Des années que je n’avais mis les pieds au musée auto, moto, vélo de Châtellerault, l’un des seuls «musées de France» dédié, en partie, aux deux-roues qui nous passionnent. J’en suis reparti plutôt content, car ce musée de la communauté châtelleraudaise, magnifiquement logé sur quelque 3 000 m2 de l’ancienne manufacture de la ville a bien évolué, mais…
…L’appellation même du musée trahit son défaut : Auto, moto, vélo, autant dire toucher à tout sans être spécialiste de rien. Des motos, il y en a pourtant une trentaine dont quinze d’avant 1930, de belles, de rares, d’inattendues… mais pêle-mêle sans autre lien qu’un bien vague ordre chronologique… On apprécie bien les beaux restes de la collection du Comte de Lassée léguée au musée et qui furent à son origine. On respecte aussi le parti-pris (économique ?) de conserver les motos dans leur jus . Ce choix est plus que défendable quand justement les motos sont dans un bel état d’origine, mais certaines exceptions comme la sublime et rarissime 250 Ollearo de 1931 auraient bien mérité une rénovation.
L’exposition est au demeurant bien et clairement présentée avec des panneaux informatifs bien faits, concis, synthétiques et sans erreurs. C’est assez rare pour être souligné.
La plus grande frustration concerne cependant les scooters, non pas par leur manque, —17 scooters français sont exposés — mais au contraire par la non-mise en valeur de l’unité de cette collection étalée dans le musée sans qu’il soit mentionné que cette collection, rachetée en 1999 à Yves Dumetz, est un rassemblement tout à fait unique de la quasi-totalité des scooters fabriqués en France dans les années 50-60. Le site internet du musée tente bien sur une page de noter que « L’un des points forts de ces collections est la présentation d’une très belle série de scooters et de motos d’origine française, complétée par des vélos à moteur auxiliaire et des vélomoteurs, spécialité dans laquelle s’est reconvertie l’industrie française du motocycle à partir de 1950 », mais d’une part les cyclos sont quasiment absents d’autre part une autre page rajoute « Le scooter né en Italie et fabriqué en France ». Natif d’Italie ? Hum… sans nier l’énorme succès en ce pays après la Seconde Guerre, il est dommage d’oublier le vrai ancêtre du scooter, l’Autofauteuil fabriqué à Blois, à à peine plus de 100 km de Chatellerault, de 1902 à 1922, et l’âge d’or du scooter américain jusqu’à la fin de la Seconde Guerre.
Autant pour une collection ou un musée privés il n’est pas question de critiquer le choix du collectionneur qui est maître chez lui, autant est-on en droit pour un musée fonctionnant sur des fonds publics de demander une mise en valeur raisonnée du patrimoine dont il a la charge ce qui est en grande partie plus une question de volonté et de passion que de budget.
Le musée en chiffres
Musée Auto, Moto, Vélo – 3 rue Clément Krebs, 86100 Chatellerault – 3000 m2, 15 à 20 000 visiteurs par an, 17 scooters français et un italien exposés, 30 motos dont 6 avant 1914 plus 9 avant 1930 … des autos, des vélos et une fort belle rétrospective des armes fabriquées par la manufacture.
Photos F-M. Dumas/moto-collection.org – Les liens en bleu renvoient vers les fiches descriptives des modèles concernés.
Belle entrée en matière avec cette Werner 2,5 HP de 1903 dans un état irréprochable
Tout aussi rare une Motobicyclette Peugeot 1,5 HP type DLP de 1902 à moteur ZL (Zürcher & Lüthi à Saint-Aubin).
Autre française d’avant 1914, cette Peugeot 250 cm3 de 1905 avec sa célèbre fourche Truffault à roue poussée, ancêtre de la Earles, qui est apparue pour la première fois chez Peugeot en 1904. On admire un peu plus loin une Moto Rêve de 1913 et une Terrot de 1910.
