Earles
BSA 500 A7 - 1951
Une anglaise dalu oui, mais une Earles !
Les fourches Earles à roue poussée sont bien connues et une majorité des constructeurs, dont
BMW et
MV Agusta, les ont utilisées dans les années 50 et 60, mais Ernie Earles était aussi un constructeur de cadres et il tenta le duralumin...
Établi à Birmingham, au coeur de la plus grande concentration de constructeurs de moto britanniques, Ernest Charles Earles, dit Ernie, est propriétaire de la ELMS Metals Company qui réalise des emboutissages pour Austin et les motos Douglas et entretient aussi sa propre écurie de motos de course.
Coup de génie
Ernie Earles dépose le 5 décembre 1951 un brevet sur une suspension avant qui va se généraliser à partir de 1953 et séduire une majorité de constructeurs en Europe. Le premier est Douglas, l'un des fidèles clients de son usine, qui équipe ainsi son ultime production, la
Dragonfly 350 de 1954. Paradoxe, c'est chez BMW, lun des initiateurs de la fourche télescopique, que la fourche Earles connaitra sa plus grande diffusion commerciale de 1955 à 1969. Beaucoup de constructeurs,
Moto Guzzi,
NSU,
FN, pour ne citer qu'eux, ont déjà utilisé des fourches à roue poussée à la fin des années 40, mais contrairement à la réalisation d'Ernie Earles, ces fourches avec un levier oscillant sur chaque bras, n'étaient guère plus rigide que les télescopiques.
Tout simple, il suffisait d'y penser.
La fourche Earles n'est qu'une réplique de la suspension arrière oscillante avec une sorte de sous-cadre articulé sous la colonne de direction. Les deux tubes classiquement insérés dans les tés de fourche s'incurvent ensuite jusqu'à l'arrière de la roue et supportent l'axe du bras oscillant (sur silentblocs sur ces premières réalisations d'Ernie Earles). Pour accroître encore la rigidité, les deux tubes arrière sont haubanés par deux tubes de renfort, ce qui ne sera plus le cas sur les modèles de grande série que ce soient les Douglas ou les BMW. Le bras oscillant s'appuie sur deux amortisseurs conventionnels. Le principal attrait de cette suspension Earles vient de sa robuste triangulation qui lui confère une rigidité incomparable comparée aux télescopiques et aux suspensions à biellettes toujours basées sur deux frêles tubes alors qu'elle s'appuie sur un robuste support derrière la roue. Cette grande rigidité, surtout en torsion latérale, la rend particulièrement adaptée au side-car et les fourches Earles des BMW ont dailleurs deux fixations de l'articulation du bras oscillant permettant de choisir la meilleure géométrie pour le solo ou le side-car. Autre attrait, cette suspension ne procure qu'une très faible variation de l'empattement tout en ayant un débattement qui atteint 10 cm sur ces premières réalisations. Cette fourche Earles, qui a pourtant un grave défaut inhérent à sa conception, l'avant se relève au freinage, au contraire des fourches télescopiques. Quelques constructeurs, dont Douglas en 1954, pallieront à ce problème en contrariant la réaction de la fourche par une longue barre d'ancrage du frein.
Et pourquoi pas l'alu ?
Ernie Earles, qui a servi durant la guerre dans les ateliers de la R.A.F, est devenu expert dans le soudage délicat et encore mal maîtrisé des alliages légers. Cest dailleurs lui qui réalise pour Norton les réservoirs et dosserets de selle des nouvelles Manx que Rex McCandless vient d'équiper d'un cadre Featherbed en 1950. Toujours à la recherche de nouvelles idées, Earles réalise la même année pour une Ariel de trial, (que nous appellerons plutôt Trail aujourd'hui) un cadre en tubes de duralumin T4 qui ne pèse que 8,2 kg. En 1951, il équipe successivement une moto de grass track à moteur JAP, puis une 250 Excelsior, une Norton Manx et une Velocette 350 KTT mk VIII avec un cadre double berceau équipé de sa nouvelle fourche triangulée. Le tout est construit en tubes de ø 38 mm en dural MG7 qui est 30 % plus léger que le dural T4 utilisé l'année précédente tout en offrant une meilleure élasticité. La puissance étant nettement plus conséquente que sur l'Ariel Trials des premiers essais, Earles se résout à conserver l'acier pour le bras oscillant soumis à de fortes torsions. Réalisant déjà la majorité des réservoirs en alliage léger pour les motos britanniques, il équipe évidemment sa moto d'un set d'accessoires complets en alu du réservoir aux garde-boue en passant par un très aérodynamique tête-de-fourche dans le prolongement du réservoir (manquant sur la photo). Seuls les fourreaux et les axes de sa légendaire fourche à bras oscillant ne sont pas en Dural. Elle offre un débattement de 100 mm et ne pèse que 4,250 kg avec ses amortisseurs Newton (remplacés par la suite par des Girling). C'est nettement moins que la fourche télescopique d'origine.
Pensée pour la course
Loin d'être philanthrope, Ernie Earles envisage de produire ce cadre pour la course et Moto Revue annonce même en mai 1951 la mise en production incessante de Norton Manx ainsi équipée. Pour prouver le bien-fondé de son projet, Earles engage au TT Senior de 1952 avec Charlie Salt, pilote d'essai BSA, une BSA bicylindre 500 A7 modifiée façon Clubman (36-38 ch au banc, avec culasse alu, carburateurs Amal TT et boîte à rapports serrés) équipée de ces cadre et suspension avant en alu. Il ne s'agit que d'une démonstration sans prétention. La BSA même modifiée, n'est pas une moto de course et son pilote, est un cran en-dessous des ténors comme Ted Armstrong vainqueur sur sa Norton Manx ou Les Graham, second au guidon d'une MV Agusta (à fourche Earles en bon acier !). Charlie Salt finit quand même 18e au Senior TT de 1953 et il sera 16e avec la même machine l'année suivante.
Malheureusement pour Ernie Earles, sa si belle partie cycle revenait beaucoup trop cher pour être mise en production même en petite série, la fiabilité de l'alliage effrayait les pilotes et ces cadres trop différents ne surent séduire le monde de la course. Cela n'empêchera pas sa fourche de connaitre le succès sur les circuits, mais en acier cette fois avec, pour commencer BMW et MV Agusta qui ont utilisé ces fourches en course, le premier en 1954-55 sur la 500 RS 54 à double ACT et le second dès 1953 sur la 500 quatre cylindres.
Bicylindre 4 temps face à la route calé à 360° - 497 cm3 (66 x 72,5 mm) - 36 à 38 ch au banc - Soupapes culbutées - Cylindre fonte, culasse aluminium - Allumage magnéto Lucas - Graissage à carter sec - 2 Carburateurs Amal TT - Boîte séparée 4 rapports serrés Embrayage à sec - Transmissions primaire et secondaire par chaînes - Cadre double berceau en tubes de duralumin MG7 ø 38 mm - Fourche avant type Earles en dural 4,25 kg, débattement 100 mm , ar. oscillante à 2 combinés - Freins à tambour ø 178 mm - Pneus 19".
Maintenant exposée au Sammy Miller museum en Grande-Bretagne, cette fabuleuse réalisation en tubes dural de ø 38 mm a été réalisée au chalumeau conventionnel. Ernie Earles utilisera par la suite la technique, alors révolutionnaire, du soudage à larc sous argon avec considérablement moins de risque déchec.