Socovel électrique : Le passé du futur

 

Les véhicules urbains électriques sont très tendance de nos jours, scooters et trottinettes électriques se louent à tous les coins de rue et tous les grands constructeurs de deux roues planchent sur le sujet avec des motos, des scooters ou des trois roues utilisant ce mode de propulsion silencieux et peu polluant. La solution de l’avenir ? Sans doute.

Par Yves Campion et François-Marie Dumas

 

Le Socovel électrique des années 40 fait déjà l'objet d'une fiche descriptive, mais je ne résiste à en repasser le texte assorti d'une séries de photos d'archives collectées et renseignées par Yves Campion.

Le Socovel fête ses 80 ans

L’idée n’est pourtant pas neuve et de nombreux constructeurs ont tenté l’électrique dans le passé. L’une des premières réalisations et sans doute la seule moto électrique vraiment commercialisée et produite en série en Europe avant-guerre fut le Socovel fabriqué en Belgique par l’usine du même nom de 1941 à 1946.

C’est le rationnement de l’essence dans la Belgique occupée par les Allemands depuis le printemps 1940, qui donna l’idée aux frères Limelette d’une moto électrique. Le premier prototype est essayé dès janvier 1941 et le 4 mars à Bruxelles est créée la Socovel (Société pour l’Etude et la Construction de Véhicules Electriques).

Une première série de quinze unités est mise en chantier, après l’obligatoire autorisation de Berlin, car nous sommes en pleine occupation. Une série de 500 exemplaires est prévue, mais les difficultés d’approvisionnement ne permettront de monter qu’environ 400 Socovel de 1941 à fin 1942.

Même les Allemands voulurent passer commande du Socovel en 1943 pour les utiliser sur leurs terrains d’aviation et ce n’est qu’au prix d’une évidente mauvaise volonté que Socovel évita cette collaboration.

Plus de 100 Socovel civils seront encore vendus en 1943 en dépit de son prix fort élevé et des approvisionnements de plus en plus difficiles, mais la production exacte reste inconnue, car, l’autorisation n’étant valable que pour 500 unités, les frères Limelette avaient une fâcheuse et astucieuse tendance à utiliser plusieurs fois les mêmes numéros !

1941

1er cadre type court à colonne de direction longue, selle type vélo, repose-pieds sur barre inférieure, fourche rigide, guidon type vélo, roues à rayons ; pneus 12 1/2 x 2 1/4 Freins Av & Ar commandés au guidon - Caisse à batteries basse -Moteur ACEC de 18V- 3 batteries de 6V 45 Ah Poids 45 kg; 25 km/h; autonomie : 50 km; recharge en 10 h..

1942

la première mouture est rapidement suivie par cette version dotée d'une suspension avant à parallélogramme.

Trois versions se succèdent en 1942, la première avec un cadre long, des roues à rayons chaussées en 2,25 x 18′ ; seconde version avec une colonne de direction courte et une caisse à batterie surmontée d’un coffre à outils plus ou moins triangulaire; une troisième variation introduit la selle et le guidon type moto et des roues en tôle chaussée en 16′.

1943

Socovel produit deux modèles à cadre court en 1943 (ci-dessus)qui ne  diffèrent que par des détails : fermeture et taille du coffre. Laversion blanche est sans doute le modèle le plus répandu.

On verra la même année, une version à cadre long (ci-dessous) avec des roues à rayons et des pneus de 2,25 x 18′

1944

Toujours un cadre long en 1944, mais cette fois avec des pneus de 2,25 x 14'.

1945

Identique au montage de selle près à la mouture 1944, cette version longue semble parfaitement adaptée au transports familiaux.

1946

Révolution (!) de l'après-guerre, le moteur est désormais en 48 V alimenté par trois batteries en 12 V et avec un nouveau rhéostat.

Le Socovel a été longuement testé par la revue britannique The Motorcycle dans son numéro du 18 avril 1946 dont est tiré le dessin éclaté ci-dessus. Leur étude très fouillée nous révèle des données fort précises sur les dimensions comme les performances. Empattement : 1520 mm, largeur au dessus des repose-pieds 740 mm. Le moteur a un diamètre de 200 mm et une largeur de 270 mm. Freins de 152 mm.

Poids des 3 batteries Tudor (fabriquées à Bruxelles): 91 kg, poids total de la moto 201 kg.

Vitesse : 25 à 32 km/h , autonomie environ 43 km, consommation 24 à 33 ampère, temps de recharge 10 heures.

