Gilbert Guignabodet

Gilbert Guignabodet nous a quittés brutalement le 7 février 2022. Il avait 87 ans.

Qui mieux qu’un de ses amis proches pouvait nous parler de cet homme qui fut l’un des grands personnages de la moto ? Je laisse donc la plume à Pierre Astier.

Gilbert Guignabodet (source www.paddock-gp.com)
Gilbert Guignabodet sur une Alcyon 175 à moteur Ydral au au Bol d'Or 1956.(archives François-Marie Dumas)

Quand on parle de Guignabodet, on n’évoque pas un personnage, mais toute une lignée. Les parents de Gilbert étaient déjà marchands de moto à Chelles et son père a participé plusieurs fois au Bol d’Or sur un side-car. Au Bol d’Or 1948 et 9, il pilote encore un side 600 FN, mais il ne finit aucune des deux épreuves. Quant à son grand-père, ce dut être aussi un grand sportif puisqu’en Belgique il gagna une FN quatre cylindres en participant à…. une course à pied !

 Gilbert, lui, est né en 1934 à Nogent-sur-Marne. Il va lui aussi courir à moto, et ce, dès l’âge de 16 ans, sur une 125 Jonghi Il participe au Bol d’Or 1950 et se classe douzième de sa catégorie. C’est déjà  un exploit pour quelqu’un de son âge, car, à l’époque,  il fallait tenir le guidon 24 heures d’affilée. Au Bol d’Or 1951, sur une Puch, il termine 10e de la catégorie 175 et, en 1952, il est dix-huitième sur une Guiller à moteur AMC.

 En 1955, c’est le service militaire, il est incorporé au Premier Régiment du Train et, vraie aubaine pour un motard, son colonel l’autorise à continuer de participer à des compétitions. Il est aussi engagé par son régiment dans des épreuves de trial. Cette même année, il participe au Championnat de France 1955 sur une Guzzi et remporte le titre. Au Bol d’Or 1955, il fait équipe avec Fernand Tiers et pilote une AGF. C’est son premier contact avec Ydral, mais une panne mécanique les contraint à abandonner à la 15e heure. En 1956, Gilbert Guignabodet est champion de France sur une Guzzi 250  tandis que c’est sur Alcyon que Guignabodet participe au Bol d’Or. Avec son équipier Rouger, il termine à une belle deuxième place des 175 cm3 derrière la redoutable Gnome-Rhône de Court et Dagan.

Une mémorable victoire au Bol d'Or 1957 avec la Libéria n° 49 à moteur 175 Ydral que Gilbert Guignabodet (à droite) pilote avec avec Georges Agache (à gauche).

 L’année suivante, au Bol d’Or, notre jeune champion se retrouve dans l’équipe Ydral qui, associé à la marque Libéria, a de grandes ambitions. La Libéria-Ydral avait déjà montré un énorme potentiel en 1956, mais l’embiellage n’avait pas tenu et c’est Gnome-Rhône qui avait recueilli les lauriers. Pour cette nouvelle édition, on attendait un exploit. Les Tiers, Arambol, Croix, Godin, Moizan et quelques autres qui couraient pour Ydral ou AGF n’étaient pas des coureurs professionnels. De bons amateurs, mais des pilotes occasionnels. Seul Agache sortait du lot. De tous ceux qui ont couru pour Ydral, le plus talentueux fut sans conteste Alain Dagan. Georges Agache m’a souvent vanté son pilotage facile, sans effort apparent, mais diablement efficace. Or Alain Dagan avait quitté Ydral pour Gnome & Rhône. Il fallait trouver un remplaçant du même niveau pour piloter la performante Libéria carénée. Gilbert Guignabodet n’accepte qu’à condition de faire équipe avec Agache. « Car c’est lui qui va gagner » dit-il. Et ce fut l’exploit attendu : 24 heures à plus de 100 km/h de moyenne, record battu et quatrième place au classement général. La performance fut certes énorme, mais ce ne fut pas tout à fait une partie de plaisir. Imaginez la Libéria lancée à 160 sur l’anneau sur ses petits pneus de 300 x17, le pilote recroquevillé derrière le carénage. Ça allait encore pour les types jockey comme Agache, Tiers et Arambol, mais pour le longiligne Gilbert c’était extrêmement inconfortable. Et lorsqu’on manœuvre la machine à la main, on est sidéré par la faiblesse du rayon de braquage. Il devait falloir calligraphier au plus juste les trajectoires aux virages des Deux Ponts, de la Ferme et à l’épingle du Faye. C’est la nuit surtout que ce fut particulièrement périlleux, car les organisateurs avaient vraiment lésiné sur l’éclairage de la piste. Chez Ydral, on avait monté deux ampoules sur le phare. Lorsque l’une des deux rendait l’âme, on connectait immédiatement l’autre et on avait bien recommandé aux pilotes de signaler l’incident lors de l’arrêt au stand pour qu’on ne manque pas de changer l’ampoule grillée. Ce qu’oublia de faire Georges Agache ! Et Gilbert prit le relais avec une seule ampoule en bon état… Laquelle ampoule ne manqua pas de griller à l’approche d’un virage… Le trou noir… Notre pilote fit un tout droit, mais, heureusement, l’obscurité ne cachait aucun obstacle et il put reprendre la piste.

