Louis Lepoix #4 Les auto-scooters

Au début des années 50, le scooter est avant tout une alternative économique à l’automobile. Moins cher qu’une voiture ne veut pas dire rustique et Louis Lepoix invente en Allemagne les scooters les plus sophistiqués de leur temps, en petit, avec les Walba et en grand, avec ses scooters GT qu’il baptise auto-scooter. Cela ne l’empêchera pas, quelques années plus tard, de se spécialiser dans les cyclo-scooters de 50 cm3 en y proposant aussi quelques nouvelles idées et technologies.

Archives FTI Louis Lepoix, texte et photos couleur François-Marie Dumas

Louis Lepoix en 1950 présente fièrement le prototype du scooter Baster

Faux départ sur le marché français

Les affaires de la toute jeune société Form und technic créée en 1950 à Friedrichshafen démarrent en flèche et le styliste Louis Lepoix qui  travaille à la fois pour Horex et les scooters Walba à partir de 1950 va approcher les marques françaises. Il est en rapport avec Lavalette en 1949-50 puis et les bureaux d’études des automobiles Mathis eux-mêmes très liés à Le Poulain qui va absorber Bernardet en 1955. Ironie du sort lorsqu’on se souvient du slogan d’Émile Mathis depuis 1922 « Le poids, voilà l’ennemi » ! Toujours est-il que ces études de scooters de 85 cm3 en 1952  pour un projet qui va devenir le Cabri chez Bernardet et d’un 200 cm3, prélude au futur Guépar, seront jugés trop futuristes et ne seront pas retenus. Le seul deux-roues réalisé en France sur un dessin de Lepoix sera le Sulky de la marque vichyssoise RSI qui sort en 1953 avec un 65 cm3 fabriqué par SER à Levallois, avant d’être équipé d’un 100 cm3 AMC Mustang.

Projet réalisé pour Mathis-Le Poulain en 1952 pour le Bernardet Cabri. Il n’en restera guère que le pédoncule supportant la selle sur le Cabri qui est commercialisé en 1954 !
Cette étude de style réalisée à la demande de Mathis et pour Bernardet en janvier 1952, d’un 200 cm3 avec une roue de secours étrangement sanglée sous le phare sera jugée trop futuriste. On lui préfèrera le classicisme du Guépar
Un Riva Sport de 1953 dans sa première version animée par un moteur SER de 65 cm3. Il sera ensuite équipé d'un 100 cm3 AMC et d'une suspension arrière oscillante.

1952 : Le Bastert « Auto monotrace »

C’est donc le marché allemand que Louis Lepoix va marquer de son style. En 1951, la société Bastert de Bielefeld, connue avant-guerre pour ses vélos et quelques motos de petite cylindrée, lui demande d’habiller un scooter luxueux et de haut de gamme en 175 cm3. Ils vont être servis, l’auto-scooter étudié puis construit en prototype par Lepoix et ses artistes-tôliers est sublime. On y retrouve les lignes rondes et fluides de la BMW R12 carrossée par le designer en 1947 et, comme sur cette dernière, la carrosserie est en duralumin, ce qui n’empêche pas ce gros scooter baptisé « Auto monotrace » (Einspurauto) d’avouer quelque 150 kg. Bastert a utilisé toutes les recettes connues pour une bonne stabilité, grandes roues de 13 pouces et pilote est assis très bas, et Lepoix a transformé le vilain petit canard qu’était le proto en une auto-scooter remarquable d’élégance et de finition : montre, voyants lumineux indiquant le rapport de vitesse engagé, flèches repliables pour les changements de direction et partie arrière modulable à volonté en grand porte-bagages ou en siège passager. Ce qui apparaît comme un dosseret derrière la selle du pilote se soulève et se positionne à plat sur le porte-bagage, le transformant ainsi en selle passager. Luxueux représentant de l’école typiquement allemande des gros scooters, le Bastert sera produit à 1 200 exemplaires de 1952 à 1956 où la petite firme de Bielefeld ferme ses portes.

 

Ce premier prototype construit par l'usine Bastert début 1951 avant l'arrivée de Lepoix illustre bien le travail du designer!
La fête après l'effort. Après des mois de travail jour et nuit, Louis Lepoix, au guidon et son assistant tôlier -chaudronnier Sepp Kolger s'éclatent sur le prototype du Bastert à peine fini.
Vous pouvez jouer au jeu des 7 erreurs avec le prototype de style de fin 1951, entièrement chaudronné à la main et très élégamment présenté et (un peu plus bas) la version définitive industrialisée, retouchée, allégée par diverses grilles, moulures et autres artifices... et tout aussi élégamment présentée.
Le Bastert de présérie carrossé par Lepoix en vedette au salon de Francfort de 1951. Notez qu'un vrai guidon a déjà remplacé le demi-volant.
Le Bastert tel qu'il a été commercialisé à 1 200 exemplaires de 1952 à 1956. Il n'y a plus de coussin arrière passager, c'est le dossier derrière le pilote qui se soulève et se rabat sur le porte-bagage.
Le demi-volant des premiers prototypes a cette fois laissé place à un guidon très classique surmonté des témoins lumineux de rapport de boite engagé. Notez aussi le bouchon d'essence car le réservoir est dans le tablier avant.

1953 : TWN Contessa

Entre-temps Lepoix a dessiné en 1953 un autre scooter, le « Contessa » qui sera commercialisé de 1954 à 1959 par TWN (qui s’appelle Triumph en Allemagne), et jusqu’en 1960 par Hercules sous l’appellation R 200 (avec un moteur Sachs). Il sera également construit sous licence en Grande-Bretagne et vendu sous le label Prior Viscount. Imposant, ce TWN Contessa animé par un moteur maison à double piston de 200 cm3 se distingue de l’école allemande par des formes moins massives. Le designer a réussi à conserver la taille requise tout en allégeant ses lignes : coque bicolore, double galbe de la partie et ouïes d’aération sur la coque arrière, coiffée de deux selles en mousse. Côté technique, le Contessa est aussi plus « raisonnable » et classique que les précédentes études, mais tout aussi étudié dans les moindres détails. Le tablier qui supporte le réservoir de 11 litres et deux batteries est en fonderie d’alliage léger et les marche-pied sont en tôle d’alu polie, mais la coque arrière et les garde-boue sont en acier. Le cadre est constitué d’un seul gros tube dédoublé devant le moteur et la suspension avant est à roue poussée tandis que l’arrière adopte un groupe moteur-transmission oscillant, comme sur tous nos scooters modernes, avec un amortisseur hydraulique. Les roues ne sont que de 10 pouces. Déjà utilisé sur d’autres productions TWN, le moteur à double-piston est accouplé à une boîte à quatre vitesses commandées par sélecteur au pied et possède un démarrage électrique par dynastart, encore exceptionnel à l’époque. Avec une honnête puissance de 9 ch à 5 000 tr/min, mais quand même 150 kg en ordre de marche, le Contessa frise les 100 km/h.

