Cerreti 1929 : le Motocar de l’avenir

Nombre d’ingénieurs rêvent dans les années 30 d’allier les avantages de la moto, en prix et en encombrement, à la protection d’une automobile. La plus connue de ces « mautos » est la Monotrace fabriquée en Allemagne et en France à Saint-Étienne, mais la plus belle est sans conteste cette Cerreti construite dans la banlieue parisienne à quelques unités de 1929 à 1932.

Je rêvais depuis des ans de trouver une autre photo du Cerreti, mais c'est Claude Scalet qui l'a dénichée chez Girauto. Heureusement, il est prêteur !

Médaillé d’or au concours international des inventeurs à Paris le 11 mai 1929 puis exposé au salon de Paris 1930, le Motocar Cerreti dû à l’ingénieur éponyme est une production des établissements E. Cerreti et P. Valen à Courbevoie, plus connus pour leur fabrication de tan-sad, repose-pieds et autres accessoires. Esthétiquement, le Cerreti est une superbe réussite avec une ligne très aérodynamique qui rappelle celle des cyclecars et une face avant en pointe avec ses deux gros phares intégrés derrière la calandre. L’ensemble est indiscutablement plus moderne et sportif que le bien plus volumineux Monotrace. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. 3 m de long, 320 kg et 85 km/h pour le Monotrace contre 2,80 m et 175 kg pour le Cerreti qui promet 120 km/h.

Extrait du catalogue du salon 1929. On y apprécie tout particulièrement la version nautique, l'une des seules motos "amphibies " connues avec la Séviitame qui s'utilisait comme un moteur de Hors-bord et la Motosacoche (Doc. Yves Campion) "Hydrosacoche" qui nécessitait des flotteurs.
E. Cerreti et P. Valen sont beaucoup plus connus pour leurs accessoires : silencieux " requin ", repose-pieds passager à suspension intégrée et tan-sad (publicité dans La Moto en 1929)

Le Cerreti va-t-il confirmer ses performances au Bol d’Or de 1930 organisé cette année-là durant le week-end de la Pentecôte du 7 au 9 juin à Saint-Germain-en-Laye ? Il y est l’outsider attendu avec son constructeur au guidon et figure d’ailleurs sur le dessin de l’en-tête des articles annonçant l’épreuve dans Moto Revue. Nous n’aurons hélas, jamais la réponse.  L’ingénieur Cerreti se brouille avec Eugène Mauve, l’organisateur du Bol d’Or, le premier voulant courir en catégorie moto 500 cm3, tandis que le second entendait l’engager parmi les « voitures Sport jusqu’à 750 cm3 » arguant des deux roulettes latérales qui en faisait un quatre roues. Triste résultat, le Cerreti rentra chez lui sans prendre part à la course. Il ne fit d’ailleurs plus guère parler de lui.  Il continua pourtant d’être très discrètement présenté aux salons de Paris de 1930 et 1931 avant de disparaître des catalogues en 1932 et on ignore combien d’exemplaires en furent vendus. On le vit dans sa version monoplace « type course » avec et sans side-car, mais il semble que la « Grand Sport biplace » n’ait jamais été produite. Séduit ? Il vous en aurait coûté 9890 F en 1930 pour le type course monoplace. Une vraie somme, car le Monotrace Roten ne vaut alors que 7450 F, la sublime Majestic dans sa première mouture sur châssis de 1930 s’affiche à 7500 F (+ 1450 F pour les compteurs et l’éclairage), une MGC 500, 7950 F (+1000 pour l’éclairage) et un cyclecar Sima-Violet Sport, 8700 F.

Outsider très attendu au Bol d'Or 1930, le Cerreti n'y put courir, et ne figura que le dessin des en-têtes de Moto Revue annonçant l'épreuve.
Prospectus de Cerreti pour 1930. (archives Claude Scalet)
Le catalogue annonce une version Sport biplace qui ne sera vraisemblablement jamais produite

La technique de construction du beau Cerreti tout aussi sophistiquée et novatrice que sa ligne explique son prix. Contrairement à la Monotrace avec son lourd châssis en tôle d’acier, celui très étudié de la Cerreti est constitué d’une robuste triangulation en tubes étirés qualité aviation avec des suspensions avant et arrière oscillantes qui s’appuient sur de longs ressorts à lames supportés à l’avant comme à l’arrière par quatre tubes carrés. Les axes d’articulation de ces suspensions sont aux centres de larges plaques circulaires qui enserrent un disque en bois dur jouant le rôle d’amortisseur à friction. Logé juste derrière la roue avant, le moteur est un LMP 500 cm3 à soupapes culbutées et refroidissement par air qui entraîne par chaîne une boîte Sigmund à trois rapports. Une deuxième chaîne relie la boîte à un arbre intermédiaire dans l’axe de la suspension arrière et une chaîne finale, à tension constante puisqu’elle est sur l’axe du bras oscillant, transmet la puissance à la roue arrière. Tous les éléments lourds étant au niveau des axes de roues, le centre de gravité est très bas garantissant ainsi stabilité, équilibre. Fort d’une courte expérience en Monotrace, on veut bien le croire, mais la grande longueur de l’engin, 2,80 m, ne doit cependant pas le rendre très facile à manœuvrer aux basses vitesses. Il y a heureusement deux roulettes stabilisatrices avec une voie de 90 cm que le pilote peut abaisser ou relever par un levier. Euphorique, le constructeur promet que sa création peur rouler sur terre et même sur l’eau grâce à l’adaptation prévue (mais jamais vue) de flotteurs et d’une hélice « qui le feront très apprécier dans les colonies et par les armées ». Et puis tant qu’à faire une moto qui allie les avantages (ou les désavantages ?) de la moto et de la voiture, le sieur Cerreti propose en 1931 de l’atteler à un très volumineux side-car à deux places et carrosserie fermée dans un style automobile et carré totalement discordant avec les lignes aérodynamiques de la partie moto. Une porte donne accès aux passagers et le frein est automatiquement couplé avec celui de la « moto ». Un grand coffre arrière « imitation malle », lit-on dans le descriptif, accepte deux grosses valises. Le pare-brise est relevable et les glaces latérales articulées. La photo prouve qu’il en eut au moins un, mais il fut probablement unique.