"Quelques" années plus tard Gilbet Guignabodet pose fièrement aux côtés de son fils Jean-Louis derrière la Libéria n°49 qui a rejoint leur collection.(archives www.ydral.com)

En parcourant le joli palmarès de Gilbert Guignabodet, on constate que son passage chez Ydral n’a été qu’une courte parenthèse. Il n’a rejoint l’équipe que le temps de contribuer à son plus beau succès ! Sinon, il a couru sur d’autres marques : Guzzi 250 pour le Championnat de France, 350 AJS ou la prestigieuse 500 Gilera Saturno. Sur cette dernière, il a réalisé le meilleur temps absolu de la course de Côte Lapize en 1958. Dans les épreuves où il s’est illustré, qu’il soit au guidon d’une machine française, anglaise ou italienne, on le reconnaît facilement sur les photos des revues de l’époque grâce à la pureté de son style, mais aussi à son casque démesurément haut !

Notre parisien « descend »  ensuite dans le midi, à Toulon où il ouvre un petit atelier de réparation moto et il arrête la compétition en 1961 avec une troisième place au Championnat de France 350 Inter.

Gilbert Guignabodet va dès lors se consacrer à la préparation de motos pour de jeunes coureurs, dont certains se retrouveront plus tard sur des podiums aux Championnats du monde tels Jean-François Baldé et Patrick Pons. Les motos qu’il met au point sont des Suzuki, des Kawasaki puis des Yamaha alors qu’il vend des Honda ! Mais préparer des machines compétitives devient de plus en plus difficile et de plus en plus onéreux. Et la course, de l’autre côté de la barrière, lui donne de moins en moins de plaisir. « Je côtoyais des gens qui pensaient être à un niveau où ils n’étaient pas » regrette-t-il.  Il retrouve la motivation en 1974 lorsque son fils Jean-Louis se lance à son tour dans la compétition. Voilà la troisième génération de Guignabodet en piste. Jusqu’à ce que Jean-Louis devienne à son tour patron d’écurie et ce sera la saga du Championnat du monde d’endurance. Sur des Honda cette fois.

Sur une Norton 500 Manx avec laquelle il est le premier français classé à Magny Cours en 1961.(archives Jacques Bussillet)
Toujours en 1961, cette fois sur une 250 Aermacchi à Montlhéry.(archives Jacques Bussillet)

Un film et un site pour en savoir plus sur Gilbert Guignabodet : 

L’excellent site www.paddock-gp.com et le non moins instructif livre Ydral ou l’incroyable histoire du moteur d’Anatole Lardy écrit par la fille du constructeur Catherine-Sophie Bouillard à qui nous devons aussi le film ici en ligne sur les courses à Provins en 1958 avec en vedette la Libéria-Ydral carénée de Georges Agache et Gilbert Guignabodet.

Gilbert Guignabodet nous a quittés brutalement le 7 février 2022. Il avait 87 ans. Qui mieux qu'un de ses amis proches pouvait nous parler de cet homme qui fut l'un des grands personnages de la moto ? Je laisse donc la plume à Pierre Astier. Gilbert Guignabodet (source www.paddock-gp.com) Gilbert Guignabodet sur une Alcyon 175 [...]