 

Grand classique des scooters allemands et plus grosse cylindrée commercialisée dans ce domaine, le Contessa sera produit par TWN de 1954 à 1959.

1953 : Victoria 200 Peggy

Une nouvelle marque rentre au palmarès de Lepoix en 1953, Victoria, pour qui le designer dessine la 200 cm3 Peggy, un scooter à grandes roues aux lignes plutôt torturées, mais d’une parfaite fonctionnalité. Animée par la même mécanique que la Victoria Swing, cette Peggy se signale avant tout par son extraordinaire transmission à commande électromagnétique de la boîte à quatre rapports actionnée par boutons à main gauche. Cette transmission futuriste tout comme le scooter léger Nicky furent développés pour Victoria par l’ingénieur Norbert Riedel, le père des Imme, à la technique et  Louis Louis Lepoix à la table à dessin. Je ne m’y attarde pas ici car un prochain article leur sera tout spécialement consacré.

La Victoria 200 cm3 Peggy en 1955.
Conçu par Norbert Riedel et dessiné par Louis Lepoix, le Nicky n'est guère concerné par ce chapitre consacré aux gros scooters et je vous en reparlerai dans un prochain article.

1954 Maicoletta

En 1954 Lepoix, devenu le grand spécialiste du scooter allemand (il va travailler pour 70 % des marques allemandes pendant dans cette première moitié des années 50) propose à Maico une évolution du gros scooter qu’il a réalisé chez Bastert pour remplacer l’énorme Maicomobil vieillissant. Le projet n’est pas retenu et le Maicomobil perdurera jusqu’en 1958 de concert avec un nouveau projet de Lepoix qui sera sa dernière réalisation commercialisée dans le domaine du gros scooter, le Maicoletta, produit de 1956 à 1961 en 175 et 250 cm3. Chez Maïco ce 250, bien qu’il soit la plus grosse cylindrée des scooters allemands, paraît presque fluet comparé au monumental Maicomobil. Classique et moderne, le Maicoletta reste sage dans sa technique comme dans son dessin avec pour principale originalité ses roues de grand diamètre (3,50 x 14″) et une maintenance facilitée par la longue coque arrière qui se dépose en ôtant un seul boulon.

 

Le Maïcoletta ici dans une rarissime version de 277 cm3 spéciale side (boîte spéciale et frein du side couplé avec l'arrière du scooter) produite à 5 unités en 1956 pour la Grande-Bretagne.

1954 : Horex Rebell

Je vous ai gardé le meilleur pour la fin : L’ultime étude de Louis Lepoix pour Horex et sans doute la plus visionnaire, le scooter Rebell 250 cm3 de 1954, véritable inspirateur du Yamaha 500 T-Max apparu 45 ans plus tard.

Cet extraordinaire scooter Horex est une vraie moto-scooter qu’on pourrait définir comme un T-Max monocylindre en avance d’un demi-siècle. J’avoue d’ailleurs sans honte avoir été fortement influencé par ce Rebell, lorsqu’en 1998 la petite équipe dont je faisais partie au sein de Yamaha Motor Europe a défini les grandes lignes du Yamaha T-Max. Élégant, compact, équilibré, le Rebell se veut à la pointe du progrès technique et cumule les innovations: moteur quatre-temps à cylindre horizontal et démarreur électrique, freins à tambour à commande hydraulique et somptueuses roues en alliage léger de 16 pouces équipées, c’est une première, de pneus sans chambre à air. Le style très aérodynamique n’est pas en reste avec un phare carré de grandes dimensions et une ligne de carrosserie très pure allégée par une peinture bicolore offrant un fort contraste. Le scooter Horex trahit une fois encore la constante recherche d’efficacité fonctionnelle et aérodynamique de Louis Lepoix, et ses grandes capacités d’innovation, mais il arrive trop tard dans une conjoncture de crise. Horex est en grande difficultés financières. Ni le scooter, ni la voiturette animée par le 400 cm3 bicylindre ne seront produits et la marque va se tourner vers les 50 cm3 avant de fermer définitivement ses portes en 1960.

Ils auront néanmoins participé au lancement de Louis Lepoix et sa société FTI à Baden-Baden, une structure dorénavant établie avec sept employés permanents et d’excellents contacts avec l’industrie, entre autres celle des deux roues. Son style va sans tarder s’exprimer en Allemagne dans la moto et principalement le scooter.

L’ère des gros scooters est finie pour un bon nombre d’années et FTI et Louis Lepoix vont, eux aussi passer aux scooters de petites cylindrées et aux motos, une autre aventure à suivre dans le prochains article.

Roues de 16 pouces en aluminium coulé, freins hydraulique et 250 cm3 à simple ACT. Le splendide Horex Rebell 250 cm3 annonce 18 ch, 120 km/h et 135 kg.
Horex : Le cadre monopoutre fait office de réservoir d'huile, le réservoir est sous la selle et les batteries derrière le phare comme sur le TWN... et le T-Max. Autres innovations majeures : les roues en alliage léger et des pneus sans chambre.
Il semble malheureusement que seuls les essayeurs de l'usine aient eu le privilège de rouler au guidon du splendide Horex Rebell.

Le prix du design

Comparer différents véhicules perd tout son sens si on ne tient pas compte de leur prix et les valeurs comparées de nos scooters en Allemagne expliquent bien des différences. Le luxueux le Bastert 175 cm3 à carrosserie aluminium valait 1 960 DM, très cher face aux 1 220 DM du Vespa type A de 1952-53 fabriqué sous licence par Hofmann, mais on en avait quand même largement pour son argent.

FTI Louis Lepoix : 50 ans de design industriel

Lepoix exercera son activité dans les domaines les plus divers jusqu’à sa disparition en 1998. Sa société Form und Technic créée en 1950 à Friedrichshafen, déménage à Baden-Baden en 1952 et devient FTI (Form Technic International) en 1956 avec l’ouverture d’un bureau à Neuilly transféré plus tard à Enghien. FTI ne cesse ensuite de s’étendre jusqu’en 1986, avec d’autres centres d’activité en Espagne, à Anvers, Zurich, Vienne, Copenhague, Lyon et Munich. On comprend dès lors le nombre considérable des études effectuées ! FTI n’aura malheureusement pas l’heur de plaire aux rares constructeurs français de deux-roues. Jeune journaliste à Moto Revue en 1973, je serais responsable de l’ultime travail en France de FTI pour la moto en commandant à Louis Lepoix pour le numéro spécial salon 1973 de ce magazine, deux dessins libres illustrant la moto du futur. Il nous proposera ainsi une version Sport-GT de route avec une roue avant orbitale (16 ans avant celle de Sbarro en 1989), un moteur rotatif (Lepoix a aussi travaillé pour Sachs pour les études de style de ce moteur), une suspension arrière monobras et une remorque à centre de gravité très bas. Le projet Tout Terrain est plus futuriste entre trail et Van-Van avec de grosses roues, un cadre coque en polyester armé.

