Dans la foison des marques de motos allemandes de l'entre-deux-guerres, quelques constructeurs font preuve d'une réelle originalité, à défaut de réalisme, pour se démarquer. La moto conçue par Georg Weissbinder et fabriquée par Abendsonne (soleil couchant en français) Motorfahrzeugbau, à Darmstadt en est un parfait exemple. Pour créer sa 200 cm3, cylindrée exemptée de taxe en Allemagne dans les années 30 pour encourager la motorisation du peuple, Weissbinder crée une 196 cm3 bicylindre face à la route en accouplant deux monocylindres deux temps Villiers à trois transferts de 98 cm3 avec un décalage de 180 degrés des manetons. Un volant d'inertie est disposé entre les deux cylindres. Le moteur est alimenté par deux carburateurs, un par cylindre avec contrôle par poignée tournante. Il est accouplé à une boîte Pfeiffer à 3 rapports commandée par un levier sur le côté droit du moteur. 

L'ensemble est installé dans un cadre tubulaire simple berceau dédoublé juste au-dessus du moteur et interrompu en dessous. Équipée de pneus ballon, la moto paraît trapue et compacte. La suspension avant est confiée à une classique fourche à parallélogramme de marque Tiger et l'arrière est rigide. La moto proposée par Abendsonne dispose de série d'un équipement relativement complet : éclairage en 6V par batterie, phare avant, feu arrière avec feux-stops, compteur de vitesse, avertisseur, rétroviseur et siège passager. La moto est livrée en noir avec des filets rouges sur le réservoir, les garde-boue et les carters. Il est indiqué dans le catalogue que "les demandes particulières concernant le design, les accessoires et la peinture sont largement prises en compte". Les échappements et silencieux en queue de carpe sont entièrement chromés. La présence de deux moteurs apporte bien sûr quelques inconvénients. En premier, le poids de 125 kg là ou une BMW 200 R2 n'en pèse que 110 malgré son moteur 4 temps et sa transmission par arbre. Le bicylindre Abendsonne est aussi fort gourmand même si la marque ne revendique que 4.5 litres aux 100 km contre 4 litres environ pour un monocylindre de même cylindrée. Enfin, et surtout, la moto est relativement bruyante avec un niveau sonore qualifié par la presse comme "équivalent à un avion léger". Enfin, le prix de 790 DM, supérieur à la concurrence. La 200 cm3 la moins chère du marché est alors la DKW ES 200 Volksrad (bien nommée Moto du peuple") qui, en 1930, s'affiche à 420 DM tandis que le haut de gamme dans la cylindrée, la DKW Block vaut 895 DM tandis que la BMW 200 R2 s'affiche à 975 DM en 1931. Pour justifier ses deux moteurs accouplés Georg Weissbinder affirme que la conduite est plus souple et donne l'impression d'être au guidon d'une moto de plus grosse cylindrée, allant même jusqu’à la comparer à des 1000 cm3 ! Il n'a pas convaincu et il semble qu'il n'ait été construit qu'une vingtaine d'exemplaires. À partir de 1933 et l’arrivée au pouvoir du gouvernement nazi, l’importation des moteurs Villiers est interdite en Allemagne, signant la fin de l'Abendsonne.