Pas de roulettes latérales pour ce Cerreti-là puisqu'il est attelé du très volumineux side-car biplace en forme d'automobile proposé par la marque. (archives François-Marie Dumas)

Fiche technique Cerreti 1929 (entre parenthèses les caractéristiques de la version Grand Sport biplace)

Moteur LMP 500 cm3 – Soupapes culbutées – Carburateur Amac – Allumage magnéto Méa – Boîte Sigmund 3 vitesses à main – Cadre en tubes triangulés (poids avec ses suspensions 155 kg), longueur 2500 mm – Direction par moyeu avant articulé commandée par biellettes et rotules depuis le guidon conventionnel – Suspension avant et arrière oscillantes sur ressorts à lames en cantilever – Roues interchangeables – Pas de frein avant – Double frein sur le tambour arrière : à segments internes commandé par pédale et à enroulement externe par manette au guidon – Longueur 2650 mm m (2800 mm) – Voie des roulettes stabilisatrices 900 mm – Largeur de la carrosserie 600 mm – Hauteur 900 mm – Poids à sec 175 kg (195 kg) – 120 km/h (100 km/h)

Le dessin utilisé sur le catalogue révèle un châssis particulièrement moderne et sophistiqué.
Certes plus lourds et moins élégants, les Monotrace furent une belle réussite commerciale soulignée par quelques brillants succès dans les épreuves d'endurance. Ce magnifique dessin publicitaire paru dans La Moto en 1926, est dû, bien sur, à Géo Ham.
Nombre d’ingénieurs rêvent dans les années 30 d’allier les avantages de la moto, en prix et en encombrement, à la protection d’une automobile. La plus connue de ces "mautos" est la Monotrace fabriquée en Allemagne et en France à Saint-Étienne, mais la plus belle est sans conteste cette Cerreti construite dans la banlieue parisienne à quelques [...]

Motos d’alu #4 : Molteni 1925

La moto est généralement un assemblage complexe de tubes, de tôle et de pièces en aluminium. Le tout demandant beaucoup de précision, une grande rigueur dans l’assemblage, une régularité sans faille dans le dimensionnement de chaque pièce, de nombreux spécialistes et un long travail.  Autrement dit, beaucoup de temps et beaucoup d’argent.

Bien vite quelques ingénieurs visionnaires ont cherché à simplifier la construction et la réalisation de grandes parties ou de tout le cadre en alliage léger semblait LA solution. C’est ce qui arrive de nos jours avec les cadres haut de gamme, mais de tels projets avec les technologies et les productions de l’époque étaient bien utopiques.

Je vous avais déjà parlé de deux des premiers exemplaires du genre. Le pionnier des pionniers pour commencer, Schickel, cet ancêtre américain inconnu qui construisit, de 1912 à 1914, les seuls gros deux temps jamais produits outre-Atlantique avec de monocylindres de 5 à 600 cm3 et des cadres coque en fonderie d’alliage léger. Vous avez ensuite découvert le Side-Motor, de 1923, un trois roues bitrace suisse hors norme sous tous rapports avec un châssis en poutres d’alu boulonnées entre elles et le moteur disposé dans le side-car.  Voilà donc inventées les technologies des poutres en alu coulées et des coques assemblées en fonderie. C’est cette dernière qui va séduire les premiers constructeurs de motos en aluminium en Europe, en France avec la RM (René Macé) de 1923-24 et en Italie avec la Molteni de 1925 à 26.

Molteni 1925 : Le rêve italien d’une motocyclette tout en aluminium

Pour s’affranchir de la construction complexe et coûteuse traditionnelle, Carlo Molteni conçoit avec un cadre-coque en fonderie d’alliage léger remplaçant en un bloc tous les éléments constitutifs de la moto. Il élargit même son concept à la fourche avant et étudie les moindres détails de sa moto. Une étonnante prouesse.

Il faut reconnaître que sa réalisation paraît diablement logique et les cadres de certaines motos actuelles s’approchent d’ailleurs de son concept. Dommage, Molteni dans sa recherche avait seulement oublié que sa construction ne serait possible et rentable qu’avec une production de masse. Les moules pour une grande série coûtent des sommes astronomiques et aucune des marques d’alors ne pouvait envisager une telle production. Révolutionnaire, l’idée de Molténi ne pouvait être alors qu’un beau rêve.

Du prototype … à l’oubli

L’ingénieur Carlo Molteni dirige une petite usine de tissage (tiens comme Mr Roy, le père des Majestic… il n’y a pourtant aucun rapport !) à Erba dans la province de Come et veut, en toute simplicité, révolutionner le monde de la moto. L’ingénieur Carlo Molteni et le Comte Greppi, dévoilent la moto Molteni au Circuit Lodi, lors de ses premiers essais à la Baccolin Cup et au Gentlemen Championship Moto Club. Elle est ensuite exposée pour la première fois au salon de Milan de 1925, dans son édition presque définitive.

Elle est au départ équipée d’un moteur MAG qui laisse place pour la version finale au moteur Bradshaw 350 cm3 monocylindre quatre temps à soupapes culbutées et refroidissement par huile du cylindre (la culasse restant à l’air libre). Le cadre est de toute façon étudié pour s’adapter à tous types de moteur écrit le constructeur. Et quel cadre. Ce très complexe chef d’œuvre fonderie comprend la colonne de direction suivie du réservoir, un carter unique pour les transmissions primaire et secondaire et le frein arrière, les supports de la boîte et du moteur, les haubans supportant l’arrière et le garde-boue. Le tout d’une seule pièce. La seule partie démontable est le tube avant en acier du simple berceau qui est boulonné sous la colonne de direction et à l’avant des carters inférieurs. Ce n’était encore pas assez pour Carlo Molteni : une autre fonderie monobloc combine la fourche à parallélogramme, avec son ressort intégré dans la partie haute, le garde-boue avant et ses supports. Les seules pièces en acier sont les biellettes de fourche, le ressort, l’axe de roue et la boulonnerie !

