Les cyclomoteurs, Mobylette en tête, ont un phénoménal succès en ce début des années cinquante, tout comme les scooters alors pourquoi ne pas créer le compromis idéal : le scooter à grandes roues… tel semble avoir été le raisonnement de tous les constructeurs de seconde catégorie qui présentent tous leur moto-scooter à partir de 1952. Les grands du scooter français, Motobécane, Peugeot, Terrot et Bernardet resteront à l’écart de cette tendance encore que Motobécane y fasse une concurrence sérieuse, mais en 50 cm3 seulement. Notre production nationale de scooters à grandes roues en présentera tous les genres, du cyclomoteur passé à 65 ou 98 cm3 et hâtivement habillé de quelques tôles, à la presque-moto carrossée avec plus ou moins de bonheur, en passant par des réalisations foncièrement novatrices et réalisées à grands frais… mais parfois sans grand jugement. En route pour un panégyrique non exhaustif, mais presque, des géniales motos-scooters français de ces années folles.
Les liens reportent aux fiches traitant des modèles traités avec leurs fiches techniques
Photos et archives F-M. Dumas/moto-collection.org sauf mention contraire
Le scooter qui revient en force dans les années 50 est rappelons le, une invention française, et a fortiori le scooter à grandes roues, car le premier deux roues correspondant à cette définition d’un cadre ouvert pour une moto qu’on n’enfourche pas, mais dans laquelle on monte, est bien l’Autofauteuil construit à Blois dès 1902 et jusqu’environ 1922. D’autres essais eurent lieu, bien sûr, mais par sa sophistication, son côté pratique et surtout sa fabrication en série, l’Autofauteuil est bien le seul à pouvoir revendiquer cette antériorité.
Sterling 125/175 Sterva 1952-1955
Cette grande saga du scooter à grandes roues français débute au salon de Paris 1952 avec un attrayant Ardent Esterel de 65 cm3 à moteur Lavalette 3 vitesses et suspension arrière oscillante, un gros cyclomoteur dont la diffusion confidentielle signe la fin de la marque, et le Sterva, une construction assez artisanale due à Sterling, un très ancien constructeur de vélos stéphanois qui présente son Sterva au salon avec le moteur S.A.A B des établissements Briban. Ce seront finalement des Ydral en 125 et 175 cm3 sur la version définitive présentée en 1953. Le cadre tubulaire est habillé d’une coque en tôle d’acier avec une suspension avant télescopique qui intègre le capotage de phare et la suspension arrière est oscillante sur anneaux Neiman remplacés par la suite par quatre ressorts horizontaux. Les roues sont de 16 pouces en 550 x 85. Et pour un coup d’essai c’est un coup de maître, car cette première réalisation, très inspirée par le Rumi Scoiatolo 125 apparu en 1951 va s’affirmer en France comme l’une des meilleures sinon la meilleure du genre. Le Sterva sera également commercialisé par la firme nantaise Stella et, en Belgique, par Van Hauwaert qui le rebaptise alors Motoretta et y monte des moteurs JLO. Il fera même une brillante prestation sportive au 26e Bol d’Or en 1954 avec un 175 cm3 à moteur Sachs piloté par Wallet et Bertin qui finissent 10e en catégorie 175 où il est le premier (et seul) scooter. Ce « gros » Sterva est suivi par un Sterva Junior à moteur Le Poulain Comet de 98 cm3 et grandes roues de 19 pouces en 1954 (également commercialisé par Aliguie sous le nom de Silver Star), mais ce sera le chant du cygne de la marque stéphanoise qui se regroupe avec quatre autres constructeurs-assembleurs pour former la Cocymo qui abandonne la fabrication des Sterva.
