Non, mais, vous avez vu la suspension arrière de cet engin ? Un parallélogramme déformable qui se vantait à juste titre de conserver une tension constante aux deux chaînes de transmission qui, c'est rare, sont placées du même côté. Les chaînes ont sûrement apprécié et les essayeurs de l'époque ne tarissent pas d'éloge sur le confort assuré par cette suspension magique (la presse était alors facilement élogieuse et bien rarement critique !). Nous sommes plus septiques sur la rigidité de la partie arrière suspendue avec tant d'articulations susceptibles de prendre du jeu. Le système imaginé par Léon Thivolle n'équipa heureusement que des 100 et 125 cm3 dont la grande puissance ne fit jamais tordre un cadre.

La première page de cette histoire se situe à Bourg-en-Bresse en 1904 où Joseph Chapolard, commerçant avisé, ouvre son premier magasin « Aux Docks des Machines » : vente et réparation d'automobiles, de motocyclettes, cycles et machines à coudre. Dès 1911 ces fabrications portent sa propre marque, Radior. Les affaires marchent bien et redémarrent si fort en 1919 que Joseph Chapolard ouvre une toute nouvelle usine en 1920 avec une grande idée d'expansion en tête. Il s'est lié en 1918, au Service Auto de l'Armée, avec Léon Thivolle, un jeune ingénieur des Arts et Métiers d'Aix-en-Provence qu'il engage en 1926 pour concevoir les premières motos Radior. Tout commence par une 175 cm3 à moteur Moser culbuté et la marque s'enrichit vite d'une gamme complète de 100 à 500 cm3 animée par des moteurs prestigieux, JAP ou Chaise pour les gros cubes, et Aubier-Dunne pour les petites cylindrées qui reçoivent à partir de 1931 des deux temps maison siglés Nervor.  En 1929, Léon Thivolle quitte Radior pour aller, non pas chez Neiman avec qui il eut pu créer "Léon Thivolle Neiman" (!), mais chez Dollar. Deux ans plus tard, en 1931, il crée avenue Parmentier à Paris, Verlor, sa propre marque de motos, spécialisée dans les BMA, une nouvelle catégorie qui fait fureur depuis sa création en 1925 suivie par la crise financière de 29.

Un décret du 12 septembre 1925 a en effet changé le cours de l'histoire de France (de la moto). Ce jour-là sont nées les Bicyclettes à Moteur Auxiliaire dites BMA conduisibles sans permis dès 14 ans, non soumises à l'immatriculation et définies par quatre limitations : 100 cm3, 30 kg, 30 km/h et des pédales.  Quelques constructeurs y font fortune, Radior avec ses "Radiorette" nées en 1930 et surtout Motobécane qui devient le grand spécialiste de la BMA économique avant de gagner le jackpot avec les cyclomoteurs qui y font suite en juin 1943.

D'autres usines tentent de surfer sur la législation : 30 kg, d'accord, mais "sans les options", obligatoires de fait, qui transforment la BMA en vraie petite moto qui double parfois les 30 km/h légaux. Pédalier amovible et pignons de boîte en option sont courants, en revanche Verlor sera l'un des seuls chantres d'une option bien plus originale : la suspension arrière et à parallélogramme en plus !

Oublions les premières BMA Verlor à moteur Stainless deux temps deux vitesses et leur cadre simple berceau interrompu des plus ordinaires, Léon Thivolle propose aussi dès 1933 des modèles pour homme ou pour "dames et ecclésiastiques", comme ici présenté, où la triangulation arrière fixe est remplacée par un ensemble monté sur biellettes constituant un parallélogramme déformable qui s'appuie, par l'intermédiaire d'un levier (avec trois positions de réglage), sur un ressort travaillant en compression. Le confort promis ne fait, hélas, pas recette et, fin 1936, Verlor dont la production est restée très artisanale doit déposer le bilan. Joseph Chapolard réengage Léon Thivolle qui revient chez Radior avec ses brevets. Devenue une sous-marque de Radior, Verlor distribuera les modèles de la marque burgienne jusqu'à sa disparition en 1956.