On en rêve encore ! Au salon de Tokyo de 1971, Yamaha ripostait enfin aux Honda 750 quatre cylindres quatre temps et aux Kawasaki 500 et Suzuki 750 trois cylindres deux temps en annonçant son entrée dans le monde des gros cubes sophistiqués : Quel impact ! Une 750 cm3 deux temps à quatre cylindres en ligne et face à la route, refroidissement par eau, alimentation par injection et frein avant à double disque. La révolution dont tout le monde rêvait… et rêve encore !
Archives François-Marie Dumas / moto-collection.org sauf indication contraire
Quelques dates clés
pour bien suivre la course des géants aux salons de Tokyo où sont présentées les nouveautés japonaises en octobre-novembre.
1968 : Honda 750 Four (4 temps simple ACT) – Kawasaki 500 H1 mach3
1969 : Yamaha 650 XS1
1970 : Suzuki 750 GT
1971 :Yamaha GL 750– Kawasaki 750 H2
1972 : Kawasaki Z 900 (4 temps double ACT) – Yamaha RZ 201 rotative – Yamaha TX 750
1975 : Yamaha GX/XS 750 tricylindre
Révolution au salon de Tokyo fin 1968 : Honda présente sa 750 Four et Kawasaki, la 500 H1 Mach III trois cylindres deux temps.
La Yamaha 650 twin XS1 dévoilée au salon de Tokyo de 1969 est certes, une excellente machine, mais elle ne fait pas le poids.
Nouvelle claque au salon de Tokyo en 1970 où Suzuki tient la vedette avec sa 750 trois cylindres deux temps. Kawasaki donne le coup de grâce en commercialisant fin 1971 aux Etats-Unis, sa dernière bombe, la 750 H2 Mach IV.
Yamaha perd la face. La marque qui s’est forgé, depuis ses débuts en 1955, une solide réputation d’innovateur dans le deux-temps de course comme de route, doit réagir d’urgence.
C’est chose faite au salon de Tokyo 1971 avec cette GL 750 dont le monde entier des motards rêve encore. Trop tard, malheureusement. Le plus gros marché d’alors est aux États-Unis où l’apparition des premières normes de bruit et de pollution compromet définitivement l’avenir des gros deux-temps routiers. Après de longues hésitations et diverses moutures, Yamaha ne prendra pas le risque et se tournera, à retardement, vers le quatre-temps en dépit de l’insistance de notre importateur favori, Jean-Claude Olivier, dont on connaît la passion pour la course. Il arrivera quand même à décider l’usine à nous envoyer l’unique GL qui sera présentée en France à la première réunion des importateurs européens puis au salon de Paris 1972… en même temps que la 750 TX bicylindre quatre temps ! Ce sera la dernière sortie publique de la GL et seule la compétition profitera (oh combien !) des fabuleux projets de quatre cylindres deux temps du début des années 70.
GL 750 (Données usine au salon de Tokyo) :
4 cylindres 2 temps face à la route refroidis par eau – 743 cm3 (65 x 56 mm) – 70 ch/7 000 tr/min – 7,5 mkg/6 500 tr/min – Injection électronique – Échappements 4-en-2 – Boîte 5 rapports – Transmission par chaîne – Cadre double berceau – Suspensions av. télescopique, ar. oscillante – Pneus av. 3,50 x 19″, ar. 4,00 x 18″ – Freins av. double disque, ar. à tambour – Réservoir 17 l – 205 kg.
Quel impact !
Magnifique, superbe, enthousiasmant ; la GL 750 a tout pour plaire et réunit tout ce dont peut rêver le motard sportif des années 70. Le bureau de design de GK et les ingénieurs ont fait un travail extraordinaire aux côtés duquel les autres gros cubes du moment paraissent patauds et surannés. L’arme absolue de la GL est bien sûr son bloc-moteur d’une compacité jamais vue jusqu’alors avec allumage et générateur reportés derrière les cylindres. Cerise sur le gâteau, le prototype de salon est équipé d’une alimentation par injection : une grande première. On avait déjà vu des deux-temps à injection mécanique, en particulier chez MV Agusta avec un monocylindre deux temps de route équipant une moto et scooter au milieu des années 50, mais Yamaha allait beaucoup plus loin avec son quatre-cylindres à gestion électronique de l’injection. Il semble toutefois que ce développement n’ait jamais donné les résultats escomptés, « On avait des problèmes de surchauffe, un mélange non homogène que la pompe n’arrivait pas à contrôler et de moins bons résultats qu’avec des carburateurs avec un total manque de progressivité« nous dira Masayasu Misoguchi qui dirigea longtemps le service course des Grands Prix « Sur la GL du salon l’injection était factice, mais nous avons continué d’y travailler et nous l’avons utilisé en 1977 en trial sur la machine de Mick Andrews« . Les fausses pièces d’injection avaient, parait-il, été empruntées à un modèle de snowmobile Yamaha.
