Peugeot 500 GP 1922-26 : la M2 du simple ACT 2 soupapes au double ACT à 2 ou 4 soupapes
On vous a souvent parlé des Peugeot dessinées par Ernest Henry de 1913 à 1922 avec un bicylindre parallèle vertical à double arbre à cames en tête et huit soupapes, puis vint, dès mai 1922 en non en 1923 comme il est dit d’habitude, la version M2, toute différente, due cette fois à l’ingénieur roumain Lessmann Antonesco. Sur ce nouveau bloc moteur à plan de joint horizontal, les deux cylindres en fonte accolés sont verticaux. Il a toujours été écrit qu’il s’agissait d’un simple ACT entraîné par arbre et cloupes coniques avec deux soupapes par cylindre commandées par culbuteurs. C’est exact dans la grande majorité des cas. Il y eut pourtant, on va le voir, des versions double ACT à 2 et 4 soupapes par cylindre.
J’ai commencé par retrouver il y a pas mal d’années dans les archives de Robert Sexé — qui en dehors de ses voyages, travailla aussi pour Peugeot qui lui confiait ses prototypes à l’essai — des plans de la même M2 montrant différentes configurations et calages du vilebrequin. On pensait jusqu’alors que ces plans n’étaient que des études jamais mises en œuvre, mais c’est faux, car un examen très attentif des photos connues montre clairement les essais en course de ces projets de double arbres à cames en tête à 4 et 8 soupapes. Nous allons y venir mais commençons par l’histoire générale de la M2.
500 M2 : L’histoire en bref
Revenons aux débuts de l’histoire. En 1922 la Peugeot 500 à double ACT et 8 soupapes conçue par Ernest Henry et perfectionnée par Marcel Grémillon, si révolutionnaire qu’elle soit, n’est plus concurrentielle. Elle continuera à apparaître en course épisodiquement en 1923, mais, l’année précédente, Peugeot a engagé un jeune ingénieur roumain, Lessman Antonescu qui francise son nom en Antonesco et qui conçoit un tout nouveau bloc moteur bicylindre qui va remporter un colossal succès aux mains de Paul Péan, René Gillard et Richard. Des grandes épreuves internationales aux records de vitesse, rien ne leur échappe malgré la concurrence des ABC, Alcyon, Douglas, Koehler Escoffier, Norton et Sunbeam. La 500 Peugeot M2 remporte au total 20 et une victoires sur 23 courses, sans doute le plus beau palmarès international dont puisse se vanter une moto française. GP de Lyon en mai 1923, km lancé à 157,9 km/h, 1e, 2e et 4e place au GP de Suisse en juin puis triplé le 8 septembre 23 au GP des Nations à Monza, et le 29 du même mois, victoire au GP d’Espagne à l’inauguration de l’anneau de Sitges. Le seul gros échec sera au GP de l’Union motocycliste de France où une épidémie de soupapes grillées touche les trois Peugeot. En 1924, après une nouvelle victoire au GP de Lyon, une belle démo sans résultat au TT de l’île de Man, la version 750 cm3 (l’alésage passe de 62 à 70 mm pour donner 631 cm3, cylindrée augmentée par la suite)bat deux records du monde à Arpajon en catégorie 750 cm3 sur le mile et le kilomètre lancé à plus de 165 km/h. La carrière de la M2 touche à sa fin. Elle n’obtient guère de résultats en 1925 et l’année 1926 sera à peine plus brillante en dépit des 2e places de Gillard au GP de l’UMF et de Péan au GP de France suivies par un doublé de Péan et Richard au GP de Lyon.
Hélas, l’automobile est en pleine crise de puis 1924 s’est lancée dans des affaires maladroites. En 1926 les branches automobiles et deux roues se dissocient avec une difficile restructuration qui n’est pas sans conséquences. La 500 M2, qui n’aide guère aux ventes de Peugeot qui ne produit plus alors que des deux temps utilitaires, est sacrifiée au profit et disparaît en 1927. Le département compétition, lui, survit cependant jusqu’en 1929.
Voilà pour l’histoire en bref, place aux évolutions de cette fameuse M2, qui, réserve de sacrées surprises.
Configuration standard en 500 et 750 cm3 : simple ACT, 2 soupapes par cylindre et un seul carburateur
Ce plan signé le 22 décembre 1922 (et deux autres de juillet et novembre 1922) montrent ce qui fut la disposition standard, un simple ACT et soupapes de ø 36 mm, inclinées à 50° et actionnées par culbuteurs.
