Sublime
350 cm3 bicylindre - 1946
La malédiction des grosses cylindrées françaises
C'est une vraie malédiction, un mauvais sort qui a touché pratiquement toutes nos tentatives nationales de revenir à la moto de grosse ou même de moyenne cylindrée. Soit c'est une guerre, soit c'est une crise financière, soit une crise du pétrole, une direction sans passion qui ne suit pas celle de ses ingénieurs ou tout simplement des ingénieurs visionnaires qui n'ont pas les moyens d'industrialiser leur projet et ne trouvent pas de soutien. Ce fut, hélas, le cas de la Sublime.
Le rêve devient réalité
pour un temps
La guerre vient à peine de commencer, qu'André Lemardelé et Marcel Perrin, tous deux pilotes et mécaniciens de talent, conçoivent le projet d'une 350 cm3 entièrement française qui marquerait le renouveau de notre industrie nationale. En toute modestie, elle doit être la meilleure et son nom s'impose, "Sublime". Le projet prendra corps entre 1940 et 1944 et la fabrication de deux prototypes est confiée aux Constructions mécaniques de Vélars à Vélars-sur-Ouche en Côte d'Or à une quinzaine de kilomètres à l'est de Dijon. La Sublime est présentée en grande pompes fin 1946 dans le magasin de Marcel Perrin à Boulogne-Billancourt. Après deux grands articles dans Moto Revue, qui en fait une couverture le 1er décembre 1946, nombre d'industriels de tous pays se renseignent sur la Sublime, d'Angleterre, du Brésil et même d'Australie et des États-Unis où l'avionneur Martin veut en produire 150 000 exemplaires par an. En France, le projet plait au bureau d'études de
Terrot, mais pas à la direction,
Monet Goyon est financièrement à l'agonie, Gnome et Rhône planche sur sa propre
500 bicylindre Super Star avec Giuseppe Remondini.
Motobécane travaille sur une 350 bicylindre en V qui sera rejetée par la direction et
Peugeot se concentre sur les petites cylindrées utilitaires
et c'est finalement une entreprise d'Amiens qui rachètera le stock de tubes pour fabriquer de sublimes brouettes !
Les créateurs
André Lemardelé, pilote en amateur dès le début des années 20, devient coureur et agent de Monet Goyon puis de différentes marques. On le voit au guidon des grosses cylindrées les plus célèbres comme la
1000 Mac Evoy. Consacré pilote professionnel en 1934, il débute par une participation au Paris Nice sur une
MGC. Il se lie ensuite avec Marcel Perrin alors qu'ils courent tous les deux sur
OK Supreme (Est-ce de là que naquit l'idée de nommer leur moto Sublime ?) Après avoir utilisé une
1000 Ariel Square Four, une
Gnome Rhône 750 X. En 1939 André et Marcel courent au circuit de l'Ain puis c'est l'exode. André Lemardelé part à Saint-Malo où il est contraint de travailler pour l'occupant sur des motos allemandes et là nait son idée de créer une moto française rassemblant le meilleur des constructions européennes. Marcel Perrin est enthousiasmé, bien sûr, et ils vendent tous leurs biens pour financer l'aventure et construire deux prototypes. Ce n'est hélas pas assez pour démarrer un projet industriellement et, faute de soutien des constructeurs contactés, ils durent en rester aux premiers prototypes qui sont présentés en grande pompe dans le magasin de Boulogne-Billancourt de Marcel Perrin en novembre 1946. André Lemardelé rejoint en 1949 le bureau d'études de Monet Goyon à Mâcon où il concevra différents projets, dont une 238 cm3 surnommée la grenouille.
Le top de l'époque
La Sublime exprimait parfaitement le rêve des motocyclistes sportifs de l'après-guerre et rassemblait les solutions les plus modernes : le moteur à cotes longue course et cylindres et culasses en aluminium est traité en semi-bloc à plan de joint horizontal avec une boîte détachable à 4 rapports. Il est fabriqué avec le plus grand soin grâce en particulier à la collaboration (volontaire ou non !) de Renault chez qui sont coulées les culasses hémisphériques. Les bielles sont en duralumin forgé et le vilebrequin d'une seule pièce tourne sur 3 paliers contrairement à la grande majorité des anglaises. Le graissage à carter sec est assuré par une pompe à 3 niveaux. En bons mécaniciens les constructeurs ont tout particulièrement soigné les points nécessitant un entretien. Réglage des culbuteurs par l'extérieur, roues à broche, etc. La fourche télescopique surmontée d'un capotage englobant le phare offre un amortissement hydraulique et un débattement de 120 mm. La suspension arrière oscillante, évolution de celle utilisée par Monet Goyon dans les années 30 avec un amortisseur fixe qui fait partie du cadre, permet de garder un empattement et une tension de chaîne constante. Les tubes du bras oscillant sont coniques et en duralumin.
Moteur 4 temps bicylindre face à la route refroidi par air - 340 cm3 (58 x 66 mm) - 20 ch/6200 tr/min - Soupapes culbutées - Allumage Magneto-France - Carburateur Amac à corps horizontal - Graissage à carter sec - Embrayage multidisque à sec - Transmissions primaire et secondaire par chaînes - Boîte 4 vitesses et sélecteur à droite - Cadre simple berceau - Suspension avant par fourche télescopique à amortissement hydraulique, arrière semi-oscillante - Freins à moyeux centraux en Alpax (Magnésium sur le projet d'une version course) ø 170 x 40 mm - Réservoir d'essence 17 l, huile 2,5 l - Pneus 3,25 et 3,50 x 19" - 4 l/100 km - 140 kg - 130 km/h.