Les motos exceptionnelles de Didier Choquet

C’est la seconde fois que Moto-Collection se laisse aller à consacrer des fiches descriptives à des motos sorties après 2000. Les premiers faux pas ont été faits pour les Voxan, motos françaises obligent, et voilà que je vous parle maintenant de motos construites après 2010! Même pas honte! Primo, les productions de Didier Choquet sont exclusivement basées sur des mécaniques françaises des années 50 et 60, secundo, elles expriment le rêve des motocyclistes français dans ces années, tertio, et c’est le plus important, l’exceptionnelle qualité de fabrication de ces machines uniques mérite à elle seule, mon exception. Et puis zut, les seules règles ici sont celles qu’on se donne.

Les 6 motos construites par Didier Choquet seront exposées au public pour la toute première fois au Salon-du-2-Roues à Lyon du 13 au 16 février 2025.

Par François-Marie Dumas et François-Arsène Jolivet, photos François-Arsène Jolivet

1 190 kg ou plus à droite, 110 à gauche, la 500 RGST trialisée a subi des modifications considérables.
Le 50 BB Peugeot Sport modifié par Didiar Choquet en 1974.

Vous l’avez deviné, Didier est un fan de trial et, cette même année 1974, il entrait en apprentissage pour passer un CAP de chaudronnier à Romonrantin, à deux pas des usines Matra. Quelques décennies plus tard, devenu expert en formage de tôle, soudage de toutes sortes, et autres travaux de métallerie, toujours trialiste amateur éclairé et passionné de moto, françaises de préférence, il commence à se les construire lui-même le soir et les week-ends, puis à temps presque plein depuis sa retraite. Il travaille aujourd’hui sur sa 16e réalisation dont on vous parle en fin de cet article.

Ses motos n’ont plus rien à voir avec ce que proposait le catalogue des constructeurs. On reconnaît l’allure générale du moteur, l’origine des freins c’est tout. Et même le moteur d’origine subit une sacrée cure pour s’adapter à son usage. Que de l’outillage classique chez Didier Choquet : tour, fraiseuse, cintreuse, soudure MIG et TIG… rien d’exotique ! Les parties-cycle sont faites maison en tubes minces en acier allié au chrome-molybdène, tandis que ses réservoirs et autres emboutis en alliage léger sont formés à la main et au maillet sur sac de sable et le résultat est bluffant avec des soudures d’assemblage invisibles, même sans peinture !  Évidemment une telle transformation ne se fait pas instantanément « Pour la réalisation d’une moto de trial, il faut bien compter 800 heures de travail, moteur compris » confie Didier.

2010 : La Motobécane trial de Pascal Couturier

La première 175 Motobécane trialisée a été construite en 2010 et roule encore, tandis qu’un second exemplaire a été vendu au musée de la moto Canillo en Andorre.

La 175 Motobécane a gardé l'allure des machines de Pantin "trialisées" par les Bohec, Claude Delauné et autres, mais son poids plume de 84 kg à sec, allié à la pêche de son moteur affûté porté à 218 cm3 permettent à Pascal Couturier de rivaliser dans des compétitions relevées avec les Fantic et autres motos plus modernes spécifiquement trial.

Le moteur a subi une sacrée cure de jouvence : arbre à cames, distribution, maneton, allumage électronique et carburateur Amal Concentric. La cylindrée, autrefois souvent portée à environ 200 cm3, est ici de 218 cm3. La transmission finale est raccourcie et la boîte a un étagement trial grâce à des pignons « de type Chevreux » tandis que la grille de sélection est modifiée pour que le point mort soit entre 1e et 2e et non avant la première, ce qui serait rédhibitoire en trial. Un embrayage moderne est adapté et un décompresseur permet de redémarrer en se laissant glisser dans la pente.

Malgré l’échappement relevé, le sabot de protection sous le moteur, les jantes alu en 18″ et 21″, le carburateur avec filtre et entrée d’air protégée et les garde-boue alu dégagés, l’allure générale comme le cadre, les moyeux et la mécanique révèlent la 175 Motobec au premier coup d’œil. Son réservoir en tôle est même un authentique et vénérable B1V2 ! La fourche hydraulique REH est la réplique d’un ancien modèle anglais : à l’époque, la fourche Motobécane, tout à fait inadaptée, était déjà systématiquement remplacée par une hydraulique, Puch le plus souvent. Les amortisseurs à gaz avec tarage du ressort finement réglable sont indispensables dans les zones actuelles.

Fin du montage à l'atelier.
Pascal Couturier s'apprête à faire les premiers essais de la Tobec construite par Didier (en bleu et bonnet).

