Les motos à transmission par arbre en Europe

Après une énumération quasi exhaustive des motos françaises à transmission par arbre, il était logique de comparer avec les autres pays d’Europe, sans toutefois autant entrer dans les détails et, vous serez sans doute surpris, le pays où l’arbre fut le plus à l’honneur est… l’Italie

Avant d’entamer ce large tour d’horizon, je vous suggère aussi de refaire un tour sur l’article précédent dédié aux Françaises qui s’est complété (MGC, Ratier…), et enrichi avec des commentaires illustrés de photos des Favor, Guiller, et autres.

Toutes les motos citées, à une ou deux exception près, ont déjà fait l’objet de fiches descriptives ou d’articles dans le blog et les liens en bleu vous y mènent direct ! Cliquez sur les petites photos pour les agrandir.

Cette 500 Grand Prix à quatre cylindres en ligne de 1952. est incontestablement la plus rare des Moto Guzzi à transmission par arbre.

Allemagne

L’Allemagne, comme l’Italie semble avoir ignoré les vis sans fin et toutes les transmissions par arbre que nous y verrons sont associées à un couple conique. La transmission par arbre y est inaugurée par Dürkopp de 1903 à 1906 sur une quatre cylindres en ligne, première du genre, antérieure aux FN et Antoine et contemporaine de nos Moto-Cardan nationales. Apparaît ensuite la Krieger Gnadig en 1919 avec un vilebrequin dans l’axe de la moto. Le grand chantre de cette technique est évidemment BMW à partir de 1923. D’autres petits adeptes de l’acatène naîssent en 1928 avec la Windhoff 4 cylindres refroidie par huile, puis en 1931 avec la monocylindre 200 cm3 Stock. L’autre grand nom de l’arbre teuton est Zündapp à partir de 1933 avec nombre de modèles pas acatènes pour autant puisqu’ils restent néanmoins à chaînes pour leurs boîtes de vitesses. Leu créateur, l’ingénieur Küchen, passé chez Victoria y crée les Bergmeister 350 en 1953 puis, chez Hoffmann, la 300 Gouverneur en 1954. On n’oubliera pas les représentantes de l’arbre dans l’ex RDA, les AWO – Simson 250 mono quatre temps et IFA-MZ 350 flat twin deux temps.

BMW 500 R32 de présérie en 1923.
L' AWO- Simson 250 de 1951, la BMW de l'est en version course.
200 KK de 1935 : la 1ere Zündapp à arbre, mais pas acatène, car sa boîte est à chaîne !
L'Allright Krieger Gnadig course Rennwolf en 1921.
Toujours à l'est, l'IFA-MZ 350 flat twin 2 temps de 1956.
Après le mono 2 temps Zündapp produit cette K 500, des 750 flat twin et une K800 quatre cylindres à plat.
Ce n'est pas tous les jours qu'on tient deux Windhoff par la main, à gauche la 750 bicylindre de 1928 et à droite un prototype en 1000 cm3 de 1931.

Belgique

La Belgique suit de près nos Ader et Moto-Cardan nationales et pionnières de 1903, dont la production reste anecdotique, et la Dürkopp allemande de la même année, car, contrairement à ce qu’on lit souvent, Antoine à Liège et FN à Herstal qui présentent leurs quatre cylindres en ligne à transmission par arbre en 1904, arrivent près d’un an après la quatre pattes allemande. Antoine disparaît en 1910 tandis que FN, la Fabrique Nationale d’armes d’Herstal, reste fidèle à cette disposition jusqu’en 1919 en produisant également des monocylindres à transmission par arbre à partir de 1910. On oubliera pas non plus les montres belges de la dernière guerre, FN 1000 M12 et Saroléa 1000 toutes deux à roue du side entraînée par une arbre transversal débrayable, et enfin le curieux prototype FN M18 à quatre cylindres superposés de 1950. Pour tous le couple conique est de rigueur.

L'Antoine 1000 quatre cylindres de 1904 conservée au musée national de Compiègne. Il en manque des bouts, mais elle est unique !
Antoine ou FN ? quelle fut la première ? Cette FN 362 cm3 est en tout cas de 1905.
La Saroléa 1000 de 1938-39 avec, au-dessus, le schéma de sa transmission intégrale, et la FN 1000 M12 de 1937 qui fut le premier attelage à roue tractée débrayable.
Toutes les marques ont un jour concocté un projet farfelu et FN ne fit pas exception à la règle avec cette 500 M18 constituée de deux bicylindres à plat superposés et avec des suspensions avant et arrière sur anneaux Neiman.