Les dessins réalisés par Louis Lepoic-x pour le n° Spécial salon 1973 de Moto Revue. (Désolé pour la coupure de l'image !)
Au début des années 50, le scooter est avant tout une alternative économique à l’automobile. Moins cher qu’une voiture ne veut pas dire rustique et Louis Lepoix invente en Allemagne les scooters les plus sophistiqués de leur temps, en petit, avec les Walba et en grand, avec ses scooters GT qu’il baptise auto-scooter. Cela ne [...]

Louis Lepoix #3 : Walba : L’anti-Vespa

Italie 1946, Piaggio fait un chef-d’œuvre de marketing en inventant un petit scooter, rustique, facile à produire et économique. Quatre ans plus tard, en  Allemagne, Louis Lepoix crée pour Walba et dans le même gabarit, le scooter le plus sophistiqué, le plus complexe à fabriquer et le plus cher jamais réalisé. Lequel allez-vous préférer ?

Rappel des chapitres précédents. Nous y avons vu comment Louis Lepoix a débuté avec une BMW R12 entièrement carrossée par ses soins en 1947, puis ses réalisations pour Horex. Je reviendrai à cette marque pour parler de l’extraordinaire scooter Rebell de 1954, mais, chronologiquement, je me dois de commencer par les petits Walba nés en 1950 et les Faka qui leur succèdent.

Photos archives : FTI Louis Lepoix, Texte et photos couleurs : François-Marie Dumas

Louis Lepoix au guidon d'un des premiers protos de Walba qui, comme toutes ses réalisations, fait largement appel aux alliages légers. Le tablier avant ovoïde en fonderie de magnésium comporte deux nervures plongeantes qui disparaîtront pour la série. Monobras avant et transmission sont ici à droite.

La jeune firme Walba, établie à Reutlingen, débute dans le deux-roues motorisé en 1949 avec un bien curieux petit scooter proposé en 98 ou 120 cm3 pour, respectivement, 940 et 995 Deutsch Marks. Perfectionniste à l’excès, le directeur technique, Herr Doktor Balbaschewski, a voulu réaliser le plus sophistiqué des scooters allemands. Ce n’est pas tout à fait le cas de sa première réalisation et ce petit Motor Roller d’apparence plutôt rustique et sans suspension arrière ne doit sa forte personnalité qu’à sa fourche avant monobras très inspirée des trains d’atterrissage d’avion avec un seul élément télescopique au dessus de la roue et deux compas assurant le guidage. On retrouvera le même concept quarante ans plus tard sur la Gilera 125 CX de 1990. Qu’importe, « Herr Doktor B » découvre Louis Lepoix et lui signe son premier vrai contrat pour donner corps à tous ses rêves de grandeur.

Les Walba d'avant Lepoix.

L’habillage futuriste dessiné en 1950 par le designer est une vraie réussite, élégant, bien proportionné et parfaitement à la mode du temps avec son énorme entrée d’air en forme de turbine sous la selle. C’est en effet l’époque ou les premiers avions à réaction font rêver le monde et un bon nombre de motos comme quelques calandres de voitures seront fort inspirés par le style turbine. Le guidon est l’autre point fort du style de ce nouveau Walba. Cette pièce sublime (qui sera réservée pour la série aux versions  » de Luxe « ) n’est plus en tôle d’alu comme sur la BMW R12 de Lepoix, mais en fonderie d’alliage de magnésium. Elle englobe phare et guidon et se termine par des coques protège-menottes. La partie technique n’est pas en reste, loin de là. Toujours monobras, la fourche avant utilise cette fois deux éléments télescopiques disposés transversalement au-dessus de la roue (ce qui la dispense des compas de guidage toujours susceptibles de prendre du jeu) plus un amortisseur hydraulique logé dans la colonne de direction. Le cadre, tout aussi original, est un triple berceau tubulaire et il reçoit à l’arrière une suspension oscillante aussi révolutionnaire qu’élégante dont pourraient encore s’inspirer bien des scooters modernes. Un long bras oscillant en magnésium supporte le moteur en avant de son axe d’articulation. Sa partie arrière fait office de carter de chaîne étanche tandis que le prolongement de la branche avant actionne une biellette qui vient compresser un bloc caoutchouc associé à un ressort sur certaines versions. Inédit, encore, et première sur un scooter allemand, le freinage est confié sur les versions  » de Luxe  » à des tambours à commande hydraulique étudiés spécialement par ATE-Lockheed avec commande couplée au pied agissant sur les deux freins et une commande indépendante à main du frein avant. Pour rajouter encore au côté pratique des suspensions avant et arrière monobras, les roues fixées par un seul gros écrou papillon central sont interchangeables et leurs deux flasques maintenus par quelques boulons se séparent pour faciliter le changement de pneu.

Aux côtés de toutes ces innovations, le moteur JLO deux-temps de 125 ou 175 cm3 paraît bien classique (et il aura par ailleurs quelques problèmes de fiabilité). Il a cependant reçu une préparation bien spéciale avec un silencieux qui promet une efficacité jamais atteinte et un carburateur Amal spécial censé assurer une consommation inférieure à 2,5 l/100 km sur le 125. Dès 1950 Walba propose une gamme complète : Le très simplifié Kurier de 120 cm3, le Tourist de 125 cm3 et sa version le « De Luxe » et enfin le Commodore de 175 cm3. Seuls ces deux derniers bénéficient du carénage de guidon, des freins hydrauliques et de diverses autres gâteries : selle biplace, clignotants, feu-stop arrière, boîtier regroupant compteur, montre, témoins lumineux de rapport engagé et contacteur derrière le tablier. Ils sont respectivement annoncés pour 70 et 85 km/h . Tous ces modèles sont animés par des moteurs JLO avec boîte à 2 rapports commandée par poignée tournante sur le premier modèle Kurier et 3 rapports au pied sur les autres versions.