1948 – 1956 : Tués par l’essence

Les frères Limelette étudièrent un moteur électrique plus puissant alimenté en 12 volts pour l’après-guerre et différentes variations, dont un triporteur, un chariot de transport pour les usines et une sorte de voiturette de golf. Ces deux derniers véhicules sont aujourd’hui monnaie courante, mais Socovel était malheureusement trop en avance sur son temps et peu aidé par les batteries de l’époque, ses engins restèrent au stade du prototype.

Le retour de l’essence en vente libre met fin à ces beaux projets et Socovel se retourne vers des motos légères plus conventionnelles à moteur Villiers ou Jawa/CZ puis Maico 250 cm3 en 1956 avant que la marque se limite à des 50 cm3 puis abandonne finalement le monde des deux roues à la fin des années 50.

 

Oui, ça ressemble à un Socovel électrique, mais cette version de 1952 dissimule sous sa carrosserie un moteur CZ de 125 ou 150 cm3.
Cette affiche de Guy Georget en 1948 annonce la couleur : l’électrique est finie pour longtemps et Socovel se tourne vers des motos plus classiques.
  Les véhicules urbains électriques sont très tendance de nos jours, scooters et trottinettes électriques se louent à tous les coins de rue et tous les grands constructeurs de deux roues planchent sur le sujet avec des motos, des scooters ou des trois roues utilisant ce mode de propulsion silencieux et peu polluant. La solution [...]

Quiz : les réponses

Je vous ai proposé une série de quatre QUIZ bien difficiles pour occuper vos loisirs durant ce long confinement et vous avez trouvé la plupart des réponses (accessibles dans les commentaires à la suite de l’article), mais Il restait quand même quelques questions en suspens.

4e série, QUIZ n° 14 : « Ça ressemble à une Pullin Groom » a écrit Jacky-Moto et il a tout à fait raison, mais cet exemplaire unique concocté par le Major Low en 1922 et dont la presse internationale a largement parlé, était animé par un quatre cylindres en ligne deux temps  de 500 cm3 (52 x 58 mm) conçu en bloc avec la boîte 3 vitesses et l’embrayage. La transmission s’effectuait par arbre sous carter et couples coniques et le cadre en tôles soudées recevait des suspensions avant et arrière amorties par des ressorts à lames. La Low tournait à 3800 tr/min et dépassait les à 80 km/h.

La très compacte 4 cylindres du Professeur Low.
4 cylindres deux temps en lign, boite 3 vitesses et transmission par arbre et couples conique.

3e série : Bravo, vous avez trouvé les trois inconnues, l’improbable Italemmezeta Texas 50 Rodeo de Leopoldo Tartarini en 1963, le scooter BSA 250 Tigress de 1960 aussi vendu sous label Triumph 250 Sunbeam et l’Avro Motocar de 1926.

2e série, Quiz de Pâques : Pas de chance, je comptais sur vous pour mettre un nom sous deux photos de scooters inconnus, mais vous n’avez pas pu m’aider. Il restent donc dans les tiroirs. Les deux autres questions plus faciles ont bien sur été répondues.

1ere série, Les motos de l’inconnu : Trois devinettes trouvées sur cinq. Pas mal. La première et ravissante moto des premiers âges avec son moteur formant la partie basse du cadre reste malheureusement inconnue, en revanche l’élégant scooter n°3 aurait pu être trouvé, car un des deux exemplaires connus de ce Piatello est exposé dans un musée italien à Assise. Le second, sur lequel lorgnaient que tous les autres grands collectionneurs italiens, vient de se vendre aux enchères le 28 avril dernier à Bolaffi pour la somme faramineuse de 25 000 € ! Ce scooter animé par le moteur 125 cm3 du Nibbio a été dessiné par le célèbre couturier italien Emilio Pucci en 1949 et réalisé par des artisans de Modane.

Le très élégant scooter Piatello dessiné en 1949 par le célèbre couturier italien Emilio Pucci.
Je vous ai proposé une série de quatre QUIZ bien difficiles pour occuper vos loisirs durant ce long confinement et vous avez trouvé la plupart des réponses (accessibles dans les commentaires à la suite de l'article), mais Il restait quand même quelques questions en suspens. 4e série, QUIZ n° 14 : "Ça ressemble à une Pullin [...]

Unibus 1921 : le scooter moderne a 100 ans

Il est tentant de rechercher les origines du scooter dans l’Autofauteuil français de 1902 ou les patinettes américaines et britanniques genre Skootamota du début des années vingt, mais le premier VRAI scooter qui réunit à la fois l’architecture et le style propres à ce type de véhicule, c’est Unibus anglais présenté en décembre 1920 au salon de Londres avec un plancher plat et une carrosserie formant un tablier enveloppant.