 

Une partie cycle d'une seule pièce, qui paraît toute simple, mais qui est étudiée dans ses moindres détails.
Le carter de transmission ôté, on comprend bien que le réglage de tension des chaînes des chaînes primaire et secondaire sans déposer le moteur, ni bouger la roue, mais en déplaçant la boîte de vitesses. Le bouton moleté ( V ) assuré par un contre-écrou (C), permet de relever la semelle supportant la boîte en décrivant un arc de cercle autour de l'axe B. Pour plus de sécurité, une vis de blocage traverse le montant du cadre et est serrée par un écrou (D).
La Molteni se présente avec l'un des moteurs les plus réputés du moment, le 350 cm3 Bradshaw dont le cylindre est refroidi par huile et qui équipa de très nombreuses marques dans toute l'Europe. Ce fut le plus grand succès de Granville Bradshaw.
Tout est prévu. Trous de fixation pour le moteur, pour l'axe des pédales de frein (à gauche ET à droite !), roulement et joint torique pour supporter la couronne dentée de la roue arrière, surmonté d'un petit tube pour le graissage sous pression. On voit que le tambour de frein est intégré du même côté que la transmission pour faciliter le démontage de la roue.
L’ingénieur Molteni ne fait pas les choses à moitié, fourche avant et garde-boue sont également en alliage léger. Notez, en A, la robuste fixation prévue pour le side-car. Le carter porte-mâchoires de frein est entièrement moulé avec le bras de fourche gauche et la roue peut être retirée tout en laissant les mâchoires de frein à expansion en place.
Les biellettes de la fourche à parallélogramme sont externes et le ressort est enfermé dans la fourche du même alliage que le cadre.

Molteni en Italie, comme RM en France, ont employé le même alliage d’aluminium, le Silumin, qui comprend un faible pourcentage de silicium. Cet ajout le rend parfaitement insensible à la corrosion, et surtout moins visqueux à l’état liquide et plus facile à mouler tout spécialement pour les grandes pièces ou celles soumises à de gros efforts. Il permet aussi une grande finesse et une grande précision du moulage. Les amateurs d’appareils photo en prendront pour preuve le châssis du Nikon F3 apparu en 1980 et coulé dans ce même alliage. En revanche, le cadre du scooter des frères Molteni au début des années 50 sera réalisé en Alpax, un alliage d’aluminium et d’environ 13% de silicium très proche du Silumin, mais moins sujet à la cristallisation qui peut fragiliser ce dernier.

1950 : Le rêve devient enfin réalité

Cette superbe réalisation ne pourra franchir le pas énorme existant entre la fabrication à l’unité d’un prototype et son industrialisation, même à échelle réduite. La Molteni apparaît pour la toute dernière fois au salon de Milan en 1926 et ne fait ensuite plus parler d’elle que par des effets d’annonce. Les ateliers de Molteni ferment leurs portes de 1928 à 1949, mais l’aventure n’est pourtant pas finie. On est têtu et obstiné chez les Frères Molteni (FM) qui refont surface en 1942 avec un vélo à cadre monobloc en alliage léger… qu’ils ne peuvent produire, car l’aluminium est encore réservé aux militaires. Huit ans plus tard, les Frères Molteni exposent au salon de Milan 1950 un très original scooter, le FM 125 T-50, qui reprend, dans une version plus moderne, tous les principes de construction édictés par Carlo Molteni en 1925. La volumineuse membrure centrale en fonderie d’alpax (voir encadré) relie en droite ligne la colonne de direction à l’axe du bras oscillant et intègre ces deux éléments tout comme le réservoir d’essence avec son petit coffre et le phare. Le bras oscillant du même alliage supporte le bloc 125 cm deux temps à cylindre horizontal (4,5 ch à 4 600 tr/min) et boîte 3 vitesses commandées au guidon. À l’arrière du moteur, le système d’échappement est placé au-dessus du bras oscillant laissant toute la place sous l’arrière de la plate-forme centrale pour l’amortisseur horizontal. Les roues, chaussées de petits 400 x 8’, sont aussi en alliage léger avec, à l’avant, un superbe bloc qui cumule les fonctions de moyeu de frein et de bras de la suspension à roue tirée. Ce bel ensemble est supporté par une fourche monotube en acier. Ce scooter hors du commun présenté au salon de Milan en 1950 sera produit jusqu’en 1953 en versions T-51 puis T-52, en annonçant 80 kg et 70 km/h. FM présente en 1952 une moto 125 cm3 puis cesse la production de deux roues en 1956.

Du rêve à la réalité : un quart de siècle après le génial prototype de moto entièrement en alliage léger réalisé par Carlo Molteni, l'Officine Meccaniche Fratelli Molteni à Milan, réalise le rêve de son fondateur avec ce scooter T 50.
La moto est généralement un assemblage complexe de tubes, de tôle et de pièces en aluminium. Le tout demandant beaucoup de précision, une grande rigueur dans l'assemblage, une régularité sans faille dans le dimensionnement de chaque pièce, de nombreux spécialistes et un long travail.  Autrement dit, beaucoup de temps et beaucoup d'argent. Bien vite quelques [...]

Heinkel 50 Perle 1955-58 : un utilitaire de luxe

Une perle d’aluminium

par François-Marie Dumas

Deux pays, deux mesures. Dans la France déjà bien préparée avec les BMA (bicyclettes à moteur auxiliaire de l’avant-guerre) France les constructeurs majeurs se tournent naturellement vers le cyclomoteur léger le plus économique possible et touchant la clientèle la plus large et non spécialisée qui soit, donc automatique.