Moteur 2 temps Ydral à cylindre incliné – 175 cm3 (62 x 57,8 mm) – 7 ch/5000 tr/min – Graissage par mélange – 4 rapports au pied – Transmission primaire par engrenages – Démarrage par levier à main puis par kick – Cadre monotube, arrière en tôle emboutie – Suspensions av. télescopique, ar. oscillante – Roues 16″ – 93 kg
En août 1953, la presse motocycliste française présente un mystérieux prototype de moto carrossée censé marquer une étape vers une nouvelle formule de moto-scooter utilisant les méthodes de fabrication automobile. Ce battage publicitaire annonce la sortie du Polo, construit par la petite firme Jonghi de La Courneuve (Seine). Étudié, dit-on, depuis 1948 par le célèbre ingénieur italien Giuseppe Remondini, le Polo, commercialisé fin 1954 est moderne sans être révolutionnaire avec une coque autoporteuse en tôle emboutie perchée sur de grandes roues de 19 pouces. Cette coque forme tunnel de refroidissement pour le moteur maison étudié spécialement pour ce deux-roues hybride, un 125 cm3 deux temps à cylindre horizontal et boîte quatre vitesses commandée par poignée tournante. La suspension avant à roue tirée est empruntée aux productions classiques de Jonghi tandis qu’à l’arrière, un bras oscillant en tôle emboutie comprime deux ressorts Paulstra, enrobés de caoutchouc. Le réservoir est logé en haut des pare-jambes et son dessus forme un petit tableau de bord intégrant bouchon de remplissage et compteur. Son manque d’élégance vaudra au Polo une carrière discrète et les efforts de Jonghi en 1956 pour adoucir ces lignes rébarbatives avec un émaillage bicolore et quelques accessoires arriveront trop tard.
RSI (Riva-Sport industries) 100 Sulky – 1953-1958
Le Riva présenté au salon de Paris d’octobre 1953 par l’usine vichyssoise Motobloc-RSI (Riva-Sport Industries) est le seul deux-roues français dessiné par le styliste Louis Lepoix qui, faute de trouver des clients dans son pays, va signer tous les scooters allemands les marquants, du Bastert aux Walba et Faka en passant par les TWN Contessa et, en 50 cm3, le très fameux Kreidler Florett. Le Riva RSI Sulky de 1953 est initialement animé par un moteur SER (Ets. Sérouge à Levallois) deux temps de 65 cm3 à deux rapports monté dans une partie cycle tubulaire avec de grandes roues, une fourche avant à parallélogramme en tôle emboutie joliment profilée et pas de suspension arrière. En 1954, le Sulky alors émaillé vert clair acquiert un moteur 98 cm3 AMC Mustang à cylindre horizontal et trois rapports et cette nouvelle motorisation fait ses preuves à Montlhéry en mars 1955 avec la version « déshabillée » du Sulky, le Sporting, qui bat cinq records du monde dont ceux des 24 et 48 heures à 80 km/h de moyenne. En 1956 ce Sulky monoplace est doublé par un 98 cm3 biplace de même cylindrée avec des roues qui passent à 16 pouces et une suspension arrière oscillante amortie, comme l’avant, par des anneaux Neiman. La présentation est bicolore en deux gris avec selle double en option. En 1957, enfin, le 98 cm3 laisse place à un 125 AMC Isard développement du 100 cm3 Mustang qui donne 5,50 ch et promet du coup 80 km/h. La production du Sulky, brièvement équipé d’une fourche télescopique, est arrêtée à Vichy en 1958, mais reprise avec quelques modifications en Espagne par Rieju.
Moteur 2 temps AMC Mustang à cylindre horizontal – 98 cm3 (50 x 50 mm) – 4,5 ch/4 500 tr/min – Graissage par mélange- Boîte à 3 rapports commandes au guidon – Transmission primaire par chaîne – Démarrage par kick – Cadre double berceau – Fourche av. à parallélogramme en tôle emboutie et anneaux Neiman – Roues 16″ – (43 kg en 1953) 70 kg – 65 à 70 km/h
Mercier Vacances 1954-1955
Comment perdre de l’argent et ruiner sa boutique ? Simple, fabriquez à grands frais une coque-carrosserie autoporteuse aussi lourde qu’onéreuse en Alpax de 4 mm d’épaisseur et tentez de la vendre plus cher que la concurrence sur un marché où vous n’êtes connu que pour vos bicyclettes. Cette Mercier Vacances apparaît en 1954 chez le constructeur de vélos stéphanois avec une suspension avant à roue poussée (bientôt remplacée par une télescopique) et arrière oscillante sur bloc caoutchouc. Bien que donné, avec optimisme, pour 5 chevaux à 4 800 tr/min, le pauvre moteur Le Poulain Comet de 98 cm3 à boîte deux rapports et démarrage par lanceur à main monté dans un châssis en fer en U qui rigidifiait la coque en l’alourdissant sensiblement, avait bien du mal à l’emmener aux 65 km/h promis.
