation de l’allumage. Problèmes résolus lors de la restauration par un allumage électronique Motoplat, mais, à l’époque, sa complexité et son manque de fiabilité ont fait avorter le projet. Cette moto est la propriété de la famille Rabasa.

Derbi Motocarro 125 cm3 – 1957

Derbi a exploré toutes les possibilités pour répondre aux besoins de mobilité urbaine et, dans les années 50, les véhicules à trois roues étaient la solution idéale pour le transport de petites marchandises, tant en ville qu’en milieu rural.  La cylindrée de ces moteurs allait de 98 à 250 cm3 et la caisse pouvait être placée à l’avant ou à l’arrière, selon l’utilisation finale prévue.

Derbi 350 cm3 – 1959

Le lancement d’un modèle 350 cm3 était une évolution évidente du succès du monocylindre 250 cm3.  Grace à ce nouveau moteur bicylindre, plus puissant, la 350 était beaucoup mieux adaptée au tourisme que la précédente 250 cm3, plus rapide et moins fatiguante pour le pilote.  Ce modèle fut la Derbi de plus grande cylindrée, de construction 100% espagnole, jamais fabriquée pour le public. L’arrivée de la voiture SEAT 600 découraga ensuite Derbi – et les autres usines espagnoles – de continuer à produire des motos de plus grande cylindrée.

Derbi 350 cm3 Scrambler – 1959

En 1959, la marque Derbi est devenue le premier champion espagnol de motocross dans la catégorie 500 cm3.  Ce modèle, dérivé de la 350 cm3 bicylindre de route, était piloté par Andreu Basoli (le neveu de Simeó Rabasa).  Cette moto est la propriété du Museu Moto Bassella.

Derbi 65 cm3 Sport- 1961

Derbi lance en 1961 une gamme de modèles sportifs appelée à connaître un grand succès.  La marque commençait déjà à se faire un nom, en rivalisant en course avec des modèles concurrents. Cette sportivité s’est rapidement retrouvée dans les motos de série.  La 65 Sport a été développée par les mêmes mécaniciens qui s’occupaient des motos de course et n’avait pas grand-chose à voir avec la 65 standard. Cette Sport 65 était équipée d’un cylindre et d’une culasse surdimensionnés pour un meilleur refroidissement, d’une suspension améliorée, de meilleurs freins et, surtout, d’un cadre en acier tubulaire remplaçant celui en tôle emboutie. « Celle que Jacques Roca m’avait prêté pour deux courses en 1963 » rajoute Philippe De Lespinay qui termina ces épreuves à la 2e et 1ere place « je la soupconne d’avoir été un 65 cm3 and non un 50, car c’était une fusée à côté de la concurrence dont mon regretté ami Claude Vigreux sur le Kreidler de Leconte… une “sport” qui l’a devancé à toutes les courses ce n’est pas catholique ! » 

Derbi 50 cm3 GP Carreras Cliente – 1964

Le modèle de route Gran Sport a connu un succès retentissant, et beaucoup ont été modifiés pour être utilisés sur circuit.  Ces multiples apparitions en course ont conduit à la première véritable moto de course de la marque commercialisée. À la demande du pilote français Jacques Roca, Derbi a commencé à fabriquer une petite série artisanale de cette moto, exclusivement sur commande. Elle était équipée d’un moteur monocylindre refroidi par air délivrant 12 chevaux avec des ailettes élargies pour un meilleur refroidissement, un carburateur Dell Orto, une boîte de vitesses à 5 rapports serrés, un carénage et d’autres éléments pour la course. Ses performances lui ont valu d’être reconnue comme la meilleure moto pour les pilotes privés de cette petite cylindrée. Il faut toutefois remarquer que l’affirmation de 12 chevaux promise sur le catalogue étaient un peu optimiste. Une telle puissance l’aurait mise en tête du Championnat du Monde où la Suzuki RM64 d’Anderson en avait 11, les Kreidler environ 10.5, les Honda RC114 bicylindres autour de 11.  Le Carreras Cliente, ne délivrait probablement pas plus de 8,5 ch, un chiffre plus realiste. Ou alors les chevaux etaient sur la calotte du piston!  Ils se faisaient “cirer” par le 8 vitesses de Jacques Roca en France, et ce 8 vitesses ce faisait cirer en championnat Mondial par les Suzuki, Kreidler et Honda…

La Carreras Clientes du musee est une copie fabriquée a partir d’un “Gran Sport” et il n’y a que très peu de vraies survivantes.

Derbi 50 cm3 GP – 1969

Derbi a participé pour la première fois au Championnat du Monde en 50 cm3 en 1962.  Les motos japonaises dominaient jusqu’alors la catégorie avec des multicylindres soutenues par d’énormes budgets et programmes de développement. En 1969, de nouvelles réglementations limitent les motos de la catégorie 50 cm3 aux monocylindres avec un maximum de 6 vitesses.  Cela a créé une catégorie beaucoup plus compétitive et a encouragé la participation d’autres marques, parmi lesquelles Derbi qui remportera son premier titre mondial avec Angel Nieto.

