Une moto normale n’est qu’un assemblage d’éléments séparés, un moteur, un cadre, deux roues et quelques accessoires… à de très rares exceptions près, comme la Maico Taifun de 1953 qui invente le concept global. Une révolution.
Photos © François-Marie Dumas / moto-collection.org
Fondée en 1926 par Ulrich Maish, Maico (acronyme de MAIsch & Co) commence par faire des vélos puis, cinq ans plus tard, des motos à moteurs Sachs ou JLO. En 1939, l’usine s’installe définitivement à Pfäffingen. Le premier moteur de la marque, un 125 deux-temps, est créé juste après-guerre et la production passe de 5 600 motos en 1950 à près de 17 000 en 1952. L’usine s’implique déjà activement dans les épreuves de tout terrain et de régularité comme les Six Jours internationaux, mais elle va aussi à réaliser des machines de route à la pointe du progrès.
Les Allemands sont perfectionnistes, on le sait, et dans les années 50 les grandes marques de motos d’outre-Rhin se livrent à une effarante course à la qualité qui va d’ailleurs influencer notablement l’industrie motocycliste japonaise. Rien à voir avec la course à l’armement des motos actuelles qui vise trop souvent des performances aussi inutiles qu’inaccessibles. L’Allemagne d’alors recherche, elle, la perfection absolue dans la moto de tous les jours quel que soit le prix et la complexité de mise en œuvre des technologies employées. À ce titre la Maico Taifun est l’un des exemples les plus aboutis avec un concept aussi génial que novateur et des techniques de pointe. Trop belle, trop sophistiquée et trop chère, elle sera abandonnée courant 1958, à une époque où la moto allemande est déjà profondément souffrante. Avant elle auront disparu les plus belles moyennes cylindrées du moment, comme les Victoria Bergmeister ou Hoffmann Gouverneur.
Les principaux responsables de ce concept révolutionnaire sont l’ingénieur Fischer et Ulrich Pol, pilote de renom en tout terrain et en particulier aux Six Jours. Impossible ici de parler d’un cadre, d’un carter moteur ou d’un filtre à air… il s’agit d’une seule et même pièce… il est vrai assez monumentale. Le bloc moteur-cœur-de-cadre de ce bicylindre deux-temps est un curieux empilage de trois pièces : un carter inférieur à plan de joint horizontal et un carter supérieur qui reçoit le bloc-cylindres sur l’avant et se prolonge sur l’arrière en un demi-boîtier où prennent place le ou les carburateurs. Au-dessus de cette boîte à carbu se boulonne un autre carter qui relie le bas-moteur au cadre et fait office de boîte à air. Un gros tube supérieur supportant le réservoir et un tube descendant devant le moteur complètent ce moteur-cadre. Le bras oscillant, autre volumineuse pièce de fonderie, est fixé sur l’arrière du bloc moteur et son articulation concentrique au pignon de sortie de boîte assure une tension constante de la chaîne duplex contenue dans la branche droite du bras qui sert de carter étanche. Un pignon sur excentrique assure le réglage de tension. La suspension est assurée par un seul amortisseur hydraulique (à droite) et deux éléments télescopiques à deux ressorts concentriques, un levier permettant de déconnecter 2 ressorts pour l’utilisation en solo.
Le changement de catégorie s’effectuant à partir de 400 cm3 en Allemagne, Maico a tiré plein profit des 50 cm3 supplémentaires permis en réalisant une 394 cm3, mais une version 348 cm3 est prévue pour l’export (2 ch de moins et alésage de 61 au lieu de 65 mm). Les prototypes ont une fourche avant télescopique, deux carburateurs, une transmission qui comporte une roue libre en décélération et un embrayage automatique, mais les modèles commercialisés se contenteront d’un seul carburateur. La roue libre comme l’embrayage automatique sont abandonnés et la fourche télescopique est remplacée par une fourche oscillante type Earles encore une fois constituée par un monumentale pièce de fonderie qui englobe la colonne de direction, supporte phare et garde-boue et offre des points de fixations en bas au bras oscillant et en haut à l’amortisseur.
Unanimement encensée par les essayeurs de la presse spécialisée pour ses performances de son moteur et de sa partie cycle, la Taifun n’est guère critiquée que pour la position de conduite du pilote… et surtout son prix qui va dramatiquement limiter sa diffusion. En 1956, les 350 et 400 Maico sont respectivement proposées à 348 et 354 000 F alors qu’un autre bicylindre deux temps allemand, la 350 RT DKW ne vaut que 285 000 F et une 500 BSA A7, 340 000 F.
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Achetée en 1959 par Michel Martin et restaurée par ses soins voici quelques années, la sublime Taifun 350 qui illustre ces colonnes appartenait à Milone, célèbre pour ses préparations de Lambretta dont un modèle très spécial sur lequel courut Bernard Krajka avec un moteur Gnome et Rhône 200 cm3 ou un “vrai” Lambretta gonflé pour Michel Martin, futur propriétaire de cette Taifun. Engagé au Bol d’Or 1959 avec Heuqueville comme copilote, Milone fait une préparation sommaire de sa Taifun consistant principalement en un remplacement du carbu Bing de 26 d’origine par un gros Dell‘Orto de 30 ou 32. La belle Taifun sera, hélas victime d’une erreur de manipulation ou d’une main malveillante ayant mis de la poudre d’émeri dans l’essence et elle abandonne à la 18e heure. Pour le Bol d’Or 1960, Milone prête la Maico à ses presque voisins les frères Charles et Bernard Krajka « Cette Taifun était un véritable avion » se rappelle Charles « Elle frisait les 170 km/h avec une tenue de route absolument superbe pour l’époque. Il fallait simplement savoir qu’on devait éviter de changer de régime brutalement en courbe. La dynamo Bosch avait un volant d’inertie fixé sur le rotor et en changeant de rapport pour rentrer dans Ascari, le disque s’est désolidarisé… comme nous courrions en catégorie moto de série, on ne nous pas autorisés à le changer ». Entre temps, Charles Krajka, passionné inconditionnel du side-car comme on le sait, vends un châssis de side à un client et bientôt ami : Michel Martin, lequel va faire son chemin sur trois roues puisqu’il fait connaissance chez Milone avec un certain Michel Douniaux, sidecariste de renom, dont il va être occasionnellement le singe pendant quelques années. Mais Michel fait une autre rencontre chez Milone en 1960, la Taifun, dont il tombe éperdument amoureux et pour laquelle il casse sa tirelire. Ce sera sa première moto. Elle a beaucoup vécu depuis. Toujours en 350 cm3, elle court même à la côte Lapize en side-car aux mains de Douniaux. Elle quitte ensuite son premier propriétaire pendant quelques années puis lui revient en piteux état. « Je l’ai refaite entièrement d’origine, à la poignée de gaz près avec son câble intégré au guidon que je n’ai pas pu retrouver » raconte Michel Martin aussi en forme que sa moto « Elle tourne comme une montre. Je n’ose pas la pousser à fond, mais je suis sûr qu’elle a encore des performances supérieures à celle donnée au catalogue bien que je lui ai remis son “petit” carbu ».
Michel ? ? Plutôt Claude Douniaux, le side-cariste ?