Grande-Bretagne

C’est un trois roues, le Garrard de 1904, qui inaugure le premier arbre avec une vis sans fin. Il est suivi en moto par trois quatre cylindres en ligne, une éphémère Dennel à moteur Franklin & Isaacson avec arbre et vis sans fin en 1906, puis les Wilkinson TAC en 1909 à vis sans fin alors que la version suivante TMC de 1912 adopte un couple conique. En 1912 encore, arrive la Stuart Turner bicylindre en long. Le révolutionnaire scooter Unibus avec une vis sans fin apparaît en 1920, la 1000 Vauxhall quatre cylindres en 1921, la quatre cylindres Low en 1922. La liste est encore longue avant-guerre, mais essentiellement avec des prototypes, des productions confidentielles comme la Berwick 250 et 350 à moteur Villiers et transmission par arbre et vis sans fin présentées au salon de Londres 1929 en même temps que l’Alcyon 500 Blocvis, … ou des échec commerciaux comme les Brough Superior Straight Four par arbre et couple conique et la Brough Superior Golden Dream en 1938 par arbre et vis sans fin. D’autres projets restent bêtement à transmission finale par chaîne alors qu’ils ont un vilebrequin dans l’axe de la moto qui prédispose normalement à une transmission finale par arbre. C’est le cas des Brough Superior 900 à moteur MAG quatre cylindres en ligne de 1928, de la Brough sluperior 990 V twin face à la route de 1937 ou l’ AJS 500 V twin face à la route en 1931. Les Velocette 500 bicylindres en ligne de 1939, type O de route et Roarer de course à compresseur, ont des arbres et couples coniques comme, plus tard, les flat twin quatre temps 200 LE de 1949, 200 Valiant de 1956, puis 200 Vogue en 1963. Velocette commet aussi le Viceroy en 1962, qui complique le genre avec un arbre entre le moteur flat twin deux temps à l’avant et la boîte de vitesses accolée à la roue arrière. Revenons à l’après-guerre avec les Wooler 500 Four WLF en 1948 puis WFF1 en 1953, shadoks, mais à couple conique ; puis, en 1950, les Sunbeam 500 S7 et S8, incompréhensibles derniers adeptes de la vis sans fin (les pauvres avaient déjà si peu de vigueur !).

1932 : George Brough invente la Straight Four à moteur Austin de 800 cm3 et deux roues arrière jumelées avec une transmission par arbre au milieu.
Le révolutionnaire scooter Unibus de 1921.
Tentative avortée en 1929 avec cette Berwick VC à moteur Villiers 250 cm3 et pont à vis.
Sunbeam 500 S7 de 1950 : la mauvaise idée de faire une moto molle quand le public voulait du sport !
Ecorché de la Velocette 200 LE de 1949 dont le flat twin à refroidissement liquide et soupapes latérales sera repris par la Vogue en 1963.
Délire d'ingénieur en 1962 chez Velocette avec le scooter Viceroy à moteur avant et boîte arrière comme sur quelques Alfa Roméo.
Mais oui, Velocette fut l'un des plus ardents partisans de l'arbre outre-Manche et même du bloc moteur comme en témoigne ce type O, bicylindre face à la route tué par la guerre en 1939.
Retour vers le passé avec la Wilkinson TAC de 1909 à arbre et vis sans fin.
Un vilebrequin de mono et quatre cylindres, c'est le prodige réalisé par Wooler sur cette WLF 500 de 1948.
Ultime essai de quatre cylindres pour Brough Superior en 1938 avec la Golden dream, un rêve doré qui tournera au cauchemar.
Vauxhall, dont la première auto en 1903 avait une transmission par chaîne, s'essaya à la moto en 1921 avec une transmission par arbre, mais elle ne fut jamais commercialisée.(archives D.Ganneau)
Sur la base mécanique de la LE, Velocette réalisa en 1956 cette 200 Valiant à soupapes culbutées.
Le DMW 250 Beemster de 1963, dont apparemment seule la police voulut, reprend toute la mécanique du Velocette Viceroy : flat twin 2 temps avant, arbre de transmission et boîte arrière.
Pour soutenir les ventes de la type 0, Velocette comptait sur les succès de cette 500 Roarer à compresseur et à arbre itou.Mais nous sommes alors en 1939, hélas !
Sauf erreur de ma part, la Wilkinson 850 TMC de 1912 est passée au couple conique.
Comparée au quatre cylindres de 1948, cette Wooler flat four de 1954 est d'un clacissisme absolu.