La série des avant 14 (et celle des motos « mint ») se termine avec cette FN 700 T à quatre cylindres et transmission par arbre de 1914.La catégorie des petites motos utilitaires des années vingt est très présente avec ces tristounettes Griffon et Alcyon de 1920, assistées par une Aiglon et une Favor.La grande absente est la célébrissime Gillet du Tour du Monde de Robert Sexé en 1926 qui dort dans les réserves du musée et n’est pas exposée. (photo archives Yves Campion)La FN 500 M90 de 1933 attelée d’un side Bufflier est l’une des rares représentantes des fastueuses années trente, avec une Gnome & Rhône 750 type X de 1937 et une Motobécane 500 S5C de 1934.Ne dites surtout pas aux collectionneurs italiens que vous avez vu la si rare Ollearo 250 de 1931 dans cet état lamentable, ils feraient la queue pour l’extorquer au musée de Châtellerault.Belle surprise que cette étonnante 250 cm3 deux temps léguée au musée en 2014 et construite artisanalement par Louis Vinéis, ouvrier ajuster à Saint-Étienne, pendant la Seconde Guerre mondiale. On admire particulièrement la transmission par arbre et cardans.Une intéressante 350 Rhony’x à moteur Chaise de 1928… mais le moins qu’on puisse dire est que la restauration est à reprendre.
Une seule moto de course au musée,, la 1000 Kawasaki à cadre et suspension Pierre Doncque avec laquelle Godier/Genoud ont remporté le Bol d’Or 1975.provenant comme la Imme et quelques autres motos, de la collection de Xavier Maugendre importateur Kawasaki en son temps.
La fabrication des monoroues a toujours été artisanale, bien qu’il existe quelques tentatives de commercialisation notamment en Italie dans les années 1920. Ferdinand Schlenker, prisonnier de guerre en 1939 dans une ferme française, a réalisé celui-ci dans l’immédiat après-guerre puis l’a modifié en 1952 (réservoir). Le moteur est un Jap de 300 cm3 à soupapes latérales accouplé à une boîte Terrot. La roue est à bandage plein.Quelques belles affiches et expositions de vêtements et accessoires égaient l’exposition
Nous n’avons pas de musée de la moto française dans notre beau pays, mais, bien mis en valeur, Châtellerault pourrait prétendre au titre de musée du scooter français. Il n’y manque pas grand-chose.
D’avant en arrière : Motobécane/Motoconfort 125 svh 1955- Bernardet E51, Bernardet série B ou C 1952-53, Terrot 1953, Peugeot S 55 et Motobécane/confort SV 1954
Le ravissant Bernadet Cabri ici dans sa version L6 de 100 cm3 en 1955
Encore un Bernardet, le rarissime Guépar (sans D contrairement à ce qui est écrit sur la fiche du musée) est ici en version 125 cm3 monocylindre. Il fut aussi étudié en bicylindre dans la même cylindrée et en 200 cm3.
Pas courant, le Guiller 125 Riviera de 1951, est identique au SIM Ariette italien sauf pour son moteur AMC 4 temps de 125 cm3 du aux Ateliers Mécaniques du Centre à Clermont-Ferrand.
Version française du DKW Hobby, le Manurhin 75 cm3 de 1956, fut le premier à proposer sur notre marché une transmission par variateur automatique à courroie.
Efficace, mais peu élégant, le Monet Monet-Goyon 100 Starlett de 1953.
Indifféremment badgé Mors ou Alcyon, où les deux comme ici ce beau 125 « Paris-Nice » de 1955 sera le chant du cygne de la marque.
Aux côtés d’un Peugeot 125 S57 de 1957 (la collection expose aussi un S 57 C à garde-boue avant pivotant), le premier scooter Mors S1C de la société Sicvam, un 115 cm3 deux temps présenté en 1951. La carrosserie monocoque est en alliage d’aluminium.
Joli coup de crayon dû à Géo Ham pour ce premier scooter Motobécane/ Motoconfort. Ce 125 STC de 1951… malheureusement son trop fragile châssis-carrosserie en aluminium avait tendance à se corroder et casser.
Inspiré du Lambretta et cependant très original avec sa fourche télescopique dans la colonne de direction, le Paul Vallée a été l’un des premiers scooters français en 1949.
Exemplaire unique et artisanal, le scooter réalisé par Armand Pagnon en 1955 était dit-on totalement inconduisible en raison de sa direction reportée en arrière par un joint de cardan (et non pas sur la roue arrière comme l’indique le panneau).
Seul scooter « étranger » dans ce panorama francophile, ce petit scooter de 1955 dû à l’ingénieur italien Piatti fut fabriqué en Italie (celui-ci), en Belgique et en Grande-Bretagne.