Outre son impact technologique, la GL 750 apportait un sang vraiment neuf dans le domaine du style avec des formes et des couleurs très étudiées. Première encore : la GL 750 peut être considérée comme le premier « Show model » car, s’il est aujourd’hui courant de voir exposés dans les salons des prototypes uniquement destinés à tester le public et sans plan de commercialisation immédiate, comme cela se fait depuis longtemps dans le monde automobile, ce phénomène n’avait jusqu’alors jamais vraiment existé dans le monde la moto. L’usine annonçait 70 ch au régime de 7000 tr/min. Une puissance bien en phase avec la concurrence : 67 ch à 8000 tr/min pour la Honda, 67 à 6500 pour la Suzuki 750 GT, 60 à 8000 pour la Kawasaki 500 H1 et 74 à 7800 pour la 750 de 1971, avec en prime un poids nettement plus flatteur : seulement 205 kg à sec annoncés.
TZ 750 et GL : La poule et l’œuf
S’il est possible de retracer grossièrement, la genèse des quatre cylindres TZ 750 0W 20 et YZR 500 0W19, celle des prototypes de versions routière reste un mystère. Est-ce l’œuf qui a fait la poule ou l’inverse ? Je me garderai bien de mettre des dates sur la plupart des documents récoltés et leur discret fournisseur ne répond plus à l’appel depuis des années. Il est permis de supposer que l’idée d’une version routière a germé vers 1970 pour donner la GL, d’abord siglée GL 800, puis présentée dans sa version finalisée en GL 750 au salon de Tokyo de fin 1971. Avant que ne soit conçu ce show model rutilant de 1971, qui n’a jamais roulé sous cette forme, même sans injection, il est probable que les premiers moteurs de 700 cm3 destinés à la TZ ont été testés dans des partie cycles double berceau classiques. D’après l’ingénieur Saito-san, ce moteur 700 cm3 fut, chronométré à plus de 200 km/h à Tsukuba dès 1970.
Les évolutions suivantes de la GL, et il y en eut, n’ont jamais été dévoilées, mais il semble que le développement de la TZ 750 et celui du projet routier aient été menés de concert sans qu’on sache lequel a précédé l’autre. Tout juste sait-on qu’il fallait que 200 moteurs de la TZ 750 aient été produits pour que la moto soit homologuée pour Daytona. Ce n’était peut-être pas la seule raison. Il est aussi tout à fait possible que Yamaha ait pensé à réitérer le coup de ses 250 nées en versions routières puis devenues, sur la même base mécanique, les motos de course les plus fameuses de leur temps. La TZ 750 a bien eu une sœur jumelle, à peine plus civilisée qu’elle. Il ne fait aucun doute que la production et commercialisation d’une GL/TZ a été très sérieusement envisagée comme le prouvent les photos divulguées ici des essais en équipement routier et, surtout, celle d’une maquette très finalisée. La parenté avec la TZ 750 s’étend cette fois à la partie cycle avec le même cadre presque périmétrique (ici élargi devant la colonne de direction) qui annonce le futur Deltabox. Et il faut jouer au jeu des sept erreurs pour voir toutes les différences : la première qui saute aux yeux est le réservoir raccourci pour la position de conduite et laisser place à une vraie selle pour deux. Une étude plus approfondie de la maquette montre que les carters moteurs réalisés en bois diffèrent totalement de ceux de la version course. La pompe à eau est derrière les culasses et non devant, les cylindres n’ont pas la même forme, les carters moteur sont un poil plus volumineux avec une fenêtre de vision du niveau d’huile et… un démarreur électrique. Il y a aussi une boîte à air, un autre type de carburateur toujours avec une admission à clapets et, évidemment, un système d’échappement homologable… enfin, jusqu’aux drastiques mesures anti-pollution qui conduisirent tous les constructeurs à abandonner définitivement leurs projets en deux-temps en 1974.