Italie

La forêt des arbres en Italie est plus dense qu’on pourrait le croire, mais avec beaucoup de petites marques voire de l’artisanat. Et pas de vis sans fin, les Italiens ne jurent que par les couples coniques. Tout commence en beauté avec la 1000 Garabello quatre cylindres à transmission par arbre  produite à Alba puis à Turin de 1922 à 1927. La suite est tout aussi belle avec les Ollearo 175 de 1930, 500 Perla de 1939 et 250 course de 1947. Inattendu dans cette liste Gilera arrive en 1941 avec sa 500 Marte à transmission par arbre et couple conique qui offre, en prime, un arbre débrayable vers la roue du side-car. Passons sur le proto Aspi 125 arborisé en 1947, pour suivre avec…  Lambretta-Innocenti qui, du scooter type A de 1947 et B de 48 au 125 LD jusqu’en 1959 en passant par les motos de course 125 de 1949 et 250 V-twin de 1951 opta pour l’arbre et le couple conique avant de n’utiliser que des engrenages. Autre grande marque portée sur l’arbre, MV Agusta avec une 500 routière quatre cylindres confidentielle en 1950-52 et sa version course en 52-53. En 1966 apparaît la MV Agusta 600 quattro suivie par les 750 Sport et GT America dans les années 70. C’est toutefois aux petits constructeurs que nous devons les prototypes les plus extraordinaires : la Major de 1947-48 avec une technique et une carrosserie délirantes, l’automotoscooter Carniti de 1953 à deux arbres, un de chaque côté de la roue flasquée, qu’ils entraînent par galets caoutchouc et, pour finir, la Linto Dama de Lino Tonti avec un moteur « flat one » monocylindre horizontal et transversal. L’ingénieur Pietro Vassena réalise les Carniti 150 flat twin et 175 monocylindres deux temps en 53 et 55.  A Naples ,en 1956, est commercialisée, l’IMN, unsuperbe flat twin 4 temps de 200 cm3 tandis qu’à Milan, SIM crée le moteur 125 cm3 à transmission acatène du scooter Ariete (aussi distribué en France par Guiller, mais avec un moteur AMC).  Tout cela est bien intéressant, mais LE spécialiste de la transmission par arbre, cardans et couples coniques en Italie, c’est Moto Guzzi à partir de 1967 où il présente la V7 avec une architecture qui continue d’évoluer aujourd’hui. La seule autre tentative d’arbre dans l’Italie moderne viendra de Laverda avec la 1000 V6 du Bol d’Or en 1978 qui, justement, sera éliminée par quelques dents perdues dans son couple conique !

La mythique Garabello 1000 de 1923.
La Guzzi 700 V7, ici de 1969, fit le bonheur de la Polizia et des Carabinieri.
Le démontage rapide de l'ensemble moteur-transmission imaginé par Lino Tonti pour la V50 de 1978.
On oublie souvent que l'un des chantres de la transmission par arbre en Italie fut Innocenti-Lambretta ici avec le 125 F de 1954.
Seule Gilera à transmission par arbres, la Marte 500 de 1942.
Parmi les grandes marques italiennes, un des adeptes de l'arbre fut MV Agusta à commencer par cette 500 quatre cylindres de 1950 non commercialisée.
On connait tous les MV Agusta 750 Sport, si cotées en collection, mais cette mouture GT America de 1974 est encore plus rare.
Première présentation de l'ensemble moteur-transmission de la Guzzi 700 V7 au salon de Milan 1967.
L'évolution de la transmission et de la suspension de la Guzzi sur la Breva de 2003.
Lambretta ne fit pas que des scooters à arbre mais une 125 et cette 250 V twin de compétition à simples ACT en 1951.
Les Lambretta LD furent les derniers, en 1957, avec une transmission finale par arbre et cardans. Cette coupe montre un LD 150 en 1953.
Gilera Marte. J'ai mis un S à arbre car il y a celui vers la roue arrière de la moto et celui vers celle du side-car.
La première MV Agusta acatène commercialisée fut la 600 quatre cylindres en 1967.
La Laverda 1000 V6 ici dans sa version prototype en 1977

— Les petites marques —

Les trois délirantes réalisations de Pietro Vassena. De G à D: l'Automotoscooter et la 150 flat twin Farogiravole de 1953 et la 175 K2 monocylindre de 54.(©Giorgio Sarti)
La transmission par deux arbres et galets sur la roue arrière flasquée de l'Automotoscooter.
L'IMN 200 flat twin de 1957. L'ensemble moteur-transmission est oscillant comme sur la majorité des scooters.
La version Sport de la Linto Dama met en évidence la curieuse disposition de son moteur.
Unique et magnifique, l'Ollearo 250 Corsa de 1947.
Le Carniti 150 flat twin a une suspension arrière oscillante avec la transmission par arbre tandis que sur la 175 K2, l'ensemble moteur-transmission est articulé.
La Linto 200 Dama de Lino Tonti en 1954. Le cylindre est horizontal et transversal, flat one en quelque sorte !
Détail de l'Ollearo 175 Quatro de 1931.
L'extravagante Major 350 de 1947.