Merci pour cette mise au point. De fait j’avais bêtement signalé une direction sur la roue arrière comme noté sur le panneau alors que j’avais moi-même décrit dans mon livre « Scooters du monde », 100 ans d’histoire » les méfaits de la direction « reportée vers l’arrière par un joint de cardan » mais bien sur toujours sur la roue avant. J’ai modifié mon texte. Cela dit, je suis malheureusement bien d’accord, le musée ne semble guère intéressé par l’histoire motocycliste de leur région.
Je me permets de signaler que le scooter Pagnon n a pas la roue arriere directrice comme peut le laisser comprendre le panneau d information du musée mais une direction à biellettes sur une fourche à roue poussée.
par contre je rejoins tout a fait votre analyse L équipe du musée aurait été mieux à gerer un super marché qu un musée
Pour info ,on leur a propose il y a deux ans deux cyclomoteurs CARLEY fabriqués dans les usines Rocher (fabricant entre autre des moteurs cucciolo) à Cenon (10 kms du musée).Ils ont décliné l offre pour 700 euros.
Pas de probleme ils sont dans une collection privée qui sait les apprécier……..
Absent, je ne réponds que maintenant. Je suis heureux de voir que la collection d’Yves Dumetz que j’ai bien connu soit sauvée, pour le reste il ne faut pas confondre » dans son jus » et » tas de rouille » bien que … un minimum s’impose dans la présentation et l’entretien, je ne suis pas pour des restaurations trop poussées, chaque machines a une histoire et un vécu c’est ce qui en fait son charme, mais ceci n’engage que moi. Je n’ai pas vu ce musée, mais il a le grand mérite d’exister … très regrettable ce qui arrivent aux machines de Robert Sexé !
Pierre Certain m’avait raconté que Séxé l’avait vendu une misère ( à de Lassée??) et souvent à l’époque
ça se faisait avec une poignée de main, sans papier officiel.
J’ai connu un des pionniers de la collection moto qui en avait revendu qui n’étaient pas à lui…Dans les années soixante beaucoup de propriétaires de véhicules anciens étaient content de les donner à des amateurs pour qu’ils ne soient pas ferraillés, et beaucoup de grandes collections ont débuté comme ça.
Au moins on avait l’accès facile en mettant la bête sur le dos. Quant à la moto de Sexé, prêtée au musée, il semble que d’autres s’en prétendent aussi propriétaire. Je ne sais pas qui a raison, c’est en tout cas dommage que cette pièce unique reste dans les caves où on dit que se trouverait également et en pièces la Norton TT 25 du même Sexé. Tout cela n’est que rumeurs bien entendu.
Et le Piatti (produit en Angleterre) est un magnifique loupé qu’il fallait retourner pour accéder à la mécanique.
Que la Gillet du père Séxé ne soit pas exposée me semble une aberration..
Non pas d’AGF. Il manque quand même quelques uns de nos scooters nationaux, mais je ne pense pas que le musée veuille compléter la collection qu’ils ne considèrent pas comme un thème porteur pouvant attirer du public.
Très belles Photos, bravo pour votre constance, Louis
Ils n’ont pas de scooter AGF ? Un des plus beaux scooter Français.
Rhâhhh, le brouillon de culture… comment n’y ai-je pas pensé plutôt :=)
Bon, d’accord, il est des Starlett plus aguichante, mais celle-ci aurait besoin d’un coup de plumeau
Si j’ai bien tout compris, un beau brouillon… sans culture !
Comment ça, la Starlett est « peu élégante » ? Elle est superbe ! Quel style, quelle classe, quelle élégance, quelles sublimes innovations ! Et…quel zèle ai-je à les défendre tant j’aime ces Monet Goyon et Koehler Escoffier !
Pour la petite Griffon à moteur SICAM, je possède la même, et espère la restaurer plus joliement que celle ci, en effet tristounette…
Mais quelle belle moto que la Starlett (et toutes les MG/KE, particulièrement des années 50 !!) !
j’avais fait à peu près le même constat lors de ma visite voici environ une quinzaine d’année et dans mon papier dans LVM j’avais exprimé de sévères critiques face à des épaves bricolées et des motos salopées exposées telles quelles au nom de l’état d’origine. Et le moteur FN était alors vide. Il semblerait donc qu’un toilettage ait été effectué. A l’époque il me semble qu’un Autofauteuil était exposé