Les vraies motos Ferrari

La Scuderia Ferrari en 1932 derrière trois Rudges 'TT Replica. Très chic. Enzo Ferrari en casquette est le 3e à partir de la droite. (Moto Italiane: I primi 50 anni, 1895-1945. Ing. Stefano Milani, 1995, Motoni, Pavia)

Le grand Enzo Ferrari s’est lui-même intéressé de très près à la moto, avec la Scuderia Ferrari, qu’il a fondée en 1929 pour faire courir des Alfa Romeo avant d’y rajouter dans la première moitié des années 30, une écurie de moto constituée de 250, 350 et 500 Rudge,TT Replica, au grand désespoir des Italiens qui comprenaient difficilement que la Scuderia n’utilise pas leurs motos nationales qui étaient de surcroît les plus en avance sur leur temps. C’eut été difficile, d’une part les grandes marques italiennes se réservaient leurs les motos d’usine et d’autre part, Enzo Ferrari était commercialement lié à Rudge qui lui fournissait des roues à fixation centrale pour ses voitures de course. La Scuderia Ferrari a fait appel à des champions aussi fameux que Taruffi, Guerzi ou Tazio Nuvolari et Achilles Varzi qui seront aussi célèbres en voiture qu’ils l’ont été en moto. On y reviendra, car cet article est avant tout consacré aux motos sous label Ferrari : les vraies, les profiteurs et les hasards d’un même nom.

Par François-Marie Dumas – Les liens en bleu renvoient aux fiches sur les motos concernées

Vous l'auriez deviné, les Ruge de la Scuderia Ferrari étaient rouge avec, sur le garde-boue avant le célèbre cheval cabré qui était peint sur l'avion de Francsesco Baracca pendant la Première Guerre Mondiale et qu'Enzo Ferrari a pris pour sigle.

Il ne suffit pas du nom !

Incroyable effet de prestige d’un simple écusson, une création sans saveur badgée Ferrari et plus qu’inspirée des MV Agusta 750 s’est vendue 118 000 € en 2012 à un collectionneur de mythes sous prétexte que le projet avait été commandé par le Piero Ferrari, le fils d’Enzo en personne et l’actuel vice-président de la firme. David Kay, le constructeur a dit-on mis cinq ans et 3000 heures de travail pour parachever son œuvre, des chiffres impressionnants à première lecture, mais tout compte fait, cela ne représente que 600 heures par an et environ 11 h par semaine ! Il est vrai que toutes les fonderies du moteur de cette SF-01-M quatre cylindres de 900 cm3 semblent nouvelles, mais comme son modèle, la MV Agusta 750 à laquelle il ressemble tant, et même face à celle revue par Arturo Magni en 1975 avec une transmission par chaîne, c’est quand même une architecture diablement vieillotte. Cadre et suspensions sont aussi bien classiques et la seule originalité, l’entrée d’air sous la selle (tiens pour quoi faire ?) ne fait que reprendre le design développé par Boxer Bike à Toulouse pour la moto Lamborghini en 1985 où les mêmes évents servaient ici à évacuer l’air chaud du radiateur. Ça fait bien cher payé pour une caricature et quelques autocollants. BRM : le cyclo de Ferrari. Si les motos Ferrari des années 50 n’ont rien à voir avec les automobiles, il existe toutefois un petit moteur auxiliaire adaptable sur un vélo, le BRM qui a été développé par l’ingénieur Vittorio Bellentani, directeur technique de la grande marque automobile à Modène. À la BRM aussi nommée Fratello Bellentani, Vittorio est assisté de son Frère Riccardo et l’officine produira moteurs auxiliaires et cyclomoteurs de 1954 à 1958 sans pour autant laisser un grand souvenir dans les mémoires motocyclistes… ni de photo pour ce blog ! La Bordone-Ferrari M1 présentée au dernier salon de Milan en 2021, est une moto de rallye fort moderne au demeurant conçue par l’ingénieur Renato Ferrari, encore une fois sans aucun rapport avec la marque automobile et équipée d’un moteur TM de 450 m3

Sans vraie personnalité et vieillotte au départ, cette pseudo Ferrari semblait au moins pouvoir rouler bien que ses 176 kg et 265 km/h semblent un poil exagérés.
La Lamborghini développée par Boxer Bike à Toulouse en 1985 a inspiré les prises d'air de la Ferrari 900. (photo Jean-Pierre Galtier)
On vit aussi un autre projet réalisé par un concessionnaire américain qui, grace au dieu de la moto, n’eut même pas l’agrément officiel de Frerrari.
La Bordone-Ferrari 450 cm3 de 2021 ne compte que sur elle-même pour s'imposer et ne met même pas en avant son prestigieux patronyme.