Michel de Thomasson

La moto ancienne en France, voire le marché de la moto français en général, ne seraient pas ce qu’ils sont sans les constants efforts de Michel de Thomasson pour la promouvoir. Il vient hélas de nous quitter à l’âge de 91 ans.

Michel de Thomasson avec la Ratier C6S en 2007.

On aimait sa gentillesse, ses connaissances, sa culture, ses longs discours, son humour décapant… et son étonnant savoir-faire pour réparer les magnétos.

 

Les jumeaux Arnaud et Michel de Thomasson en 2007 derrière la C5S. "Mais c'est moi l'aîné" avait coutume de dire Michel.

Jeune, il fut un élève puis un étudiant extrêmement brillant, mais son grand-père maternel lui donna le virus de la mécanique et à l’électricité. Deux passions qui vont guider toute sa vie tant professionnelle que personnelle. Son attirance dès son adolescence pour la moto lui fait donc prendre une autre voie que celle à laquelle le destinait ses parents et les rapports furent parfois conflictuels comme le raconte un des fils : « Une escapade où il s’engage comme mécanicien. Un démontage en règle des interrupteurs de la maison pour réparer son train électrique, etc. Papa, fâché, l’envoie en pension… où il est fort bien traité, car il s’occupe activement de l’entretien de la moto du surveillant général ! »

Avec leur Gilera 500 Marte de 1942 à roue du side tractée, une rareté.

Spécialisé en électricité et dans ce qui deviendra l’informatique, il rentre chez Thomson-CSF qu’il ne quittera plus. Il débute sa carrière aux États-Unis à Minneapolis, où il développe les premiers tubes à mémoire… et rencontre son épouse. Il est par la suite directeur des affaires militaires et voyage dans le monde entier. Mais, chassez la moto, elle revient en pétaradant.

Un peu d’histoire

Dans l’immédiat après-guerre, la CMR reconstruit des BMW R12 avec le stock des pièces allemandes. La CEMEC prend sa suite en 1948 sur la même base, mais avec de plus en plus de pièces faites en France, ce qui donne la L7 produite à environ 1700 exemplaires puis la 750 culbutée C8.  En 1954, la CEMEC, en grandes difficultés financières, est rachetée par Ratier, célèbre fabricant aéronautique, inventeur de l’hélice métallique à pas variable et également établi à Montrouge, tout comme Thompson-CSF. La veuve de Paulin Ratier qui dirige l’entreprise n’a, on s’en doute, aucune expérience dans le domaine de la moto, mais le gouvernement lui a promis un contrat d’équipement exclusif de 1200 motos par an pour les CRS et les gendarmes, des quantités parfaitement rentables à l’époque. La première machine sort de Montrouge le 13 juillet 1960 et les livraisons des 1057 motos construites vont s’étaler jusque fin 1963. Malheureusement, la gendarmerie n’achètera jamais que 230 machines, le reste allant aux CRS et à l’école de gendarmerie de Fontainebleau. L’affaire devient très déficitaire avec environ 500 motos produites annuellement. Thomson-CSF rachète à la veuve de Paulin Ratier un important terrain indépendant de son usine de Montrouge (mais de l’autre côté de l’avenue Pierre Brossolette à Malakoff) et Ratier, totalement absorbé fin 1959, devient un département de CSF où Michel de Thomasson va enfin s’investir officiellement dans sa seconde passion : la moto. Tout semble pour le mieux dans le meilleur des mondes et la 600 Ratier C6S est d’ailleurs une belle moto, moderne, efficace et bien plus maniable que les BMW de l’époque auxquelles elles doivent d’ailleurs de moins en moins.

Arnaud et Michel de Thomasson en limande sur la Ratier 500 cm3 C5S de 1959 qui avait tout le potentiel requis pour donner à la marque ses lettres de noblesse.

