Après les premiers du genre et la Moto-Bécanette, suivis par les twins à l’horizontale des années 50, Rumi en tête, voici le troisième et dernier chapitre de l’histoire des moteurs à deux cylindres parallèles et horizontaux. Dix ans après les succès des Rumi et Motobi, le Japon, l’Italie et même le Canada tentent, encore sans succès, de relancer le concept. En deux-temps bien sûr, car en quatre-temps, si on fait abstraction des motos de course comme l’Ultima Lyonnaise ou la Lino 500 de Lino Tonti, il faudra attendre le Yamaha 500 T-Max en 2000 pour voir renaître le bicylindre à plat.
Photos ou archives François-Marie Dumas/motocollection.org sauf mention contraire
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Riedel Till 150 – 1950
Je bats ma coulpe, les Till et Imme créés par Norbert Riedel ne devraient pas être là, mais dans le chapitre précédent puisqu’ils datent respectivement de 1950 et 1951. Oubli réparé, les voici en supplément à l’article sur les Imme 100 monocylindres paru il y a quelque temps sur ce blog.
Passionné par le véhicule populaire, Norbert Riedel voit avec autant d’intérêt que d’inquiétude le succès explosif du scooter et tente illico de transposer sur petites roues le concept minimaliste de son Imme. Ainsi naît en 1950 le très curieux scooter Till, et comme on dénombre alors plus de seize millions de personnes qui vont au cinéma en Allemagne, Norbert Riedel décide de lancer son dernier né sur le grand écran en faisant apparaître le Till dans le film de 1950 La fiancée de la forêt noire (‘Schwarzwald mädel’) tiré de l’opérette du même nom dont le tournage s’effectue du 1er mai au 3 juin 1950. Le Till présenté en grande pompe dans toute la presse internationale en 1950 est animé soit par le 100 cm3 soit par un tout nouveau moteur bicylindre de 150 cm3 (alésage x course : 48 x 51 mm) doté pour la circonstance d’une turbine de refroidissement. Le Till annonce alors 6 ch à 5 000 tr/min, 80 kg et 80 km/h avec une grande souplesse de fonctionnement. L’embrayage est commandé soit à main soit par pédale au pied. Les roues de 8 pouces sont bien entendu montées en porte-à-faux.
Les grandes difficultés financières de l’entreprise mettent malheureusement fin au projet après qu’il n’en a été construit que quelques unités avec d’ailleurs deux carrosseries différentes. Nul ne saura jamais si le Till, mort-né ou presque, aurait pu être un succès, mais il aurait eu fort à faire face aux Vespa et Lambretta, il faut l’avouer un poil plus aguichants.
Riedel Imme 150 – 1951
Rien ne se perd, en mai 1951, Riedel élargit sa gamme moto avec un modèle utilisant le même bicylindre de 150 cm3. Seul le moteur diffère de l’Imme mono et Riedel proposera d’ailleurs une possibilité d’échange standard pour transformer les Imme 100 en Imme 150 bicylindre. Pour prouver ses performances le 29 mai 1951, Riedel emmène son bicylindre sur le circuit d’Hockenheim où les Imme 150 couvrent 552 km à 70 km/h de moyenne en dépit d’un fort vent tandis que deux Imme 100 parcourent la même distance à 60 km/h de moyenne.
Hélas, la crise qui sévit alors en Allemagne touche la jeune entreprise de Norbert Riedel de plein fouet d’autant plus que les nouveaux Imme bicylindres et Till ne rencontrent guère de succès. Riedel passé sous contrôle judiciaire en 1950, est déclaré en faillite en 1951 et licencie une grande partie de son personnel en avril de cette année noire. Les efforts incessants de Riedel pour trouver de nouveaux débouchés à ses produits se soldent par une succession d’échecs. En Allemagne, le bicylindre Imme est ainsi vendu à Fritz Fend pour des voiturettes d’infirmes, mais il ne sera pas repris sur les fameux Messerschmitt à trois et quatre roues créés ensuite par le même ingénieur ex-pilote de la Luftwaffe.
Stella 150 – 1951
La plus étonnante réalisation sur base Riedel arrive en France au salon de Paris d’octobre 1951 où la marque nantaise Stella, célèbre pour ses vélos équipant Louison Bobet, tente ainsi d’entrer dans le monde du deux-roues motorisé. On suppose que l’ensemble de sa partie cycle à suspensions avant et arrière monobras sont directement empruntés au Till et il s’annonce au choix avec le moteur Riedel 125 mono ou 150 bicylindre. Un bel exercice de style et un moteur plein de promesses, mais, pas de chance, son élégant scooter à double queue façon Cadillac qui ne vivra que le temps du salon.
Showa 350 Marina 1956
La marque japonaise Showa Works ltd (à ne pas confondre avec Showa Aircraft Cy) est surtout connue pour la série de sa gramme « Cruiser » en quatre temps sortie à partir de 1954, mais la firme commit aussi quelques deux-temps dont cette formidable Marina dotée d’un beau bicylindre horizontal ovoïde dont Motobi n’aurait pas à rougir, d’un étonnant cadre coque en tôle (d’acier ?) et juchée sur des petites roues de 16 pouces. Présentée en 1956, cette 350 cm3 bicylindre (62 x 58 mm) promettait 22 ch à 5500 tr/min et 110 km/h pour un poids de 153 kg. Sa production n’est pas confirmée et Showa associé à Hosk en 1959 passera dans le giron de Yamaha en 1960. Dommage, Yamaha utilisera les ex-usines Showa, pour construire ses plus grosses cylindrées, mais ne reprendra pas les idées testées avec la belle Marina.