Tchéquie… et Danemark

Podium pour les Tchèques ! Leur Čas de 1921 est à la fois le premier scooter et le premier flat twin à transmission par arbre. Vient ensuite, en 1929, la si intéressante MAT 500 quatre cylindres, seule du tchèque à opter pour la vis sans fin, puis la Wanderer qui devient Jawa la même année 29, la Praga 350 en 1930 et une autre Jawa prototype 350 en 1931.

Il faut remonter vers le nord de l’Europe et le Danemark pour y trouver des motos à transmission par arbre, les intemporelles Nimbus 750 cm3 à quatre cylindres en ligne avec un premier modèle surnommé « Tuyau de poêle » fabriqué de 1919 à 1928 et un second produit de 1934 à 1960.

Praga 350 de 1933 à simple ACT entraîné par arbre et couples coniques comme la transmission à la roue arrière.
Le Cas de 1921 est le premier flat twin à transmission par arbre, deux ans avant BMW.
Un bien curieux prototype à transmission par arbre étudié par Jawa en 1933.
La première Jawa en 1931 fut... une Wanderer rebadgée de 500 cm3 à soupapes en tête et transmission acatène.
La très ingénieuse MAT à quatre cylindres en ligne de 1929.
La Nimbus 750 de 1918 avec une fourche Earles prototype non conservée pour la série.
Quelle autre moto que cette Nimbus 750 peut se targuer d'avoir été produite sans modification pendant plus de 25 ans.
Après une énumération quasi exhaustive des motos françaises à transmission par arbre, il était logique de comparer avec les autres pays d'Europe, sans toutefois autant entrer dans les détails et, vous serez sans doute surpris, le pays où l'arbre fut le plus à l'honneur est... l'Italie Avant d'entamer ce large tour d'horizon, je vous suggère [...]

Tontons Scooteurs : Histoires de faussaires

Enfin une sortie de grange intéressante, étonnante même, puisque Christan Lucas, par ailleurs Président des Tontons Scooteurs, l’a découvert dans les caves des héritiers de son constructeur, Léon Loiseau, qui était ébéniste et fabricant de cercueils en plein Paris, rue Lauriston. Ce n’est qu’à la fin de la guerre que Léon Loiseau, opportuniste et son activité périclitant, se tourne vers le scooter tout juste né en Europe. Sur la base d’un Bernardet Y52 de 1953 accidenté, il réalise entièrement une nouvelle carrosserie que nous découvrîmes au salon Moto Légende pour la première fois, car Léon, héritage de ses activités passées, sans doute, tenait à une discrétion absolue. Il fit pourtant quelques publicités dans les journaux de l’époque et réalisa des documents publicitaires mais son œuvre ne fut jamais présentée en détail ni essayée par la presse.

Le Léon Loiseau et sa banque de données ! (photo Christian Lucas)

Fariboles, ou plutôt « fake news » comme on anglicise dorénavant. Tout scootériste qui se respecte vous dira que la fable compilée par Christian Lucas n’est pas nette ! Sans compter que la base Bernardet sur laquelle est carrossé le René Loiseau est en effet daté de 1953 alors que le Scootavia qui apparaît sur la même page, est une version 1954 à deux barres seulement sur l’avant du bloc arrière. En bref ce scooter Leon Loiseau fait irrémédiablement penser à l’Histoire de Faussaire de Georges Brassens.

Et en plus, il roule, mais il a du mal à accueillir le double mètre de Christian Lucas

Christian Lucas a bien vite avoué que Léon Loiseau est né dans son esprit moqueur et qu’il est le seul responsable de cette réalisation. Le beau capot pointu de la Loiseau résulte du découpage de celui d’un coupé 203 pour obtenir deux morceaux qu’il a assemblés rapidement. Vous admirerez, au passage, l’habillage de la roue de secours entièrement sur mesure, comme, d’ailleurs, la selle. La belle grille carrée qui orne l’avant de l’arrière provient d’un radiateur Calor des années 50, un autre capot de 203 coupé en deux pour les flancs, et trois évents de chaque côté réalisé à la main par un copain. Christian avoue souder comme un malpropre et, après avoir assemblé le scooter “à blanc”, il a confié la coque à son ami Willy, membre des Tontons Scooteurs et carrossier-peintre. Les quelques baguettes sont issues de 203 (pour éviter les rejets de greffe, sans doute). La grille de phare est également une belle pièce réalisée à la main également par Willy. Le coffre qui surmonte est une superbe oeuvre d’ébénisterie  faite non pas par l’ex-fabricant de cercueils, mais par un autre membre des Tontons Scooteurs, Thierry, véritable ébéniste artisan-d’art. Contrairement à ce qu’affirme le prospectus, faux bien sûr, tout n’est pas « en bois des colonies », seuls le dessus et les flancs sont bien en acajou, mais les parties claires sont frêne bien français.