Si ce n’est pas lui c’est donc les frères

Il faut pour les découvrir revenir au salon de Milan de 1952 où apparaissent sous un panneau Ferrari les nouvelles motos construites par la toute nouvelle Meccanica Italiana s.r.l. fondée par les frères Ferrari à Milan qui n’ont strictement aucun rapport avec le Commandatore. C’est vrai, elles ne portent pas l’écusson déjà internationalement célèbre du cheval cabré, et Ferrari est après tout un nom fort commun en Italie, mais les automobiles Ferrari comment à connaître un succès planétaire (elle ont remporté, rappelons-le, sept courses sur les huit épreuves du Championnat du monde 1952) et, craignant sans doute que ce nouveau venu en moto profite indûment de son aura, Enzo Ferrari se cabre et intente ou menace d’intenter un procès à ce fâcheux homonyme. À la suite de quoi, dès 1953, les frères Ferrari rebaptisent leurs motos Fratelli Ferrari et l’appellation complète est gravée dans les fonderies, les réservoirs gardant toutefois le seul nom de Ferrari, mais dans un logo bien différent de celui des célèbres automobiles.

Avec son 175 cm3 bicylindre à simple ACT cette Fratelli Ferrari (ici au salon de Milan en décembre 1954) a tout ce qu'il faut pour faire honneur au nom. (archives Top Mountain museum)

Reprenons l’histoire à son début… Les renseignements sont rares sur les frères Ferrari et souvent inexacts, reprenons donc l’histoire depuis ses débuts après une longue compilation de tout ce qui a pu être écrit sur le sujet. Tout commence en 1951 quand Amos Ferrari quitte son travail à l’usine Parilla, via Oglio à Milan, pour créer avec le soutien financier de son frère et d’un riche commerçant milanais, la Meccanica Italiana s.r.l. au 15 via Bessarione, à moins de 300 mètres du siège de Parilla.

Leur première réalisation, présentée courant 1952, est d’ailleurs une 125 deux temps quasiment identique à un modèle Parilla tant pour le moteur que pour la partie cycle, et nombre de pièces sont interchangeables ! Techniquement, il existe pourtant des différences notables. Ferrari a équipé ses motos d’une boîte de vitesses à quatre rapports (contre trois sur la Parilla 125) et d’un sélecteur de vitesse inhabituellement à gauche, à l’allemande comme sur les Aero Caproni et les constructeurs transalpins utilisant des moteurs germaniques alors qu’en Italie, comme en France et en Grande-Bretagne, les motos ont en principe le sélecteur à droite.

Ferrari et Parilla partagent le même cadre simple berceau interrompu avec la même fourche télescopique, mais l’autre grosse différence est la suspension arrière, toutes deux oscillantes, mais avec des combinés ressort – amortisseurs classiques chez Parilla et des amortisseurs à compas avec deux ressorts enfermés dans des tubes supérieurs, façon Gilera sur la Ferrari. Une telle proximité entre les motos Ferrari et les Parilla et leurs sièges si voisins pousse à se demander si la marque de Giovanni Parrilla n’a pas travaillé en accord avec celle des Frères Ferrari pour tester des innovations à petite échelle. Roues et freins boîtes à outils, etc sont identiques aux deux marques. À noter que la Ferrari 125 est plus chère que sa cousine Parilla à 190 000 Lires contre 178 000.

La Ferrari 125 deux temps de 1952. (Hessink.nl https://cybermotorcycle.com/gallery/ferrari)
La Parilla 125 de la même année, lui ressemble furieusement ! (photo guzzino.com, pièces pour motos italiennes de collection)

Au salon de Milan en décembre de la même année, Ferrari a transformé sa 125 en 150 m3 en versions Sport Lusso et 160 cm3 en Super Sport toujours aussi ressemblants aux Parilla et aux dimensions du moteur près, identiques à la première 125 Ferrari. Tout change pourtant à l’intérieur, il ne s’agit pas d’un simple suralésage, les cotes sont désormais se 57,4 x 57,4 mm, soit 148,5 cm3 pour la Sport Lusso (la Super Sport est annoncée pour 160 cm3 sans plus de précision). alors que la Parilla est super carrée avec un alésage x course de 60 x 54 mm soit 152,6 cm3. Les Sport Lusso et Super Sport différent principalement par leur carburateur de 20 mm sur la première et de 22 sur la seconde, avec des vitesses en rapport 110 et 120 km/h ; il faut dire qu’elles ne pèsent que 85 kg à sec.

