'Moto Guzzi
750 cm3 Autoveicolo da montagna 3x3 - 1962
Une mule à moteur, quoiqu'il en coûte !
Cet engin bizarre et compliqué présenté au salon de Milan en 1959 est né des élucubrations de militaires italiens pensant ainsi remplacer les mules sur les sentiers de montagne ! L'argent des contribuables aura au moins permis aux ingénieurs Micucci, Soldavini et au célèbre Giulio Cesare Carcano - concepteur de la fabuleuse 500 Guzzi V8 de Grand Prix - de s'offrir un délire mécanique sans limites. Cet engin extrêmement élaboré est en effet d'une incroyable complexité qui surpasse de très loin les side-cars 750 tractés BMW et Zündapp pourtant déjà gratinés. Il est vrai que dans le domaine des délires technologiques "quoiqu'il en coûte", la compétition et les militaires sont rois !
Les mules peuvent dormir sur leurs deux (longues) oreilles !
La moindre intervention devait nécessiter des mains de sage-femme vu l'entassement et les nombreuses articulations et points de graissage. Et pour tout arranger, lengin a un comportement dynamique assez fantasque aux côtés duquel la Jeep est un modèle. Cet "autoveiculo da montagna 3 x 3 " imaginé par le général Garbari ne sera produit qu'à environ 200 exemplaires de 1960 à 63, en plus des 20 de la présérie. C'est déjà un exploit, et ceux qui l'ont essayé confirment les inquiétudes. Cet engin déjà peu stable du fait des 3 roues, devient carrément dangereux quand on en rétrécit la voie sur les sentiers muletiers en bord de précipice ! Quant à remplacer les mules - justement appréciées pour leur pied sûr - pour tirer les pièces d'artillerie sur les sentiers de montagne, autant sauter directement dans le vide !
Instable, mais quelle santé !
L'empattement du Tre-per-tre dépasse à peine 2 mètres et sa voie est réglable en marche entre 1300 et 850 mm pour s'adapter à la largeur du sentier. Même un pilote de side-car s'inquiète de la stabilité d'un engin aussi étriqué au poids substantiel - 1 tonne à vide plus 570 kg de munitions haut perchés. Même un dévers en prairie pose problème, alors imaginez un étroit sentier montagnard humide, truffé de cailloux, de nids de poule et avec un lourd canon en remorque ! Oublions le confort du pilote mis à mal par une selle "dévirilisante", la mécanique, elle, pète de santé avec du couple à revendre, 6 vitesses dont une première rampante, trois roues motrices (environ 80 % de la puissance sur l'arrière) et un blocage de différentiel. La pente gravissable à pleine charge serait de 57 % et des chenilles peuvent se monter sur le train arrière.
Moteur bicylindre 4 temps en V à 90° refroidi par air forcé - 754 cm3 (80 x 75 mm) - 20 ch/4000 tr/min - Soupapes parallèles culbutées - Cylindre alu chromé dur, culasse aluminium - Carburateur Weber 26 IMB - Graissage sous pression par pompe à engrenages - Allumage batterie-bobines - Transmissions, primaire par engrenages secondaires par arbres et cardans, blocage de différentiel - Embrayage monodisque à sec, commande au pied - Boîte 6 vitesses avec marche arrière, commande au réservoir - Cadre en tubes et tôle emboutie - Suspensions avant télescopique monobras, arrière à bras oscillant - Empattement 2030 à 2050 mm, voie variable 850 à 1300 mm - Roues en tôle jantes 4,50 x 15" K, pneus 6,00 x 15" - Freins à tambour, commande hydraulique - Poids 1000 kg + charge 570 kg - Réservoir essence 53 l, huile 5,4 l - 50 km/h (en charge).
L'ingénieur Giulio Carcano est conscient du potentiel de son gros bébé kaki né fin 1959 et il prendra ce moteur épatant comme base de travail pour créer trois ans plus tard, en 1965, la première V7 de 700 cm3 qui perdra au passage 5 mm d'alésage, ses soupapes parallèles et son refroidissement par air forcé, entre autres...