2012 : La Terrot 175 Tournoi de 1958 devient une étonnante 200 cm3 de trial

Les 175 Motobécane constituaient la monture quasi universelle des débuts du trial en France, Didier a construit la 175 Terrot qui aurait été capable de leur donner la réplique. Belle, racée, efficace, cette Terrot, devenue une 186 cm3, n’a plus rien à voir avec son apparence d’origine: commande d’embrayage passée du bas en haut du carter, allumage électronique auto-alimenté, embrayage liège remplacé par un moderne. Bien entendu, la partie cycle et l’habillage sont faits maison: résultat, 92 kg. (Voir la fiche consacrée à cette machine)

 

la 175 Terrot Tournoi trialisée est fine, élégante et légère. La fourche est une Yamaha TY très modifiée en attendant des tés made by Choquet.
Aux mains de Didier la Terrot Tournoi trialisée a l'air minuscule !
Le réservoir de 125 ETD avant et après sa cure d'amincissement qui a demandé une bonne journée de travail.
Admirez au passage le filtre à air "à l'anglaise" en aluminium.
Si Terrot avait ainsi fait passer du bas en haut sa commande d'embrayage, je n'aurais pas du m'arrêter régulièrement lors du rallye des Millevaches en 1969 pour ôter la glace bloquant le levier sous le moteur!
Du travail d'artiste!

2013 : Trois 500 Terrot RGST de trial

Voir une pachydermique et anémique Terrot 500 RGST de 190 kg devenir une bécane de trial de 110 kg – un poids proche de celui des célèbres motos british, comme l’Ariel GOV 132 de Sammy Miller – ça laisse sans voix ! Pour la première fois, il s’agit presque d’une série puisqu’il a été construit trois exemplaires de cette 500 Terrot-Choquet de trial.  Aiussi belle qu’efficace, elle a franchi sans encombre la redoutée zone pipe-line du Scottish Trial et participé deux fois aux trial du Ventoux, une des plus grandes épreuves internationales réservées aux motos de trial à l’ancienne !

Il faut aimer les paris pour s’attaquer à une Terrot 500 RGST de 190 kg pour en faire une moto de trial ! La suite montrera que non ! Didier a appliqué ses recettes habituelles, tube 25CD4S et aluminium généralisé. La fourche vient d’une Bultaco Matador, les tambours de frein d’une Terrot 125 ETD. La mécanique a subi des modifications considérables, l’embrayage moderne vient d’une machine de speedway, la largeur du moteur a été diminuée et la garde au sol est de 280 mm. Résultat incroyable : le poids est ramené de 190/195 kg à 110 kg, seulement 5 de plus que les motos britanniques de référence qui ont un cylindre alu.

Faire une machine de trial compétitive face aux Ariel et autres Anglaises de son époque est déjà un exploit, mais Didier ne s’est pas contenté de faire un exemplaire. Deux de ses copains trialistes séduit par sa réalisation l’ont convaincu d’en fabriquer deux autres pour former une équipe et s’engager à deux reprises au trial du Ventoux qui se court à Malaucène au pied du mont, une épreuve internationale et la plus grande en France de trial à l’ancienne, qui réunit plus de 450 participants. Le trio des Choquet y termina 7e sur 50 dans sa catégorie.

la 500 RGST s'est muée en une mooto minimaliste et, ainsi mis en valeur, le moteur devient une sculpture.
L'allumage batterie-bobine est remplacé par une magnéto B-TH.
Pour réduire la largeur du moteur, c'est facile, suffit d'oter une tranche au milieu du carter !
Le filtre à air seul est une oeuvre d'art !
Cet embrayage à sec de grass-track est normalement entraîné par courroie. Il a donc fallu passer la cloche au tour et créer une couronne d'entraînement.
Un cadre tout simple, mais si léger !

2014 : Une autre 500 Terrot RGST, façon Café Racer

Bien sûr, l’usine Terrot n’aurait pas pu faire une RGST « Sport » aussi extrême que celle réalisée par Didier Choquet, mais, même en beaucoup moins sophistiqué, l’ingénieur Padovani aurait pu s’inspirer de sportives britanniques. Je vous laisse revenir à la fiche qui lui est consacrée pour les détails techniques de cette Choquet 500 dont la géométrie du cadre simple berceau reprend les cotes du Featherbed Manx, la référence de l’époque. Elle ne pèse que 125 kg avec son équipement routier et la batterie, soit 65 de moins que la RGST… et une dizaine de moins qu’une Manx, un exploit ! Et ceci sans plastique, que du tube d’acier au chrome molybdène mince, 1,5 mm, soudé au TIG et des panneaux de tôle d’aluminium formés au maillet sur sac de sable. Ces panneaux du réservoir et de selle, soudés entre eux, restent en alu poli, non peint, ce qui ne tolère aucun défaut. Les commandes reculées sont faites maison. Les connaisseurs noteront le passepoil rouge de la selle : un clin d’œil à la Manx !