Archives : François-Marie Dumas – Photos modernes : Jim Rendell, Jet Age Museum (Gloucester)

 

La superbe publicité montre bien que l'Unibus s'adressait à tout type de clientèle. Dommage qu'il ait été proposé à environ 100 £ alors qu'une Velocette EL3 Ladie's Model à boîte 3 vitesses n'en valait que 53 !

Visionnaire, cet Unibus dû à l’extraordinaire intuition de l’Anglais Harold Boultbee ingénieur en chef de Gloucester Aircraft Company qui, le premier, inventa le scooter moderne dans ses formes comme dans son esprit. Il avait malheureusement vingt-cinq ans d’avance et, comme d’usage pour les produits trop révolutionnaires, ce fut un flop commercial retentissant !

Rare photo prise à Copenhague vers 1922. Le plus amusant est que le “broc” qui me l'a vendue avait toutes une série de photos hors de prix de motos anglaises courantes sans intérêt et qu'il m'a soldée celle-ci qui n'était "qu'un scooter" !
Les Unibus survivants se comptent sur les doigts d'une main et celui-ci superbement restauré appartient à Mike Webster, un collectionneur britannique.

Encore en avance aujourd’hui

Comme si ce n’était pas assez d’inventer le concept du scooter moderne, l’Unibus fait mieux encore que des scooters actuels ! Le moteur placé à l’avant avec une transmission par arbre jusqu’à la roue arrière assure une parfaite répartition des masses, tandis qu’un vrai châssis « baignoire » constitué de deux longerons en L et de triangles avant et arrière en tôles soudées devait lui conférer une rigidité hors normes. Suspensions avant et arrière et coffre sous la selle, il ne lui manque vraiment rien, mais il ne faut quand même pas trop attendre des techniques d’époque  utilisées. La fourche avant oscillante appuyée sur des ressorts à lames ne devait pas être trop efficace et sans doute moins que la suspension arrière également oscillante et à ressorts à lames comme sur l’ABC contemporaine et compatriote. Contrairement à ce que les photos laissent penser les roues sont de 16 ”, chaussées il est vrai de pneus très fins. Autre modernisme étonnant, il y a deux freins à tambour, mais ils sont tous les deux à l’arrière, accolés à la transmission. Il n’y a apparemment, pas de frein avant.

Démarrage par manivelle, transmission par arbre, suspensions avant et arrière oscillantes et deux freins arrière à tambour.
Ce rarissime exemplaire en parfait ordre de marche fait partie de la collection de Mike Webster en Grande-Bretagne et on en connait trois autres en Italie.

Le mieux restait à venir

Révolutionnaire sous tous rapports, l’Unibus, et bien mieux pensé que la grande majorité des scooters qui vont suivre dans les années à venir voire même par rapport à maintes réalisations actuelles qui affichent certes des performances correctes, mais qui continuent d’être construits sur une architecture bancale.

Et encore Harold Boultbee, le constructeur, s’en était-il tenu à des choix « raisonnables » car il précisait qu’il avait, lors du développement, testé différents prototypes plus futuristes encore dont deux à cylindre horizontal transmission finale par chaîne silencieuse en bain d’huile (façon T-Max avant la courroie !) tandis qu’un troisième avait un moteur en porte-à-faux à côté de la roue arrière, une solution que sir Harold Boultbee jugea sans avenir !

La technique

3- Comme beaucoup d'usines d'aviation se reconvertissant dans le deux roues après les guerres, Gloucester Aircraft Company avait voulu trop en faire et ce concept trop intelligent mais trop cher ne se vendit qu'à peu d'exemplaires entre 1920 et 1922. Notez la selle montée sur un tube qui découvre un petit coffre lorsqu'on lui fait effectuer un demi-tour. On y trouve la pile sèche, la trousse à outils et une pompe.
Le châssis très automobile est constitué de deux poutrelles en acier enserrant un plancher plat et de supports avant et arrière en tôle sur lesquels se boulonne les demi-coques de la carrosserie.
Section de la roue en son milieu montrant les deux freins à tambour accolés.
La transmission par vis sans fin et la commande de deux freins à tambours.

