Vous connaissez tous les Derny ces vélos à moteur prévus au départ pour entraîner les cyclistes. Surfant sur l’énorme succès des vélos tandem lors des congés payés en 1936, Derny s’écarte des vélodromes en présentant un tandem pour le tourisme qui s’affirme, dans l’immédiat après-guerre, comme le véhicule idéal pour des vacances sportives et familiales.
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Léon Derny, né en 1881, devient un coureur cycliste de renom puis passe à la moto. En 1901, il s’engage au Paris-Berlin puis, sur une Lamaudière et Labre, finit 4e des 100 km à motocyclette au Parc des Princes et participe à la course de côte de Gaillon. L’année suivante, Il remporte la course de côte de Laffrey sur une Autocyclette Clément le 20 juillet, puis la première course de côte du mont Ventoux avec la même moto et Il bat un record sur le kilomètre lancé à Dourdan. En 1903, c’est cette fois un record du monde qu’il établit à 98,63 km/h à Ostende, Sur sa Clément bicylindre, il finit ensuite 6e au Paris-Madrid et remporte les 500 m de Dauville. Devenu pilote officiel pour les Motocyclettes Werner en 1904, il s’illustre entre autres en 1904 dans la course Paris-Bordeaux-Paris. On le retrouve sur des motos Peugeot Paris-Nice avec Paco Abadal, agent Hispano Suiza à Barcelone et son ancien co-équipier chez Clément en 1905. Il remporte la coupe Mundo Sportivo à Barcelone en 1906 et 1907 puis la coupe Sportmen’s sport en 1908. Fini pour la moto, Léon Derny passe sur quatre roues avec Hispano Suiza puis remporte une de ses dernières grandes victoires, le 2e GP automobile de Belgique sur une Imperia.
Léon Derny, qui a quitté Barcelone en 1911, s’est marié à Paris et a eu deux fils René en 1915 et Roger en 1917. Après sa brillante carrière de pilote moto puis automobile, il devient constructeur en 1930 à Vichy. La petite marque s’installe ensuite à Paris dans le 12e arrondissement, ne tarde pas à se faire un nom et une réputation à l’occasion de la course cycliste Bordeaux-Paris de 1938 où un nouveau règlement permet l’homologation de motos d’entraînement dites « stayers » de petite cylindrée. Les motos entraînant les cyclistes sur piste existaient en effet bien avant la marque Derny, mais il s’agissait dans les premiers âges de machines monstrueuses animées par des moteurs allant jusqu’à 4 200 cm3 qui permettaient à leur cycliste suivant collé contre un rouleau derrière la moto de dépasser les 100 km/h.
Un grand merci à Michel Bertrand pour ses notes sur la carrière de Léon Derny
Après s’être aperçus qu’un entraîneur format « armoire à glace » montant une moto suffisamment puissante pouvait couper le vent de la vitesse à un tel point que la qualité du cycliste suiveur devenait secondaire, les organisateurs viennent en effet de limiter la cylindrée de ces motos de stayers à 100 cm3 et cette nouvelle réglementation va faire la fortune des établissements Derny. Sa machine d’entraînement animée par un petit 98 cm3 Zurcher, peu puissant, mais sobre et fiable, est aussi facile à seconder d’un coup de jarret opportun. Le rôle du cycliste comme celui de l’entraîneur entrent dans une nouvelle ère et l’ensemble est si efficace que l’on voit du coup bien des coureurs de second rang terminer en vainqueurs.
Fort de ses premières expériences construites à l’unité, Derny se lance dans une production en petite série en 1939 avec, en sus des stayers dédiés à la course, des versions routières en solo et en tandem.
Le Derny est, avant tout, un vélo ou un tandem destiné aux cyclistes amateurs de longues randonnées et de camping ; le moteur n’est là que pour assurer une aide (certes énergique) au pédalage. Le Derny, dans ses versions mono ou biplace, est constitué d’un robuste cadre renforcé et entretoisé par des tubes supplémentaires. Le moteur est logé entre les genoux du pilote, fort occupé par toutes les commandes reportées sur le guidon: freins avant et arrière, embrayage, deux vitesses et dérailleur. La transmission se fait par une chaîne d’une longueur démesurée en particulier sur le tandem, côté gauche. À l’opposé, une classique chaîne vélo entraîne la roue avec un dérailleur trivitesses.
Les vacances de l’après-guerre
En 1953 le tandem classique à cadre tubes se double d’une version Grand Tourisme avec un nouveau moteur Zurcher 100 cm3 (48,5 x 54 mm) déplacé vers l’arrière et une grosse poutre supérieure qui semble rapportée au-dessus du cadre classique et fait office de réservoir d’essence. Le phare est élégamment placé dans le prolongement de cette poutre et ce GT est livré avec suspension avant à roue poussée et anneaux Neiman qui n’est qu’une option sur les autres modèles. Ce nouveau bloc moteur abandonne la transmission primaire par engrenages pour une transmission par chaîne silencieuse en bain d’huile et le tandem GT passe de 38 à 48 kg.
Le succès est tel que le nom de la marque passe dans le langage courant comme frigidaire ou mobylette et l’appellation derny, écrite sans majuscule, désigne la plupart des modes d’entraînement des cyclistes derrière une petite moto d’entraînement. Au début des années cinquante, Derny tente de séduire de nouveaux marchés et présente au salon de Paris de 1952 un scooter aberrant habillé d’une carrosserie type automobile et doté d’un ensemble moteur sur la roue avant monté sur rail circulaire pour assurer la direction. Il ne sera, on s’en doute, jamais produit, mais le prototype, m’a-t-on assuré, existait toujours dans un vieux pavillon en bord de Seine vers Asnières dont je finis par trouver l’adresse… trop tard, les pelleteuses avaient ratissé le terrain pour faire un immeuble ! La marque, en grande difficulté financière, passe en 1955 dans les mains de l’industriel Robert Fenwick importateur des hélicoptères américains Bell et surtout connu pour ses engins de manutention Fenwick va tenter lui aussi d’élargir sa production avec un 50 cm3 bientôt décliné en 65, 70 et 100 cm3 et qui se transforme finalement en 125 avec la très connue et très originale Taon dessinée par Roger Tallon qui ne sera malheureusement pas un grand succès commercial. La production revient donc à son Derny original produit jusqu’à la faillite de ma marque en 1958. Changement d’époque, aujourd’hui, on n’appelle plus ce type d’engin un derny, mais un burdin, d’après le nom de la marque française créée par Alain Burdin qui a pris la suite de Derny et qui est aujourd’hui fabriqué par Arie Simon en Hollande.
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J’ai roulé avec cet outil acheté 50fr à un ferrailleur dans les années 70.
C’était une version d’avant guerre avec la transmission primaire bruyante. Ça freinait aussi mal que pouvait freiner un tandem et le changement de vitesse était folklorique. A l’époque je faisais 72 kg et Luc mon copain le proprio, pas beaucoup plus, et ça avançait plutôt bien. Nous avions participé à une des premières rencontres du Motocyclettiste avec ça.
J ‘ ai ce souvenir d ‘ enfant qui résonne encore dans mes oreilles , celui du moteur inimitable !!!!!!
Moi, ce que j’aime sur le Derny, c’est le système de graissage des mollets du pilote ….