Moteur 2 temps Le Poulain Comet 98cm3 (50 x 50 mm) – 5 ch/4800 tr/min – Graissage par mélange – 2 vitesses et démarreur par poignée à main – Cadre monocoque en Alpax de 4 mm sur châssis moteur en fer en U – Suspension av. à roue poussée puis télescopique, ar. oscillante sur bloc caoutchouc, débattement 80 mm – Freins à tambour ø 120 mm – Pneus 600 x 85 – Réservoir 8 l – Poids non communiqué ! – 70 km/h
Monet-Goyon 98 cm3 Starlett – 1954, 112 cm3 – Dolina 125 cm3 – 1957-1959
Monet Goyon a été, on le sait, pionner mondial du scooter à grandes roues avec ses Vélauto produits dès 1919 et la firme mâconnaise sera aussi l’une des toutes premières à croire au scooter léger à grandes roues. La Starlett conçue par André Lemardelé en 1953 et habillée le grand styliste Alexis Kow (plus connu par ses créations automobiles chez Hotchkiss ou Panhard) sort sous les marques jumelles Monet Goyon et Koehler Escoffier. Ce gros cyclo scooter a une coque autoporteuse et tôle d’acier avec marchepieds et pare-jambes qui va d’ailleurs s’avérer bien fragile, des roues de 19 pouces (600 x 65) et une suspension avant à biellettes étudiée comme pour les motos par l’ingénieur Grégoire. L’arrière est rigide. Le moteur est un Villiers construit sous licence de 98 cm3 (47 x 57 mm) et les deux vitesses sont commandées par poignée tournante. Comme sur le « Vacances » de Mercier le démarrage s’effectue par lanceur à main et la vitesse promise est de 65 km/h. La Starlett proposée au départ en vert martelé passe en 112 cm3 en 1955 où elle est proposée en trois coloris puis reçoit un troisième rapport en 1956 avant de laisser place à la Dolina en 1957. D’aspect beaucoup plus cossu, en particulier grâce à ses roues de 16 pouces, ce nouveau modèle passe rapidement de 112 à 125 cm3. Il est enfin doté d’une suspension arrière oscillante due, elle aussi, à l’ingénieur Grégoire, mais plutôt rudimentaire, car après avoir étudié une toute nouvelle coque dessinée par Alexis How, la marque en grande difficulté, s’est contentée de modifier l’ancienne. Sa carrière sera hélas de courte durée, car la crise force Monet Goyon à se reconvertir dans le matériel agricole léger et à abandonner le deux-roues en 1959.
Paloma 705 – 1954-1955
Inspiré sans aucun doute par le Monet Goyon Starlett et le Jonghi Polo tous deux présentés en 1953, le Paloma 705, première production des établissements Humblot à Chatillon-Sous-Bagneux, fait les couvertures de Motocycles et Scooters en février 1954 et celle de Le Scooter en mai. Méritait-il autant ? C’est en fait une reprise d’un projet étudié par Narcisse petite marque établie à Saint-Ouen dans la banlieue parisienne… avec des roues de 19 pouces (pneus de 600 x 65 selon la terminologie vélocipédique) et un moteur Lavalette de 70 cm3 à boîte à trois vitesses présélectionnées par poignée tournante. (Il n’est ainsi pas besoin de débrayer) supporté par un bâti en fonderie fixé sous le châssis-coque lequel se limite d’ailleurs à un simple pliage plutôt anguleux. Le modèle évolue en 125 avec un moteur René Gillet et un capotage de phare et s’arrête en 1956.