Le premier Walba dans la cour des ateliers de Friedrichshafen avec Louis Lepoix (à droite) et son artiste tôlier Sepp Kolger. Notez, le logo avant qui reprend la forme du guidon et les bras de suspension et la transmission du côté gauche.
Le proto de Lepoix proposait également un sigle et un logo en moustache basé sur le dessin du guidon.
Une bien belle pièce en alliage de magnésium et quand même bien épaisse.
Le salon de Francfort de 1951 exposait même un Walba attelé d'un side-car, également dû à Louis Lepoix, et luxueusement équipé avec même la radio.
Extrait du catalogue Walba 1951
Le prix du luxe
 
Walba 120                         1950-51      995 DM
Walba Kurier 120 K          1950-52    1295 DM
Walba Turist 125              1950-52   1480 DM
Walba De Luxe 125          1950-52   1660 DM
Walba Commodore 175   1952-53   1895 DM
Vespa Hoffmann A           1952-53   1220 DM
Vespa Hoffman 125          1954        1525 DM
 

Hélas, la mariée était trop chère, les étonnants Walba proposés en trois versions plus ou moins équipées de 1295 à 1895 DM sont de 6 à 56 % plus chers que la Vespa type A construite sous licence par Hoffmann et le modèle De Luxe est presque aussi onéreux que les gros scooters Bastert et Panther Karat (proposés à 1750 DM en 1951). Les beaux Walba seront commercialisés pendant à peine trois ans, de 1950 à 1953, où ces productions dispendieuses mettent la firme en graves difficultés financières qui la contraignent à mette la clé sous la porte.

La licence de construction et les machines-outils sont reprises par une autre jeune marque, Faka et déménagent vers le nord-est de l’Allemagne à Salzgitter-Bad . (J’avais pensé à titrer cet article  « Pastilles Walba, dragées Faka »… mais, bof !)

Sur ce Faka Tourist 150 cm3 de 1953 le guidon caréné a disparu, le monobras de la fourche avant n'est plus en magnésium, mais en fonte tout comme le beau tablier ovoïde désormais en tôle d'acier. Par contre, le coffre sous la selle et l'entourage de la turbine restent en fonderie d'alliage léger (mais très épais !) (Museo Scooter e Lambretta)

Faka simplifie la gamme et rogne sur les détails d’équipement, plus de guidon, ni de tablier avant en magnésium, ni de tableau de bord suréquipé, le monobras avant est en acier, etc. Il abandonne aussi le Kurier pour ne garder que les Tourist et Commodore en 150 et 175 puis 197 cm3 JLO. La partie avant de ce Commodore est totalement redessinée, le garde-boue avant tournant laisse place à un large garde-boue fixe dans le prolongement du tablier et les roues passent en 10 pouces. La version de 1954, annoncée pour 9,3 ch, est équipée d’un démarreur électrique et d’une alimentation en 12 V avec deux batteries accouplées et la plate-forme repose-pied est élargie. Enfin, reconnus à leur juste valeur, les Faka seront produits jusqu’en 1957 et exportés dans dix pays européens et six en-dehors de l’Europe.

 

 

Suspension avant monobras et triple berceau, ici sur un Faka 150 de 1953. Le gros tube noir contient des piles alimentant les feux de position et on aperçoit sous la turbine l'élément ressort et caoutchouc de l'amortisseur arrière (Collection Philip Olivier).
Grand Tourisme au programme avec cette version 1955 du Faka Commodore qui arbore une toute nouvelle partie avant plus à la mode d'alors.
Les Faka sont simplifiés, mais pas dénudés pour autant, comme on peut le voir sur ce Commodore de 1955.
Le bras oscillant-support-moteur-carter-de-chaine en magnésium est une pièce fort complexe de même que le monobras avant et pour tout arranger les Walba avaient des versions “monobras avant et arrière à gauche” ou les deux à droite. Faka tentera de standardiser avec (sauf exception due aux anciens stocks), les deux monobras à droite.
Dur dilemme pour un collectionneur... chausser en neuf ou garder cette rare relique !
Le support moteur-transmission est articulé en son centre et la partie avant s'appuie sur le ressort amortisseur.
Marque de fabrique des Walba et Faka, la calandre en turbine est aussi une obsession de Louis Lepoix qui a toujours été fasciné par l'aviation. Il dessine également une vraie turbine éolienne en 1951 (copie conforme du Walba !) et il reviendra à ces premières amours à la fin de sa vie en dessinant une large série d'éoliennes.
Italie 1946, Piaggio fait un chef-d'œuvre de marketing en inventant un petit scooter, rustique, facile à produire et économique. Quatre ans plus tard, en  Allemagne, Louis Lepoix crée pour Walba et dans le même gabarit, le scooter le plus sophistiqué, le plus complexe à fabriquer et le plus cher jamais réalisé. Lequel allez-vous préférer ? Rappel [...]

WFM Osa M-50 & 52: de vrais scooters tout terrain

Scooter et tout terrain, l’association semble a priori incongrue et dans l’histoire ce ne sont pas l’anecdotique participation d’un quarteron de Vespa au Paris-Dakar de 1994, ou quelques autres rallyes hors route et sur deux petites roues qui prouveront le contraire.

Il y eut pourtant un scooter qui dut toute sa publicité à ses vrais exploits et succès dans les plus difficiles des rallyes tout terrain : l’Osa polonais construit par WFM à Varsovie.

Original par ses formes rebondies, original par ses choix techniques et original par ses étonnantes possibilités en tout-terrain, le WFM Osa a marqué l’histoire (Osa = guêpe en polonais). Il est ici dans sa version M-50 de 1961.

Publicité pour un M50 de la dernière génération. Sur les M-52 qui suivront la grille d'aération sous le nez de selle sera encore plus large..
Les Osa M-52 ont été vendus en Inde avec quelques modifications comme la grande grille d'aération sous le nez de selle. La coque enlevée pour un réglage permet de détailler son moteur de moto basculé vers l'avant et refroidi par turbine. Notez le kick relié par une chaîne à l'axe d'entraînement en haut du carter de boîte.

Une longue description dans la fiche consacrée au WFM Osa M-50 de 150 cm3 vous a déjà tout dit sur ce très original scooter polonais et son évolution M-52 en 175 cm3. La conception hors du commun de ce scooter, lui confère de fait d’étonnantes possibilités en tout-terrain que WFM va exploiter au maximum pour sa publicité en engageant son Osa dans les plus grandes épreuves d’endurance dans ce domaine Pour mémoire, le secret de ces aptitudes de l’OSA peu communes chez les scooters sont en premier sa suspension avant à roue tirée à grand débattement, une sorte d’Earles inversée comme sur les FN série XIII ou la But d’Eric Offenstadt qui a récemment fait l’objet de deux articles sur ce blog. Il s’y rajoute la curieuse position du moteur type moto, qui a été tourné de 75° pour avoir le cylindre horizontal. Le résultat est un empattement très réduit qui favorise la maniabilité et un pignon de sortie moteur en hauteur, tout comme l’axe du bras oscillant qui permet une garde au sol de 160 mm. Sans oublier les roues de 14″ alors totalement inhabituelles. En bref, l’Osa est un vrai scoot-trail… 65 ans avant le Honda 750 X-ADV sorti en 2014. L’Osa était aussi, à son époque et en son pays, LE scooter chic et choc, ce qui lui valut d’être adopté dans tous les films par la maffia locale avec l’image qu’on peut supposer… un peu comme chez nous aujourd’hui le célèbre Yamaha 500 T-Max.