TZ & GL 750 : de la course à la route et réciproquement
Les sources éventuelles sont indiquées entre parenthèses – Les versions routières sont en rouge.
1970 : Développement du concept 4 cylindres 2 temps en ligne refroidi par eau
1971 : fin 1971 Hatta-san donne le feu vert pour la 700 YZ 648, les dessins sont prêts (F. Brouwer). M. Misoguchi annonce le développement de 500 et 750 four pour la course. Saito-san parle de premiers essais avec un cadre conventionnel
1970-1971 : Étude de style de la GL
1971 : GL 750 au salon de Tokyo en octobre.
1971-1972 : Étude d’une version route de la TZ 750
1972: Dessins du moteur de la 500 YZ 648 A datés du 29 janvier (F. Brouwer) – Juillet : Kanaya teste la 700 YZ 648 (sans admission à clapets) (F. Brouwer) – Octobre : essais discrets par les pilotes d’usine Saarinen et Kanaya et Motohashi à Fukuroi de la TZ 750 0W 19(ex YZ 648) et de la 500 YZ648 A. Peut-être déjà avec des Reed valves.
1973 : Janvier Saarinen rejoint le team – 11 janvier : dessins finaux du moteur de la 500 0W 20 – Février : Yamaha annonce son retour à la compétition en 500 cm3 avec Saarinen et Kanaya – Essais privés sur le circuit de Zolder – 22 avril : Saarinen remporte le GP de France avec la 500 0W 20 , Kanaya est 3e – Août, présentation de quatre TZ 750 au 2e Yamaha Grand Sports Festival du mont Fuji pilotées sur le circuit par Hideo Kanaya, A. Motohashi, S Mimuro et H. Kawasaki. Aucune caractéristique précise n’est dévoilée – Novembre : Présentation officielle de la TZ 750 au salon de Tokyo
1974 : Mars, la TZ 750gagne les 200 miles de Daytona avec Agostini
La vraie sœur jumelle de la TZ 750. Cette fois, la maquette en clay n’est pas peinte et il ne s’agit pas d’une préparation pour un modèle de salon, mais d’une vraie maquette de pré-production. Le meilleur témoin en est le moteur sculpté dans du bois et bien différent de celui de la TZ : cylindres et culasse différents, pompe à eau passée de l’avant à l’arrière, fenêtre de viseur d’huile, gros carter en bout de vilebrequin, etc. Les éléments de ces maquettes de superbes moteurs en bois servaient ensuite à la réalisation des moules. On note aussi la boîte à air, le réservoir très raccourci pour permettre la selle biplace. Il est probable que le cadre soit celui de la TZ élargi avec de la clay sur sa partie supérieure pour laisser place à l’équipement électrique d’une moto de route. On voit aussi que deux appellations commerciales sont proposées : « 750 Electric » comme indiqué sur le carter latéral ou « GP 433 F » comme on peut lire sur le sticker posé à côté par terre. La cylindrée finale n’était peut-être même pas définie ?
L’aventure ne s’est pas terminée à la maquette. La sœur jumelle a bel et bien roulé sur le circuit privé de Yamaha comme en attestent ces photos. Ces quelques photos des tests sur le circuit privé de Yamaha extorquées à l’un des essayeurs sont bien floues, mais elles ont le mérite de confirmer que la GL 750 de route, dans sa dernière mouture très proche de la version course, a bien été jusqu’au stade des essais, en 1972-1973.
… Pour la suite de l’histoire, côté course, une seule solution, inscrivez-vous sur www.Pitlane.biz et ouvrez le sujet Yamaha TZ 700 dans le chapitre « Oldies » .
In January of 1974 I called My local Yamaha dealer and asked how much for the new « 750 » He told Me they were only for pro racers. I was bummed out but bought a Suzuki GT 750 instead, it was a water cooled two stroke but I think most would agree not really the Bike/Beast one of these would have been! Almost bought a R Z 500 in 1984 but again bought a Suzuki (R G 500) instead, a great Bike! But this Bike would have been so cool to ride to Laconia in 1974 or maybe Indy in 1975?
comment ne pas adhérer à ces commentaires aussi émouvants ,que les gens qui font de la moto comme une promenade dominicale en canasson ne peuvent pas comprendre ;motard depuis 77 je roule toujours avec des veilles brèles 750 honda 1000 laverda et1100xs et jamais j’ aurais une bécane après 83 nostalgie quand tu nous tient…. appel de phare et pas à leds à tous
La classe, la beauté de cette Belle n’a pas d’égales!