Il en est tout autrement en Allemagne où la culture motocycliste est bien plus élevée, tant chez les constructeurs que chez les utilisateurs. Les 50 cm3 qui y apparaissent dès le début des années 50 auront donc deux puis trois vitesses et se donneront, pour la plupart, une image plus moto que vélo avec un beau gros réservoir rajouté sur un cadre souvent en tôle emboutie. À ces motivations pour des évolutions divergentes s’ajoute le contexte économique avec des salaires bas et peu de taxes en Allemagne contre des salaires plus élevés, mais plus de taxes chez nous. Résultat, l’Allemagne exporte 40 % de sa production, tandis que nous « consommons » toute la notre.

Première vue officielle de la Perle.

Ah, les plans d’avenir basés sur des statistiques !

L’Allemagne y avait pourtant cru au tout début des années 50 espérant que les vingt millions de cyclistes de l’époque tout comme la grande masse des utilisateurs des transports en commun allaient se ruer sur ce cyclomoteur, grande nouveauté sur le marché d’outre-Rhin, L’excellent chef de publicité de la maison N.S.U. présentait déjà sur son stand en 1953 le monument du « dernier piéton », dénommé Hans Latsch. Quoiqu’il en soit, la production évolue en bon accord avec celle de la France jusqu’en 1955 avec 778 500 unités produites outre-Rhin contre 830 375 en France, mais les ventes en Allemagne vont progressivement baisser.

La perle des utilitaires

L’avionneur Ernst Heinkel, dont cette Perle sera le seul cyclomoteur, était doué pour les produits haut de gamme. Peu importe qu’il s’agisse d’avions, de scooters ou d’un 50 cm3 et celui-ci se distingue du lot des petites Allemandes de l’après-guerre… les grosses petites allemandes plutôt, car la production est généralement massive avec des cadres en tôle emboutie chevauchés par des réservoirs ventrus. On trouve moins de cadres-réservoir monoblocs en emboutis dans cette Allemagne de ces années 50 et les Heinkel Perle et Victoria Nicky sembles-nt être les seules réalisations en aluminium. Pour la Nicky il s’agit toutefois de simples coques supportées par un cadre à double berceau supérieur en tubes d’acier.

Les suspensions de la Perle, à amortissement hydraulique, télescopique à l’avant et à deux combinés arrière assuraient un bon confort de conduite, mais semblaient bien frêles et fluettes, face aux semi-Earles à balanciers et roue poussée nettement préférées par la grande majorité des constructeurs d’outre-Rhin. Face à ces gros réservoirs et ces suspensions enveloppées, notre Perle devra attendre sa « mise en collection » pour que la sophistication technique du cadre alu la valorise comme elle le mérite. Quelle belle réalisation pourtant, que ce cadre en fonderie d’alliage léger aux lignes épurées constitué d’un seul moulage à paroi mince breveté par la docteur Klaue.

Ce cadre avec son réservoir de carburant intégré sous la selle, permettait de respecter la limite de poids de 36 kg (cela dit une Mobylette AV79 tout acier de 55 à suspensions ar. coulissantes ne fait que 40 kg). La finition martelée (comme nombre de machines-outils) contribuait à lui donner une image très qualitative. Le carter de chaîne vraiment étanche à bain d’huile étant garant d’un faible entretien.

Le fantastique musée de Nexckarsulm, n'expose par uniquement des NSU et des motos, mais aussi une belle sélection de cyclomoteurs d'exception.
Tous le câbles passent à l'intérieur du cadre.

Pas si chère, finalement

En 1955 le prix équivalent à environ 62 000 F se situait dans la fourchette la plus élevée, un prix compréhensible au vu de la qualité de fabrication de la Perle, mais beaucoup moins en rapport avec son image utilitaire. Les NSU Kickly valaient de 46 500 à 51 500 F (déjà près de 1,5 fois le salaire moyen en Allemagne) et le très stylé DKW Hummel s’affichait à 65 800 F .

Environ 27 000 Perle ont été produites de 1955 à 1958, ce qui est relativement élevé étant donné l’image utilitaire un poil obsolète qu’avait cette Perle en son pays au milieu des années 50 face à une kyrielle de gros cyclos très moto souvent à 3 vitesses et à peu près au même prix.  On ne la vit évidemment pas en France, mais elle fut importée en Grande-Bretagne par Excelsior.

Moteur monocylindre 2 temps refroidi par air – 49 cm3 (39 x 41,8 mm) –  1,5 ch à 5 000 tr/min (limitation par étrangleur à l’admission) – Carburateur Fischer 10DA23 – Alumage par volant Magnétique Bosch 6V 3W – Boîte à 2 vitesses commandés par poignée tournante – Pédalier-kick et chaîne de transmission unique sous carter étanche en alliage léger – Cadre coque en U en fonderie d’alliage léger (silumin) – Suspension avant télescopique, arrière oscillante à 2 amortisseurs – L/l/h : 1780/700/930 mm – Empattement 1145 mm – Hauteur de selle 785 mm – Pneus 23″ x 200 – Freins à tambour ø 82 mm – 36 kg – 45 km/h (40 km/h à partir du 1er janvier 1957).

Et pour en savoir encore plus, contactez le club 

Une perle d'aluminium par François-Marie Dumas Deux pays, deux mesures. Dans la France déjà bien préparée avec les BMA (bicyclettes à moteur auxiliaire de l'avant-guerre) France les constructeurs majeurs se tournent naturellement vers le cyclomoteur léger le plus économique possible et touchant la clientèle la plus large et non spécialisée qui soit, donc automatique. Il [...]

Louis Lepoix #5 De Kreidler à Maico, Puch et Derbi

Voici donc le cinquième et dernier volet de cette série consacrée aux réalisations de Louis Lepoix. En phase avec son temps, son bureau de design FTI passe des gros scooters sophistiqués aux 50 cm3 à grandes et petites roues avec, en vedette, le Kreidler Florett. Il revient à la moto à la fin des années 60 et crée à nouveau la mode chez Maico, Puch et Derbi.