Allons-nous enfin avoir une grosse cylindrée française ? Les quelque 500 machines achetées par les services de l’état sont loin de suffire, mais les dirigeants du département moto et Michel de Thomasson, alors en poste à New York, tentent désespérément d’étendre le marché. Les seuls vrais clients étant les CRS et gendarmes, Thomson-CSF profite de sa spécialité pour créer une C6S Radio équipée d’un émetteur-récepteur. Ratier tente aussi le Sport et l’export. Une 500 cm3 C5S de 35 ch développée pour la course remporte les Deux Heures de Paris aux mains d’André Nebout, enfin Michel convainc l’usine de se tourner vers les États-Unis. Une sublime C6S America construite à 5 exemplaires s’envole vers le Nouveau Monde, mais sa seule carrière publique se limitera au salon de Laconia dans le New Hampshire. Et puis, hélas, la CSF reçoit en 1959 une juteuse commande de radars aéroportés Cyrano pour équiper les Mirage. La décision est vite prise : le département moto est supprimé pour faire de la place et Michel de Thomasson, futur directeur général adjoint de Thomson-CSF, sera sans doute le seul à en prendre ombrage.

Motocycliste, par tout temps, Michel de Thomasson et Arnaud, son frère jumeau se passionnent aussi pour l’histoire de la moto et tout particulièrement des attelages militaires. Ils les collectionnent, les restaurent et les font rouler avec enfant et petits-enfants dans leur propriété de la Haute-Marne. Et puis, comme Michel n’est pas un garçon à faire les choses à moitié, il s’investit bien vite pour aider au développement de la moto et des véhicules de collection en général. Il est vice-président international de la FFVE, secrétaire général de la Fédération Internationale des Véhicules Anciens (FIVA) de 1996 à 2001, puis président de 2001 à 2007 et président de la Commission historique de la FIA de 2004 à 2015.

Merci Michel, tu nous as beaucoup donné et tu nous manques déjà.

Michel aimait expliquer et partager sa passion… ici autour d'une Saroléa 1000 de 1938.
Cours d'histoire autour de la BMW R73 de 1949, un savoureux cocktail assemblé par CEMEC autour du moteur 750 culbuté de BMW.
La moto ancienne en France, voire le marché de la moto français en général, ne seraient pas ce qu'ils sont sans les constants efforts de Michel de Thomasson pour la promouvoir. Il vient hélas de nous quitter à l'âge de 91 ans. Michel de Thomasson avec la Ratier C6S en 2007. On aimait sa gentillesse, [...]

Bourdache change d’adresse

Non, le blog indispensable de notre ami Bourdache n’a pas disparu, mais il a (encore) changé de nom, enfin presque.

Ne tapez plus

http://zhumoristenouveau.eklablog.com,

mais pour la suite, notez bien :

http://zhumoriste.eklablog.com

 

-News-

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Le Top Mountain Museum a réouvert

Quelle meilleure image pouvais-je trouver pour vous présenter mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année que celle du nouveau Top Mountain Museum, le plus haut musée du monde à Hochgurgl en Autriche à 2000 m et à la frontière avec l’Italie au col du Rombo. Totalement détruit l’an passé par un incendie où plus de 350 motos exceptionnelles ont brûlé, le musée a été entièrement reconstruit en moins d’un an, une vraie performance alors que les travaux ne peuvent se dérouler que pendant une courte saison.

Véritable miracle de Noël, le musée a aujourd’hui réouvert sur 4500 m2 avec près de 450 motos dans un cadre féérique. Je vous laisse admirer en attendant une visite détaillée que j’attends impatiemment.

En vous souhaitant une excellente année hors Covid et de belles balades en moto ancienne ou moderne.

Quelle meilleure image pouvais-je trouver pour vous présenter mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année que celle du nouveau Top Mountain Museum, le plus haut musée du monde à Hochgurgl en Autriche à 2000 m et à la frontière avec l'Italie au col du Rombo. Totalement détruit l'an passé par un incendie où plus de [...]

Exposition Vitesse à Compiègne : admiration et frustration

Quel beau projet que cette exposition « Vitesse » qui se tient du 21 décembre 2021 au 28 mars 2022 dans le magnifique cadre du Château de Compiègne qui abrite le musée national de la voiture en pleine rénovation.