Caractéristiques

Moteur Precision 270 cm3 monocylindre 2 temps refroidi par air vertical derrière le tablier avant – Alésage x Course : 70 x 70 mm – Démarrage par manivelle à main – Graissage séparé par gravité et goutte-à-goutte. – Boîte 2 vitesses par levier à main –  Embrayage monodisque – Transmission par arbre et vis sans fin – Châssis à deux longerons acier et coques avant et arrière en tôles soudées  – Carrosserie : deux « demi-coques » en tôle d’acier emboutie boulonnées à l’avant et à l’arrière du châssis-plancher plat – Suspension AV. : fourche pendulaire et ressorts à lames, AR. Oscillante et ressorts à lames – Roues à voiles pleins et jantes démontables en tôle d’acier – Pneus 2,25 x 16′ – Freins par double tambour à l’arrière – Vitesse 40 km/h

Extrait du Motor Cycle du 8 décembre 1920
Superbe publicité parue dans 'The motor Owner" en octobre 1920.
Il est tentant de rechercher les origines du scooter dans l'Autofauteuil français de 1902 ou les patinettes américaines et britanniques genre Skootamota du début des années vingt, mais le premier VRAI scooter qui réunit à la fois l'architecture et le style propres à ce type de véhicule, c'est Unibus anglais présenté en décembre 1920 au salon [...]

Quiz n°3

Terminé, ne cherchez plus ! Les trois difficiles questions de ce Quiz ont été répondues. 

Quiz n° 11 :  Italemmezeta Texas 50 Rodeo de Leopoldo Tartarini en 1963.

Quiz n° 12 : Scooter BSA 250 Tigress de 1960 aussi vendu sous label Triumph 250 Sunbeam.

Quiz n° 13 : Avro Motocar de 1926.

Ces trois véhicules sont décrits et photographiés en détail dans les commentaires à la fin de cet article.

C’est vrai, il n’y avait pas de 9 de pâques dans le dernier Quiz, mais il vous en reste quand même deux sur quatre à trouver, plus deux sur cinq dans le Quiz précédent. D’accord, c’est vraiment de l’inconnu, mais un quiz n’est-il pas fait pour ça !

Allez, je me rattrape cette fois avec trois questions vraiment faciles surtout si vous êtes des lecteurs fidèles !

 

Quizz n°11 : Evidemment, j'ai effacé la marque. Facile, d'accord, mais pas trop quand même !
n°12 : Bien que la photo soit prise sur un circuit, ce n'est pas vraiment une bête de course. Une idée ?
n°13 : Le moteur seul devrait vous permettre d'identifier l'engin.
Terminé, ne cherchez plus ! Les trois difficiles questions de ce Quiz ont été répondues.  Quiz n° 11 :  Italemmezeta Texas 50 Rodeo de Leopoldo Tartarini en 1963. Quiz n° 12 : Scooter BSA 250 Tigress de 1960 aussi vendu sous label Triumph 250 Sunbeam. Quiz n° 13 : Avro Motocar de 1926. Ces trois [...]

Scoot-Air : le scooter fou de Lefol

Vous avez aimé le Valmobile, un scooter-valise inventé par Victor Bouffort au début des années 50 puis construit sous licence au Japon, vous adorerez le Scoot-Air construit par Jacques Lefol en 1955, un 100 cm3 repliable en 4 minutes chrono et pesant tout juste 55 kg grâce à son châssis et à sa carrosserie tout aluminium. Idéal pour emmener en vacances, non ?

Archives et photos F-M Dumas/moto-collection.org  – Clic sur les liens en bleu pour accéder aux articles liés

Ne s'attaquer, en 1954, qu'aux heureux possesseurs d'avions de tourisme et de yacht de luxe était quand même un pari assez risqué ! Le très beau dessin du prospectus est signé RoRebour, Rodolphe Rebour le frère de Daniel Rebour.

