Laverda a surtout laissé le souvenir de ses grosses cylindrées 750 et 1 000 cm3, mais les brillants débuts de la firme en 75, 100, 200 et 50 cm3 sont beaucoup moins connus de ce côté-ci des Alpes.
Photos François-Marie Dumas/moto-collection.org sauf mention contraire. Les liens en bleu renvoient aux fiches descriptives concernées.
Les motos Laverda furent le fruit de la passion de deux hommes : Francesco Laverda, qui a pris en 1937 la direction de l’usine familiale, et son directeur technique, Luciano Zen. Elles en tirèrent une indiscutable personnalité. Établie à Breganze dans la superbe région du Veneto, Laverda, connu depuis 1873 pour ses machines agricoles et plus tard par ses caravanes, se lance dans la moto en 1949 avec de petits monocylindres quatre temps de 75 cm3 puis 100 cm3 qui vont connaître dix années durant un fabuleux succès en Italie et donner à Laverda son image d’une firme sportive en constante recherche de solutions techniques originales et élégantes.
Après un premier prototype à cadre double berceau de tôle emboutie et carter moteur-transmission secondaire faisant office de bras oscillant, Laverda revient pour la production en 1950 à un concept plus conventionnel et moins couteux en fabrication. Les choix de base sont conservés : 75 cm3 pour pouvoir, en Italie, emporter un passager, un cadre semi-ouvert pour séduire les belles Italiennes et un moteur quatre-temps, bien que cette option rende le 75 Laverda 30 % plus cher que ses concurrents en deux-temps. Le bloc moteur tout aluminium, monté fixe cette fois, développe 3 ch à 5 200 tr/min qui propulsent les 65 kg de cette première petite Laverda à 60 km/h. Le cadre ouvert, sur lequel se greffe un très élégant réservoir ovoïde, est constitué d’une fine poutre en tôle emboutie tout comme le bras oscillant de la suspension arrière qui s’appuie sur des blocs de caoutchouc et la fourche avant à parallélogramme. Courant 1951, la suspension arrière reçoit des amortisseurs à friction et une fourche télescopique est proposée en option. En 1952 apparaît une toute nouvelle version à cadre double berceau en tubes, fourche télescopique hydraulique et suspension arrière oscillante à deux amortisseurs. À ces deux modèles de 75 cm3 s’ajoutent, en 1953, deux versions de 98 cm3 (52 x 47 mm) Standard et Sport restylées et données respectivement pour 5 ch à 6 000 tr/min et 75 km/h et 6,5 ch à 7 500 tr/mn et 95 km/h.
Comme toute machine italienne qui se respecte, la petite Laverda bâtit sa réputation sur ses succès sportifs. Et quels succès : En 1952, Castellani s’impose à 76,5 km/h de moyenne dans sa catégorie fort disputée dans la plus difficile des épreuves d’endurance, le rallye Milan-Tarente, du nord au sud de l’Italie par les routes dégradées de l’époque. En 1953, après une victoire au Tour d’Italie, les quatorze premières places du Milan-Tarente sont occupées par des 75 Laverda, menées par celle de Fontanili qui annonce 4,7 ch à 7 500 tr/min et une vitesse de pointe de près de 90 km/h. Le 100 Regolarita est champion d’Italie en 1955 aux mains de Guido Benzoni et remporte également de belles courses aux Six Jours Internationaux avec Flavio Montesi. Les victoires en course d’endurance se succèdent jusqu’en 1963. Le succès commercial suit et permet à Laverda de se hisser au niveau des plus grandes marques. En trois ans, de 1955 à 57, Laverda immatricule 14 099 machines alors contre 14 599 pour Benelli et 13 944 pour Morini. Seuls Guzzi et Gilera dont les ventes sont trois fois supérieures restent hors d’atteinte. L’ultime version de la série apparaît en 100 cm3 en 1958 avec des roues de 18 pouces contre 20 précédemment et, au total, il sera commercialisé près de 25 000 exemplaires des 75 et 100 de 1950 à 1960.
En cette fin des années 50, la réglementation change en Italie avec une immatriculation obligatoire pour les 125 et une interdiction (toujours en vigueur aujourd’hui) des moins de 150 cm3 sur les autoroutes. Laverda qui vit surtout de sa production de machines agricoles, et ses revenus en deux roues sont en perte de vitesse face à la concurrence des nouveaux Gilera et Morini. La marque de Breganze réagit en développant un scooter 50 cm3 quatre temps qui voit le jour fin 1959 et une 200 bicylindre.
