Formidable ! Année après année le salon du 2 roues à Lyon s’affirme comme un évènement incontournable tant pour la moto moderne que pour les anciennes qui nous occupent ici et qui étaient très largement représentées par plus d’un millier de machines. À tout seigneur, tout honneur, l’expo vedette était cette année consacrée au centenaire de Motobécane qui, sans mollir, avait apporté (pour être bien sûr d’en avoir cent) 114 machines représentatives de l’histoire de la marque. Revue de détail au pas de course et à très bientôt pour la découverte des autres anciennes au salon.
Les liens en bleu renvoient aux fiches descriptives et un clic sur les photos les agrandit.
Les avant-guerre
Celles par qui tout a commencé, les 175 MB1 de 1923 en version homme et dame ou ecclésiastique.
Motobécane monte en cylindrée avec cette 250 type E de 1926 à transmission secondaire par chaîne et boîte 3 vitesses Albion.
Cette 308 F4 de 1928 inaugure le réservoir en selle avec le sublime décor « tortue » style art déco. Il est dû à Géo Ham qui restera jusque dans l’immédiat après guerre le styliste attitré de Motobécane et sans doute le premier designer au sens actuel du terme car, très vite, il sera en charge, dès la conception d’un modèle, de la création des formes englobant la mécanique.
Premier quatre temps en 1929 avec cette 250 M2 à moteur JAP et soupapes latérales.
Motobécane monte en gamme, et cette fois encore avec un moteur britannique, un Blackburne à soupapes culbutées qui équipe cette 500 H2 de 1929. Il est surmonté, comme la 250, par le fameux réservoir « tortue ».
Motobécane offrira dans les années trente des 350 et 500 cm3, à deux ou quatre soupapes par cylindre qui se comptent parmi les plus belles motos françaises de notre histoire.
En vedette, cette 500 S5C Grand Sport à quatre soupapes de 1934 qui osa ce beau jaune éclatant avec le décor « flames » de Géo Ham.
Bien qu’elles n’aient pas été suivies d’une réelle commercialisation, Motobécane se fait aussi remarquer par de formidables quatre cylindres en long à transmission par arbre. La première, la 500 B5 à soupapes latérales apparait en 1929 et la firme de Pantin présente en 1930 cette 750 à arbre à cames en tête baptisée B7 chez Motobécane et T7 sous label Motoconfort.
Motobécane lance son premier « compé-client » en 1934 avec cette prestigieuse moto de compétition la 500 B5 C Grand Sport (ici T5 en Motoconfort) à culasse à 4 soupapes et piston haute compression capable d’un bon 130 km/h. Elle remporta une médaille d’or aux Six Jours en 1931 pilotée par Lovenfosse et fut victorieuse au Bol d’or 1932.
L’entre-deux
La lignée des 350 et 500 Superculasse d’avant-guerre (basée sur le bloc S avec des soupapes totalement enfermées dans un très volumineux haut moteur) se perpétue de 1948 à 50 avec la Superculasse R46C 350 monotube. On aperçoit derrière elle, une version en 500 cm3 à double échappement et cadre modifié prévue pour équiper l’administration qui finalement n’en voulut point.
Après avoir développé la 350 V4C en 1947, animée par un moteur bicylindre en V à 60° qui resta un prototype, Eric Jaulmes et Ernst Drucker, les responsables techniques de la marque, créent cette 350 L4C à cylindres parallèles beaucoup plus économique à réaliser avec son bloc cylindre et sa culasse unique. Elle est produite de 1953 à 1960.
A droite la Z24C de 1955, la 175 la plus économique de la gamme, et, à droite la Z2C de 1954 avec son beau réservoir chromé.
Le grand tourisme à la française dans les années 50, c’était cette Motobécane 125 Z56C Mobyclub de 1956.
En renforçant un peu sa mécanique et en dotant ses modèles d’un bel habillage sport avec réservoir Mottaz et bulle de phare, Motobécane s’attaqua à faible frais à la moto sportive avec ses 125 et 175 ZS sans toutefois concurrencer la Morini qui l’inspira, ni même les Terrot 125 Tenor et 175 Super Ténor et Rallye sorties un an plus tard.
Motobécane a raté son entrée dans le monde du scooter en 1953 avec le Mobyscoot 125 SC (au fond sur la photo) à moteur 4 temps victime de graves problèmes techniques. La marque s’est bien rattrapée ensuite avec la gamme des scooters Moby à moteur deux temps. Ici en tête de gondole, le 125 SBS « Mobyscooter » Montagne de 1957.
Dans les années 50, la direction de Motobécane était systématiquement contre la compétition. Grace à la passion de certains membres du personnel et de Christian Christophe, éternel consultant de la marque, on vit toutefois nombre de 125/175 modifiées courir dans la discipline, alors nouvelle, du trial. La 125 présentée, qui a participé à différentes compétitions de trial dans la région parisienne, a été conçue par Christian Christophe avec des pièces de récupération, moteur du scooter SB et fourche télescopique suspendue à l’aide d’anneaux Neiman.
Les Mobylettes
Avant la Mobylette, Motobécane n’était qu’une des grandes marques de motos françaises. Grace à cette Mobylette, elle va devenir, et pour longtemps, le plus grand producteur mondial de deux roues motorisés. L’histoire débute en 1949 avec la version AV3 présentée au salon 1949 qui ne diffère du modèle photographié que par son phare profilé courant sur le garde-boue avant.
Avec la Mobylette AV43 présentée en 1959, dix ans après la première Mobylette, Motobécane abandonne le cadre en tubes pour un cadre fin en tôle emboutie.