La 150, présentée au salon de Milan en 1952, fut le modèle le plus populaire de la petite maison milanaise. La version Super Sport ici photographiée au musée de la moto de Marseille date de 1954.
Une Ferrari 160 de 1964 en version spéciale pour les courses longue distance alors célèbres en Italie. Les Ferrari finirent ailleurs classées (d'accord 57e, 59e et 60e)au Milan-Tarente 1953).

Une 175 bicylindre à ACT en 1953. Ferrari défraie la chronique au salon de Milan de décembre 1953 (où apparaissent donc les versions 1954) avec une flamboyante 175 cm3 bicylindre quatre temps face à la route à distribution par simple ACT entraîné par chaîne, allumage par volant magnétique, boîte 4 vitesses et suspensions à amortissement hydraulique qui annonce 11,5 ch à 6000 tr/min et 120 km/h.

Sur le reste du stand, la 125 a disparu et le prix des 150/160 deux temps chute à 178 et 210 000 Lires ce qui souligne encore la différence avec la 175 bicylindre quatre temps affichée à 298 000 Lires. Elles abandonnent leurs suspensions arrière à la Gilera pour des combinés standard, reçoivent des jantes alliage, des freins de plus grand diamètre. Et se doublent d’une 175 cm3 Gran Turismo (62 x 57,4 mm)qui annonce 9,5 ch à 6000 tr/minet 100 km/

Lors de sa première apparition au salon de Milan de décembre 1953, la 175 bicilidre a un réservoir rouge monochrome et un avertisseur sous le phare.(archives Top Mountain museum)
Au salon 1954 (voir photo en tête de ce chapitre) la 175 bicylindre a un réservoir noir et rouge bordeaux et un avertisseur sous le nez de selle. Ria-en d'autre n'a changé.
Evidemment les photos de la face gauche sont plus rares et celle-ci est empruntée au n° de janvier 1954 de la revue Motocycles.

115 marques au salon de Milan de décembre 1954 et Ferrari s’illustre encore avec une toute nouvelle 125 quatre temps monocylindre à soupapes culbutées et un traditionnel et le traditionnel trois roues moto-furgone ,une catégorie dont aucune marque ne peut alors se passer en Italie. Celui de Ferrari a un moteur deux-temps de 175 cm3 refroidi par air forcé et une transmission par arbre. La 175 bicylindre est toujours là, identique à la couleur près et quelques détails insignifiants et les deux temps n’ont pas changés.

 

175 bicylindre, 125 et 250 mono quatre temps et un moto-furgone, c’en est trop pour les finances de Ferrari, d’autant plus qu’il est vraisemblable que ces motos quatre temps n’aient été produites qu’à quelques unités, essentiellement pour parader dans les salons.. On ne recense à ma connaissance qu’une survivante en quatre temps qui est une 250 cm3.

Après une ultime et timide tentative de 50 cm3 sportif deux-temps à moteur Franco-Morini, l’entreprise Fratelli Ferrari dépose son bilan le 15 novembre 1955.

 

L'ultime production des Fratelli Ferrari, un 50 sport à moteur Franco-Morini.
Photo trouvée sur le net et non signée d'une 250 Gran Premio présentée en 2011 au Ducati Day. Merci au photographe inconnu.

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2 commentaires sur “Les vraies motos Ferrari

  1. Werner dit :

    Bonjour, merci pour cette présentation complète de la Moto Fratelli Ferrari. Surtout avec cette marque rare, on ne trouve pratiquement aucune documentation ni même aucune image. Je suis un passionné de moto des années 1950 et je viens d’Allemagne.

    Cordialement
    Werner

  2. jackymoto dit :

    Hé, oui le jovial importateur des motoculteurs Ferrari (verts!), sosie d’Aldo Maccione me disait
    que Ferrari, c’était comme Dupont en France…ou Dumas en Limousin, un nom très fréquent, en Italie.
    Je comprend tout a fait que Ferrari n’ait pas été satisfait de la publicité que lui faisait (gros) Lolo Ferrari.
    En Angleterre Royal Enfield profitait de la publicité gratos des fusils Lee Enfield et poussait le bouchon
    avec sa devise « Made like a gun », fabriquées comme un canon.