L’idée du scooter explose dans l’immédiat après-guerre et chaque grand constructeur planche sur son projet pour séduire les masses laborieuses tandis que quelques ingénieurs ou bricoleurs de génie s’attaquent aux marchés de niche. Nous nous sommes longuement attardés, sur les réalisations de Victor Bouffort avec ses Valmobile puis ses OLD repliables. Inspirée sans doute par les Excelsior Welbike  des parachutistes britanniques durant la guerre (dont la construction sera reprise par Brockhouse sous le nom de Corgi et qui continueront d’ailleurs leur carrière en civil), cette idée d’un scooter pliable séduit aussi Jacques Lefol, industriel et pilote d’avion amateur. Les possesseurs d’avions privés et de yachts seront bientôt légion pense-t-il et il leur faudra une « annexe » légère et facile à transporter pour rejoindre la Croisette, l’hôtel ou le restaurant. Fi du scooter purement utilitaire ! En ces temps de reprise, l’optimisme est sans limites et les établissements Lefol de Courbevoie, constructeurs d’accessoires en alliage léger pour autos et vélos et d’un exerciseur de renom, le Rééducateur éponyme, brevettent en mars et octobre 1953 et présentent au salon de Paris de la même année, l’Aéroscoot dont le nom annonce clairement les visées exclusivement aéronautiques et parachutistes. Ce scooter est aisément démontable ou repliable grâce à d’ingénieuses articulations du cadre multitubulaire. Cinq minutes pour le mettre en pièces et pas plus pour le remonter proclame la notice. Animé par un moteur Sachs de 98 cm3, il promet 50 km/h. Pour tout savoir sur ces débuts reportez-vous à l’article pondu par l’ami Bourdache sur son blog en 2011 où j’ai emprunté les deux photos ci-dessous.

L'Aérosoot de 1953 : un "scooter démontable et repliable pour transport par avion et parachutage"
Cette première mouture est animée par un Sachs de 98 cm3 et la suspension avant est télescopique.

L’idée est là, mais la réalisation est trop complexe et Jacques Lefol revoit sa copie pour présenter, au salon de Paris d’octobre 1954, le Scoot-Air animé cette fois par le nouveau 98 cm3 Comet des établissements Le Poulain. Tout aussi axé sur les aviateurs en mal d’annexe, ce Scoot-Air plus élégant et plus luxueux affiche fièrement son avantage indiscutable pour les possesseurs d’avions de tourisme qui peuvent ainsi se plier en quatre pour porter les 55 kg de l’engin dans le cockpit. Une chance pour eux, le Scoot-Air se démonte en cinq parties, ce qui limite les efforts. D’un côté la fourche et la roue avant sans son guidon, les longerons du plancher central au milieu et la partie arrière (environ 30 kg) sur les flancs de laquelle on coince le guidon et ses câbles. Les deux selles, enfin, se retirent en un mouvement.

Ne vous moquez pas ! La plupart des réalisations modernes en miniscooters pliables sont moins efficaces dans leurs opérations de démontage-remontage et le Scoot-Air a prouvé son efficacité en ce domaine.

Le si sophistiqué Scoot-Air est hélas un pari difficile ! En 1954 : la France (deuxième derrière l’Allemagne et l’Italie) produit alors 100 366 scooters contre 35 603 motos, 171 974 vélomoteurs 125 cm3 et 661 154 cyclomoteurs. C’est l’année du Moby’x deux temps de Motobécane, premier constructeur mondial de deux roues motorisés, qui ne vaut que 103 000 F en version utilitaire (117 000 en luxe !) tandis que la Vespa coûte 125 000 F… Face à ces géants, et si astucieux qu’il soit, le Scoot-Air à 145 000 F ne se vendra qu’à une quarantaine d’exemplaires dont quand même sept survivants sont répertoriés à ce jour.

Départ en Navion avec Jacques Lefol et son Scoot-Air

Jacques Lefol en personne fait une démo pour la Revue Technique Motocycliste avec le beau Navion de Jean Chatelain, directeur de ladite revue (reportage publié dans la RTM n° 104 de 1955

• Le prospectus a vanté l’absence de frais de garage et en prime la société Lefol connue pour son Rééducateur médical vous offre l’exercice à domicile descendre le Scoot-Air de chez vous !.• Arrivée à l’aérodrome de Toussus-Le-Noble • Jacques Lefol ôte le guidon. Une simple prise débranche le circuit électrique et il suffit de désaccoupler le câble du frein avant. • Deux broches sécurisées à enlever et le Scoot-Air se sépare en trois. Les selles ne sont qu’enfichées sur leurs tubes support. Total : 4 min 40 s » pour le démontage • Gaffe à pas rayer l’aile en alu ! Notez que la suspension avant à roue poussée est entièrement réalisée en alliage léger ressorts compris et, pour l’anecdote, que les sièges de l’avion sont faits comme celle du Scoot-Air en lanières caoutchouc. • Pas si facile d’enfourner 40 kg à bout de bras dans un cockpit fragile. 

La fille de Jacques Lefol à qui a appartenu ce Scoot-Air se souvient avoir plusieurs fois rallié Paris à Caen aller et retour avec le scooter de papa (elle n’a pas dit si c’était par avion ou par la route me souffle une mauvaise langue !)  (Collection Louis Paviet)

!