La 200 bicylindre s’inspire des Triumph de l’époque qui fascinent Francesco Laverda et elle n’en reprend pas que l’idée du twin quatre temps, mais aussi celle du cadre à partie avant simple berceau dédoublé associé avec une coque arrière en tôle emboutie façon « Bathtub » des 350 3TA et 500 5TA de 1957 et 59. Un choix aussi économique en fabrication qu’efficace sans compter qu’il confère à la nouvelle 200 une image de « petite Anglaise » fort appréciée de l’autre côté des Alpes. Le slogan de la marque pour les 75 et 100 « Le rêve des jeunes » se transforme pour la 200 en « La moto pour le touriste exigeant ». Le ton est donné, et la 200 Bicilindrica présentée au salon de Milan de 1961 semble avoir tous les atouts pour réussir.
Les cotes super carrées ont tout naturellement celles du 100 cm3 ( (52 x 47 mm) dont il reprend bielles, pistons et soupapes, mais c’est à peu près tout ce que le nouveau bicylindre a en commun avec son prédécesseur. Les soupapes inclinées et disposées transversalement sont commandées par tiges et culbuteurs avec un seul arbre à cames (deux sur le 100) placé devant le vilebrequin. Ce dernier est assemblé, calé à 360° et supporté par quatre paliers, dont un central à double roulement. Culasse et bloc-cylindres (chemisé fonte) sont en alliage léger. La disposition de soupapes a aussi conduit à un emplacement curieux des bougies sur l’arrière des cylindres. Notons encore au chapitre des différences avec le 100 cm3, l’embrayage monodisque à cône en bain d’huile et non plus multidisque. Doté d’une boîte à quatre rapports, et soigné dans tous ses détails le beau bloc est logé dans un cadre mixte tubes et embouti avec des suspensions à amortissement hydraulique, des roues de 18 pouces à l’avant et de 17 à l’arrière et de beaux moyeux freins de Ø 170 mm. Elle pèse 120 kg à sec et, alimentée par un seul modeste carburateur de Ø 18 mm, elle annonce 11 ch à 6500 tr/min et 120 km/h. La 200 débarque sur le marché début de 1962 dans de frais coloris vert clair, bleu ciel ou orange. Affichée à 218 000 lires, à peine 60 000 de plus que le 100 cm3, elle est tout à fait bien placée face aux monos Gilera 175 et Ducati 200 et bien moins chère que la Gilera bicylindre 300 cm3. Pari gagné ? Pas vraiment, car le marché italien s’écroule comme en France et en Allemagne. Laverda prévoit de relancer ses ventes en 1964 avec une version Sport dotée de deux carburateurs et d’une boucle arrière du cadre tubulaire qui promet 15 chevaux et 140 km/h, mais qui ne verra jamais le jour. Fin 1964, Laverda décide de levier le pied et de se concentrer sur ses nouvelles 125 Sport et Trail à monocylindre horizontal et surtout sur son nouveau et ambitieux projet d’une grosse cylindrée 650 cm3. La 200 survivra sans grand succès jusqu’en 1968 avant de quitter définitivement la scène. Il en aura été produit 4500 unités dont 2000 vendues en Italie et une grande partie exportée aux États-Unis et en Grande-Bretagne sous label Gemini.
Hello, I have a Verdi Laverda 200 numero 59
En français dans le texte : Désolé, je cherche les codes couleurs originaux… Et bien si un Laverdiste peut répondre ?
Scusate, io cerco codici colori originali.
Monsieur Marx voit le mâle partout …
Il ne doit y avoir beaucoup de LAVERDA de cette époque en France. Les premières connues sont les 750 SF dans les années 70. En 75 -77 dans mon lycée ( il y avait le permis à 16 ans toute cylindrée), quelques étudiants en BTS fabrication mécanique roulaient en LAVERDA. J’ai le souvenir des vitres qui vibraient quand ils faisaient chauffer leur machine le soir. Sur la béquille centrale , les machines avaient tendances à se déplacer au ralenti . Les deux gamelles montent et descendent en même temps sans balancier d’équilibrage.
Pour la petite histoire, ces premières 75 à cadre poutre ou plutôt à réservoir en oeuf fut développé non pas pour les jupes des filles mais pour la soutane du curé de Breganze.
Noblesse du quatre temps, même en petite cylindrée, esthétique des parties-cycles, Laverda représente pour moi l’exemple de ce que l’école italienne a produit de meilleur.
Merci pour vos fabuleux articles.
Philippe ESCOFFIER