Coque, capot avant et coffre arrière relevés !

La construction de A à Z

Une imposture donc, dont un site vient d’écrire (alors serait-ce vrai ?) que le René Loiseau a été produit à environ cent exemplaires !

Le pire est que ce n’est pas la première fois que Christian Lucas et ses Tontons nous enduisent d’erreur. Il y a dix ans tout juste, au salon Moto Légende de 2012, ils présentaient le formidable Gloobyscooter de 1953 « fabriqué par Roland Legroote à Asnières ». Il y avait même, affiché sous cadre, un tarif, des vues de l’usine avec ses employés, et une longue lettre de Roland Legroote en personne, qui ne faisait qu’accréditer le sérieux de la production. Ce bel assemblage était en fait constitué d’ailes arrière de 2CV, le tout assemblé, comme le Léon Loiseau, sur une base châssis et moteur Bernardet Y52 à moteur Ydral.

Christian Lucas va au bout de ses rêves, il les construit et roule avec. Magique, non ?

Merci à lui en tout cas, on a pas tellement l’occasion de sourire avec les productions modernes. Et pour un prochain salon, il nous prépare, dit-on, un tricycle récupéré chez les héritiers de la belle-fille du Soldat inconnu !

Le Glooby Scoot de 1953 présenté au salon à Vincennes en 2012.
Certains y ont cru !
Enfin une sortie de grange intéressante, étonnante même, puisque Christan Lucas, par ailleurs Président des Tontons Scooteurs, l'a découvert dans les caves des héritiers de son constructeur, Léon Loiseau, qui était ébéniste et fabricant de cercueils en plein Paris, rue Lauriston. Ce n'est qu'à la fin de la guerre que Léon Loiseau, opportuniste et son [...]

Parilla 150 PB3 1957: l’impossible projet

C’est mission impossible, en cette fin des années 50, pour une petite usine comme Parilla de venir concurrencer les Vespa de Piaggio et les Lambretta d’Innocenti sur leur propre terrain. Parilla y pense pourtant sérieusement en développant ce 150 cm3 PB3 en 1957, mais il eut été beaucoup plus cher à produire que les grandes vedettes du marché, et, avec une grande sagesse, Giovanni Parrilla ne s’y risque pas.

par Darrin Slack et François-Marie Dumas – Photos Parilla

Très élégant, le Parilla PB3 aurait sans doute eu sa place, mais le marché était si disputé que Giovanni Parrilla préféra sa lancer dans un projet plus ambiteux, l'Oscar bicylindre.

Le nom de Parilla, nous évoque surtout des motos, pourtant, et par trois fois, la marque milanaise tenta de s’immiscer dans le monde des scooters. La première tentative, le Levriere, un 125/150 cm3 à grandes roues de 14 pouces rayonnées, fut une semi-réussite qui dura de 1952 à 59. Parilla étudia ensuite, en 1957 et en 1960, deux scooters à la pointe de la modernité. Le futuriste Parilla Oscar 160 cm3 bicylindre, déjà présenté sur ce blog, ne vécut, malheureusement, que le temps du salon de Milan de 1960, mais on ne savait pas jusqu’alors que, trois ans plus tôt, en 1957, Cesare Bossaglia ingénieur en chef de la marque et Giovanni Parrilla avaient réalisé ce très élégant 150 cm3 PB3 qui n’eut, à ma connaissance, même pas l’honneur d’un podium à un salon.

La partie arrière est quand même plus originale que l'avant trop fortement inspiré par le Vespa.