Il y eut deux versions en 750 cm3, la première ne fait en réalité que 631 cm3 avec un alésage porté de 62 à 70 mm, puis une 738 cm3 avec cette fois un alésage de 75,7 mm, la course restant pout toutes les versions, 500 cm3 ou plus, de 82mm. Sur la 738 cm3 l’angle des soupapes est réduit à 46° et leur diamètre passe à 42 mm. Le vilebrequin est calé à 360° (les pistons montent et descendent en même temps comme sur les anciennes anglaises). Ce calage ne sera pas toujours le cas, nous y revenons à la fin de cette étude.
500 M2.1 : 2 ACT et 2 soupapes par cylindre, commande directe par poussoirs pour les débuts dès mai 1922
Avant même que soit définie la configuration standard à simple ACT, Antonesco avait conçu une distribution par double ACT excessivement moderne avec, comme sur la majorité des motos actuelles, une commande directe des soupapes par deux ACT et un réglage des soupapes par pastilles sous les poussoirs. Il y a un carburateur par cylindre et on ignore le calage du vilebrequin.
500 M2.2 : 1922-1923 2 ACT 4 soupapes commandées par linguets
Une photo en août 1922 et deux plans datés du 4 et du 12 janvier 1923 montrent le même moteur doté d’une culasse à 2 ACT, mais doté cette fois de 4 soupapes à 90° par cylindre actionnées par linguets. La bougie est centrale. Les ACT tournent sur roulements à billes. Comme sur la version 2 ACT 2 soupapes, un arbre intermédiaire supporte un pignon à 24 dents à taille oblique engrenant sur l’arbre vertical et un pignon à taille droite de 34 dents entraînant les pignons identiques des deux ACT. Il y a ici une pipe d’admission par cylindre et deux carburateurs alors que les versions standard n’en ont qu’un. On ne connaît pas le calage du vilebrequin.
Deux ans plus tard, le 4 soupapes refait une apparition
Avec ce plan du 12 janvier 1923 et la photo jointe de 1924, Antonesco revient au 4 soupapes et à son premier choix avec une commande directe des soupapes par les arbres à cames.
La question du calage
Une coupe du moteur généralement publiée dans la presse et différents ouvrages montre la version standard à simple ACT avec un vilebrequin calé à 360°. Il est celui des plans du 20 décembre 1922 et du même modifié le 22 février 1924. C’est sans doute un peu après cette date que le calage à 180°, à l’époque tout à fait hors normes, fut adopté. On en trouve en effet un croquis crayonné sur le plan modifié en février 1924. Il est en tout cas celui des deux moteurs retrouvés et datés de 1926 pour l’un (chez Nougier) et de 1925 ou 26 pour celui d’Eric Miniussi.
Fiche technique Peugeot 500 M2 1923
Bloc moteur à 2 cylindres verticaux accolés 4 temps refroidi par air – 496 cm3 (62 x 82 mm) – 27ch/ 5000 tr/min – 1 ACT entraîné par arbre, 2 soupapes ø 36 mm inclinées à 50° par cylindre – Vilebrequin assemblé et boulonné sur trois paliers et roulements à billes calé à 360° (puis à 180° vers 1925-26) – 1 carburateur Zénith spécial – Allumage par magnéto – Graissage à carter sec (huile dans une semelle sous le carter moteur puis dans un réservoir séparé à partir de 1924, puis de nouveau sou le carter moteur) – Bloc moteur-boîte 3 rapports à main – Transmissions primaire par engrenages, secondaire par chaîne – Cadre rigide simple interrompu puis double berceau en 1924 – Suspension av. à parallélogramme type Druid à 2 ressorts latéraux puis type Webb à ressort central enfermé en 1924 – Roues 21″ – Empattement 1370 mm – 114 kg – 166 km/h – Version 750 cm3 (70 puis 75,7 x 82 mm): 172 km/h.
Saint Exupery à écrit qu’une mécanique n’était jamais aussi belle que lorsque l’on avait enlevé ce qui est superflu. Avec ces Peugeot c’est le cas et je les trouve magnifiques. Ceci dit, il fallait de l’abnégation pour foncer sur ces moto avec les pneus de l’époque et souvent sans frein avant…
Lumineux cet article !! Qd sait voir les documents et les photos d’epoque et pas seulement regarder il y a encore plein de decouvertes a faire !
Merci pour la publication de ces documents assez exceptionnels . Robert Sexé n’était pas qu’un simple baroudeur ! …