Photos publiées par Kube.

En juin 1959, l’équipe de l’usine, menée par le pilote chevronné Krzysztof Brun et huit Osa, participe au rallye en tout-terrain Star Skute à Ludwigsfelde, près de Berlin. Nos guêpes, ou bourdons plutôt vu leur embonpoint, y surpassent gaiement les motos CZ. Par la suite, les ventes de ces OSA polonaises seront d’ailleurs meilleures en Tchécoslovaquie et en Allemagne de l’Est qu’en Pologne.

Jòzef Rewerelli au Rallye des Tatras en 1960

La vraie carrière sportive des Osa commence en 1959 avec leur participation au rallye international des Tatras. Mirostaw Malec, y finit 7e face aux motos dans la catégorie 175 cm3.

La première grande victoire des Osa au rallye des Tartas et ses autres exploîts seront largement utilisé par la publicité.

Une autre épreuve est organisée en  1959 pour vanter la fiabilité de l’Osa qui se lance le 3 octobre pour tourner 24 heures à plein régime sur une piste d’essai à Varsovie. Le M-50, au guidon duquel se relaient deux pilotes, y couvre 1500 kilomètres dans les 24 heures, soit une moyenne de 62,5 km/h, une fois décomptés les 42 minutes qu’ont duré 14 arrêts pour changer une bougie, deux ampoules de phare et un câble d’accélérateur. La consommation n’a été que de 3,6 l/100 km.

Fort de leurs premiers succès de 1959, WFM prépare pour les épreuves de l’année suivante des OSA portés à 175 cm3 avec un refroidissement par air forcé du moteur, modifications qui seront plus tard reportées sur le M52) Ces Osa remportent un vif succès lors des Six Jours de la FIM en Autriche en septembre où la participation de scooters est autorisée pour la première fois. L’équipe d’usine de trois WFM franchit la ligne d’arrivée au complet et remporte une médaille d’or (M. Malec) et deux médailles d’argent. Les autres scooters en compétition (Lambretta et Heinkel) n’ont pas terminé l’épreuve.

Toujours en 1961, les Osa participent au Scottish 6 Days où Mirostaw Malec finit 6e de sa catégorie, puis à la Valle Bergamasche en Italie, l’équipe WFM-Osa se classe 4e des équipes d’usine. Lors de la course FIM des six jours à Vienne, Mirostaw Malec finit une nouvelle fois 6e dans sa catégorie. Les années 1962-1964 ont été marquées par d’autres succès sportifs des Osa, mais le plus grand est peut-être la victoire de Mirostaw MaIca en catégorie 175 cm3 et la victoire de la Coupe des Alpes lors du rallye autrichien des 3 jours de l’Alpenfahrt en juin 1962.

Les Osa 175 d'usine à l'étape aux ISDT de Valli Bergamasche en 1961.
Une paire d'Osa 150 M-50 devant la célèbre Sirène de Varsovie sur l'un des ponts qui franchissent le Vistule.
Cette autre vue du moteur sur un 175 M-52 montre bien l'agencement curieux de la mécanique qui a permis de raccourcir l'empattement et de ménager une notable garde au sol.

Les WFM Osa M-50 et M-52 n’auront pas de suite. Les prototypes étaient pourtant tout prêts à être produits.

Ce prototype de WFM Osa M-55 présenté en 1962 innovait avec une esthétique plus moderne et consensuelle. Le carénage de phare et les flancs arrière démontables de la coque (qui ne s'enlève plus d'un seul tenant) sont en polyester et les roues sont rayonnées.
Un autre prototype d'étude daté de 1965 qui montre que l'usine continua ses développements, même si elle n'obtint pas l'autorisation d'aller plus avant.
Scooter et tout terrain, l'association semble a priori incongrue et dans l'histoire ce ne sont pas l'anecdotique participation d'un quarteron de Vespa au Paris-Dakar de 1994, ou quelques autres rallyes hors route et sur deux petites roues qui prouveront le contraire. Il y eut pourtant un scooter qui dut toute sa publicité à ses vrais [...]

Les raids fous de Monneret

Jamais à court d’idées, et toujours prêt à payer de sa personne pour qu’on parle de lui, de la moto en général et surtout de celles qu’il commercialisait, Georges Monneret a organisé les raids les plus fous de l’immédiat après-guerre aux années soixante. Traverser la Manche en Vespa, aller chercher un bidon d’huile à Hassi-Messsaoud, ou aller de Dunkerque à Monaco en famille et en plein hiver sur un 50 cm3, etc. Jojo était un as du marketing, et un sacré bonhomme qui n’avait pas froid aux yeux.

1948 février : Paris-Alpes d’Huez en D45

Le premier exploit de notre champion dans l’après-guerre, nous ramène en février 1948 où Georges Monneret, bouillant quadragénaire accompagné de ses jumeaux Pierre et Jean âgés de 17 ans et dont c’est la première épreuve officielle, fait le pari de battre le train sur un Paris-Alpes d’Huez au guidon de la toute récente et déjà très populaire D 45 Motobécane qui est alors seul quatre-temps de grande série.

Coup de pub monstrueux, le départ du trio Monneret est donné à Paris le samedi 31 janvier à minuit pétant par le célébrissime boxeur Marcel Cerdan, grand ami de Georges. La foule est au rendez-vous, de même que toute la grande presse quotidienne qui va rendre compte de l’exploit. Il fait froid, il fait nuit, la pluie menace, et la caravane s’ébranle suivie par un camion d’assistance et trois voitures bondées pour les contrôleurs, les amis et les journalistes. Georges en tête et les deux petits dans son sillage, les 125 moulinent inlassablement frisant parfois les 65 km/h ! Lassant et épuisant, certes, mais après 13 h 44 dont une heure de perdue en trois arrêts ravitaillement à Saulieu, Lyon et Grenoble, les trois Monneret gagnent leur pari avec pour seul ennui, une ampoule de phare grillée. L’arrivée est fêtée en grande pompe le dimanche un peu avant 14 heures à Alpes d’Huez qui est alors le rendez-vous d’hiver de tout le gotha parisien avec des champions sportifs de toutes disciplines dont Chevalier, Franconi pour la moto et même le très jeune Burgraff qui apparaît sur les photos.

Cette réussite va sans nul doute accroître encore la liste d’attente pour une D 45 car jusqu’en 1949, il faut toujours un bon d’achat pour acquérir une 125 et la liste est longue. On a du mal aujourd’hui à apprécier la portée d’un tel événement, mais il touche alors le rêve le plus intense de tous : voyager librement et à bas prix.  Le train est battu à plate couture, en temps et, surtout, en budget. En train puis en car, il faut en effet 15 h 30, soit deux heures de plus sur le même trajet. 