 

Une 500 RGST de 140 kg, ça vous dit ?
Il a bien fallu gratter un peu pour gagner quelques chevaux!
Bien que tout différrent, le cadre reprend la géométrie du célèbre "Featherbed" inauguré par la Norton Manx.
Poste de pilotage minimaliste.
C'est quand même plus beau en aluminium. Notez le raffinement de la marque gravée en creiux dans le réservoir et les courbures incongrues du sélecteur et de sa tigne de commande...
Le frein est celui d'origine, mais la petite écope rajoutée lui donne une toute autre allure.
La parole est au pilote et constructeur Didier Choquet: « Sur un circuit ce serait évidemment différent, mais sur route viroleuse, je prends beaucoup plus de plaisir à piloter mon café racer Terrot que la BSA 500 Gold Star DBD 34 de mon frère dont la boîte RRTT à étagement Racing rend le pilotage pénible. J'ai construit la moto qui me convient ! »

2018 :  D’un Café Racer à un autre, cette fois sur la base moteur du Tigre 850 Panhard

Le 850 flat-twin Panhard, si proche d’un moteur de moto, a inspiré voici quelques décennies la réalisation de quelques motos spéciales, dont les remarquables « Tigre » de Jean-Paul Buche et le side-car basset de course de François « le motard fou » ! Didier y pensait depuis longtemps et un moteur déniché dans une bourse le décide à se lancer en 2018 pour un café Racer au look des BMW Rennsport première version des années 50, mais 100 % française comme les autres constructions de Didier Choquet. « C’est ce que j’ai fait de plus compliqué », explique-t-il « il a fallu faire un volant et accoupler le flat twin Panhard Tigre avec la boîte de Cemec. Pour rester dans l’esprit d’époque j’ai construit une fourche type Earles à roue poussée et cette belle pèse seulement 140 kg ! »

 Le carbu Weber des Panhard est remplacé par des 2 carburateurs Amal Monobloc de moto. Le frein avant est un Ratier C6 S, la boîte de vitesses est de Cemec L7, frein et pont sont des Ratier C6S. Les amortisseurs sont des Lelaurain neufs, très lourds, mais le summum du made in France dans les années 60 ! Et, comme toujours, cadre en tubes au chrome molybdène 25 CD4S, et tôle d’alu formée à la main pour le réservoir, le saut de vent, la selle – le tout soudé au TIG et beaucoup d’usinage pour suivre.

Montage à blanc avec un moteur de Panhard 24 CT trouvé pourrissant dans un bois !
La même une fois finie et Didier a de quoi être fier.
"C'est ce que j'ai fait de plus compliqué", explique Didier "il a fallu faire un volant et accoupler le flat twin Panhard Tigre avec la boîte de Cemec L7".
Rapide et maniable, la Choquet Panhard est une pleine réussite.

2021 : René Gillet 250 Trial : L’improbable

En 2021, Didier revient au trial avec une base de moto improbable, une 250 René Gillet 2 temps ! Sa réputation de « poumon » ne l’a pas dissuadé et elle est devenue une très jolie machine, pourtant, en dépit des améliorations portées au moteur, elle n’est pas au niveau des zones actuelles dans les trials pour motos anciennes. Pour sa prochaine construction, à l’heure actuelle, en fin de développement, Didier a exceptionnellement abandonné les bases de moteurs français pour partir sur une valeur sure, la Triumph 200 Cub et vu le nombre de réalisations sur ce modèle, on est bien curieux de voir comment va se positionner la Choquet.

Il fallait oser, prendre pour base cette poussive 250 René Gillet (cliquez pour voir sa fiche) pour en faire une vive et légère moto de trial.
Superbe, mais malheureusement pas assez performante.

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10 commentaires sur “Les motos exceptionnelles de Didier Choquet

  1. Durand dit :

    Quand je vois le travail de Guy Choquet ,j ai un regret . Quand la mode des motos est revenue on espérait que motobecane ressortirait les 125 ère les 175 pour nous faire des petites bécanes retravaillées à la manière de Guy avec une robe attrayante comme les petits monos Honda vert pomme genre trail en 125 qui ont cartonnés à l époque . Au lieu de ça on a vu des grosses mobs,le bicylindre 125 tobek deux temps . Oui grosse déception .

  2. Roland Fournel dit :

    Content de voir que le sorcier de pellegrue, mon ami dider a la reconnaissance méritée.
    Ces motos sont belles et très efficaces, Didier est un très bon trialiste et metteur au point.
    En plus de ces motos, il a créer une gnome Rhône de trial et de nombreux cadres et pièces pour les copains.
    Un homme généreux, un ami

  3. Thouvenin luc dit :

    il y a des gens en France qui ont des mains d or.Merci pour cette découverte et on attend la série sur Yves Kerlo avec impatience!
    Tous mes voeux pour 2025.

  4. BRESSAT dit :

    Punaise, bravo l’artiste !! que dis-je le sorcier !!
    Magnifique, merci pour cet article.
    Meilleurs voeux à toutes et tous.
    Nabs.

  5. Demoulin dit :

    Magnifique reportage et surtout Grand respect pour le travail admirable de ce Geo Trouvetou !!!!

  6. YANNICK BOUTIER dit :

    Bravo l’artiste!

  7. fmd dit :

    Des compliments venant d’un spécialiste cher Yves, car tes réalisations pourraient fort bien figurer dans un prochain article du blog. C’est d’ailleurs déjà arrivé.

  8. Kerlo Yvres dit :

    Merci FMD, je suis admiratif devant cet ensemble de motos improbables au départ.
    Puis tout à fait sympathiques une fois terminées…
    Bravo

    Yves Kerlo

  9. Philippe P dit :

    Superbe travail, de véritables passionnés pour arriver à ce résultat !

  10. Francis GEBUS dit :

    Bonne année et merci de nous faire rever