Le prix de vente de ce premier modèle 70 cm3 est attractif (85 000 francs au salon 1954 contre 78 500 pour la Starlett de Monet Goyon et respectivement 166 000 et 185 000 pour les Sterva 125 et 175. La 125 Vespa vaut alors 142 325 francs), mais son équipement d’origine est indigent (compteur, tand-sad, sont en option), il n’y a pas de suspension arrière et les 3 pauvres chevaux ne l’emmènent aux 65 km/h promis que dans les conditions les plus optimales. Les établissements Humblot (plus célèbres pour avoir importé les Puch) tenteront bien d’améliorer leur produit, mais ce gros cyclo mal né ne remontera jamais la pente. Le P705 se double au salon 1954 du P1250 à moteur signé par Paloma (en fait un René Gillet) de 125 cm3 à boîte conventionnelle trois rapports et un équipement un poil plus cossu ce qui ne suffira pas à lui assurer le succès.
Moteur 2 temps BML 70 cm3 (48 x 39 mm) – 3 ch – Carburateur Gurtner Ø 12 mm – Graissage par mélange – Boîte 3 vitesses au guidon – Cadre monocoque en acier, berceau moteur en fonte – Suspension av. télescopique, débt.: 140 mm – Pneus 2,50 x 19″ – Freins à tambour ø 120 mm – 65 km/h.
New-Map 125 Escapade – 1955-1958
La firme lyonnaise New Map qui produit après guerre des motos légères et vélomoteurs à moteurs Opti (250 cm3), AMC et Ydral (125/175 cm3) et Sachs (100/125 cm3) et qui importe également les flat twins britanniques Douglas, présente au salon de Paris 1954, la Mascoot, un vélomoteur léger de 98 cm3 à moteur Sachs à deux vitesses, mise en route par levier comme sur les premières Velocette 200 LE et coque autoporteuse ouverte en tôle emboutie. Ce coup d’essai reste sans suite, mais New Map revoie totalement sa copie et dévoile au salon de l’année suivante l’Escapade un « demi-scooter » animé par un AMC Isard 125 cm3 deux-temps (remplacé par un AMC Élan à quatre rapports sur les ultimes versions). L’habillage en tôle dissimule un cadre double berceau tubulaire avec des suspensions avant télescopique et arrière oscillante comprimant deux blocs caoutchouc « Evidgom » suivant la technique alors très en vogue. Les roues sont de 16 pouces. La protection est assurée par de très profonds garde-boue, deux demi-tabliers et deux demi-panneaux latéraux facilement déposables. Cet hybride plutôt élégant ne plaira pourtant guère et ses ventes resteront confidentielles jusqu’à sa disparition en 1958.
DKW, pionnier du scooter à grandes roues avec son Lomos en 1921 — déjà équipé d’un changement de rapport progressif, mais commandé à main — présente son 75 cm3 Hobby en 1954. Désireuse de diversifier ses productions, la Manufacture de Machines du Haut-Rhin (Manurhin), connue pour ses fabrications de machines-outils, de munitions et d’armes portatives, a commencé dès 1956 la production sous licence du Hobby sous l’appellation MR 75. Il est alors vendu 99 500 F. DKW, devenu Auto Union, abandonne totalement son Hobby après en avoir produit 45 303 exemplaires de 1953 à 57 et en laisse l’exclusivité à Manurhin qui va en écouler 26 700 unités de 1956 à 1960. Une production totale assez impressionnante.
Le DKW Hobby est à première vue une moto-scooter classique doté de roues de 16″ et animé par un deux temps de 75 cm3. Son originalité tient dans ce que la publicité nomme alors la « boîte pensante », un variateur automatique par poulies extensibles et courroie trapézoïdale, système Uher, similaire dans son principe aux variateurs de tous nos scooters moderne. Plus simple et plus économique qu’une boîte de vitesses classique, cette transmission automatique permet une infinité de rapports utilisant au mieux les modestes 3 ch du moteur.
Les Hobby 55 et MR 75 ne sont pourtant pas entièrement automatiques car ils conservent une manette d’embrayage classique. En modifiant ressorts et masselottes du système initial, l’embrayage devient automatique avec le Manurhin « Beltomatic intégral » du salon 1957, baptisé SM 75, qui perd sa manette d’embrayage et gagne un coupe-contact au guidon et un bouton enclenchant le variateur.