Nos trois D 45, elles, n’ont mis que 13 h 44 pour couvrir les 670 km à 48,73 km/h de moyenne et surtout elles n’ont consommé chacune que 16 litres du précieux carburant qu’on a encore bien du mal se procurer en 1948 (à 90 F/l soit env. 3,5 € alors qu’un ouvrier spécialisé gagne 100 F (3,6 €/h de l’heure). Cela donne 2,58 litres aux 100 km et 432 F (env. 16 €) d’essence, un prix dérisoire comparé au train qui, à 2,25 F/km en troisième classe début 1948, aurait coûté 1 507 F (env. 54 €) pour 670 km. 3,5 fois plus ! Oublions le car pour monter en station et les péages, mais en faisant le même calcul aujourd’hui, une 125 qui aurait miraculeusement la même consommation brûlerait 24 € de carburant pour 670 km alors le train + car pour l’Alpe d’Huez prend actuellement environ 3 h 40 et coûte de 22 à 80 € !

Le blog a déjà consacré ICI un article complet avec toutes les photos de cette équipée.

1950 : 21 au 27 mars les 6 jours des Monneret à vélomoteur

Quelques tours de Paris en vélomoteur à moteur Vélorêve fabriqué par Cicca  : 3088 km à 21,4 km/h de moyenne pendant 144 h avec un changement de pilote toutes les 8 heures.

Georges Monneret et ses deux fils Pierre (à droite) et Jean.

1952 : Paris-Alpes d’Huez en Vespa

Georges Monneret aime décidément bien Alpes d’Huez et, comme son premier raid de 1948 en D 45 Motobécane lui a rapporté une belle publicité, il remet ça le 26 février 1952 avec cette fois un Vespa ACMA 125 et la chanteuse de jazz Jenny Miller en tand sad.  Départ de Paris à minuit le 26 février 1952. Ils bravent évidemment tous les ennuis de saison, pluie, neige, verglas et brouillards, mais ils arrivent, frais, faute d’être dispos, à l’Alpe d’Huez à 12 heures le lendemain, soit 621 km à 51,53 km/h de moyenne, ravitaillements compris. Avec une consommation de 3 l/100 km le trajet a coûté cinq fois moins que le train et a pris moins de temps.

Monneret et Moto Revue ayant des liens étroits, le magazine publie un reportage et une publicité en pleine page.

1952 octobre : traversée de la Manche en Vespa

Sept mois plus tard et toujours en Vespa, Georges Monneret fait encore très fort en décidant de relier Paris à Londres, y compris la traversée de la Manche (Calais – Douvres), en attachant sa vespa sur une coque de type catamaran.

Départ le 8 octobre 1952 une nouvelle fois à minuit depuis la place de la Concorde à Paris. Il rallie Calais en 4 h 55 où sa Vespa est arrimée sur une plate-forme supportée par deux flotteurs. La roue avant fait office de gouvernail et la roue arrière actionne un rouleau qui entraîne une hélice à trois pales. Un réservoir supplémentaire de dix litres est également installé sous la selle arrière du Vespa. Calais n’est qu’à 32 km de Douvres, malheureusement « les éléments » ne sont pas de son côté, la mer est agitée ! Un des journalistes sur le bateau suiveur me racontait qu’ils avaient tous passé la traversée à… nourrir les poissons ! Monneret, lui ne décroche pas, à fond de seconde jusqu’à ce qu’une clavette sur la transmission cède à mi-parcours. La réparation est évidemment impossible sur place, et il retourne vers la France en remorque.

Pas question d’abandonner, Georges est têtu et il repart le lendemain à 8 heures. Pas d’ennuis cette fois et Douvres est rallié en 5 h 30

On peut revivre l'exploit sur un film de la BBC dans l'émission Men on the Move.

Janvier 1953 : Lisbonne-Paris-Montecarlo en René Gillet 250

Lisbonne – Paris – Clermont-Ferrand – Monte-Carlo, Une bien belle pub pour la nouvelle René Gillet 250 cm3 deux temps dont Georges Monneret vend une version rebadgée « Spéciale Monneret » dans ses magasins. Malheureusement si l’exploit est réussi, les ventes ne s’envoleront pas pour autant.

Le trajet Paris-Lisbonne se fait sur une remorque, et le départ est donné depuis la capitale portugaise. Dûment contrôlés par les commissaires de la FFM, Georges Monneret et son fils Pierre, qui se relaient, vont parcourir 3356 km en 65 h 39 minutes soit à 51 km/h de moyenne et en une seule étape avec pour seuls ennuis 4 quatre changements de bougie et un décalaminage.

Nous sommes fin janvier, il va pleuvoir, neiger, ils auront du brouillard à couper au couteau, du verglas et même un moins 17 °C à Burgos. Georges Monneret en profite pour tester et promouvoir la combinaison étanche que vendent ses magasins ! Rien ne se perd.  En voyant sur photos leurs têtes boursouflées par le froid et leurs mains qu’il tiennent en l’air en grimaçant lorsqu’ils arrivent à un relais, ces 3356 kilomètres n’ont pas dû être une partie de plaisir.  De Lisbonne à Hendaye en passant par Bajadoz, Merida, Maqueda, Madrid, Burgos -17° !), et Saint-Sébastien, Hendaye, Pïerre a couvert 1120 km à 55 km/h de moyenne arrêts compris. Georges prend la suite : Saint-Jean-de-Luz, Bayonne, Belin, Talence, Bordeaux, Angoulême, Poitiers, Tours, Paris, Reims puis retour vers Paris. Pierre reprend le relais vers Fontainebleau, Saint-Flour sous la neige et Valence.  Georges finira ce grand tour par Gap, Sisteron, Digne, Grasse et Monte-Carlo.

1959 27 avril / 2 mai : Raid du Pétrole, Paris – Hassi-Messaoud

En 1959, les compagnies pétrolières alors au summum de leur puissance décident de réduire leur production, ce qui fait inévitablement monter les prix à la pompe. Georges Monneret se dit illico qu’il y a là une bonne occasion pour promouvoir la vente des Vespa qui remplissent ses trois magasins. Il quitte donc Paris le 27 avril 1959 en Vespa ACMA 150 cm3 pour rallier les puits de pétrole d’Hassi-Messaoud dans le Sud algérien. Ce pari, insensé en pleine guerre d’Algérie, est pourtant tenu et cinq jours plus tard, le 2 mai 1959, notre Jojo national revient avec un bidon du précieux or noir.