Résumé des chapitres précédents. Nous y avons vu Louis Lepoix débuter avec sa BMW R12 carénée, puis travailler chez Horex et Walba, tenter une collaboration avec Mathis-Le Poulain et Bernardet, puis devenir célèbre en Allemagne avec les scooters Bastert, Maicoletta et TWN Contessa. Nous sommes au milieu des années 50 et les petites voitures économiques viennent de signer l’arrêt de mort des gros scooters en attendant de porter un coup fatal aux motos. Les uns et les autres ne renaitront de leurs cendres que beaucoup plus tard et dans une conjoncture bien différente. En attendant, les bureaux FTI de Louis Lepoix se tournent vers les deux-roues qui vont inventer les années soixante, les cyclos et les mini scooters. De 1956 à 1964, il travaille aussi pour les moteurs JLO et de 1958 à 66 pour les Sachs (entre autres pour ses moteurs rotatifs), ce qui mérite d’être signalé, car il est alors tout à fait exceptionnel que des motoristes engagent un designer.

 

Inventée par Louis Lepoix pour Victoria en 1953, la Peggy, moto-scooter à boîte semi-auto, sera un échec total... il faudra attendre plus de 50 ans pour que le concept devienne populaire.

Louis Lepoix fait ses premières armes dans le monde des cyclomoteurs ou assimilés avec le Sulky de RSI à roues de 16” dessiné pour Riva Sport Industrie à Vichy et qui sera sa seule réalisation industrielle de deux roues en France. Le Sulky apparaît au salon de 1953 animé par un 65 cm3 SER (Ets Sérouge à Levallois). Dès le salon suivant la motorisation est confiée à un AMC Mustang de 100 cm3 tandis que les ultimes versions présentées fin 1956 passent au 125 AMC Isard et troquent leur élégante fourche parallélogramme en tôle emboutie et anneaux Neiman pour une télescopique. Le Sulky sera produit de 1953 à 1958 par RSI et repris ensuite en Espagne sous le label Rieju avec une esthétique totalement revue.

 

Le RSI Riva Sport dans son ultime version de 1955 à fourche télescopique.

Victoria

Alors que la moto rentre dans la pire crise de son histoire, Victoria tente désespérément de redresser la barre en proposant des produits innovants, en particulier les 200 cm3 Swing et Peggy qui sont présentés au salon IFMA à Francfort en 1953 avec une vraie révolution, une  boîte de vitesses semi automatique à commande électromagnétique par boutons au guidon. Pour réaliser ces deux motos Victoria a fait appel pour style de la Peggy à Louis Lepoix et pour le concept mécanique des deux à Norbert Riedel, le brillant créateur des 100 et 200 Imme. Juchée sur des roues de 16 pouces, la Victoria Peggy tente, malheureusement sans succès, d’imposer le concept de la moto scooter. 50 ans plus tard, l’idée aurait été applaudie, mais au milieu des années 50, elle ne fit que pousser Victoria vers sa fin.

La Victoria 200 Peggy en cours d'essai en 1954. Norbert Riedel est au guidon de la Peggy de gauche.

Kreidler

Dommage, il connaitra sa plus grande gloire dans le même domaine et de l’autre côté du Rhin avec ses réalisations pour Kreidler. Son premier projet pour la marque est le 50 K conçu en 1952, un 50 cm3 caréné, bien sûr, en tôle d’aluminium, on commence à connaître l’attirance du designer pour les alliages légers. Les 50 série K sont suivis en 1956 par la gamme Amazone et la même année, par le Florett qui va connaître la plus extraordinaire des carrières. Bien soutenu, il est vrai, par la suprématie absolue de ses versions course sur tous les circuits à partir de 1959 qui marque le début des courses en 50 cm3 en Allemagne. En 1966, Kreidler améliorera encore sa copie en transformant le Florett en vraie petite moto : réservoir plus horizontal et rejoignant la selle et habillage plus enveloppant du cadre en U.

Le Kreidler 50 Amazone en tôle d’acier emboutie débute sa carrière en 1956 et sera produit jusqu’en 1968.
En même temps que l’Amazone destinée aux femmes, Lepoix dessine cette première version 1956 du Florett qui deviendra le plus célèbre et le plus titré des 50 cm3.
Version 1962 du Kreidler Florett Super : Rien d’autre qu’un cyclo, direz-vous, mais des lignes fortes qui inspirent confiance et donnent une impression de puissance… C’est là tout l’art du design.
Le guidon entièrement caréné du Florett n’est pas sans rappeler les premières réalisations de Lepoix.

Pfaff

En 1959, Lepoix est approché par Pfaff Gritzner plus connu pour ses machines à coudre et qui pense à se diversifier dans les deux-roues. Aucun des trois projets réalisés ne verra le jour, mais ils sont justement intéressants parce que la marque qui n’avait aucun passé dans ce secteur a laissé libre cours à l’imagination du designer pour lui proposer un produit d’avenir. Après un projet de cyclomoteur, Lepoix construira ainsi en 1959 un prototype de scooter 50 cm3 à carrosserie en acier puis, l’année suivante, deux versions d’un petit scooter à carrosserie plastique aussi simple que futuriste. Ces belles idées considérées comme trop modernes pour être commercialisables restent évidemment sans suite.

 

Non, ce n’est pas un scooter de manège, mais un prototype de petit scooter entièrement en plastique, étudié pour Pfaff Gritzner en 1959.
Conçu pour Pfaff encore en 1959-60 cette version Junior à carrosserie plastique invente le scooter décapotable avec un rouleau de toile plastifiée en haut du demi-tablier qui pouvait s’accrocher sur le phare pour plus de protection.

Maico

Après avoir dessiné avec un grand succès le Maicoletta en 1957, Louis Lepoix revient chez la marque en 1964 pour dessiner sa nouvelle gamme de cyclo sport et de 125 cm3 avec des lignes anguleuses et agressives qui changent totalement du style habituel de Maico comme du designer.