Olympus 250 twin 1960 & 370 tricylindre 1962
Quatre ans plus tard, en 1960, c’est au tour d’Olympus d’entrer dans le clan très fermé des constructeurs de twins deux temps à l’horizontale. La marque établie à Nagoya a débuté en 1952 avec des monos quatre temps très inspirés par AJS. Elle se tourne ensuite vers le deux-temps en 1957 avec ses 250 Crown réplique des 350 IFA-MZ flat twins puis change une nouvelle fois son fusil d’épaule et présente une fort élégante 250 cm3 tout en rondeurs à deux cylindres horizontaux avec, comme tout le monde ou presque, les cotes classiques de la DKW 125 (52 x 58 mm). Cette belle Nippone baptisée SH et produite en très faible quantité, arbore un superbe réservoir ovoïde et annonce des performances plus qu’alléchantes : 21 ch, 155 kg et 150 km/h. Mieux encore, elle se décline fin 1961 avec une exceptionnelle version 370 cm3 à trois cylindres à plat dont seul le poids est communiqué, 170 kg. L’originalité ne paie malheureusement pas toujours. La tricylindre ne sera jamais vendue et Olympus cesse toute production à la fin de cette même année 1962.
MV Agusta 150 – 1967
Surprise, cinq ans plus tard au salon de Milan de 1967, c’est MV Agusta, qui relance l’idée d’un twin (presque) horizontal. Hélas, cette étonnante machine ne vit que le temps d’un salon et même les journaux italiens de l’époque ne la décrivent qu’en quelques lignes. Le culte du secret est une règle dans l’usine de Gallarate et nul n’en saura plus que les quelques chiffres donnés en pâture aux journalistes en 1967. MV Agusta qui a déjà étonné deux années plus tôt avec sa 600 GT, le premier quatre-cylindres transversaux jamais produit en série, va à l’encontre de toutes ses habitudes en présentant ce 150 cm3 Bicilindrico (et pas bicilindrica, sans doute pour bien noter la virilité du modèle !). Les cylindres inclinés à 45° sont, affirme l’usine, alimentés par des distributeurs rotatifs (pourtant très décrié par le comte Agusta) sans qu’on sache comment ce dispositif, invisible sur les photos, est installé. La boîte est à cinq rapports et le bicilindrico annonce des performances brillantes pour son époque avec 12 ch à 8 000 tr/min et 125 km/h. La partie cycle est tout aussi inhabituelle pour MV Agusta tout du moins dans sa partie avant avec le moteur en porte-à-faux accroché (comme pour les motos Rumi) sous un double berceau interrompu en tubes. La partie arrière du cadre est par contre typique de MV avec deux crosses en tôle emboutie qui supportent les combinés de la suspension oscillante, un schéma de construction utilisé par la marque depuis sa première 125 à suspension oscillante en 1947.
Suzuki 90 Wolf & 125 Leopard – 1969
En est-ce fini à jamais des bicylindres (presque) horizontaux ? Non ; deux ans plus tard Suzuki relève le gant et présente au salon de Tokyo de 1969 sa Wolf 90 cm3, le plus petit bicylindre dans sa catégorie, qui annonce fièrement 10,5 ch à 8 500 tr/min. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que le twin horizontal renaisse en ce pays et sur une aussi petite moto, car, pour les petites cylindrées, la mode au Japon d’alors est aux cylindres à plat que ce soit en deux temps chez Yamaha et Suzuki comme en quatre temps avec les Honda 50 et 70 cm3 du Cub au Dax en passant par les SS. Normalement les plus grosses cylindrées relèvent la tête et seul Suzuki gardera la même disposition en montant en gamme.
La T90 Wolf se double la même année de la T125 Flying Leopard qui est importée chez nous sans y connaître un grand succès. Sa frêle silhouette n’arrive pas à séduire la clientèle des 125 qui veut au contraire avoir le vélomoteur le plus imposant possible. Dommage, car il est, tout compte fait, peu de motos qui apportent un style radicalement nouveau et la série des T 90 et T 125 Suzuki, qui se démarquent de toute la production existante par leur style comme par leur concept, méritent à ce titre une place d’honneur dans l’histoire.
Ces deux petits cubes sont remarquablement fins et élancés, avec une parfaite homogénéité entre tous les éléments. Bloc moteur souligné d’ailettes sur les carters, échappements relevés, réservoir en lame de rasoir et selle dans le prolongement, toutes les lignes, anguleuses, sont horizontales et donnent aux T 90/125 une grande dynamique.
Can-Am 500 – 1976
Le groupe Bombardier, au départ « Autoneige limitée Bombardier » est né à Valcourt au Québec en 1942. Après avoir inventé et développé la motoneige moderne, le groupe rachète Rotax en 1969 et s’investit timidement dans la moto avec des modèles d’enduro sous sa marque Can-Am dans les années 70. La firme pense même sérieusement à venir chatouiller les Japonais et leurs motos routières en présentant en 1976 ce très beau prototype 500 cm3 bicylindre horizontal qui, personnellement, me fait toujours rêver. Les nouvelles réglementations anti-pollution mettront définitivement fin au projet et il faudra attendre quelques dizaines d’années avant de voir revenir Can-Am sur le bitume avec cette fois des trois-roues, mais, ça, c’est une autre histoire.