Ce PB3, de 1957 préfigure l’Oscar de 1960 par de nombreuses solutions techniques. Comme lui, et comme la totalité de nos scooters moderne (à l’exception de quelques plus de 500 cm3), il est équipé d’un le bloc moteur-transmission qui fait office de monobrasoscillant, supporté par une seul combiné amortisseur hydraulique. Le moteur est un classique deux temps de 150 cm3 associé à une boîte à 4 rapports en prise constante commandée par poignée tournante au guidon. L’entraînement de la roue arrière est confié à une chaîne duplex qui travaille en bain d’huile comme sur le 160 Oscar. Le moyeu frein arrière est similaire à celui des Lambretta tandis qu’à l’avant, la suspension monobras tubulaire à roue poussée et son frein à tambour ressemblent à s’y méprendre à ceux des Vespa.  Pas de démarreur électrique comme sur le futur Oscar, mais un classique kick-starter et un allumage/ éclairage assuré par un volant magnétique 6 volts. Un simple écrou moleté permet d’ôter les parties basses des panneaux latéraux ; l’arrière des marche-pied est également démontable et la selle se soulève pour donner accès au réservoir d’essence et à la trousse d’outillage, car on ne parle, bien sûr, pas encore de coffre à casque !  Les roues à jantes démontables sont chaussées en 3,50 x 10″.

La partie basse des flancs et l'arrière des marche-pieds se démontent pour donner plein accès à la mécanique.
Le superbe bloc moteur-transmission oscillant de lignes très actuelles n'est daté que par la pédale de kick et le mini filtre à air.
Trop beau, mais aussi trop cher à produire et surtout par une petite usine comme Parilla, face aux fabrications en très grande série des Vespa de conception bien plus simpliste.
Pas encore de coffre à casque, mais de la place pour beaucoup d'outils !
C'est mission impossible, en cette fin des années 50, pour une petite usine comme Parilla de venir concurrencer les Vespa de Piaggio et les Lambretta d'Innocenti sur leur propre terrain. Parilla y pense pourtant sérieusement en développant ce 150 cm3 PB3 en 1957, mais il eut été beaucoup plus cher à produire que les grandes [...]

Du Victoria 50 Nicky au Csepel Panni

Top beau, trop cher le cycloscooter Nicky, commercialisé en 1954 est un des dernières tentatives de haut de gamme (oui ça existe, même en cyclomoteur !) conçu par l’une des plus anciennes marques allemandes, Victoria, qui aurait fêté son centenaire l’an passé. Fabriqué en Allemagne en 1954 à 57, le Nicky ne survit pas à l’absorbtion de Victoria par Zweirad Union en 1958. Il connut en revanche un beau succès en Suède où il en fut vendu 5 860 exemplaires dotés de pédales de 1956 jusqu’à 1958.

Une paire de Nicky aux mains de Sylvie et Pierrot, les enfants d'Alphonse Vervroegen champion de Belgique junior et senior en solo et side car et constructeur des side-cars Impérial Belgique. (archives Yves Campion)

Passons rapidement sur son moteur dérivé du M 50 du Vicky III, et devenu R50 avec une puissance qui passe à 2,5 ch à 5700 tr/min, grâce à une compression plus élevée. Ce classique petit deux-temps intégrant une boîte à deux rapports commandée par poignée tournante, ne se distingue que son mode de démarrage par lanceur à main, avec une poignée de tirage dans le carénage intérieur du tablier.

Bien plus que sa mécanique, c’est la partie cycle du Nicky qui est intéressante à plus d’un titre. Grosse innovation technologique la partie arrière se compose d’une coque scindée en deux parties verticalement et réalisée en alliage léger moulé sous pression en faible épaisseur. Une pièce aussi superbe que stupide, car beaucoup trop onéreuse pour un cyclomoteur à vocation utilitaire. Ach ! la « Bervection alle-mande », n’a pas de prix, mais quand même !

Saluons quand même la volonté des concepteurs d’allier maniabilité, faible poids et protection. Il y a même un mini coffre sous la selle.

Coque arrière mise à part, l’avant de la partie cycle tout ne manque pas d’intérêt non plus avec une imposante pièce de fonderie qui englobe la colonne de direction et dans laquelle viennent s’insérer deux tubes courbes qui soutiennent le moteur et se fixent sur une platine où se boulonne la coque arrière.

Une fois habillé dans sa belle couleur « bleu tourterelle » le Nicky est tout aussi étonnant : Le réservoir d’essence est logé derrière la colonne de direction et le carénage du phare rectangulaire (c’est nouveau) et du guidon intègre trois grands cadrans ronds, le compteur de vitesse, une montre et un indicateur de carburant dit électronique d’un modernisme encore inconnu à cette époque même sur les automobiles : le mot « Ravitailler » s’allume lorsqu’il ne reste que 30 km d’autonomie, et cette autonomie qui apparaît en décompte.