Chargé de proposer un choix de motos et de contacter leurs propriétaires, je me rapapinais de voir les dix motocyclettes que j’avais sélectionnées sur leurs podiums aux côtés d’automobiles tout aussi rarissimes, de calèches, de traîneaux et de tous les objets d’arts répartis dans le musée. Bon, personnellement je ne suis pas trop partisan de ce grand mélange des genres, mais cela n’engage que moi et puis cet assemblage parfois surprenant constitue quand même l’ADN du musée de Compiègne.

Louis-Guillaume Perreaux de 1871 : La première moto au monde est française.
La Félix Millet de 1897 à moteur rotatif à cinq cylindres invente la moto moderne.

Cliquez sur les liens en bleu pour ouvrir les fiches correspondantes avec une description détaillée des motos concernées.

Texte et photos © François-Marie Dumas

Quel plaisir surtout d’avoir pu réunir pour la toute première fois les deux premières motos de notre histoire de France qu’on avait vues ensemble pour la dernière fois au 3e salon du cycle en décembre 1895 !

La Louis Guillaume Perraux à vapeur de 1871, première moto conçue en tant que telle (la Daimler de 1885 souvent présentée à tort comme LA première, n’était en fait qu’un gros châssis en bois avec des roues avant et arrière de charrette et deux grosses roulettes latérales, le tout n’étant destiné qu’à tester le fameux moteur 4 temps conçu suivant le principe défini par Beau de Rochas en 1864).

Comme il n'était pas possible d'aller derrière la Perreaux à Compiègne, j'utilise cette photo prise au musée de Sceaux.

Cette étonnante Félix Millet à moteur rotatif à 5 cylindres en étoile dans la roue arrière est ici dans son ultime version de 1897. Elle n’est sortie que deux fois en 126 ans du lycée technique Hippolyte Fontaine de Dijon où elle est conservée. Ce fut de très loin la moto la plus révolutionnaire de son époque.

 

Empruntée à la revue du Motocyclettiste, ce tableau résume bien les inventions apportées par la Félix Millet.

Commençons par ce qui fâche !

Il était juste d’espérer que ces ceux monuments historiques soient réunis sur un même podium avec un minimum d’explication pour le public. Eh bien non ! Un grand plateau est consacré aux ancêtres à deux roues avec, à un bout, la Louis Guillaume Perreaux de 1871, sobrement désignée comme « moto à vapeur », et à l’autre bout, la Félix Millet de 1895 sous laquelle il est indiqué, vous l’avez deviné, « moto à essence ». Entre les deux quelques très beaux et très anciens vélos empêchent la confrontation de nos deux prestigieux ancêtres. J’entends déjà les visiteurs « Qu’est-ce que c’est que cette charrette à deux roues » ou « regarde ce drôle de moteur dans la roue arrière ! »

Non, un musée n’est pas seulement une galerie d’art, il se doit aussi et surtout d’être didactique et puis, soyons chauvains, la Perreaux construite dans l’Oise, est la première moto au monde créée en tant que telle et la parisienne Félix Millet, prévue pour être commercialisée (c’est vrai un an après l’Hildebrand & Wolfmüller allemande de 1894), apporte de multiples innovations qui ne se reverront que des années plus tard.

Le public n'apprendra certainement pas grand chose avec ces descriptions qu'on aurait aimé voir assorties de panneaux explicatifs.
Je visite et participe à des expositions depuis des dizaines d’années et je peux vous certifier que quand il y a des panneaux explicatifs, même longs, la grande majorité des visiteurs les lisent attentivement. Pour combler cette lacune, je ne saurais trop vous recommander de cliquer sur les liens en bleu qui vous ouvriront les fiches détaillées des motos citées.

Les six autres motos d’exception annoncées sont bien là et c’est une occasion unique d’aller les détailler, mais le moins qu’on puisse dire est qu’elles n’ont pas la vedette.

Une longue file de voitures de course prestigieuses occupe le centre du hall et, sur le côté sous les fenêtres, les six motos de course sont toutes visibles sur leur “mauvaise face”, la distribution étant du côté du mur. Vraiment dommage. « Mettre les motos dans l’autre sens », me dit Rodolphe Rapetti, directeur du musée, « aurait mis leurs échappements face au visiteur «  … c’est vrai, mais lors de la dernière expo Concept auto, beauté pure au même château de Compiègne, toutes les motos étaient, comme les voitures, sur le podium central et d’autres, éparpillées dans des grandes salles du premier étage. Bref, il y aurait pu avoir d’autres solutions. Le château est grand.

