Alcyon engrange les succès en compétition entre 1904 et 1906 grâce aux excellents moteurs Buchet et à ses pilotes de talent, comme Alessandro Anzani qui est pratiquement imbattable sur les pistes de vélodrome. Riche de l'argent gagné avec ses victoires, Anzani crée sa propre marque de moteur à la fin de 1906. Dépêché par Alcyon chez Buchet les deux années précédentes en tant que '"spécialiste de la carburation", c'est naturellement que ses premiers moteurs ressemblent aux Buchet. Il reprend ainsi à son compte l’idée du 3 cylindres en éventail, déjà vu sur une Alcyon de course à l'automne 1905.

Par rapport à son prédécesseur, les cylindres sont espacés de 72° au lieu de 45° et la cylindrée est portée à 1447 cm3 pour la plus petite version du moteur. Le catalogue 1909 comprend des variantes en 1 447, 1 702, 3 376, 4 750 ou 6 440 cm3. Pourquoi 72° ? Sans doute parce que 72 x 5 égale 360°. Le moteur 3 cylindres en éventail d'Anzani est donc un morceau d'un 5 cylindres en étoiles, motorisation de base de l'aviation quelques années plus tard! Le reste, y compris l'esthétique, est quasiment identique au Buchet de 1905 : distribution avec soupapes d'admission automatiques et soupapes d'échappement latérales, cylindres en fonte avec des ailettes de refroidissement sur la moitié haute du fût et un échappement direct sans le moindre tube. Les 3 bielles en acier matricé viennent s'articuler sur un seul maneton Le moteur est alimenté par un unique carburateur sur le côté gauche avec une longue pipe d'admission en arc de cercle. Le modèle 1 447 cm3 est donné pour 12 ch à 1 800 tr/min, à comparer au 16 ch à 3 000 tr/min du Buchet deux ans plus tôt. Il est clair que, plus que la puissance, c'est la fiabilité qui est recherchée pour une utilisation dans l'aéronautique. Monté dans un cadre interrompu avec le système d'allumage incluant la batterie installé dans une sacoche devant le guidon, Grapperon remporte la course de côte de Gaillon à la fin de 1907 pour la marque Alcyon en 36" 1/5, une amélioration nette du temps de Anzani en 1905. Il récidive avec le kilomètre lancé du meeting d’Évreux à 107,142 km/h, performance beaucoup moins convaincante avec une vitesse quasiment identique à celle d’Anzani au meeting de Dourdan deux ans plus tôt, bien loin encore des 130 km/h atteints alors par les Peugeot. 

L'époque n'est de toute façon plus aux courses de monstres surpuissants et dangereux. La deuxième moitié des années 1900 coïncide avec une crise du deux roues en France, le temps des pionniers où tout est permis est passé. Les compétitions se concentrent sur des motos de "petites cylindrées" se rapprochant de celles vendues dans le commerce. Le moteur Anzani 3 cylindres aura cependant un avenir glorieux, mais pas dans la moto. En 1909, les frères Caudron sont les premiers à l'utiliser sur un avion en version 3 376 cm3, bientôt suivis par Louis Blériot pour sa fameuse première traversée de la manche le 25 juillet 1909.

Que d'évolutions, en dépit des apparences, ce trois cylindres Alcyon à moteur Anzani de 1447 cm3 n'a plus rien à voir avec le 1206 cm3 Buchet de l'Alcyon de 1905.