Mai/juin 1962, Dunkerque – Hazebrouck – Monaco en 50 cm3 Vap et en famille

Georges Monneret fait volontiers participer ses proches à ses exploits, on l’a vu précédemment avec ses fils Pierre et Jean et il fait mieux encore en mai-juin 1962 avec ce raid en 50 cm3 avec son épouse Dominique en tand sad et son dernier fils de 4 ans, Philippe, derrière, dans une petite remorque monoroue. Le 50 cm3 est le très beau Vap « Spécial Monneret » dans sa version vélomoteur à 4 vitesses par sélecteur, sans pédales, ni bridage à 50 km/h (contrairement à ce qui sera annoncé sur les publicités vantant l’expérience avec le Special Monneret à pédales et 3 vitesses !). Départ donné à Dunkerque, passage une cinquantaine de kilomètres plus loin à l’usine VAP d’Hazebrouck puis direction Monaco soit 1500 km que Monneret promet de couvrir avec un budget d’essence de 30 F (environ 50 €) . Le parcours est effectué en quatre jours dans des conditions climatiques épouvantables jusqu’à l’arrivée vers la Côte d’Azur. Dominique (qui sera plus tard l’épouse de Jack Findlay) tombe malade et est remplacée pendant une partie du trajet par Denise Rey, la femme de Christian Rey alors rédacteur en chef d’alors de Moto Revue. Elle remontera en selle pour l’étape finale. Philippe Monneret dans la remorque respire allègrement les fumées du 2 temps, ce qui ne le détournera pas de la moto, bien au contraire. Paris teni : le Vap Spécial Monneret avec son équipage finit avec une note d’essence 38,50 F soit 63 € pour 2,5 personnes sur 1500 km. Un record d’économie impossible à battre aujourd’hui.

Jamais à court d'idées, et toujours prêt à payer de sa personne pour qu'on parle de lui, de la moto en général et surtout de celles qu'il commercialisait, Georges Monneret a organisé les raids les plus fous de l'immédiat après-guerre aux années soixante. Traverser la Manche en Vespa, aller chercher un bidon d'huile à Hassi-Messsaoud, [...]

Salon du 2 roues à Lyon #1: le centenaire de Motobécane

Formidable ! Année après année le salon du 2 roues à Lyon s’affirme comme un évènement incontournable tant pour la moto moderne que pour les anciennes qui nous occupent ici et qui étaient très largement représentées par plus d’un millier de machines. À tout seigneur, tout honneur, l’expo vedette était cette année consacrée au centenaire de Motobécane qui, sans mollir, avait apporté (pour être bien sûr d’en avoir cent) 114 machines représentatives de l’histoire de la marque. Revue de détail au pas de course et à très bientôt pour la découverte des autres anciennes au salon.

Les liens en bleu renvoient aux fiches descriptives et un clic sur les photos les agrandit.

Les avant-guerre

Celles par qui tout a commencé, les 175 MB1 de 1923 en version homme et dame ou ecclésiastique.

Motobécane monte en cylindrée avec cette 250 type E de 1926 à transmission secondaire par chaîne et boîte 3 vitesses Albion.

Cette 308 F4 de 1928 inaugure le réservoir en selle avec le sublime décor « tortue » style art déco. Il est dû à Géo Ham qui restera jusque dans l’immédiat après guerre le styliste attitré de Motobécane et sans doute le premier designer au sens actuel du terme car, très vite, il sera en charge, dès la conception d’un modèle, de la création des formes englobant la mécanique.

Premier quatre temps en 1929 avec cette 250 M2 à moteur JAP et soupapes latérales.

Motobécane monte en gamme, et cette fois encore avec un moteur britannique, un Blackburne à soupapes culbutées qui équipe cette 500 H2 de 1929. Il est surmonté, comme la 250, par le fameux réservoir « tortue ».

Motobécane offrira dans les années trente des 350 et 500 cm3, à deux ou quatre soupapes par cylindre qui se comptent parmi les plus belles motos françaises de notre histoire.

En vedette, cette 500 S5C Grand Sport à quatre soupapes de 1934 qui osa ce beau jaune éclatant avec le décor « flames » de Géo Ham.

Bien qu’elles n’aient pas été suivies d’une réelle commercialisation, Motobécane se fait aussi remarquer par de formidables quatre cylindres en long à transmission par arbre. La première, la 500 B5 à soupapes latérales apparait en 1929 et la firme de Pantin présente en 1930 cette 750 à arbre à cames en tête baptisée B7 chez Motobécane et T7 sous label Motoconfort.

Motobécane lance son premier « compé-client » en 1934 avec cette prestigieuse moto de compétition la 500 B5 C Grand Sport (ici T5 en Motoconfort) à culasse à 4 soupapes et piston haute compression capable d’un bon 130 km/h. Elle remporta une médaille d’or aux Six Jours en 1931 pilotée par Lovenfosse et fut victorieuse au Bol d’or 1932.

L’entre-deux

La lignée des 350 et 500 Superculasse d’avant-guerre (basée sur le bloc S avec des soupapes totalement enfermées dans un très volumineux haut moteur) se perpétue de 1948 à 50 avec la Superculasse R46C 350 monotube. On aperçoit derrière elle, une version en 500 cm3 à double échappement et cadre modifié prévue pour équiper l’administration qui finalement n’en voulut point.

Après avoir développé la 350 V4C en 1947, animée par un moteur bicylindre en V à 60° qui resta un prototype, Eric Jaulmes et Ernst Drucker, les responsables techniques de la marque, créent cette 350 L4C à cylindres parallèles beaucoup plus économique à réaliser avec son bloc cylindre et sa culasse unique. Elle est produite de 1953 à 1960.

A droite la Z24C de 1955, la 175 la plus économique de la gamme, et, à droite la Z2C de 1954 avec son beau réservoir chromé.

Le grand tourisme à la française dans les années 50, c’était cette Motobécane 125 Z56C Mobyclub de 1956.

En renforçant un peu sa mécanique et en dotant ses modèles d’un bel habillage sport avec réservoir Mottaz et bulle de phare, Motobécane s’attaqua à faible frais à la moto sportive avec ses 125 et 175 ZS sans toutefois concurrencer la Morini qui l’inspira, ni même les Terrot 125 Tenor et 175 Super Ténor et Rallye sorties un an plus tard.

Motobécane a raté son entrée dans le monde du scooter en 1953 avec le Mobyscoot 125 SC (au fond sur la photo) à moteur 4 temps victime de graves problèmes techniques. La marque s’est bien rattrapée ensuite avec la gamme des scooters Moby à moteur deux temps. Ici en tête de gondole, le 125 SBS « Mobyscooter » Montagne de 1957.

Dans les années 50, la direction de Motobécane était systématiquement contre la compétition. Grace à la passion de certains membres du personnel et de Christian Christophe, éternel consultant de la marque, on vit toutefois nombre de 125/175 modifiées courir dans la discipline, alors nouvelle, du trial. La 125 présentée, qui a participé à différentes compétitions de trial dans la région parisienne, a été conçue par Christian Christophe avec des pièces de récupération, moteur du scooter SB et fourche télescopique suspendue à l’aide d’anneaux Neiman.