Victoria R 50 Nicky

Moteur 2 temps refroidi par air – 47 cm3 (38 x 42 mm) – 2,25 ch/4800 tr/min – Carburateur Bing ø 12 mm – Graissage par mélange 5% – Boîte 2 vitesses commande au guidon par poignée tournante – Démarrage par lanceur à main – Allumage volant magnétique 6 V – Suspension av. à biellettes et roue poussée et blocs caoutchouc, ar. oscillante et 2 combinés amortisseurs à ressorts hélicoïdaux- Freins à tambour ø100 mm – Pneus 2,25 x 20 “ – 60 kg -55 km/h

archives Yves Campion

On croit que c’est un Nicky, eh bien non, c’est un Hongrois,

Le beau Nicky Teuton a très très fort inspiré Csepel qui a concocté dans ses usines de Budapest le R50 Panni en 1957 . Ce Panni-Nicky hongrois diffère surtout par sa coque arrière qui n’est plus en alliage moulé sous pression, mais en tôle d’acier et dépourvue de coffre sous la selle. Il n’y a évidemment qu’un seul compteur, le tachymètre, le moteur maison de cotes identiques au Victoria n’annonce que 1,8 ch avec une limitation à 45 km/h. Le poids total du Panni est annoncé égal au Nicky à 60 kg en dépît de son cul en fer, mais avec le plein de 5,7 litres d’essence quand même.

Le Panni naît en février 1957 dans la division vélo de Cespel, créée lors de la nationalisation de 1950. Son moteur est à quelques détails près celui du Berva créé par l’usine dédiée à la moto de Csespel. Il diffère principalement par son système de démarrage, les pédales laissant place à un long levier à main sur le côté droit. Après une présérie de 200 unités fin 1957, la production démarre en 1958, malheureusement les projets de l’usine d’exportations à l’étranger sont ruinés par nombre de problèmes techniques et de qualité. Une version biplace de 75 cm3,  3 ch et 3 vitesses est pourtant étudiée en collaboration avec l’usine de motos Crspel, mais le projet sera finalement abandonné en 1960 après nombre de retards dans la production. Le Panni 50 sera quand même produit à environ 19 000 exemplaires de 1958 à 1962.

 

 

Un Csepel Panni exposé au musée Baster à Riom qui compte un bel échantillonnage des motos de l'est.

Fausse renaissance

Ben tiens, tout renaît aujourd‘hui enfin essaie, car le retour prévu du Victoria Nicky semble bien n’avoir été qu’une fausse couche. Dommage, ce nouveau scooter annoncé en grande pompe au salon de Milan en 2019, n’était pas vilain est promettait d’exister en 50, 125 et 300 disponibles au printemps 2020 et suivis par une 650 cm3 V twin qu’il sauraient certainement baptisé Bergmeister bien que son V soit dans l’autre sens. Libre à vous de demander des renseignements complémentaires sur la renaissance prévue de cette belle marque allemande en contactant leur représentant à Nuremberg Monsieur Tao Wang…

Top beau, trop cher le cycloscooter Nicky, commercialisé en 1954 est un des dernières tentatives de haut de gamme (oui ça existe, même en cyclomoteur !) conçu par l’une des plus anciennes marques allemandes, Victoria, qui aurait fêté son centenaire l’an passé. Fabriqué en Allemagne en 1954 à 57, le Nicky ne survit pas à l’absorbtion [...]

Socovel électrique : Le passé du futur

 

Les véhicules urbains électriques sont très tendance de nos jours, scooters et trottinettes électriques se louent à tous les coins de rue et tous les grands constructeurs de deux roues planchent sur le sujet avec des motos, des scooters ou des trois roues utilisant ce mode de propulsion silencieux et peu polluant. La solution de l’avenir ? Sans doute.

Par Yves Campion et François-Marie Dumas

 

Le Socovel électrique des années 40 fait déjà l'objet d'une fiche descriptive, mais je ne résiste à en repasser le texte assorti d'une séries de photos d'archives collectées et renseignées par Yves Campion.

Le Socovel fête ses 80 ans

L’idée n’est pourtant pas neuve et de nombreux constructeurs ont tenté l’électrique dans le passé. L’une des premières réalisations et sans doute la seule moto électrique vraiment commercialisée et produite en série en Europe avant-guerre fut le Socovel fabriqué en Belgique par l’usine du même nom de 1941 à 1946.

C’est le rationnement de l’essence dans la Belgique occupée par les Allemands depuis le printemps 1940, qui donna l’idée aux frères Limelette d’une moto électrique. Le premier prototype est essayé dès janvier 1941 et le 4 mars à Bruxelles est créée la Socovel (Société pour l’Etude et la Construction de Véhicules Electriques).