Derbi 250 cm3 GP – 1971

L’histoire de cette Derbi 250 cm3 GP remonte à 1971, où ce bicylindre a été développé. En 1972, il remporte une victoire au GP d’Autriche aux mains du pilote suédois Börje Jansson, mais l’effort de l’usine se consacre alors aux 50 et 125 cm3, rendant impossible la poursuite de sa fabrication et de son développement.  Le twin 250 connaît pourtant une seconde vie dans les championnats d’Espagne, où elle court jusqu’en 1982 avec de nombreuses modifications au fil des ans et récolte de nombreux titres et victoires aux mains d’Angel Nieto et de Benjamin Grau.  Entre 1971 et 1980, Derbi a remporté 9 championnats d’Espagne 250 cm3.  La 250 GP de la photo, une version de 1982, est la propriété de la famille Rabasa.

Derbi 50 cm3 RAN (Réplique Angel Nieto) – 1973

Pour promouvoir les jeunes pilotes, Derbi a proposé à la Fédération espagnole de motocyclisme de fabriquer une série de motos de course directement dérivées de la moto du champion du monde Angel Nieto à un prix très abordable, à condition que la Fédération accepte de commander un minimum de 40 machines. Cette mythique RAN (Réplica Angel Nieto) a été produite à 100 exemplaires, créant ainsi une école pour de nombreux futurs champions, dont le grand Ricardo Tormo.  Performant, le moteur de 48,8 cm3 pêchait pourtant par sa fiabilité.  Le modèle photographié date de 1973.

Derbi 50 cm3 RAN Aqua – 1974

Lorsque la RAN (Réplique Angel Nieto)a été lancée, la grille du championnat espagnol était dominée par les Derbi de série, mais les pilotes les plus compétitifs (et ceux qui voulaient concourir à l’étranger) demandaient une moto encore plus puissante. Cela a créé une demande (et un marché) pour les pièces de post-production, en particulier les kits de refroidissement liquide du moteur. Finalement, comme les coureurs montaient des cylindres Kreidler, Derbi a lancé son propre kit de modification du moteur qui se vendit d’ailleurs fort peu car « on allait plus vite avec les cylindres Kreidler » confie Philippe De Lespinay.

Derbi 200 cm3 2002 GT – 1976

Cette première version de la Derbi 2002 était, au moment de son lancement, la moto routière espagnole la plus avancée technologiquement.  Elle était équipée d’un moteur bicylindre, d’un frein à double came et à double tambour (de conception identique à celui de la moto de compétition RAN) avec quelques touches modernes comme l’indicateur numérique de changement de vitesse.  Malheureusement, la lenteur de sa production et la puissance du moteur de 187 cm3 dérivé du 125 ont nui à son succès commercial. Moins de 200 unités ont été produites.

Derbi 250 cm3 CRX 82 – 1982

Lorsque Toni Elías a remporté le championnat d’Espagne de motocross 250 en 1981, de nombreux fans ont exigé que Derbi commercialise une version compétition-client de même cylindrée et avec la même puissance. Malheureusement, le lancement de ce modèle a été retardé jusqu’à la fin de l’année 1982, affectant gravement son potentiel de vente.  La production s’est limitée à quelques dizaines d’unités seulement.

Derbi 80 cm3 GP – Vainqueur du Championnat d’Europe 1987

Pour son retour à la compétition de haut niveau dans les championnats du monde, Derbi a remporté quatre titres mondiaux consécutifs en 80 cm3 entre 1986 et 1989, ainsi que le titre 125 cm3 en 1988. L’exemplaire présenté ici a permis au jeune pilote Julian Miralles de remporter le championnat d’Europe en 1987, après avoir eu le titre mondial 80 cm3 l’année précédente avec le pilote valencien Jorge « Aspar » Martinez aux commandes.

Le cadre en acier multitubulaire était équipé d’un moteur monocylindre de 79,8 cm3, refroidi par eau et alimenté par disque rotatif qui développait 29 ch à 13 500 tr/min, d’une boîte de vitesses à six rapports. Le bras oscillant arrière était doté d’un amortisseur monté verticalement, fabriqué exclusivement par White Power pour Derbi.

Derbi 80 cm3 GP – 1989

Cette Derbi 80 cm3 de Grand Prix a été pilotée par Jorge « Aspar » Martinez lors du championnat du monde 1989. Derbi utilisa cette année-là deux types de cadres différents.  Le monocoque avait des problème de tenue de cap et Derbi revint au châssis tubulaire qui avait remporté le titre les trois années précédentes. Manuel Herreros qui remporta le titre avec cette machine, devint ainsi le dernier champion du monde de l’histoire de la catégorie 80 cm3.

En Espagne, plusieurs manifestations commémorent le centenaire de la création de l'entreprise qui a donné naissance à la célèbre marque catalane, Derbi. La plus importante est l'exposition Derbi (DERBI - De Calles a los circuitos) au Museu Moto Bassella (Lleida, Catalogne). Elle est ouverte jusqu'au 31 mars 2023.   Texte et photos par Mike Ricketts [...]