Leopoldo Tartarini a un don pour dénicher des contrats de fourniture de moteurs inattendus. L'aventure Italjet, commencée sous le nom de Italemmezeta en 1960, débute avec des moteurs MZ, alors construits derrière le rideau de fer, pas le meilleur endroit pour faire du business. Il y a ensuite le coup de maitre dans les années 70 avec l'importation des Yamaha qui va permettre à Italjet de proposer, entre autres, la 125 Buccaneer motorisée par le bicylindre de la Yamaha 125 AS1. Les années 80 enfin, où Italjet propose une 125 Skipper animée, cette fois, par un 125 Honda 4 temps, autre marque réputée peu prêteuse. À la fin des années 60, c'est Triumph qui si colle. En fait Leopoldi Tartarini, depuis la création de sa firme, n'a jamais arrêté de collaborer avec d'autres marques, Il noue ainsi ses premiers contacts avec le groupe BSA-Triumph, qui pense à remplacer (sous la marque Ariel) sa bien obsolète BSA Bantam 175 cm3 et qui le charge de développer une moto légère de 160 cm3 sur base Minarelli. Le projet n’aboutit pas, mais au moins sert-il à créer de solides liens avec le groupe britannique, qui accepte de vendre ses moteurs à Tartarini. 

Le marché italien, comme un peu partout en Europe, repart à la hausse au milieu des années 60. Comme toujours le grand Leopoldo Tartarini est en avance sur la mode et tire le premier, ex aequo avec Ducati.  Chacun présente sa 500 cm3 bicylindre face à la route à soupapes culbutées au salon de Milan de 1965, moteur maison évidemment pour Ducati et habits militaires et Triumph pour Italjet avec la Grifo 500. La présentation de nouveaux gros bicylindres italiens dans la deuxième moitié des années 60 est aussi motivée par l'appel d'offres lancé par l’état pour remplacer les vieillissantes Moto Guzzi Falcone 500 cm3 à monocylindre horizontal. Premier jet d’une longue série de twins et de monos anglo-italiens, sous les marques Italjet ou Indian, cette Italjet Grifo est animée par un Triumph 500 cm3 logé dans un cadre double berceau maison dont les tubes supérieurs horizontaux qui entourent ceux du berceau sont inspirés par le fameux Featherbed des Norton. Haute couture Tartarini, la Grifo est habillée d’une robe à couper le souffle, hyper moderne pour son époque. Le double frein simple came à l’avant est dû à Grimeca, les jantes sont en acier et les suspensions sont des Marzocchi à ressorts apparents. 

Le marché s’orientant vers de plus grosses cylindrées, Italjet passe de la 500 à la 650 et présente en 1967, la Grifon 650 (Grifon avec un seul f, car les noms de Grifo et Griffon sont déjà pris par deux autres marques) qui emprunte son moteur à la Bonneville. Sur la même base de partie cycle, la 650 Grifon s’est habillée de lignes bien adoucies et encore plus belles. Cette première mouture se décline en version sport à guidon plat, désormais sans ressorts de fourche apparents, et Daytona à grand guidon en cornes de vache et compteurs relevés, mais en 1969, à peine deux ans plus tard, Tartarini revoit sa copie avec le modèle ici présenté, avec un cadre plus classique qui perd ses tubes supérieurs entourant le double berceau. La Grifon gagne par contre un réservoir plus ventru, des panneaux latéraux avec un bossage formant plaque de numéro, un frein avant double came Grimeca et de belles jantes Borrani en aluminium.  La Grifon sera construite à environ 600 exemplaires, vendus entre 1967 et 1972 dans le monde entier, excepté en Grande-Bretagne où aucune ne peut être importée. Même l’usine Triumph n’en acheta pas un exemplaire pour le comparer à ses propres productions… dommage!