Les Mobylettes

Avant la Mobylette, Motobécane n’était qu’une des grandes marques de motos françaises. Grace à cette Mobylette, elle va devenir, et pour longtemps, le plus grand producteur mondial de deux roues motorisés. L’histoire débute en 1949 avec la version AV3 présentée au salon 1949 qui ne diffère du modèle photographié que par son phare profilé courant sur le garde-boue avant.

Avec la Mobylette AV43 présentée en 1959, dix ans après la première Mobylette, Motobécane abandonne le cadre en tubes pour un cadre fin en tôle emboutie.

« La Bleue », celle qui deviendra l’archétype des Mobylette avec son cadre coque-réservoir de 5 litres en tôle emboutie est présentée au salon d’octobre 1956 et développée au cours de l’année suivante avec les AV 78 (suspension arrière coulissante et variateur), 79 (sans suspension, avec variateur), 75 (avec suspension sans vario) et la AV 76 ici photographiée, sans variateur ni suspension arrière. Pour la petite histoire, j’ai fait mes premières armes sur la même.

L’histoire de la Mobylette débute avec une noire, explose avec les « Bleues » puis termine en beauté avec cette AV89 de 1960, la GT des Mob avec sa fourche Earles (bientôt remplacée par une télescopique), un double variateur et une chaîne enclose.

Bon, celle ci n’est pas de série, et la photo n’est pas prise sur l’expo Motobécane, mais elle prouve, oh combien, que la « Bleue » fait toujours rêver et plus encore avec deux cylindres supplémentaires greffés par de sacrés bricoleurs chez Stokey.

Les Mobylette, ce sont aussi les « Spéciales » et la première du nom qui fait rêver tous les collectionneurs, est cette SP de 1960, une beauté !

La spéciale présentée en 1962 est moins aguichante, mais fort novatrice. Cette rarissime Spéciale route (SPR) est en effet l’un des premiers deux roues au monde à adopter un allumage électronique dû à Novi, filiale de Motobécane.

Une petite dernière pour la route… euh, non, pour le tout terrain, avec la Spéciale TT de 1966 à simple variateur et 2 chaînes en attendant la 94 TT de 1968 à double variateur et chaîne unique. Elle sera suivie, en 1978 par la 95 TT équipée du moteur à contre piston.

J’ai éclaté de rire en redécouvrant ce modèle de pré-série de la 51 qui servit aux essais presse en 1978 … et je le prouve, au guidon de cette même machine dans les rues de Pantin lors de cette excitante présentation !

On reste dans le vert avec cet étonnant prototype de 1981 remis en état par Marc Descours, un Mobyx X7 équipé d’une injection électronique et d’un graissage séparé. Un équipement sans doute encore trop fragile, trop cher et surtout trop complexe à entretenir par le réseau mais quel dommage que Motobécane ait raté ce virage technologique qui l’eut mis à égalité face aux Japonais.

La Mobylette qui commença sa longue carrière dans l’utilitaire, la termina sur les circuits avec des Mobs poussées dans leurs derniers retranchements comme cette 51 CF de 2005.

Non, ce n’est pas une Mobylette et aussi incongru que cela puisse paraître sur ce site, il s’agit bien d’une automobile. Motobécane, bien conscient que le 50 cm3 utilitaire finissait son âge d’or, travailla sur une voiturette à moteur deux temps puis sur cette KM2V, beaucoup plus aboutie, animée par un quatre cylindres quatre temps maison de 300 cm3 à simple ACT disposé transversalement. Le projet, m’expliquait le directeur technique de Motobécane, Eric Jaulme, fut « tué » par les grandes marques automobiles qui menacèrent leurs équipementiers de rompre leurs contrats si elles fournissaient Motobécane. Cette version de 1965 récemment restaurée est exposée au musée de Saint-Quentin.

Retour aux motos

Alleluia ! En octobre 1969 Motobécane annonce son retour à la moto avec la 125 DC bicylindre deux temps (au premier plan), doublée en 1970 par la version L dotée d’une batterie dans un coffre sous le filtre à air (derrière) puis la LT 1 et la LT2 en 73 (au fond) avec une culasse anguleuse et le graissage séparé en plus pour la LT2.

En 1975 apparaît cette 125 LT3 à l’esthétique totalement revue et frein avant à disque qui sera vendue jusqu’en 1980 et même proposée à l’armée… sans suite. Cette année là, à Moto Journal, où j’étais chef des essais, la LT3 s’est révélée la plus rapide face aux Yamaha et Suzuki… mais à condition toutefois de ne rater aucune vitesse !

En 1972, enfin, Motobécane se laisse convaincre et revient sur les circuits avec cette 125 S à cadre RAI préparée par Charles Marandet. En 1976, l’usine construira 500 unités d’une 125 LT3  spécialement préparée pour la coupe Motobécane-Moto Revue (au second plan).

Motobécane travaille en 1975 sur un monocylindre prototype destiné à tester l’injection pour la 350 dont il emprunte l’un des cylindres, ce qui en fait un 118 cm3. Cette moto sera proposée à l’armée qui une fois encore ne sera pas séduite. Ce prototype a été remis en état ces dernières années par Marc Descours.

Alors que les premières 350 tricylindres ont été livrées au début de 1973, Eric Jaulmes, passionné par l’électronique et les nouvelles technologies, travaille déjà sur l’injection dans les ateliers de Pantin et la 350 injection que j’ai eu le privilège d’essayer est présentée au salon de Paris d’octobre 1973 suivie en 1974 d’une 500 Injection qui n’était qu’une maquette non opérationnelle.

Evidemment, une 350 cm3 française ne pouvait que donner des envies de préparation pour la course. Une première mouture destinée aux Grand Prix  est concoctée par Eric Offenstadt avec un cadre coque en 1974, suivie par cette version dans un cadre plus conventionnel développée par Bernard Fargue et Marcel Garcia. L’usine préférant se concentrer sur les 125, elle ne participera à aucune course.

Autre bel essai, lui aussi resté sans suite, cette 350 construite par Yves Kerlo et Jean-Pierre Camino pour le Paris-Abidjan-Nice en 1976 qui abandonnera au début de la première étape à la suite, semble-t-il, d’une organisation… fantaisiste.

… et à très vite pour la suite en images de la visite de ce salon du 2 roues.

FMD

Formidable ! Année après année le salon du 2 roues à Lyon s'affirme comme un évènement incontournable tant pour la moto moderne que pour les anciennes qui nous occupent ici et qui étaient très largement représentées par plus d'un millier de machines. À tout seigneur, tout honneur, l'expo vedette était cette année consacrée au centenaire [...]