Une première série de quinze unités est mise en chantier, après l’obligatoire autorisation de Berlin, car nous sommes en pleine occupation. Une série de 500 exemplaires est prévue, mais les difficultés d’approvisionnement ne permettront de monter qu’environ 400 Socovel de 1941 à fin 1942.

Même les Allemands voulurent passer commande du Socovel en 1943 pour les utiliser sur leurs terrains d’aviation et ce n’est qu’au prix d’une évidente mauvaise volonté que Socovel évita cette collaboration.

Plus de 100 Socovel civils seront encore vendus en 1943 en dépit de son prix fort élevé et des approvisionnements de plus en plus difficiles, mais la production exacte reste inconnue, car, l’autorisation n’étant valable que pour 500 unités, les frères Limelette avaient une fâcheuse et astucieuse tendance à utiliser plusieurs fois les mêmes numéros !

1941

1er cadre type court à colonne de direction longue, selle type vélo, repose-pieds sur barre inférieure, fourche rigide, guidon type vélo, roues à rayons ; pneus 12 1/2 x 2 1/4 Freins Av & Ar commandés au guidon - Caisse à batteries basse -Moteur ACEC de 18V- 3 batteries de 6V 45 Ah Poids 45 kg; 25 km/h; autonomie : 50 km; recharge en 10 h..

1942

la première mouture est rapidement suivie par cette version dotée d'une suspension avant à parallélogramme.

Trois versions se succèdent en 1942, la première avec un cadre long, des roues à rayons chaussées en 2,25 x 18′ ; seconde version avec une colonne de direction courte et une caisse à batterie surmontée d’un coffre à outils plus ou moins triangulaire; une troisième variation introduit la selle et le guidon type moto et des roues en tôle chaussée en 16′.

1943

Socovel produit deux modèles à cadre court en 1943 (ci-dessus)qui ne  diffèrent que par des détails : fermeture et taille du coffre. Laversion blanche est sans doute le modèle le plus répandu.

On verra la même année, une version à cadre long (ci-dessous) avec des roues à rayons et des pneus de 2,25 x 18′

1944

Toujours un cadre long en 1944, mais cette fois avec des pneus de 2,25 x 14'.

1945

Identique au montage de selle près à la mouture 1944, cette version longue semble parfaitement adaptée au transports familiaux.

1946

Révolution (!) de l'après-guerre, le moteur est désormais en 48 V alimenté par trois batteries en 12 V et avec un nouveau rhéostat.

Le Socovel a été longuement testé par la revue britannique The Motorcycle dans son numéro du 18 avril 1946 dont est tiré le dessin éclaté ci-dessus. Leur étude très fouillée nous révèle des données fort précises sur les dimensions comme les performances. Empattement : 1520 mm, largeur au dessus des repose-pieds 740 mm. Le moteur a un diamètre de 200 mm et une largeur de 270 mm. Freins de 152 mm.

Poids des 3 batteries Tudor (fabriquées à Bruxelles): 91 kg, poids total de la moto 201 kg.

Vitesse : 25 à 32 km/h , autonomie environ 43 km, consommation 24 à 33 ampère, temps de recharge 10 heures.

1948 – 1956 : Tués par l’essence

Les frères Limelette étudièrent un moteur électrique plus puissant alimenté en 12 volts pour l’après-guerre et différentes variations, dont un triporteur, un chariot de transport pour les usines et une sorte de voiturette de golf. Ces deux derniers véhicules sont aujourd’hui monnaie courante, mais Socovel était malheureusement trop en avance sur son temps et peu aidé par les batteries de l’époque, ses engins restèrent au stade du prototype.

Le retour de l’essence en vente libre met fin à ces beaux projets et Socovel se retourne vers des motos légères plus conventionnelles à moteur Villiers ou Jawa/CZ puis Maico 250 cm3 en 1956 avant que la marque se limite à des 50 cm3 puis abandonne finalement le monde des deux roues à la fin des années 50.

 

Oui, ça ressemble à un Socovel électrique, mais cette version de 1952 dissimule sous sa carrosserie un moteur CZ de 125 ou 150 cm3.
Cette affiche de Guy Georget en 1948 annonce la couleur : l’électrique est finie pour longtemps et Socovel se tourne vers des motos plus classiques.
  Les véhicules urbains électriques sont très tendance de nos jours, scooters et trottinettes électriques se louent à tous les coins de rue et tous les grands constructeurs de deux roues planchent sur le sujet avec des motos, des scooters ou des trois roues utilisant ce mode de propulsion silencieux et peu polluant. La solution [...]