Au milieu des années 70, les Mobylette des séries dites Spéciales, ont bien du mal à contrer le cyclosports italiens, allemands, belges, japonais ou même français qui arrivent avec leurs efficaces boîtes de vitesses, tout en conservant quand même les pédales encore bêtement obligatoires en France jusqu'en juillet 1983. Pour son dernier projet, avant de passer la main à son fils Christian, Eric Jaulmes, directeur technique de la Motobécane, va prendre la mode et la concurrence à contresens avec des choix osés tant sur le plan technique que sur celui du marketing.

Abandonnant toute image sportive, la nouvelle 99Z, reprend les lignes assez pataudes et déjà obsolètes de la Spéciale 98 apparue 14 ans plus tôt, en 1962, et donne dans le luxe et le confort plutôt que dans le sport. Elle aurait presque mérité le démarreur électrique adopté sur la 93 D, mais elle avait, on va le voir, un tout autre atout.

Bien que la vitesse soit limitée 45 km/h pour les cyclomoteurs depuis 1969, c'est à celui qui offrira le 50 cm3 le plus puissant. Les sportifs jouent avec leurs boîtes de vitesses et un débridage parfois bien facile. Pour les contrer, Eric Jaulmes a recours à un subterfuge malicieux et légal… puisque non prévu au règlement. Au salon d'octobre 1976, face à tous les cyclos sportifs à boîte de vitesses, Eric Jaulmes, pragmatique et têtu répète la même erreur de marketing que celle faite en 1972 avec la 350 tricylindre et expose ce qu'on pourrait appeler une GTU, Grand Tourisme Utilitaire, une sorte de Range Rover de la Mobylette. La base déjà connue est celle de la Spéciale 98 née en 1962. Elle en a même retrouvé le phare rond disparu sur les dernières versions. La différence est à chercher au niveau du tout nouveau moteur qui reprend la très ancienne technique du contre-piston développée par Hugo Ruppe en 1924 sur ses Bekamo tchèques et repris avec le succès que l'on sait par DKW en commençant par la 250 Ore de 1926. Le dispositif sera d'ailleurs aussi utilisé par Montesa en 1983.

Et bien ce dispositif, qui double en quelle que sorte la cylindrée, et que Motobécane qualifie pudiquement de "piston d'équilibrage", multiplie presque par deux la quantité de mélange comburant admis tous les deux tours dans le cylindre. Aveugle ou trop conciliant, le service des Mines de l'époque n'a pas fait d'objection ! Il s'agit de fait d'un véritable compresseur. Le petit piston-pompe qui piétine sous le moteur compresse les gaz admis dans le carter. Pour tout arranger, l'admission est régulée par des clapets, comme sur les Yamaha 250/350 RD et les DT trois ans plus tôt, mais aussi comme sur certaines DKW. Le rendement en est drastiquement amélioré avec un couple aux bas régimes, des performances en côtes et des accélérations inconnues jusqu'alors sur les Mobylette.

Le gain à haut régime est négligeable et la consommation, même si elle augmente de 20 à 30 %, reste comparable à celle des cyclos sports à boîte. Quoiqu'il en soit la vitesse des cyclomoteurs doit être limitée par construction à 45 km/h depuis 1969 et le but de la 99Z n'est pas de concurrencer les sportifs, Motobécane présentera pour ce faire les D 55 en 1975 et D 55 TT en 1976, premiers vrais  50 sportifs de la marque, tous deux équipés de boîtes à 5 vitesses. Le moteur à double piston équipera aussi, la D 95 TT qui remplace la D 94 TT en 1977. Au catalogue de juillet 1977 à octobre 1979, elle ne sera vendue qu'à 7 786 exemplaires. Contre 11 895 pour la 99 Z, produite d'octobre 1976 à octobre 1979