La marque est confidentielle, mais constitue un bel exemple de ces petits fabricants-assembleurs des années 20 qui ont laissé une trace dans l'histoire, grâce à leur savoir-faire et parfois des choix techniques risqués que n'osaient pas prendre les grandes usines. Charles Gérald, un marchand de motos qui vend dans le quinzième arrondissement de Paris des Koehler-Escoffier et des BSA se lance à la fin de 1923 dans la fabrication de ses propres machines avec des moteurs achetés chez LPL, Aubier-Dunne ou Chaise. Il acquiert une certaine notoriété en 1927 en présentant une invaisemblable 500 cm3 monocylindre 2 temps, à vilebrequin en porte à faux et boîte deux vitesses ; la presse en parla beaucoup, mais il semble qu'elle n'ait jamais été commercialisée. C'est avec le bien spécial 175 Aubier-Dunne type E, ici présenté, que la marque s'octroiera l'année suivante un beau palmarès sportif…  avant de disparaître, comme beaucoup d'autres, en 1929.

Les années 20 constituent un premier âge d'or du moteur deux-temps en petite cylindrée, avec des mécaniques très performantes chez Villiers ou Automoto, mais aussi très originales et évoluées comme chez Pauvert ou Aubier-Dunne, pionniers du distributeur rotatif.  Ce dernier motoriste, établi à Saint-Amand-les-Eaux, dans le Nord, a mis au point en 1926 le 175 type JD, qui se distingue par des solutions techniques originales sur cette version sportive. Un catalogue d'entretien nous prouve bien qu'Aubier-Dunne la destinait à être commercialisée, mais l'histoire n'en a pourtant gardé trace sur aucune autre machine.

Le cylindre, fortement aileté est réalisé en alliage léger, avec une chemise en acier au carbone, cette dernière comporte, au sommet, un filetage dans lequel vient se fixer une mini culasse qui reçoit en son centre, la bougie d’allumage et, vers l'avant, le décompresseur. Les côtes très longue course, 51 par 85 mm, ne sont pas dues au hasard, mais à la volonté d'obtenir une phase d'aspiration la plus longue possible. Sur le côté droit se trouve la pipe d'admission qui ne débouche pas dans le cylindre, mais dans un long conduit qui mène au distributeur logé à l'étage en dessous. Le diamètre de ce conduit, ainsi que celui du carburateur, sont bien plus petits que ce à quoi on s'attend sur un 175 deux temps, afin sans doute de donner à la veine gazeuse une vitesse optimale en dépit des deux coudes à 90° qu'elle doit parcourir.  Pour compenser, sans doute, Charles Gérald a monté un tube d'échappement d'un énorme diamètre enrichi d'un superbe système de mise en version libre commandé au pied. 

Grâce, ou en dépît de son originalité mécanique (?), la 175 Charles Gérald se fit remarquer par de beaux succès sportifs à l'occasion de dures épreuves de régularité si en vogue dans ces années 20. L'année 1928 fut particulièrement faste avec des premières places (ex æquo) au Circuit d'Auvergne et à Paris-les-Pyrénées-Paris (apparemment avec la même machine si on en juge d'après les numéros d'immatriculation). On verra également deux Charles Gérald classées au Bol d'Or. Pourtant ces bonnes performances ne réussirent pas à convaincre les acheteurs, sans doute rebutés par un prix de vente trop élevé de 3650 francs.