 

Retour chez Maico en 1964 avec la nouvelle MD 125 SS qui marque un total changement de style.
proto designe Louis Lepoix en septembre 1965 à Herrenberg

Puch

En 1964 débute la plus longue collaboration de Louis Lepoix avec une marque, en l’occurrence Steyr Daimler Puch, pour qui il va dessiner une quantité de produits et même des cabines de tracteurs et le fameux Pinzgauer, mais cantonons-nous aux deux roues qu’il crée pour Puch entre 1964 et 1976 avec une multitude de projets qui vont totalement moderniser l’image de la très vieille marque autrichienne.

On retiendra un cyclomoteur sport en 1964, suivi par deux cyclo-scooters en 1965 et 1966. Cette même année 1966, la 250 SGS adopte un réservoir aux lignes anguleuses qui marque une transition dans le style et FTI dessine en 1966 la M 125 qui sera commercialisée en 1968 et qui abandonne totalement les formes rondouillardes des anciennes générations pour des lignes plus tendues et des angles vifs.

On retrouve cette même esthétique sur les projets communs BMW-Puch de 1969 de bicylindres 250 et 350 cm3 à simple ACT. Les dernières études pour Puch seront le cyclomoteur Maxi en 1973 qui connaitra en Allemagne un succès équivalent à celui de la Mobylette chez nous, puis différents projets mineurs en 50 et 80 cm3 et un ultime dessin de scooter en 1976.

Dessiné en 1965, ce petit scooter Puch R50 innove tant par ses lignes que par sa construction en partie en plastique thermoformé. Il sera produit jusqu’en 1976.
Présenté ici sans son carénage latéral, ce petit scooter 50 cm3 à grandes roues est dessiné en 1966 sur la base du 50 cm3 automatique du Puch Maxi et construit deux ans plus tard.
Les M50 et M125 dessinés en 1966 et commercialisés deux ans plus tard renouvellent totalement l’image de la vieille marque autrichienne et ne sont pas sans rappeler la Maico MD125 conçue deux ans plus tôt.
La 250 bicylindre quatre temps à simple ACT étudiée en collaboration par Puch et BMW en 1969, associe l’habillage du M125 et des équipements typiquement BMW (fourche, phare, etc.

Derbi

Parallèlement, FTI, qui étend désormais ses succursales dans toute l’Europe et même aux États-Unis, travaille pour Derbi en Espagne pour qui il dessine un projet de moto 125 cm3 en 1971 qui deviendra finalement la 2002 GT en 1975 ; puis le 50 Antorcha en 1972, deux réalisations aux lignes aussi modernes que dynamiques qui vont totalement moderniser l’image de la marque et la relancer au niveau international.

 

Épilogue espagnol avec ce Derbi Antorcha de 1972 qui marque un retour à des lignes beaucoup plus souples.
Un superbe final en 1975 avec la Derbi 200 cm3 GT 2002.
Voici donc le cinquième et dernier volet de cette série consacrée aux réalisations de Louis Lepoix. En phase avec son temps, son bureau de design FTI passe des gros scooters sophistiqués aux 50 cm3 à grandes et petites roues avec, en vedette, le Kreidler Florett. Il revient à la moto à la fin des années [...]

Louis Lepoix #4 Les auto-scooters

Au début des années 50, le scooter est avant tout une alternative économique à l’automobile. Moins cher qu’une voiture ne veut pas dire rustique et Louis Lepoix invente en Allemagne les scooters les plus sophistiqués de leur temps, en petit, avec les Walba et en grand, avec ses scooters GT qu’il baptise auto-scooter. Cela ne l’empêchera pas, quelques années plus tard, de se spécialiser dans les cyclo-scooters de 50 cm3 en y proposant aussi quelques nouvelles idées et technologies.

Archives FTI Louis Lepoix, texte et photos couleur François-Marie Dumas

Louis Lepoix en 1950 présente fièrement le prototype du scooter Baster

Faux départ sur le marché français

Les affaires de la toute jeune société Form und technic créée en 1950 à Friedrichshafen démarrent en flèche et le styliste Louis Lepoix qui  travaille à la fois pour Horex et les scooters Walba à partir de 1950 va approcher les marques françaises. Il est en rapport avec Lavalette en 1949-50 puis et les bureaux d’études des automobiles Mathis eux-mêmes très liés à Le Poulain qui va absorber Bernardet en 1955. Ironie du sort lorsqu’on se souvient du slogan d’Émile Mathis depuis 1922 « Le poids, voilà l’ennemi » ! Toujours est-il que ces études de scooters de 85 cm3 en 1952  pour un projet qui va devenir le Cabri chez Bernardet et d’un 200 cm3, prélude au futur Guépar, seront jugés trop futuristes et ne seront pas retenus. Le seul deux-roues réalisé en France sur un dessin de Lepoix sera le Sulky de la marque vichyssoise RSI qui sort en 1953 avec un 65 cm3 fabriqué par SER à Levallois, avant d’être équipé d’un 100 cm3 AMC Mustang.

Projet réalisé pour Mathis-Le Poulain en 1952 pour le Bernardet Cabri. Il n’en restera guère que le pédoncule supportant la selle sur le Cabri qui est commercialisé en 1954 !
Cette étude de style réalisée à la demande de Mathis et pour Bernardet en janvier 1952, d’un 200 cm3 avec une roue de secours étrangement sanglée sous le phare sera jugée trop futuriste. On lui préfèrera le classicisme du Guépar
Un Riva Sport de 1953 dans sa première version animée par un moteur SER de 65 cm3. Il sera ensuite équipé d'un 100 cm3 AMC et d'une suspension arrière oscillante.