« La Bleue », celle qui deviendra l’archétype des Mobylette avec son cadre coque-réservoir de 5 litres en tôle emboutie est présentée au salon d’octobre 1956 et développée au cours de l’année suivante avec les AV 78 (suspension arrière coulissante et variateur), 79 (sans suspension, avec variateur), 75 (avec suspension sans vario) et la AV 76 ici photographiée, sans variateur ni suspension arrière. Pour la petite histoire, j’ai fait mes premières armes sur la même.
L’histoire de la Mobylette débute avec une noire, explose avec les « Bleues » puis termine en beauté avec cette AV89 de 1960, la GT des Mob avec sa fourche Earles (bientôt remplacée par une télescopique), un double variateur et une chaîne enclose.
Bon, celle ci n’est pas de série, et la photo n’est pas prise sur l’expo Motobécane, mais elle prouve, oh combien, que la « Bleue » fait toujours rêver et plus encore avec deux cylindres supplémentaires greffés par de sacrés bricoleurs chez Stokey.
Les Mobylette, ce sont aussi les « Spéciales » et la première du nom qui fait rêver tous les collectionneurs, est cette SP de 1960, une beauté !
La spéciale présentée en 1962 est moins aguichante, mais fort novatrice. Cette rarissime Spéciale route (SPR) est en effet l’un des premiers deux roues au monde à adopter un allumage électronique dû à Novi, filiale de Motobécane.
Une petite dernière pour la route… euh, non, pour le tout terrain, avec la Spéciale TT de 1966 à simple variateur et 2 chaînes en attendant la 94 TT de 1968 à double variateur et chaîne unique. Elle sera suivie, en 1978 par la 95 TT équipée du moteur à contre piston.
J’ai éclaté de rire en redécouvrant ce modèle de pré-série de la 51 qui servit aux essais presse en 1978 … et je le prouve, au guidon de cette même machine dans les rues de Pantin lors de cette excitante présentation !
On reste dans le vert avec cet étonnant prototype de 1981 remis en état par Marc Descours, un Mobyx X7 équipé d’une injection électronique et d’un graissage séparé. Un équipement sans doute encore trop fragile, trop cher et surtout trop complexe à entretenir par le réseau mais quel dommage que Motobécane ait raté ce virage technologique qui l’eut mis à égalité face aux Japonais.
La Mobylette qui commença sa longue carrière dans l’utilitaire, la termina sur les circuits avec des Mobs poussées dans leurs derniers retranchements comme cette 51 CF de 2005.
Non, ce n’est pas une Mobylette et aussi incongru que cela puisse paraître sur ce site, il s’agit bien d’une automobile. Motobécane, bien conscient que le 50 cm3 utilitaire finissait son âge d’or, travailla sur une voiturette à moteur deux temps puis sur cette KM2V, beaucoup plus aboutie, animée par un quatre cylindres quatre temps maison de 300 cm3 à simple ACT disposé transversalement. Le projet, m’expliquait le directeur technique de Motobécane, Eric Jaulme, fut « tué » par les grandes marques automobiles qui menacèrent leurs équipementiers de rompre leurs contrats si elles fournissaient Motobécane. Cette version de 1965 récemment restaurée est exposée au musée de Saint-Quentin.
Retour aux motos
Alleluia ! En octobre 1969 Motobécane annonce son retour à la moto avec la 125 DC bicylindre deux temps (au premier plan), doublée en 1970 par la version L dotée d’une batterie dans un coffre sous le filtre à air (derrière) puis la LT 1 et la LT2 en 73 (au fond) avec une culasse anguleuse et le graissage séparé en plus pour la LT2.
En 1975 apparaît cette 125 LT3 à l’esthétique totalement revue et frein avant à disque qui sera vendue jusqu’en 1980 et même proposée à l’armée… sans suite. Cette année là, à Moto Journal, où j’étais chef des essais, la LT3 s’est révélée la plus rapide face aux Yamaha et Suzuki… mais à condition toutefois de ne rater aucune vitesse !
En 1972, enfin, Motobécane se laisse convaincre et revient sur les circuits avec cette 125 S à cadre RAI préparée par Charles Marandet. En 1976, l’usine construira 500 unités d’une 125 LT3 spécialement préparée pour la coupe Motobécane-Moto Revue (au second plan).
Motobécane travaille en 1975 sur un monocylindre prototype destiné à tester l’injection pour la 350 dont il emprunte l’un des cylindres, ce qui en fait un 118 cm3. Cette moto sera proposée à l’armée qui une fois encore ne sera pas séduite. Ce prototype a été remis en état ces dernières années par Marc Descours.
Alors que les premières 350 tricylindres ont été livrées au début de 1973, Eric Jaulmes, passionné par l’électronique et les nouvelles technologies, travaille déjà sur l’injection dans les ateliers de Pantin et la 350 injection que j’ai eu le privilège d’essayer est présentée au salon de Paris d’octobre 1973 suivie en 1974 d’une 500 Injection qui n’était qu’une maquette non opérationnelle.
Evidemment, une 350 cm3 française ne pouvait que donner des envies de préparation pour la course. Une première mouture destinée aux Grand Prix est concoctée par Eric Offenstadt avec un cadre coque en 1974, suivie par cette version dans un cadre plus conventionnel développée par Bernard Fargue et Marcel Garcia. L’usine préférant se concentrer sur les 125, elle ne participera à aucune course.
Autre bel essai, lui aussi resté sans suite, cette 350 construite par Yves Kerlo et Jean-Pierre Camino pour le Paris-Abidjan-Nice en 1976 qui abandonnera au début de la première étape à la suite, semble-t-il, d’une organisation… fantaisiste.
… et à très vite pour la suite en images de la visite de ce salon du 2 roues.
FMD