Je peux en tous cas vous promettre que jamais plus je ne m’occuperai de choisir des motos pour une exposition sans être sûr d’être partie prenante dans la scénographie.

En tête de gondole, la réplique remarquablement réalisée par les amis du musée Safran de la Gnome & Rhône 175 cm3 vainqueur du Bol d’Or 1956, est de loin la mieux mise en valeur pour la bonne raison qu’elle est entièrement carénée d’aluminium.

En s'agenouillant derrière les motos, on peut découvrir leur face cachée… et une superbe Lotus en fond.

Sous la fenêtre suivante, trône le DS Malterre de 1953 animée par le 175 cm3 AMC transformé en double ACT par son pilote Jean Mathieu. Il n’y eut que quinze 175 AMC double arbre construites par Jean Mathieu et Marcel Camus et cette sublime transformation tourne au régime fort imposant à l’époque de 9000 tr/min.

Deux colonnes plus loin, la 1000 Koehler-Escoffier de Georges Monneret profite de son exposition côté gauche pour nous montrer son carter éclaté (tiens, pourquoi le musée Malartre ne le change-t-il pas, la pièce existe en refabrication et cela nous permettrait de voir à nouveau rouler cette merveille). Notons au passage que cette 1000 est ici dans sa version 1952 avec le gros réservoir Mottaz et non dans sa robe de 1935, comme annoncé.

Résultat d'une mauvaise expérience au Montlhéry Vintage Revival ! (clic pour agrandir)

On découvre ensuite la remarquable Alcyon 350 ACT de Grand Prix championne de France (pilote et constructeur) dans sa catégorie en 1935 aux mains de Louis Jeannin. Quand Jean-Marc Brionnet, l’heureux propriétaire, remplacera-t-il sa belle et trop moderne béquille arrière rouge par un support plus discret ?

Prochaine étape, la Jonghi 350 des records de 1934 à 1938 et championne de France en 250 cm3 en 1935 aux mains de Georges Monneret. C’est encore ici une restauration de Jean Nougier sur la base d’un moteur et de pièces éparses, tout ce qui restait de cette moto unique.

Sixième et dernière des motos de vitesse, la Peugeot 500 M2 de 1926. Cette 500 M2 bicylindre à simple ACT est la moto française qui a remporté le plus de victoires en France comme à l’international de 1923 à 1926. Celle-ci, reconstruite par Jean Nougier, est basée sur le dernier modèle de 1926. En dépit de son potentiel, Peugeot se retira de la compétition en 1927.

En poursuivant la visite dans le grand hall du premier étage un plateau réservé aux vélos de record accueille aussi un Derny 100 cm3, la machine la plus couramment utilisée comme stayer pour entraîner les cyclistes.

 

Un peu plus loin et magnifiquement exposé sans se mélanger à des vélos une Peugeot 350 Paris-Nice 1914 a été prêtée par le musée de Sochaux. Bon, d’accord ce n’est pas la version course qui remporta la célèbre épreuve d’endurance… mais les 6 chevaux de son bicylindre lui permettent quand même un bon 70 km/h. Il est vrai qu’elle ne pèse que 60 kilos.

Ce tour de l’expo ne serait pas complet sans citer les gravures, tableaux et dessins exposés dont une large collection des oeuvres de Rob Roy.

 

Perrin sur Velocette au GP de Grenoble en 1945.

A gauche une huile sur bois de René Hausson en 1956 : « Rendez-vous avec la mort »… guère engageant !

Georges Monneret sur la 500 AJS (A3S dit l'étiquette !!) Porcupine en 1948.
Bon, il n'y a pas de moto, mais un Géo Ham, je ne peux pas résister !
Quel beau projet que cette exposition « Vitesse » qui se tient du 21 décembre 2021 au 28 mars 2022 dans le magnifique cadre du Château de Compiègne qui abrite le musée national de la voiture en pleine rénovation. Chargé de proposer un choix de motos et de contacter leurs propriétaires, je me rapapinais de voir les [...]