1952 : Le Bastert « Auto monotrace »

C’est donc le marché allemand que Louis Lepoix va marquer de son style. En 1951, la société Bastert de Bielefeld, connue avant-guerre pour ses vélos et quelques motos de petite cylindrée, lui demande d’habiller un scooter luxueux et de haut de gamme en 175 cm3. Ils vont être servis, l’auto-scooter étudié puis construit en prototype par Lepoix et ses artistes-tôliers est sublime. On y retrouve les lignes rondes et fluides de la BMW R12 carrossée par le designer en 1947 et, comme sur cette dernière, la carrosserie est en duralumin, ce qui n’empêche pas ce gros scooter baptisé « Auto monotrace » (Einspurauto) d’avouer quelque 150 kg. Bastert a utilisé toutes les recettes connues pour une bonne stabilité, grandes roues de 13 pouces et pilote est assis très bas, et Lepoix a transformé le vilain petit canard qu’était le proto en une auto-scooter remarquable d’élégance et de finition : montre, voyants lumineux indiquant le rapport de vitesse engagé, flèches repliables pour les changements de direction et partie arrière modulable à volonté en grand porte-bagages ou en siège passager. Ce qui apparaît comme un dosseret derrière la selle du pilote se soulève et se positionne à plat sur le porte-bagage, le transformant ainsi en selle passager. Luxueux représentant de l’école typiquement allemande des gros scooters, le Bastert sera produit à 1 200 exemplaires de 1952 à 1956 où la petite firme de Bielefeld ferme ses portes.

 

Ce premier prototype construit par l'usine Bastert début 1951 avant l'arrivée de Lepoix illustre bien le travail du designer!
La fête après l'effort. Après des mois de travail jour et nuit, Louis Lepoix, au guidon et son assistant tôlier -chaudronnier Sepp Kolger s'éclatent sur le prototype du Bastert à peine fini.
Vous pouvez jouer au jeu des 7 erreurs avec le prototype de style de fin 1951, entièrement chaudronné à la main et très élégamment présenté et (un peu plus bas) la version définitive industrialisée, retouchée, allégée par diverses grilles, moulures et autres artifices... et tout aussi élégamment présentée.
Le Bastert de présérie carrossé par Lepoix en vedette au salon de Francfort de 1951. Notez qu'un vrai guidon a déjà remplacé le demi-volant.
Le Bastert tel qu'il a été commercialisé à 1 200 exemplaires de 1952 à 1956. Il n'y a plus de coussin arrière passager, c'est le dossier derrière le pilote qui se soulève et se rabat sur le porte-bagage.
Le demi-volant des premiers prototypes a cette fois laissé place à un guidon très classique surmonté des témoins lumineux de rapport de boite engagé. Notez aussi le bouchon d'essence car le réservoir est dans le tablier avant.

1953 : TWN Contessa

Entre-temps Lepoix a dessiné en 1953 un autre scooter, le « Contessa » qui sera commercialisé de 1954 à 1959 par TWN (qui s’appelle Triumph en Allemagne), et jusqu’en 1960 par Hercules sous l’appellation R 200 (avec un moteur Sachs). Il sera également construit sous licence en Grande-Bretagne et vendu sous le label Prior Viscount. Imposant, ce TWN Contessa animé par un moteur maison à double piston de 200 cm3 se distingue de l’école allemande par des formes moins massives. Le designer a réussi à conserver la taille requise tout en allégeant ses lignes : coque bicolore, double galbe de la partie et ouïes d’aération sur la coque arrière, coiffée de deux selles en mousse. Côté technique, le Contessa est aussi plus « raisonnable » et classique que les précédentes études, mais tout aussi étudié dans les moindres détails. Le tablier qui supporte le réservoir de 11 litres et deux batteries est en fonderie d’alliage léger et les marche-pied sont en tôle d’alu polie, mais la coque arrière et les garde-boue sont en acier. Le cadre est constitué d’un seul gros tube dédoublé devant le moteur et la suspension avant est à roue poussée tandis que l’arrière adopte un groupe moteur-transmission oscillant, comme sur tous nos scooters modernes, avec un amortisseur hydraulique. Les roues ne sont que de 10 pouces. Déjà utilisé sur d’autres productions TWN, le moteur à double-piston est accouplé à une boîte à quatre vitesses commandées par sélecteur au pied et possède un démarrage électrique par dynastart, encore exceptionnel à l’époque. Avec une honnête puissance de 9 ch à 5 000 tr/min, mais quand même 150 kg en ordre de marche, le Contessa frise les 100 km/h.

 

Grand classique des scooters allemands et plus grosse cylindrée commercialisée dans ce domaine, le Contessa sera produit par TWN de 1954 à 1959.

1953 : Victoria 200 Peggy

Une nouvelle marque rentre au palmarès de Lepoix en 1953, Victoria, pour qui le designer dessine la 200 cm3 Peggy, un scooter à grandes roues aux lignes plutôt torturées, mais d’une parfaite fonctionnalité. Animée par la même mécanique que la Victoria Swing, cette Peggy se signale avant tout par son extraordinaire transmission à commande électromagnétique de la boîte à quatre rapports actionnée par boutons à main gauche. Cette transmission futuriste tout comme le scooter léger Nicky furent développés pour Victoria par l’ingénieur Norbert Riedel, le père des Imme, à la technique et  Louis Louis Lepoix à la table à dessin. Je ne m’y attarde pas ici car un prochain article leur sera tout spécialement consacré.

La Victoria 200 cm3 Peggy en 1955.
Conçu par Norbert Riedel et dessiné par Louis Lepoix, le Nicky n'est guère concerné par ce chapitre consacré aux gros scooters et je vous en reparlerai dans un prochain article.