Contrairement au premier Aéroscoot à châssis tubulaire, le Scoot-Air fait appel à une construction fort sophistiquée entièrement en alliage léger (spécialité des établissements Lefol). Un système de broche permet le désassemblage et le réassemblage des trois parties principales.Les longerons et plancher de la partie centrale et le tablier avant autoporteur sont en alliage léger laminé de même que les composants de la partie arrière : une cellule rigide faite de deux arceaux réunis par quelques entretoises et boulonnées sur les deux poutres inférieures. À l’intérieur de cette cellule, un sous cadre articulé sur l’avant reçoit moteur, transmission, roue arrière et béquille. Les larges ouvertures des panneaux latéraux sont obturées par des lanières en caoutchouc (aux couleurs du scooter) dans lesquelles on vient coincer le guidon pour le transport (nul besoin ainsi de déconnecter les différents câbles de commande). Les deux selles en mousse de latex sont simplement enfilées chacune sur leurs deux tubes support et ainsi facilement amovibles.

C’est un Navion 

Un complément d’information indispensable par Harald Ludwig

Non, ce n’est ni une faute de frappe (contrairement à ce que le correcteur automatique a tenté de me faire croire) ni une facétie de son propriétaire Jean Chatelain (éditeur de la Revue Moto Technique) qui aurait rajouté un N devant son avion Ryan, pas plus que ce n’est un appareil de la compagnie low cost Ryan Air. Le Navion est un luxueux quadriplace de tourisme entièrement métallique et à train d’atterrissage rentrant fabriqué par Ryan Aeronautical Co. Ryan, ça dit quelque chose aux amateurs qui se souviennent tous du Ryan NYP (pour New York Paris) baptisé par Lindbergh « Spirit of St Louis » et conçu avec lui par la célèbre firme de San Diego !

Ce beau Navion n’est cependant pas l’enfant naturel de Ryan. Il a été dessiné en 1945 par North American et produit à 110 exemplaires avant que sa fabrication ne soit cédée à Ryan en 1948. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement américain a en effet pratiqué des coupes drastiques dans les contrats militaires qu’il avait passé avec les avionneurs. La commande de 8000 avions à North American, qui produisait le célébrissime P-51 Mustang, a ainsi été réduite à 24 (le chiffre est exact) après la reddition japonaise. Le constructeur est alors passé de 91 000 employés à 5 000 qu’il a occupés à construire le Navion. Lorsque la guerre froide a débuté, le réarmement a repris et North American à vendu le Navion à Ryan pour se consacrer à nouveau à la production pour l’Air Force.

Environ 140 unités produites dont 7 survivants sont dit-on recensés.

Vues de détails et de l’étonnante cinématique de repliage du phare

Pas d'exclusivité, le Scoot-Air peut passer de l'avion à votre bateau avec l'atout supplémentaire que l'aluminium est beaucoup moins sensible à la corrosion.
… ou à votre voiture, comme le démontre ici Bourvil, utilisateur réjoui du Scoot-Air dans l'opérette "La route fleurie". Image empruntée à Bourdache qui la repique lui-même dans Lecture pour tous… origines plus lointaines inconnues !

Fiche technique

Moteur Le Poulain Comet monocylindre 2 temps refroidi par air – 98,3 cm3 (50 x 50 mm) – 5ch/4 800 tr/min – Graissage par mélange

Transmissions : 2 vitesses par pédales – Transmission secondaire par chaîne – Démarrage par lanceur à main

Partie cycle : Profilés en alliage léger entretoisés – Parties arrière, centrale et avant assemblées par broches démontables – Suspensions : avant en alliage léger à roue poussée, arrière : sous-cadre oscillant portant moteur et transmission – Ressorts avant et arrière en duralumin travaillant en traction et amortisseurs à friction – Dimensions monté : L x l x h : 175 x 39 x 85 cm, 55 kg – Châssis arrière seul : 85 x 39 x 52 cm, 39 kg – Roues en alliage léger, pneus 3,50 x 8″ – Freins à tambour Ø 110 mm – Réservoir 5 litres – 60 km/h

 

Vous avez aimé le Valmobile, un scooter-valise inventé par Victor Bouffort au début des années 50 puis construit sous licence au Japon, vous adorerez le Scoot-Air construit par Jacques Lefol en 1955, un 100 cm3 repliable en 4 minutes chrono et pesant tout juste 55 kg grâce à son châssis et à sa carrosserie tout aluminium. Idéal pour [...]