Le précédent article était consacré au numéro 26 de l’avenue de la Grande-Armée et à ses modernisations au fil des années. La prestigieuse avenue mérite qu’on s’attarde bien plus sur son histoire motocycliste, alors repartons pour un aller et retour à la poursuite de ses fantômes. Vous y découvrez aujourd’hui la quasi-totalité de la production motocycliste sur le marché et ce salon permanent ne date pas d’hier ; 120 ans pas moins, mais avec de bonnes et de mauvaises périodes qui reflètent fidèlement les évolutions du marché. Très prisée par les constructeurs de motos depuis ses origines, beaucoup d’entre eux plient bagage lors de la grande crise de monde motocycliste dans les années 60, puis la mode revient aves les Japonaises et le grand jeu des chaises musicales reprend de plus belle.
La grande avenue idéalement située dans le prolongement des Champs-Elysées a toujours été un lieu d’exposition parfait pour attirer le public, mais jusque dans les années 50 elle offrait aux constructeurs l’autre notable avantage d’être proche de toutes les usines et les sous-traitants installés dans l’industrieuse banlieue des alentours : Levallois, Asnières, Courbevoie et Boulogne-Billancourt. Et puis, quel meilleur terrain d’essai pour les acheteurs potentiels que le bois de Boulogne, au bout de l’avenue.
Partons aujourd’hui à la recherche des fantômes motocyclistes de l’avenue de la Grande Armée en descendant depuis l’Arc de Triomphe, côté numéros pairs.
Cliquez sur les photos pour les agrandir.
Ces documents sont issus de mes archives, de différents emprunts ces des collectionneurs et sur le web et des vues de Google Maps. N’hésitez pas à m’envoyer des scans de photos d’autres magasins, je me ferai un plaisir de les rajouter.
8, 10 &10 bis
Tout en haut de l’avenue, aux numéros 8 et 10 se vendent aujourd’hui les scooters électriques NIU dans des locaux qui abritaient dans les premières années du XXe siècle la société parisienne de cycles et voiturettes qui importait les cycles et motocycles britanniques Quadrant. De 1922 à 1924, le 10 vendit les motos Rovin fabriquées à Asnières. Le 10 bis fut aussi la vitrine du plus connu des pionniers du Motocyclisme, Werner, l’inventeur du nom Motocyclette. Les frères Marcel et Eugène Werner dont les usines sont à Levallois-Perret, s’installèrent le 15 octobre 1898 au n° 40 de l’avenue de la Grande Armée avant de se déplacer au 10bis en 1904 qu’ils abandonnent vers 1907En 1922, Le magasin repris par Giovanelli se tourne vers la vente de Cyclecars.
12
Avant d’accueillir Mondial City et de nombreuses marques dont Benelli et F. B. Mondial, le numéro 12 abrita le magasin A & G Morelle repreneur des motos Iris en 1905 et 1906 puis se consacra au commerce d’accessoires.
16 au 20
Au 16 s’exposent aujourd’hui Kymco et Suzuki, qui ont fait suite à Kawasaki en 1977, mais l’immeuble a une longue histoire motocycliste. Avant qu’il ne soit bombardé en janvier 1918, on pouvait y acheter les motos La Française Diamant dont les usines étaient non loin dans le 17earrondissement, successivement rue Saint-Ferdinand, puis rue Descombes avec un siège au 11 de la rue Brunel. Quant aux motos japonaises (et coréennes) qui ont perpétué le site à la fin des années 60, c’est toujours sous la raison sociale de Foucher Créteau, dont le père de l’actuel propriétaire vendait à la même place depuis les années 40 des pièces automobiles avec comme spécialité, des calandres pour Citroën.
Juste en face et au coin avec la rue Anatole de la Forge, vous pouviez, jusqu’en mai 2021, vous habiller chez Dainese qui avait succédé à un magasin de carrelage suivant lui-même les célèbres peintures automobiles Sprido qui s’intéressent de près aujourd’hui à la restauration de motos anciennes.
22
Dans les locaux du 22 on vit tout d’abord Sonauto Yamaha Marine, puis jusqu’en 1976, les motos de la marque aux diapasons, présentées par Sonauto, l’importateur, puis par le premier magasin Patrick Pons. Elles sont suivies par les Kawasaki (précédemment au n° 16 !) et à partir de 2011, la place est prise par Indian Motorcycle Paris étoile. Ducati, pas au même magasin, mais au même numéro, fait le coin avec la rue Anatole de la Forge.
30
Je vous ai parlé plus avant de la longue histoire motocycliste du 26, alors sautons au numéro 30 consacré dorénavant aux Harley-Davidson. C’était dans les années 50 le magasin d’exposition de la marque grenobloise Magnat Debon. Après l’absorption de Terrot-Magnat Debon par Peugeot, les deux marques s’exposeront au 72 de l’avenue en 1959.