1954 Maicoletta

En 1954 Lepoix, devenu le grand spécialiste du scooter allemand (il va travailler pour 70 % des marques allemandes pendant dans cette première moitié des années 50) propose à Maico une évolution du gros scooter qu’il a réalisé chez Bastert pour remplacer l’énorme Maicomobil vieillissant. Le projet n’est pas retenu et le Maicomobil perdurera jusqu’en 1958 de concert avec un nouveau projet de Lepoix qui sera sa dernière réalisation commercialisée dans le domaine du gros scooter, le Maicoletta, produit de 1956 à 1961 en 175 et 250 cm3. Chez Maïco ce 250, bien qu’il soit la plus grosse cylindrée des scooters allemands, paraît presque fluet comparé au monumental Maicomobil. Classique et moderne, le Maicoletta reste sage dans sa technique comme dans son dessin avec pour principale originalité ses roues de grand diamètre (3,50 x 14″) et une maintenance facilitée par la longue coque arrière qui se dépose en ôtant un seul boulon.

 

Le Maïcoletta ici dans une rarissime version de 277 cm3 spéciale side (boîte spéciale et frein du side couplé avec l'arrière du scooter) produite à 5 unités en 1956 pour la Grande-Bretagne.

1954 : Horex Rebell

Je vous ai gardé le meilleur pour la fin : L’ultime étude de Louis Lepoix pour Horex et sans doute la plus visionnaire, le scooter Rebell 250 cm3 de 1954, véritable inspirateur du Yamaha 500 T-Max apparu 45 ans plus tard.

Cet extraordinaire scooter Horex est une vraie moto-scooter qu’on pourrait définir comme un T-Max monocylindre en avance d’un demi-siècle. J’avoue d’ailleurs sans honte avoir été fortement influencé par ce Rebell, lorsqu’en 1998 la petite équipe dont je faisais partie au sein de Yamaha Motor Europe a défini les grandes lignes du Yamaha T-Max. Élégant, compact, équilibré, le Rebell se veut à la pointe du progrès technique et cumule les innovations: moteur quatre-temps à cylindre horizontal et démarreur électrique, freins à tambour à commande hydraulique et somptueuses roues en alliage léger de 16 pouces équipées, c’est une première, de pneus sans chambre à air. Le style très aérodynamique n’est pas en reste avec un phare carré de grandes dimensions et une ligne de carrosserie très pure allégée par une peinture bicolore offrant un fort contraste. Le scooter Horex trahit une fois encore la constante recherche d’efficacité fonctionnelle et aérodynamique de Louis Lepoix, et ses grandes capacités d’innovation, mais il arrive trop tard dans une conjoncture de crise. Horex est en grande difficultés financières. Ni le scooter, ni la voiturette animée par le 400 cm3 bicylindre ne seront produits et la marque va se tourner vers les 50 cm3 avant de fermer définitivement ses portes en 1960.

Ils auront néanmoins participé au lancement de Louis Lepoix et sa société FTI à Baden-Baden, une structure dorénavant établie avec sept employés permanents et d’excellents contacts avec l’industrie, entre autres celle des deux roues. Son style va sans tarder s’exprimer en Allemagne dans la moto et principalement le scooter.

L’ère des gros scooters est finie pour un bon nombre d’années et FTI et Louis Lepoix vont, eux aussi passer aux scooters de petites cylindrées et aux motos, une autre aventure à suivre dans le prochains article.

Roues de 16 pouces en aluminium coulé, freins hydraulique et 250 cm3 à simple ACT. Le splendide Horex Rebell 250 cm3 annonce 18 ch, 120 km/h et 135 kg.
Horex : Le cadre monopoutre fait office de réservoir d'huile, le réservoir est sous la selle et les batteries derrière le phare comme sur le TWN... et le T-Max. Autres innovations majeures : les roues en alliage léger et des pneus sans chambre.
Il semble malheureusement que seuls les essayeurs de l'usine aient eu le privilège de rouler au guidon du splendide Horex Rebell.

Le prix du design

Comparer différents véhicules perd tout son sens si on ne tient pas compte de leur prix et les valeurs comparées de nos scooters en Allemagne expliquent bien des différences. Le luxueux le Bastert 175 cm3 à carrosserie aluminium valait 1 960 DM, très cher face aux 1 220 DM du Vespa type A de 1952-53 fabriqué sous licence par Hofmann, mais on en avait quand même largement pour son argent.

FTI Louis Lepoix : 50 ans de design industriel

Lepoix exercera son activité dans les domaines les plus divers jusqu’à sa disparition en 1998. Sa société Form und Technic créée en 1950 à Friedrichshafen, déménage à Baden-Baden en 1952 et devient FTI (Form Technic International) en 1956 avec l’ouverture d’un bureau à Neuilly transféré plus tard à Enghien. FTI ne cesse ensuite de s’étendre jusqu’en 1986, avec d’autres centres d’activité en Espagne, à Anvers, Zurich, Vienne, Copenhague, Lyon et Munich. On comprend dès lors le nombre considérable des études effectuées ! FTI n’aura malheureusement pas l’heur de plaire aux rares constructeurs français de deux-roues. Jeune journaliste à Moto Revue en 1973, je serais responsable de l’ultime travail en France de FTI pour la moto en commandant à Louis Lepoix pour le numéro spécial salon 1973 de ce magazine, deux dessins libres illustrant la moto du futur. Il nous proposera ainsi une version Sport-GT de route avec une roue avant orbitale (16 ans avant celle de Sbarro en 1989), un moteur rotatif (Lepoix a aussi travaillé pour Sachs pour les études de style de ce moteur), une suspension arrière monobras et une remorque à centre de gravité très bas. Le projet Tout Terrain est plus futuriste entre trail et Van-Van avec de grosses roues, un cadre coque en polyester armé.

Les dessins réalisés par Louis Lepoic-x pour le n° Spécial salon 1973 de Moto Revue. (Désolé pour la coupure de l'image !)
Au début des années 50, le scooter est avant tout une alternative économique à l’automobile. Moins cher qu’une voiture ne veut pas dire rustique et Louis Lepoix invente en Allemagne les scooters les plus sophistiqués de leur temps, en petit, avec les Walba et en grand, avec ses scooters GT qu’il baptise auto-scooter. Cela ne [...]