Lambretta bat de multiples records de 1949 à 1950. Vexé, Piaggio en fait autant en mars/avril 1950… Lambretta reprend l’avantage en septembre/octobre. Pas content, Piaggio sort la grosse artillerie : un incroyable Vespa à un cylindre, mais avec deux vilebrequins et deux pistons !
Chez Piaggio, l’ingénieur d’Ascanio, le père de la Vespa (la « guêpe »), et Casini, responsable des recherches, vont tenir la difficile gageure de réaliser un engin de records sophistiqué tout en conservant le concept de la Vespa : un moteur deux temps fixé sur le côté de la roue, intégrant boîte et transmission et servant de bras oscillant. Hors de question, en effet de viser les plus de 160 km/h en conservant la base mécanique du Vespa d’alors que ses 3 ch peinent à emmener à 60 km/h.
Le moteur, placé à droite de la roue arrière est bien un 125 cm3, mais Piaggio n’insiste guère sur le fait qu’il y a un vilebrequin à chaque bout du cylindre unique avec deux pistons qui se meuvent à la rencontre l’un de l’autre !
Piaggio, ne l’oublions pas, était l’un des plus gros avionneurs italiens entre les deux guerres. Fort de cet héritage, les ingénieurs s’intéressent aux technologies aéronautiques de pointe et à ces moteurs qui font les succès des avions Junker : des 6 cylindres deux temps diesel à 12 pistons opposés développés de 1915 à 1939. L’expérience du double piston a aussi été utilisée par Fiat en 1925-26 avec une auto animée par un deux temps à 6 cylindres de 1500 cm3, gavé par un compresseur Roots qui développait l’incroyable puissance de 110 ch. Le moteur surchauffait et fut abandonné en 1929.
Même les motos ont eu leurs moteurs à pistons opposés créés par l’ingénieur belge Laguesse de 1924 à 29, puis par DKW avec une 250 à deux cylindres et quatre pistons en 1947.
il s’agit en fait de deux moteurs tête-bêche ! Car contrairement aux autres moteurs à pistons opposés (exception faite pour le Laguesse) le Vespa n’a pas une alimentation forcée par compresseur et Piaggio a réussi le tour de force d’utiliser les deux carters de vilebrequin pour l’admission et le balayage des gaz. Les deux vilebrequins connectés par engrenages sont réunis par un unique cylindre en aluminium chemisé fonte et refroidi par eau. Deux conduits de chaque côté, connectent le carter du haut avec le bas du cylindre où sont situées les lumières et le carter du bas fonctionne comme un deux temps normal. Après une délicate mise au point (et oui les canaux de transferts n’ont pas la même longueur pour le vilo du bas et celui du haut !) le Vespa des records développe 19,5 ch (14,5 kW) à la roue arrière à 9 500 tr/min !
Il ne restait plus qu’à monter ce beau moteur bras oscillant sur un cadre monopoutre très bas, et d’enfermer l’ensemble dans une bulle d’aluminium en forme d’œuf allongé où le pilote se couchait !
Ce Vespa des records de 1951 fait moins de un mètre de haut et ne pèse que 98 kg. les deux dérives fixes à l’arrière sont censées améliorer la stabilité
Au petit matin du 9 février 1951, sur l’autoroute Rome-Ostie, Dino Mazzoncini atteint ainsi 174,418 km/h en pointe sur le kilomètre lancé, avec une moyenne de 171,102 km/h ce qui pulvérise le précédent record du monde à 161,145 km/h de Gino Cavanna en 1949 sur 125 Mondial.
« La route n’était pas parfaitement plane » rapporte Mazzoncini « et au passage d’un pont, la machine décollait des deux roues et perdait de sa vitesse » mais l’autoroute n’était louée que pour deux heures et comme le record était d’ores et déjà battu lors des premiers essais, Piaggio décida de s’en tenir là bien que leur moteur affiche un potentiel bien supérieur.
Après les records de 1951, Piaggio étudie une version alimentée par deux distributeurs rotatifs, mais il est trop tard le public ne s’intéresse plus aux records et l’étude ne sera jamais finalisée. La course au records s’arrête le 8 août 1951 à Montlhéry où un Lambretta 125 caréné à l’image du Vespa atteint 201 km/h !
Rien ne s’oublie. En 1998, Piaggio revint à son idée des pistons opposés et présente deux prototypes différents de moteur deux temps à injection muni d’une chambre de précompression dans le prolongement de la culasse où un second vilebrequin entraine un piston pompe pour comprimer les gaz admis.
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