Nos anciennes avaient une âme véritable; nous les aimions!
Aujourd’hui nous consommons (moi, toujours pas et jamais!). Qui n’a pas goûté aux joies des motos 2 tps et de certains 4 tps ne connaît pas la moto!
Jusqu’en 1980, nous avions des Dames, belles à croquer et avec tous leurs défauts mais bon sang, quelles Dames authentiques et pleines de grâce! La seule qui ait perduré dans la noblesse furent la RDLC EN 350 et 500, la Suzuki RGV en 250 et la Gamma. Bien entendu, je n’oublierai jamais la fabuleuse 250 Aprilliani sa soeur étonnante en 125!
Aujourd »hui, les pratiquants du 2 roues (notez que je ne dis pas motards) ont des bêtes de course qui freinent , qui tiennent le parquet jusqu’à prendre des angles impossibles, sauf que rares sont ceux capables de les exploiter…Sur route, c’est l’arbre qui fera l’arbitre à 300 km K/H…Ils roulent très peu (en moyenne 6 à 7000 bornes/an. Lorsqu’il faut faire la révision complète, changer les gommards à 300 euro, c’est souvent la revente du jouet plastifié. et ils ne peuvent plus régler eux-mêmes leurs bécanes (remarquez que j’en ai souvent vus aller chez le concessionnaire pour retendre une chaîne…).
Vous avez dit lampe stoboscopique, pastilles, soupapes, clé de 10, de 19 avec la feuille de pappier à cigarettes? C’est quoi ces noms à la con?
Rouler sous la pluie, en hiver dans un froid glacial? Mais vous n’y pensez pas, tout de même!
Nos valeurs , nous les gardons au chaud!
Ce n’est même pas un coup de gueule, non! Juste la joie de rendre à nos anciennes la gloire qui leur revient et de saluer tous mes potes, tant ceux qui sont partis chevaucher au ciel, que mes camarades de virées, de roulage (en moyenne 45000 bornes par an et sur toute l’année!)!
Et juste un énorme bisou à ma Mach III, 350S2, 750 H2 et mon adorable YR5…
Bonne route à tous!
A l’annonce de la sortie de cette magnifique machine, j’étais un jeunot de 21 piges qui ne roulait (beaucoup et toute l’année) qu’en 2 temps et…Parfois 3 mouvements dans les ondulations du croupion de ces belles Dames qui fumaient et savaient miauler dans la colère des tours…
Chez mon concessionnaire de l’époque à Blagnac(31), le regretté et talentueux Pedro Ginesta, j’étais prêt à changer ma superbe et rageuse (mais gloutonne et parfois capricieuse) 350 S2 de 45 bourriques pour cette Dame affriolante, j’ai nommé la Yamaha GL 750.
Mais honte à Yamaha qui m’avait fait baver, rêver, moi le p’tiot motard qui faisait plein d’heures sup pour pouvoir dormir près de la Belle dans mon salon!(En ces temps reculés, un ouvrier qui voulait bosser dur le pouvait et gagnait honorablement sa croûte; en ces temps…).
Merci pour cette « étude » très documentée et qui n’a pas dû être facile à réaliser!
Ah la Yamaha 350 YR5 de mon copain Raymond, c’était la japonaise qui faisait le plus allemande!
Je regrette toujours de ne pas avoir acheté (une poignée de cerises) , même si les pièces étaient déjà introuvables dans les années 70. Une quatre pattes deux temps aurait sûrement eu une puissance phénoménale avec un poids contenu contrairement à la quatre cylindre Honda..
Voilà un commentaire qui fait vraiment plaisir et surtout quand il vient d’un spécialiste comme Jean Huppert que les habitués de Pitlane.biz connaissent bien.
Bravo ! C’est simplement le travail le plus complet jamais écrit, jamais publié, sur la mythique GL750 ! Avec certaines photos tellement inédites qu’on leur pardonne d’être floues ! bravo FMD.
Moi qui eu comme première « grosse moto » un Yamaha 350 YR5, la GL 750 aurait été le nirvana absolu!
Merci de nous relater cette belle épopée.