Carniti
Automotoscooter 190 cm3 Trois cylindres - 1953
3 cylindres, 2 arbres de transmission et plus encore
Autant le dire tout de suite, au palmarès des ingénieurs déjantés, j'entends par là, des vrais génies, ceux qui ont fait les inventions les plus improbables, et parfois révolutionné le monde avec des trucs auxquels personne n'aurait jamais même osé penser, Pietro Vassena tient une place de choix, entouré des Granville Bradshaw, Marcel Violet, Lino Tonti et autres originaux pour ne citer parmi une liste, heureusement fort longue, que des novateurs motocyclistes.
L'inventeur du Rumi
Après avoir créé et courru avec des 100 et 125 cm3 au débuts des années 20, Pietro Vassena fait fortune dans des construcions anavales en particulier un batiscaphe célèbre. Il revient à la moto par la bande en 1949. Après avoir réalisé en 1946, un petit bicylindre deux-temps vertical destiné à la voiturette Volpe qui ne sera finalement jamais produite par ses commanditaires, il signe un accord avec son ami Donnino
Rumi, qui possède une fonderie à Bergamo pour l'étude d'une moto légère. Le premier prototype est réalisé sur la base du bicylindre vertical de la voiturette, monté dans la partie cycle Amisa. Le moteur sera ensuite totalement revu, ne gardant guère que ses côtes internes et ses pistons à déflecteurs hérités des moteurs hors-bord de Vassena. Les cylindres passent à l'horizontale et l'admission devient rotative au travers de l'arbre moteur. Officiellement siglé Rumi ce moteur sera présenté pour la première fois au salon de Milan de 1949 toujours avec une partie cycle d'emprunt.
Il entre dès lors en phase de production, perd au passage son alimentation rotative au profit d'une alimentation classique avec une troisième lumière
et son géniteur, à priori peu enclin à travailler avec les ingénieurs responsables de la production, et arrête sa collaboration avec Rumi. Vassena se rapproche ensuite de la société Carniti à Oggiono à qui il cède sa production de moteurs hors-bord diffusée sous la marque Elios. Et c'est dans le giron de Carniti qu'il revient à la moto en 1953.
L'ivresse des profondeurs
Est-ce l'ivresse des profondeurs qui poussa Pietro Vassena à concevoir son Automotoscooter présenté au salon de Milan 1953 ? Un engin hors du commun qui ne ressemble à rien de connu tant dans son apparence que dans sa technique. Pour le moteur, Vassena s'est tout simplement inspiré de celui conçu trois ans plus tôt pour le Rumi en y rajoutant un cylindre créant ainsi ce qui est sans doute le premier trois cylindres parallèles deux-temps de l'histoire bien avant la
Suzuki GT 750, la
Kawasaki 500 née en 1969 et même l'éphémère Olympus 370 cm3 de 1962. Les côtes internes restant celles du
Rumi 125, 42 x 45 mm, cela donne un très compact 187 cm3 qui annonce la puissance, pas si ridicule à l'époque, de 12 ch. On vous laisse imaginer le bruit.
Deux arbres de transmission à galets
Ce n'est pourtant pas dans le moteur, mais dans la transmission qu'il faut rechercher la plus grande originalité de la Carniti Tre. Convaincu que le scooter ne peut être qu'automatique, Vassena a perfectionné l'idée du variateur simpliste à plateau vu sur les Ner-a-Car (USA 1921) et La Mondiale (Belgique - 1923) : c'est le Variomatic qui invente à la fois le nom et le système. Un couple conique derrière le moteur transmet la puissance sur, non pas un, mais deux arbres, un de chaque côté de la roue arrière flasquée. Chaque arbre se termine par un galet conique en caoutchouc. Enserrée entre les deux galets, la roue est entraînée par friction et un levier devant le pilote permet de modifier la longueur des arbres, bien entendu, télescopiques, changeant ainsi le rapport de transmission. Attention de ne pas vous tromper, l'autre long levier symétrique de l'autre côté du tunnel central entre les jambes du pilote sert... à mettre en place automatiquement la béquille centrale (dont les bras se terminent par des roulettes pour faciliter la manoeuvre !).
3 cylindres, transmission bi-arbre, variomatic,... que demander de plus ? Et bien, une esthétique aussi envoutante qu'originale avec une révolutionnaire position pieds en avant, due au grand carrossier automobile Ghia, déjà venu au scooter deux années plus tôt avec le
Ducati Cruiser.