38 – 40
Grosse concentration dans les numéros pairs suivants, sur la place anciennement carrefour des Acacias. L’actuel magasin Triumph, ouvert en 2010, est au 40 avenue de la Grande Armée, au carrefour avec la rue Brunel où officiaient auparavant Pièces-Deux -Roues puis les automobiles Saab. C’est à ce numéro 40 que les frères Werner eurent leur premier magasin d’exposition sur l’avenue, ouvert le 15 octobre 1898 puis transféré an numéro 10 bis en 1904. En 1972, le n° 38 abritait Moto Shopping Étoile jusqu’en 1975. le 38bis vendit juste après la seconde gurre, les cyclomoyeur Le Mirou à transmission par galet sur lz roue avant. Harley Davidson s’étale dans un rayon de quelques dizaines de mètres au 2 rue Villaret de Joyeuse, et au 30 et au 26 dans notre chère avenue de la Grande Armée. Pour compliquer encore cet imbroglio, Peugeot, au milieu des années 60, pousse ses vitrines au numéro 42. En 1905 le magasin d’exposition Peugeot se trouvait en face faisant le coin entre la rue Brunel et la rue Villaret de Joyeuse, et, sur le coin d’en face, entre la rue Villaret de Joyeuse et la rue des Acacias, se trouvait l’immense devanture de Clément Gladiator, à quelques encablures du 20 rue Brunel qui a vu les débuts de l’entreprise. À quelques mètres , au 2 impasse des Acacias, se trouvait Staub, célèbre fabricant de moteurs et boîtes de vitesses.
42
En 1922, c’est au 42, qu’il fallait se rendre pour acheter le fameux Cyclotracteur.
46 – 48
Quelques mètres plus loin, l’ancien siège et magasin de vente de la célèbre firme Mestre & Blatgé, réputée pour être la plus importante maison au monde fournitures de pièces détachées, de vélocipèdes et d’automobiles, qui attira durant un demi-siècle tous les amateurs, constructeurs, bricoleurs et fanatiques de la « petite reine » et des premiers « quatre roues Mestre & Blatgé est également le constructeur des motos Lucifer à partir de 1914 et Génial Lucifer de 1928 à 1956. Ce grand immeuble haussmannien devrait très prochainement accueillir Europe N° 1.
62
Au numéro 62, la galerie d’art Espace Christiane Peugeot a récupéré l’ancien magasin d’exposition d’Automoto dans les années 50. Automoto, indique par ailleurs dans son catalogue de 1933, qu’il s’expose sous l’égide de la CGCIM, au numéro 55 de l’avenue alors qu’à la fin des années 30 l’Officiel du Cycle et du Motocycle le dit au 36 de l’avenue, là où s’est installé de nos jours Vintage Motors.
66
On reste dans les accessoires au 66 où Auto-Accessoire a laissé place à Team Axe.
72
Le 72, enfin, dernier numéro marquant du côté pair où on vend maintenant des deux-roues sans moteur (Vélos et Oxygène) appartenait, oui, encore, à Peugeot avec, semble-t-il un passage interne vers les énormes bâtiments industriels qui donnent juste derrière, au 17 rue du Débarcadère et appartiennent également à la nébuleuse Peugeot. On y vit successivement toutes les marques absorbées ou distribuées par Peugeot : Terrot, puis Triumph. Cette activité d’importation absorbe MOVEA (Motos VElos Armes) précédemment à Nanterre puis au 79 avenue de la Grande Armée et devient CGCIM (Comptoirs Généraux du Cycle et de l’Industrie Mécanique) d’ailleurs alternativement domiciliée au 72 de la Grande Armée ou juste derrière au 17 rue du Débarcadère.
Très intéressant, j’ai fait ta démarche (entre l’an 2000 et 2010) pour les magasins
de motos de Limoges il y a quelques années, avant que tous les témoins aient disparu.
Les rues ou quartiers avec des corporations existent encore dans quelques villes du monde,
même si ils tendent à se retrouver dans de tristes zones industrielles où les magasins et
ateliers sont plus faciles à organiser. Pas besoin de monter les motos sur le trottoir devant
la vitrine faute de place. Dans certaines villes de province, les motos étaient déballées
sur le quai de la gare et remmenées à la concession par leur propre moyen…pas facile avec
certaines italiennes à faisceaux électriques fantaisistes ou fumants comme me l’avait raconté
en riant un concessionnaire Ducati du centre ouest.
Très bon sujet super intéressant. Merci.
concernant SPRIDO,je te confirme que c’est AV de la grande avenue,c’est en Paloma super strada que je venais acheter mes peintures projetées a la poire!!!! brillant non garanti…
Z’avez raison, j’ai du prendre cette photo en 1971 ou 72.
Impardonnable je suis ! Ce sont souvent les erreurs les plus grossières qu’on laisse passer et cet oubli confirme la règle… j’ai vite réparé avant que d’autres lecteurs se moquent !
Cette série est une excellente idée; c’est un grand plaisir de flâner devant tous les magasins des fabricants de motos d’autrefois.
Permettez-moi de faire remarquer qu’un commerçant vous a échappé:
au numéro 10bis se trouvait dans les années 1906-1908 le local de la marque Werner dont les gérants étaient Robert Gallien et Louis Sarda après la mort prémature de Michel Werner en 1905.
J’ai bien connu la Rue du débarcadère . En 1972, j’étais l’heureux(????) possesseur d’une 250 BSA B25 qui m’a amené de nombreuses fois à y venir….Ben , des pièces, y’en avait pas ….La machine n’avait pourtant que deux ans …
Et la photo de Georges Monneret date d’au moins 1971: la moto est une « oil in frame » , modèle sorti en l’année 1971 …
Super article! très intéressant.
merci;)
je suis toujours stupéfait par les trésors que l’on trouve lorsque l’on met les efforts nécessaires pour chercher. Merci pour ces tranches de vies !
chose curieuse juste à côté de La Française, c’est l’enseigne AERA fournitures pour l’aviation (instrument de bord) qui est aussi sévèrement atteinte par ce bombardement des bombardiers « gotha » allemand….Dire que les allemands ont « visés » juste serait une blague! (quoique à l’époque les riverains ont surtout dû avoir la peur de leur vie).